Chapitre 35

«Nous deux, c'est fini.»  

Point de vue d'Abigail.

Mon père s'en était allé le jour qui a suivi la fête, emportant avec lui un autre bout de mon cœur. Je m'étais promis de faire bonne figure à son enterrement mais la tâche s'avérait beaucoup plus difficile que ce que je pensais. Beaucoup de membres de notre famille habitant aux quatre coins du pays avaient fait le déplacement et cela me réchauffait le cœur. J'étais ravie de revoir ma tante, la sœur de ma mère, qui semblait touchée de la mort de mon père comme s'il s'agissait de son propre frère. Elle me prit dans ses bras et me présenta toutes ses condoléances. Je pleurai un peu plus contre elle.

Justin restait à mes côtés, partout où j'allais, avec notre fils dans les bras. Chacune de ses marques d'affection m'aidait à supporter cette journée. Il vint le moment des discours et nous nous étions tous réunis autour de la tombe. Tout le monde avait respecté le dressing code en s'habillant en noir.

Pattie me tenait la main pendant que les gens défilaient devant le cercueil pour adresser un dernier mot à mon père. Même si nous nous étions isolés à Boston et que nous contactions la famille quasiment seulement pour le nouvel an, Thanksgiving et Noël, ils avaient tous gardé un très bon souvenir de nous et cela ressortait dans les mots.

Vint le tour de la famille Bieber et Pattie et Thomas préférèrent rester sur le côtés n'ayant pas grand chose à dire sur mon père, ce que je comprenais. Je m'attendais à ce que Justin fasse de même mais il se plaça au milieu du demi cercle. 

- Ma relation avec le père d'Abigail n'a pas toujours été facile. Il fut un temps où je le détestais. Je trouvais que c'était un père indigne et qu'il ne méritait pas la fille qui l'avait. Mais grâce à lui, j'ai appris que les personnes en détresse pouvaient être capable du pire sans le vouloir et qu'il fallait savoir les pardonner. Il m'a donné sa confiance alors que je ne le méritais pas forcément. Il m'a laissé prendre soin de sa fille sans jamais douter de moi et je ne le remercierai jamais assez pour ça.

Ses yeux commençaient à se perler et cela me rendait émue de voir qu'il était touché.

- Monsieur Waller était quelqu'un de courageux et un père exemplaire. Il n'a jamais abandonné Abigail après la mort de sa femme et je l'admire pour ça. Qu'il repose en paix désormais.

Il retourna auprès de moi et je le remerciai pour son discours. Désormais, il ne restait plus que moi. Je m'avançai devant la tombe et sortis le papier de ma poche. C'était le mot de mon père adressé à ma mère que j'avais gardé bien au chaud. Je le dépliai et pris une grande inspiration.

- Je me suis rendue ici, sur la tombe de ma mère, il y a quelques jours et j'ai trouvé un mot que mon père lui a laissé avant de s'en aller pour toujours. Je tenais à vous le lire parce qu'il décrit parfaitement le souvenir que je veux garder de lui : l'amour qu'il avait pour ma mère.

Je jetai un coup d'œil à Justin pour me donner du courage. Puis, me lançai. 

«Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.»

Les connaisseurs avaient reconnu le poème de Victor Hugo, les autres devaient sûrement penser que mon père aurait pu être poète dans une autre vie. Je m'effondrai à la dernière syllabe et Justin vint me prendre dans ses bras. Pattie prit le relais afin de clôturer la cérémonie. Le plus dur avait été fait. Je devais maintenant faire son deuil et aller de l'avant. Pour lui, je me devais d'y arriver.

...

J'avais décidé qu'il n'y aurait pas de cérémonie post-enterrement. Je voulais qu'on passe très rapidement à autre chose pour pouvoir faire mon deuil au plus vite. Justin avait réservé une table dans un restaurant pour qu'on dîne en tête à tête ce soir. Je ne savais pas comment je pourrais un jour lui rendre tout ça. 

Briana était restée avec moi et nous étions dans l'appartement pour ranger et nettoyer les lieux afin de rendre les clés et quitter l'endroit une fois pour toutes. Nous étions actuellement dans la cuisine en train de laver les étagères. Plus j'étais active, moins je pensais au fait que j'étais désormais orpheline.

- Il faudra que tu me fasses visiter la maison, me dit-elle.
- Tu pourras venir demain.
- Cool ! Y a une chambre d'amis pour moi ? 
- Je ne pense pas que tu veuilles dormir à côté des pleurs de Julian.
- Il ne restera pas toute sa vie un bébé.
- Tu pourras dormir avec moi de temps en temps. 

Pour l'instant, la chambre de mon père resterait la chambre de mon père. Mais je savais qu'un jour où l'autre, il faudrait que je la laisse pour un autre usage. 

- Si Justin ne râle pas, souligna-t-elle.
- C'est vrai, souris-je.
- Si on m'avait dit l'année dernière que vous auriez un enfant et que vous emménageriez ensemble, je ne l'aurais jamais cru.
- Moi non plus. Tout est allé si vite.
- Il était très présent pour toi aujourd'hui. J'apprécie tout ce qu'il fait pour toi.
- Moi aussi. Je ne pense pas que j'aurais vécu la situation de la même façon sans lui.

Elle semblait pensive. Elle avait l'air de vouloir dire quelque chose mais n'osait pas.

- Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandai-je.
- Rien.
- Non, Bri. Je vois bien que tu essayes de me dire quelque chose.
- Tu me promets de ne pas t'énerver ? 

Je posai mon chiffon sur le plan de travail et concentrai toute mon attention sur elle. Qu'allait-il me tomber dessus encore une fois ? 

