Chapitre 18

«J'aurais voulu être la seule.»

Point de vue de Justin.

J'étais excité. J'avais eu une très bonne idée. J'espérais qu'elle allait aimait ça. Elle va forcément aimer ça. Nous entrâmes dans ma voiture et je ne perdis pas de temps pour la démarrer. Je vis Abigail du coin de l'oeil sortir son téléphone de sa poche et écrire un message.

- À qui tu parles ? lui demandai-je.
- Zac. Il m'a demandé de faire des efforts alors je lui envoie un message pour lui dire que je sors ce soir mais que je pense à lui.

Je ris.

- Je ne pense pas que ça soit le genre d'effort auquel il s'attendait.

Je posai mes yeux sur elle et je la vis se mordre la lèvre inférieure honteuse.

- C'est vrai, dit-elle.
- Pourquoi il veut que tu fasses des efforts ?
- Parce qu'on s'est beaucoup éloigné.
- Ouais mais tu ne dois pas être la seule à en faire.
- Justin, je t'assure qu'il en a déjà énormément fait.

J'haussai légèrement les épaules et me reconcentrai entièrement sur la route. Après cinq minutes, je me garai en double file devant une épicerie du coin et demandai à Abigail - toujours confuse - de m'attendre dans la voiture. Je quittai cette dernière et entrai d'un pas frénétique dans le magasin. Je me dirigeai directement dans le rayon des alcools pour faire mon choix.

J'optai pour trois bouteilles de vin ne voulant pas plonger Waller dans un coma éthylique avec de l'alcool plus fort. Je n'oubliai pas de me procurer un tire bouchon puis je me dirigeai à la caisse pour payer avant de retourner dans la voiture avec les bouteilles à la main et le tire bouchon dans la poche de ma veste.

La fille aux fossettes fit les gros yeux quand elle les vit. Je souris.

- Tu m'as dit qu'on allait parler, pas se souler, rit-elle.
- On peut parler et se souler en même temps.
- C'est vrai qu'à chaque fois que tu me parles, tu me soules, me piqua-t-elle.

Je lui poussai gentiment la tête et elle rit. J'aimais tellement quand elle m'attaquait, j'avais l'impression que l'année de séparation n'avait rien changé entre nous. Je posai les bouteilles sur les sièges arrières et redémarrai après m'être attaché.

- Alors où est-ce qu'on va avec ces bouteilles ? me demanda-t-elle d'une voix enjouée.
- Tu n'as pas une idée ?
- Non... Attends ! Ne me dis rien ! Je vais trouver !

Elle appuya sa tête contre le dos de sa main et se mit à réfléchir. Un sourire amusé se déposa sur mes lèvres.

- Mais oui je sais ! s'écria-t-elle quelques secondes plus tard. On va au parc, n'est-ce pas ?
- Bien joué Waller.

Elle sourit et nous fûmes arrivés au même moment. Nous sortîmes de la voiture et je n'oubliai pas de récupérer les bouteilles. Nous avançâmes jusqu'au portail, le jardin était déjà fermé. Ainsi, comme nous l'avions déjà fait, nous escaladâmes la clôture après avoir pris soin de ne pas être repérable.

- Ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas fait quelque chose d'illégal, me dit-elle en souriant.

Nous nous installâmes sur l'herbe et je plaçai les bouteilles et le tire-bouchon entre nous. Un bon sentiment me traversa. Souvenir.

- On verra qui tiendra le plus longtemps, dis-je.
- Ce n'est pas juste, je suis devenue maman entre temps et j'imagine que tu as enchaîné les soirées en Australie de ton côté. Je vais forcément perdre.
- Je t'ai connu plus déterminée Abigail. Tu me déçois, pris-je un air attristé.
- Pas de problème Bieber.

Elle attrapa une bouteille et l'ouvrit sans difficulté à l'aide du tire-bouchon. Je souris. Mes paroles avaient eu l'effet escompté. Elle commença à boire comme si sa vie en dépendait. Je ris. Il en fallait peu pour qu'elle démarre au quart de tour.

