Chapitre 30
«Il va mourir.»
Point de vue de Justin.
Abigail n'avait cessé de pleurer depuis la découverte de son père inconscient chez elle. Nous étions à l'hôpital depuis plus de deux heures maintenant. Thomas ainsi que ma mère et ma petite sœur nous avaient très vite rejoints. L'attente était interminable et j'avais énormément de mal à supporter le fait de voir la fille qui partageait ma vie dans un état pareil.
- Abigail, s'il-te-plaît, calme-toi, lui dis-je.
Ses yeux étaient rouges, elle n'arrivait même plus à respirer correctement. Elle était plus que déboussolée, elle était carrément anéantie. Cela me brisait le cœur.
- Il va s'en sortir, la rassurai-je.
Elle secoua la tête négativement. Elle était persuadée du contraire.
- Il va mourir, me dit-elle non sans mal. Comme ma mère.
- Ne dis pas des choses pareilles.
- Mais c'est ce qu'il va se passer. Je ne connais que trop bien cette situation.
Le verdict finit par tomber après que les médecins aient reçu les résultats des nombreux tests que Monsieur Waller avait effectué. Ce dernier était en phase terminale du cancer des poumons et il ne lui restait plus que quelques jours à vivre. Abigail s'effondra une nouvelle fois et entraîna mon cœur dans sa chute. Je restai quelques secondes de marbre ne sachant pas quoi faire. Comment devions-nous réconforter une personne qui venait d'apprendre qu'elle deviendrait bientôt orpheline ?
Puis, je la pris dans mes bras et la serrai fort contre moi comme si à tout moment elle pouvait perdre la vie elle aussi. Le seigneur avait décidé une nouvelle fois de nous mettre à l'épreuve et même si je n'avais aucune idée de comment nous allions faire pour la surmonter, j'étais certain que nous y arriverions. Enfin, je crois.
Julian se mit à pleurer comme si la situation n'était pas assez insoutenable et Thomas eut la gentillesse de sortir pour le calmer. Un tas de choses me passait pas la tête. Les paroles de Briana me revenaient à l'esprit et j'avais peur qu'Abigail fasse une dépression à nouveau.
Elle finit par se détacher de moi et enlaça son père encore inconscient. Ma mère en profita alors pour me prendre à part, Jazmyn accrochée à sa jambe.
- Tu vas devoir être fort Justin et la soutenir plus que jamais car elle a besoin de toi, me dit-elle.
- Je sais maman. Je ne vais pas la lâcher.
- J'espère qu'elle pourra surmonter cette nouvelle épreuve.
- Je l'espère aussi.
- Tu sais en tout cas que si vous avez besoin d'aide, on est là.
J'étais abattu. Je pensais à Julian et au fait qu'il grandirait sans ses grands parents du côtés de sa mère et cela m'attristait encore plus. Pourquoi avions-nous si peu de chance ? J'avais du mal à croire que je n'étais pas en plein cauchemar. Et pourtant, tout cela était bien réel.
...
Après avoir supplié Abigail de rentrer à la maison, en vain, j'étais de retour entre les cartons, avec Julian, Thomas et Jazmyn. Ma mère avait décidé de rester avec elle. J'avais appelé Valentin pour lui demander de passer. Il fallait que je me confie, que j'aie un ami à mes côtés. Il arriva une demi-heure plus tard avec deux bouteilles de bière à la main. Nous nous isolâmes dans ma chambre. C'était Thomas qui s'occuperait du bébé pendant ce temps.
- C'est la merde, lui dis-je directement.
- Vous vous êtes encore disputés avec Abigail ? me demanda-t-il en décapsulant les bouteilles avec un briquet.
- Non. Son père est à l'hôpital. On vient de lui diagnostiquer un cancer des poumons.
Il me regarda choqué.
- Il va mourir ?
- Il lui reste quelques jours.
- Je suis désolé mec...
- Moi aussi. J'ai l'impression qu'on a sans cesse des problèmes.
- C'est clair. Vous n'êtes pas épargnés.
Il me tendit une des deux bouteilles et je le remerciai. J'en bus une gorgée et cela me fit du bien. C'était dans ces moments de stress infernal que j'avais envie de fumer mais Abigail ne me le pardonnerait pas.
- J'ai peur, avouai-je.
- De quoi ?
- De ne pas être à la hauteur. J'ai peur de ne pas être capable de lui redonner le sourire. J'ai peur que Julian et moi ne soyons pas suffisants pour la garder avec nous. J'ai peur de tellement de choses maintenant.
- Tu penses qu'elle pourrait... marqua-t-il une pause. Se suicider ?
- Briana m'a dit qu'elle était tombée en dépression à cause de la mort de sa mère. La dépression peut entraîner la mort, tu sais.
- Elle ne peut pas laisser son fils sans sa mère. Elle sait ce que c'est. Elle ne lui fera pas vivre la même chose.
- Je ne sais pas. Je sais qu'elle est très courageuse et forte mais je te jure Val, je ne l'ai jamais vue aussi détruite.
Rien que le fait d'y penser me serrait la gorge.
- Comment vous allez faire pour la maison ? Vous devez partir.
- Ils ont accepté de nous rallonger de quelques jours la durée de location mais je t'avoue que c'est la dernière chose dont j'ai envie de m'occuper aujourd'hui.
- Il vous reste des visites ?
- Oui. Je dois en visiter deux cet après-midi avec Thomas et ma petite sœur.
- Alors qu'est-ce que t'attends ? Vas-y. Réglez ça comme ça tu pourras te concentrer sur Abigail.
- On part dans une heure.
- Je peux garder Julian en attendant si tu veux.