- Je ne sais pas, dis-je.
- Ça s'est passé il y a très longtemps, tu n'as vraiment pas de quoi t'énerver.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé il y a très longtemps ? 

Je sentais la pression monter en moi. Si elle me gâchait cette journée déjà riche en émotions, je ne le lui pardonnerais pas.

- J'ai voulu te le dire un million de fois dès que j'ai su que vous vous rapprochiez mais je n'ai jamais réussi à le faire.
- Briana ! Arrête de faire la langue de bois et parle !

Elle posa son chiffon à son tour. Je croisai les bras sous ma poitrine.

- Ça s'est passé à une soirée en début d'année l'année dernière. Tu n'étais pas là. Justin et moi nous sommes isolés dans une chambre et on a commencé à parler. On était très proche, comme un couple. On s'embrassait et on parlait de tout et de rien. Et ce soir là, je l'ai vraiment vu autrement. Il était tellement différent qu'en l'espace de quelques secondes, l'idée de quitter Paul pour lui m'a traversé l'esprit. Mais le lendemain, il ne se rappelait plus de rien et j'ai compris que tout ça s'était passé seulement parce qu'il était trop soul. Je l'ai d'abord très mal pris mais ensuite j'ai réalisé que c'était lui, qu'il restait un coureur de jupons, un manipulateur et que je n'ai pas pu être spéciale à ses yeux une seule seconde.

Je sentais les larmes bordaient mes yeux et ma gorge se nouait. Ma meilleure amie avait eu un rapprochement avec mon petit-ami et elle ne me l'avait jamais dit. Même si tout ça s'était passé bien avant que Justin et moi commencions à se voir, je me sentais trahie.

- C'est pour ça que j'étais si catégorique à son sujet quand j'ai appris ce qu'il se passait entre vous. Je ne voulais pas qu'il te fasse croire à toi aussi que tu étais différente des autres pour te jeter ensuite. Ce n'était pas de la jalousie, j'avais sincèrement peur pour toi.

Je secouai la tête. J'étais dégoûtée. J'avais envie de tout casser autour de moi. 

- Il ne se souvient de rien Abigail alors ne lui en veux pas de ne t'avoir rien dit.
- Ferme-la, crachai-je. Ne me dis pas quoi faire.
- Je suis désolée Abby. J'ai vraiment essayé de te le dire.

Rien que la vision de les voir s'embrasser me donnait envie de vomir. Elle avait touché ses lèvres la première, elle avait eu son attention la première, il lui avait confié des choses à elle en premier. J'avais l'impression que tout n'avait été que mensonge. Putain, ce n'est pas possible. Tout était clair maintenant. Ses agissements et ses paroles envers lui prenaient tout leur sens.

- Tu te rends compte de ce que tu es en train de me dire là ? élevai-je la voix.
- Il était bourré Abby, ça ne compte pas.
- Si, visiblement ça a compté pour toi.
- Ça a compté sur le moment, ça n'a plus jamais compté après.
- Je te déteste. Sors de chez moi ! 

Elle ne chercha pas à ce que je la retienne et s'en alla. J'éclatai alors en sanglots. Ma vie n'était qu'une succession de mauvaises nouvelles. J'étais fatiguée, exténuée de tout ça. En pleurs, je pris un taxi pour aller voir Justin. Il me fallait sa version. J'étais certaine que Briana le protégeait en racontant qu'il ne se souvenait de rien. J'étais certaine qu'il se souvenait très bien de cette soirée.

J'arrivai en trombe dans la maison et me dirigeai directement dans notre chambre. Je le retrouvai en train de jouer avec Julian. Je claquai la porte derrière moi et me présentai près de lui. 

- Ça va ? fronça-t-il les sourcils. T'as pleuré ?

Il se redressa et posa Julian sur le lit.

- Briana m'a dit pour vous deux.
- Quoi ? fit-il confus. Comment ça ?
- Je sais ce qu'il s'est passé entre vous.
- Attends, qu'est-ce que tu racontes ? Il ne s'est rien passé entre Chambers et moi.
- T'as plus besoin de mentir. Je connais la vérité.
- Mais je ne te mens pas Abigail. Je ne comprends pas de quoi tu me parles. 

Je secouai la tête, fondant en larmes une énième fois. 

- Eh, s'approcha-t-il de moi.
- Ne me touche pas !
- Mais explique-moi ce qu'il se passe !
- Vous vous êtes embrassés l'année dernière ! Vous avez passé la soirée ensemble et vous étiez comme un couple ! 

Il semblait complètement perdu mais je ne devais pas m'arrêter à ça. 

- C'est impossible Abigail. Je n'ai jamais pu faire ça.
- Apparemment tu étais trop soul pour t'en souvenir. 
- Ce n'est pas possible, murmura-t-il.

Il se frotta le visage et s'assit sur le lit. La colère ne redescendait pas en moi. Je leur en voulais à tous les deux pour ce qu'il s'était passé.

- Nous deux, c'est fini, pris-je la décision.
- Quoi ? Tu peux pas faire ça ! 
- Je ne peux pas accepter un truc pareil.
- Qui te dit que ta meilleure amie n'est pas une grosse mytho et qu'elle n'est pas jalouse de nous ? Pourquoi elle ne le dit que maintenant ? Tu ne trouves pas ça bizarre ? 
- Je ne sais pas Justin mais pour l'instant, je veux juste être seule.
- C'est injuste Abigail. 

Je ne dis pas un mot de plus et partis me réfugier dans la chambre de mon père. Il fallait que j'arrête de penser que chaque situation ne pouvait pas être pire parce qu'elle finissait toujours par l'être. Je l'entendis toquer à la porte mais je le suppliai de me laisser tranquille. Il fallait que j'avale la pilule, encore une fois. Et celle-ci, elle ne passait pas.

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