- Le but ce n'est pas que tu finisses aux urgences, lui dis-je.
- Ne t'inquiète pas, je n'aurais pas besoin d'aller jusque là, me chercha-t-elle en me faisant un clin d'œil.

J'haussai les sourcils comprenant qu'elle venait de me défier et tendis la main pour qu'elle me laisse à mon tour boire - ce qu'elle fit. J'essayai de prendre une plus grande gorgée afin de ne pas passer pour un petit joueur. Je ne pus m'empêcher de grimacer à chaque fois que j'avalais ce liquide rouge qui sortait de la bouteille.

- Wow, tu as une meilleure descente que l'année dernière Bieber.

Aussitôt que je retirai la bouteille de mes lèvres, je la vis me regarder avec un grand sourire sur les siennes. Et à ce moment là, je ne voyais plus qu'elle. Assise sur l'herbe, la lune qui l'éclairait, le vent qui faisait légèrement voler ses cheveux, sa tête doucement inclinée, ses yeux bleus qui me transperçaient, ses fossettes qui creusaient ses joues et ses bras croisés sous sa poitrine.

Ce n'était pas l'effet de l'alcool qui n'avait pas encore eu le temps de me monter à la tête. C'était elle. C'était l'effet Abigail Waller.

- J'ai dû beaucoup boire pour réussir à t'oublier, révélai-je impromptement.

Sa bouche s'entrouvrit. Elle resta stoïque. Ses pupilles plongées dans les miennes, elle semblait essayer de déceler le vrai du faux. Et ce que j'avais dit là était la pure vérité. J'avais énormément lutté pour la sortir de mes pensées.

- Et est-ce que ça a marché ? finit-elle par demander.

Je la regardai un moment ne sachant pas s'il fallait que je réponde à sa question. Puis, baissai les yeux et repris une gorgée de la bouteille de vin. Elle déverrouilla alors ses yeux des miens et replaça une mèche derrière son oreille droite. Je lui tendis le litre et elle accepta sans broncher de boire à nouveau.

- On est parents maintenant, on ne devrait pas faire ça, dit-elle en posant la bouteille entre ses jambes.
- Donc tu me désignes vainqueur Waller ?

Elle rit légèrement avant de reprendre la bouteille.

- Jamais !

Elle ingurgita encore et encore l'alcool qui devait lui faire tourner la tête désormais. Elle m'impressionnait. Mais cette petite guerre était un prétexte et un moyen de lui faire dire ce qu'elle avait au fond de son cœur. J'avais énormément de questions que je voulais lui poser et j'espérais qu'avec l'alcool, elle me donnerait des réponses plus facilement.

- C'est bon Waller, fis-je en lui retirant la bouteille de la bouche.

Elle l'avait presque finie et cela ne faisait même pas une demi-heure que nous étions là. Je bus ce qu'il restait puis posai le récipient vide loin derrière moi. Il fallait que je lui pose mes questions avant qu'elle ne soit plus en mesure de répondre.

- Je commence à avoir la tête qui tourne Justin.
- Je sais. Tu devrais y aller plus doucement.
- C'est toi qui me cherches.
- Et j'arrive facilement à te trouver.

Elle sourit et mordit sa lèvre inférieure. Merde.

- Bon... Nous étions censés parler, repris-je.
- Je t'écoute.

Je réarrangeai mes cheveux inconsciemment signe de ma nervosité. J'étais toujours anxieux quand j'étais sur le point d'avoir une discussion sérieuse avec Abigail. Ça n'avait pas changé.

- Quand tu as appris ta grossesse, est-ce que tu as d'abord voulu avorter ?
- J'ai fait un déni de grossesse. Je n'ai pas eu le choix.

Je pris un air surpris. Je n'avais pas été au courant de cela. J'avais pensé qu'elle avait choisi de le garder. Je voyais les choses différemment maintenant.

- Est-ce que tu l'aurais gardé si t'avais eu le choix ?
- Pour être honnête, je ne sais pas. J'étais à Harvard et le bébé venait de toi, j'avais toutes les raisons d'avorter.

Elle avait totalement raison et j'étais certain qu'elle n'aurait pas gardé Julian si elle avait eu le choix. Mais elle ne l'avait pas eu et nous étions parents aujourd'hui.