Je ris.
- T'es même pas capable de t'occuper de toi-même, je ne vais pas te confier mon fils.
- Tu me sous-estimes mec.
- Je n'ai vraiment pas envie de perdre encore quelqu'un de ma famille, le piquai-je gentiment.
- Tant pis. T'as perdu l'occasion d'avoir une nounou gratuitement, rit-il.
Je secouai la tête amusé. Toujours aussi con ce Valentin.
- Tu sais ce que tu devrais faire ?
- Non ?
- Tu devrais faire en sorte que les derniers jours entre le père de Waller et elle soient inoubliables, me suggéra-t-il. Au moins elle garderait un bon souvenir de son hospitalisation.
- Comment je pourrais faire ça ? Et puis, il est dans le coma.
- Ah...
Il prit une gorgée de sa bouteille.
- Je sais que tu trouveras comment lui remonter le moral, essaya-t-il de me rassurer. Tu es le garçon qu'elle aime.
- Je ne sais même pas si elle m'aime. On est peut-être en couple mais qui dit que c'est pas parce qu'elle ne voulait pas me foutre un râteau qu'elle a accepté d'être avec moi. Qui dit que c'est pas parce qu'elle manque d'affection ou qu'elle veut juste une situation stable pour Julian.
- Arrête, tu te prends trop la tête pour rien.
- Peut-être... J'ai juste l'impression que je suis plus investi qu'elle dans notre couple.
- A mon avis c'est qu'une impression.
De toute façon, je ne comptais pas embêter Abigail avec mes doutes. Ce n'était clairement pas le moment.
- Et toi avec Briana ? changeai-je de sujet.
- Tout va bien pour le moment.
- Tu n'as toujours pas quitté Zara ?
- Non.
- Je ne te soutiens vraiment pas dans cette histoire.
- Je vais le faire, donne-moi juste encore un peu de temps.
- Je ne pensais pas que Briana était le genre à accepter d'être la maîtresse de quelqu'un, ajoutai-je.
- Elle s'en fout. Je sais que je suis juste un pansement pour elle.
- Chambers... Quelle phénomène cette fille.
- N'oublie pas qui t'étais y a encore un an en arrière.
- C'est vrai que j'ai beaucoup changé.
Je ne pouvais nier le fait que l'époque où les seuls problèmes que j'avais étaient de savoir avec qui je finirais la soirée me manquait. Pas parce que je n'enchaînais plus les conquêtes aujourd'hui mais parce que j'avais eu beaucoup moins de poids sur mes épaules à cette période. Je n'étais juste qu'un ado de dix-huit ans, avec quelques problèmes familiaux mais qui pouvaient encore gérer. Maintenant, tout était invivable.
...
Valentin était parti et j'étais allé visité avec Thomas, Jazmyn et Julian deux maisons. J'étais incapable de me prononcer là-dessus. Ma tête était trop ailleurs. J'avais acheté un bouquet de roses rouges avant de retourner à l'hôpital où je retrouvai ma mère et Abigail. Cette dernière pleurait encore le sort de son père inconscient. Mon cœur se serra. Je me dirigeai directement vers elle et lui tendis le bouquet.
- Merci, t'étais pas obligé.
Elle s'effondra dans mes bras et je la serrai fort contre moi. Les battements de mon cœur s'emballèrent. J'étais partagé entre la tristesse et le bien être dans ses bras. Sortie de mon étreinte, elle sentit les fleurs puis me sourit. Malgré ses yeux rouges, malgré les larmes sur ses joues, malgré son chignon en pagaille, malgré sa mine épuisée, je la trouvais toujours plus belle quand elle souriait.
Ma mère proposa de chercher un vase et de l'eau pour conserver le bouquet et nous laissa tous les deux quelques minutes. Enfin, avec son père dans le coma à côté.
- Est-ce qu'ils savent s'il va bientôt se réveiller ?
- Normalement, il se réveillera avant de mourir.
Sa voix se bloqua quand elle prononça ce dernier mot et je la pris à nouveau dans mes bras avant qu'elle ne se mette à sangloter à nouveau. Sois forte s'il-te-plaît. Je pris sa tête entre mes mains et elle se mit sur la pointe des pieds pour m'embrasser. Ses lèvres avaient un goût salé mais elles me procuraient quand même la même sensation. Je ne me lasserais jamais d'elles.
A bout de souffle, elle mit fin au baiser. J'essuyai ses joues en gardant mes yeux verrouillés sur les siens. Ils étaient encore plus impressionnants avec ce mélange de couleurs bleu et rouge. Elle prit mes mains et les retira avec tendresse de son visage. Puis, elle retourna aux côtés de son père.
- Comment va Julian ? me demanda-t-elle.
- Il va bien, ne t'inquiète pas.
Ma mère fit son retour avec le vase rempli d'eau qu'elle était venue chercher. Elle s'occupa du bouquet de fleurs pendant que le silence avait pris place dans la pièce. Je détestais cette atmosphère. J'avais l'impression d'étouffer. Et je haïssais clairement les hôpitaux. Cet endroit me rappelait à quel point la vie était fragile.
- Alors les maisons ? brisa ma mère la glace. Thomas ne m'a pas encore appelé.
- Je t'avoue que j'ai pas trop regardé.
- Je comprends.
Abigail ne prêtait pas du tout attention à notre conversation. Je compris donc que la décision se ferait sans elle. Après une demi-heure, ma mère partit et je décidai de passer la nuit ici. Je ne pouvais pas laisser Waller toute seule. Et puis, je l'avais déjà fait. J'avais même l'impression que nous l'avions fait un million de fois.
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