Chapitre 1 : Jay
En ce mois de septembre, le froid peinait à recouvrir la ville. Il était difficile de parler de chaleur, néanmoins, l'automne n'avait pas encore remplacé l'été.
Je m'efforçais de marcher plus vite, sachant que j'étais déjà en retard. La foule dans ce quartier branché m'empêchait de véritablement courir, surtout un vendredi soir. Mes Vans avaient été enfilés sans resserrer les lacets et je sentais l'arrière de mes chaussures s'échapper à chaque pas. Mon sac à dos imposant me donnait un avantage dans cette jungle de fêtards, ils me laissèrent passer avec plus ou moins de facilité jusqu'à ce que j'atteigne le club où je travaillais, L'intimi Club.
L'homme à l'entrée me repéra et accepta que j'utilise la porte de service pour pénétrer à l'intérieur. La musique était puissante, l'odeur caractéristique de l'alcool et de la sueur ambiante pénétra dans mes narines. Dès que j'atteignis le vestiaire, on m'interpella :
— Tu es en retard, Jay !
— Je sais, soupirai-je en ouvrant mon casier pour y déposer mon sac à dos.
— C'est toujours la même chose avec toi, râla mon collègue.
Il avait raison, j'étais toujours en retard. Au lycée, ma petite personne était catégorisée comme le retardataire. C'était ma plus belle réputation. Mais si j'étais continuellement en retard le vendredi soir pour venir dans ce club, ce n'était pas pour perpétuer mon habitude, non, c'était parce que je n'avais pas le permis et que je venais en bus. Dieu seul savait à quel point les transports en commun étaient chaotiques. Les grands éternels adeptes du retard, c'étaient eux. Indétrônables.
— Grouille-toi, on fait la première partie, dans dix minutes.
— Oui, oui.
Mes vêtements furent enlevés prestement et j'enfilai la tenue pour le show de ce soir. Il n'y avait plus personne dans le vestiaire, mis à part Grégory et moi-même. Les autres devaient déjà se tenir près de la scène, s'échauffant.
Faire la première partie était sympa, je pourrais partir plus tôt. Évidemment, que je rentre au domicile familial à une heure ou quatre heures du matin, je devais quand même passer en douce par la fenêtre.
Mes parents étaient plutôt cool, me laissaient sortir avec mes potes, même en semaine, mais ils n'auraient jamais accepté ce type d'activité nocturne.
Alors là plupart du temps, je m'échappais en cachette ou je mentais, prétextant une soirée chez des amis. Pour le moment, mes mensonges n'attisaient aucune suspicion, mais j'avais clairement une épée de Damoclès au-dessus de ma tête !
Quoi qu'il en soit, rentrer plus tôt ce soir m'évitait de me réveiller tard le lendemain. Et c'était cool, puisque demain, c'était l'anniversaire de mon grand frère, Théo, et il devait venir à la maison pour un grand repas de famille. Si j'avais une mine de déterré, ils risquaient de poser des questions auxquelles je n'avais aucune envie de répondre par de perpétuels mensonges.
— Jay ! hurla cette fois-ci mon patron. Bouge-toi le cul !
— J'arrive !
— Tu as une réservation pour une danse privée plus tard, je te donnerai les détails après ton passage. Dépêche-toi un peu.
— Une danse privée ? répétai-je, surpris, tout en essayant d'attacher le pantalon à pression.
— Plus tard, grogna le patron aux cheveux toujours trempés de sueur.
Impatient, Grégory vint me sauver de ce fichu pantalon. Avec son aide, je pus me retrouver à l'arrière de la scène à temps lorsque le régisseur du son envoya notre musique.
Un compte à rebours s'enclencha. Remontés à bloc, nous pénétrâmes sur scène en file indienne, ondulant sur les notes. Les pas s'enchaînèrent avec précision afin d'adopter une composition particulière en forme de « V ». Puis, inspirés par l'énergie des cris et le tempo de la musique, nos corps entamèrent un déhanché contrôlé et sensuel. Je me laissai transporter par le moment, appréciant l'euphorie.
La danse était une de mes activités préférées au monde, un instant de pur bonheur où l'esprit se déconnectait au profit du corps et des sensations. Petit à petit, la chorégraphie nous amena à nous défaire de notre tenue. Lentement, avec des gestes assurés, nous nous délestâmes de notre haut sous les cris ahurissants des clients, venus exprès pour ce show. Le sourire collé aux lèvres, je m'amusais comme un fou alors que je me trémoussais sur la musique et que j'enlevai mon pantalon. À demi-nu, l'hystérie devint presque palpable.
Nos mouvements contractaient judicieusement nos abdominaux et la composition changea progressivement. La nouvelle formation me plaça bien plus en avant, m'exhibant ainsi plus directement. Un feu courait dans mes veines, la sensation d'être vu et acclamé provoquait un flot d'adrénaline que j'affectionnais.