- Je comprends.
- Est-ce que tu as d'autres questions ?
- Pourquoi "Julian" ?
- Tu t'appelles Justin et ta sœur s'appelle Jazmyn. Je me suis dis qu'un prénom commençant par un "J" était l'idéal.

Je souris. Cela me faisait plaisir de savoir qu'elle avait nommé notre fils en pensant à moi.

- Merci.
- De rien, sourit-elle.
- Est-ce que tu as eu un accouchement difficile ?
- Ça t'intéresse vraiment ? fit-elle amusée.
- Oui puisque je n'ai pas eu la chance d'être là.
- Ça s'est bien passé. Pas de césarienne. La péridurale a marché. Je n'ai pas à me plaindre.

- Est-ce que Zac était avec toi ?
- Oui. Evidemment.

Je contractai ma mâchoire. J'aurais dû être à sa place. Ce n'était pas juste. C'était moi le père. J'aurais dû assister à la naissance de mon fils. Pas lui.

- Je sais que tu aurais préféré qu'il...
- Non, la coupai-je. Ne t'inquiète pas. C'est normal. C'est ton copain.

Elle acquiesça.

- J'ai une dernière question.
- Oui ?
- Est ce que c'était purement amical entre vous quand tu faisais ta pré-rentrée à Harvard ?

Elle me regarda longuement. La réponse ne semblait pas évidente. Pourtant, elle n'avait pas arrêté de répéter l'année dernière qu'elle n'était pas attirée par lui.

- Oui.
- Tu n'as pas l'air sûre de ça.
- Si, c'était purement amical mais... Ça l'était seulement de mon côté.
- J'en étais sûr. Je l'avais dit à Valentin. C'était impossible que Zac n'était pas intéressé par toi.

Elle ne dit rien soulevant une question à leur sujet dans ma tête.

- Il s'est passé quelque chose entre vous l'année dernière ?

Elle se gratta la tête et je sentis soudainement une pointe de colère monter en moi. J'espérais ne pas être sur le point d'apprendre quelque chose qui me ferait passer pour un con et qui me rendrait totalement furieux.

- Il m'a embrassé et je lui ai foutu une claque.

Un sourire nerveux naquit sur mes lèvres. Putain. Quel foutage de gueule.

- Je n'ai pas voulu de ce baiser Justin, se justifia-t-elle. Il m'a sauté dessus.
- Je pensais que tu n'étais pas naïve et que tu savais très bien ce que tu faisais ? T'aurais dû le voir venir !
- On était complètement bourré et je n'ai pas eu le réflexe de l'esquiver ! C'était un simple smack Justin !
- Bourré ? Tu étais à Harvard en plein programme de pré rentrée ! Pourquoi tu étais bourrée ?
- Sincèrement Justin, tu es mal placé pour parler ! Tu veux que je te rappelle que tu as couché avec Clara ?

Je soupirai. Pourquoi reparlait-elle encore de ça ? Il s'agissait d'elle et de Zac, pas de Clara et moi.

- D'ailleurs, est-ce que je peux te poser une question ?
- S'il-te-plaît Abigail... soufflai-je.
- Est-ce que pour toi nous étions en couple ? me demanda-t-elle quand même. Est-ce que tu m'as considéré comme ta copine ?
- J'ai déjà répondu... Dans mon cœur oui, dans ma tête c'était un peu plus flou, répondis-je sachant pertinemment que cette réponse allait me causer du tort.
- Alors pourquoi tu m'as trompé ?

Voilà. Elle comptait désormais m'attaquer sur ça pour le restant de la soirée. Pourquoi avais-je ouvert ma bouche ? Bien fait Justin. Mais c'était plus fort que moi ! Zac l'avait embrassé quand on était officieusement ensemble et elle ne m'avait rien dit !

- Ce n'était pas contre toi Abigail, je te l'ai déjà dit.
- Pourquoi tu as fait ça alors ?

Je la regardais perdu. Pourquoi insistait-elle sur ça ? Pourquoi remuait-elle le couteau dans la plaie ? Nous en avions déjà parlé et elle m'avait déjà pardonné. Elle n'avait pas le droit d'essayer de me faire sentir coupable à nouveau.