Jamais je n'aurais cru possible de prendre autant de plaisir dans le fait de se déshabiller devant d'autres personnes, pourtant, j'appréciais. Le mélange de danse et d'exhibitionnisme me séduisait, j'étais mis en avant, on me regardait et on appréciait mon talent. Ce travail libérait quelque chose en moi.
La musique touchait à sa fin et avec mes collègues danseurs, nous glissâmes au sol pour effectuer des mouvements lascifs. Mon regard n'était jamais fixé sur la foule, il balayait les lieux sans jamais se poser sur un endroit précis afin de rester concentré. Mes lèvres affichaient continuellement un sourire, qu'il soit porteur de malice ou de rire, il représentait ma joie.
Le show se termina et je sortis de scène me dandinant comme l'exigeait la danse. Une fois à l'arrière des coulisses, à l'abri derrière les rideaux, je soufflai un bon coup. Mon cœur battait à tout rompre et mon corps était recouvert d'une pellicule de sueur assez conséquente. Il était l'heure de la douche.
— Super ! nous félicita le patron. Allez, allez ! On se bouge !
D'autres hommes arrivèrent pour prendre le relais et nous filâmes dans les vestiaires pour dégager le passage. La douche fut bienvenue, après un tel spectacle. Mine de rien, danser avec autant d'énergie, sous les spots lumineux, faisait suer, même si nous nous déshabillions.
— Jay, viens par-là, exigea Jim, le patron.
— Oui ?
— Un client t'a réservé pour une danse privée à une heure trente. C'est nouveau pour toi alors va en salle et observe. Je suis sûr que tu t'en sortiras.
— Mais...
— Pas de mais, me coupa-t-il. Tu voulais essayer les solos ? Alors assure ce soir et tu auras un solo.
Le patron me fit un clin d'œil et me donna un papier avant de sortir du vestiaire pour vociférer ailleurs. Mes yeux se posèrent sur ce papier. Le nom du client était indiqué et la table où je devrais le retrouver ainsi que ses exigences.
Dans ce club, il n'y avait pas de nudité totale, c'était interdit. Pas d'actes sexuels rémunérés non plus. Pourtant, en travaillant ici depuis deux mois, je savais que certaines prestations privées se déroulaient dans les box fermés et que les règles étaient bien plus souples derrière ces verres opaques. Les strip-teaseurs et strip-teaseuses se permettaient des extras pour leur bénéfice. D'après les bruits de couloir, le patron faisait mine de ne rien savoir, il ne prenait pas de pourcentage, en revanche le prix de réservation des box privés était exorbitant. Mais la danse privée que j'avais à effectuer n'impliquait aucun box, Dieu merci !
Gregory m'accompagna dans la salle principale où de multiples tables basses étaient entourées par des fauteuils bas. Le bar au fond de la pièce s'illuminait de néons multicolores. Nous nous mîmes en retrait dans un coin qui donnait une vue dégagée sur l'ensemble de la salle. Très vite, je repérai la table de mon client. Plusieurs hommes étaient assis, buvant et riant à gorge déployée.
— Ça va aller, me rassura mon collègue.
— J'ai jamais fait ça.
— Tu connais les pas de base, sers-t'en. Et puis le reste viendra tout seul avec la musique.
J'étais assez partagé, je n'avais jamais accepté de faire des shows privés, cela ne m'intéressait pas vraiment, ce que j'aimais, c'était la scène. Jim ne me laissait toutefois pas le choix, c'était le patron. Et j'avais besoin de ce job. Il payait vraiment bien !
Quelques danses particulières se déroulaient ici et là dans la salle, comme l'avait indiqué le patron, et mon regard inspecta chaque mouvement afin de les mémoriser. En effet, il n'y avait pas beaucoup de différences avec les chorégraphies que l'on apprenait pour les shows. La seule notable était la proximité avec un objet de chair très réel et non plus imaginaire comme dans nos danses de spectacles. Il fallait se dandiner à moitié nu sur un corps.
Je n'avais pas assez d'expériences ou la même assurance que mes collègues de travail. Et à ce moment-là, mon jeune âge me revint en pleine tête. Malheureusement, je ne pouvais admettre ce fait, je paniquais déjà bien assez à l'idée qu'un jour le patron découvre que je n'avais pas dix-huit ans.
Peu importait, je pouvais le faire, j'étais assez à l'aise. L'art de séduire avec son corps, je connaissais plutôt bien, la danse m'avait appris à avoir confiance en moi.
Prêt à relever le défi, je me redressai, le menton droit et fier. J'allais faire cette danse privée et j'allais tout déchirer.
Mes yeux traversèrent la salle pour se poser sur mon futur client et lors de leur recherche, ils captèrent quelque chose.
Au fond de la salle, dans un coin, un espace de canapés accueillait un groupe d'une dizaine de personnes. Une touffe de cheveux, d'un blond foncé, attira mon attention. Puis je tombais sur un visage que je connaissais parfaitement bien. Ou plutôt plusieurs.
Putain de bordel de merde.
*
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