- Pourquoi Justin ?
- Abigail, s'il-te-plaît, laisse tomber.
- Non mais tu voulais qu'on parle alors on va parler. Pourquoi tu as couché avec Clara ? Pourquoi tu t'es senti obligé de faire ça ? OK, tu savais que nous deux ça n'allait pas durer mais pourquoi tu es parti voir une autre au lieu de me dire simplement les choses ? Pourquoi il a fallu que tu m'humilies ?

Elle attrapa une nouvelle bouteille, l'ouvrit et se remit à boire. Mon erreur semblait toujours autant l'affecté. J'avais l'impression qu'elle était au bord des larmes. Pendant ce temps, j'étais incapable de dire quoi que ce soit. Je n'avais pas de quoi me défendre.

- J'ai merdé. Je me suis déjà excusé. Je ne pourrais pas t'apporter plus de réponses qu'il y a un an.
- T'es parti en me laissant une pauvre lettre après t'être tapé la fille dont tu disais que je n'avais pas à m'inquiéter. Est-ce que t'as pensé une seule fois à moi et à ce que je pouvais ressentir ?
- Qu'est-ce que tu cherches à faire ? Tu veux que je me mette à genoux et que je te supplie de me pardonner ?
- Est-ce que tu as pensé ce que tu as dit quand tu m'as dit que tu ne me ferais plus jamais de mal ?
- Oui ! Je l'ai pensé ! Mais...
- Mais c'était plus fort que toi, tu voulais absolument te la taper une dernière fois avant de partir en Australie.
- Abigail...

Je me pris la tête entre les mains. Elle me faisait mal au crâne. J'avais l'impression d'être confronté à ma copine qui m'avait pardonné une tromperie mais qui ne me faisait plus du tout confiance et qui ne s'empêchait pas de me rappeler dès qu'elle le pouvait que j'avais fauté.

- Est-ce que tu as eu une pensé pour moi quand tu la baisais ? J'espère que tu as pris ton pied au moins !
- Arrête, tu deviens ridicule.
- C'est toi Justin. Tu me demandes des comptes pour un bisou volé alors que tu as fait dix fois pire.

J'attrapai la dernière bouteille encore pleine, l'ouvris et me remis également à boire. Elle avait raison, je ne pouvais pas lui en vouloir. J'avais fait dix fois pire. Coucher avec Clara était ma pire erreur et encore aujourd'hui je le regrettais. Je ne savais pas ce qu'il m'avait pris. Il y avait un million de choses que j'aurais pu faire à la place comme porter mes couilles et partir à Harvard pour annoncer en face à Abigail que je l'aimais mais que je devais partir et je ne l'avais pas fait.

Je m'allongeai sur l'herbe et fixai le ciel.

- On a vraiment fait de la merde, murmurai-je presque.

Je l'entendis s'allonger à côté de moi et une impression de déjà-vu s'empara de moi. Ah oui. Cette fois où nous avions fait l'amour dans ce même parc. Les choses étaient tellement différentes maintenant et j'aurais aimé qu'elles ne le soient pas. Mais nous avions tout gâché.

- J'ai encore une question, m'informa-t-elle une fois allongée à une vingtaine de centimètres de moi. Tu as dit que Julian avait annulé tous tes plans. De quels plans parlais-tu ?

Je tournai ma tête quelques secondes pour croiser son regard.

- Je voulais monter une école pour les jeunes défavorisés ou un truc dans le genre. Mais je peux oublier ça maintenant, répondis-je les yeux rivés vers le ciel.
- Pourquoi ? Tu n'as que dix-neuf ans Justin. Tu as largement le temps que ton projet se réalise.
- Mais il faudra attendre que la situation avec Julian soit réglée et celle de ma sœur aussi et ça va prendre du temps.
- Tu ne devrais pas être pessimiste comme ça. Dans un an, tout sera réglé j'en suis sûre et tu pourras te consacrer à cette école.
- Je ne sais pas.
- En tout cas, je n'aurais jamais cru que c'était le genre de chose qui t'intéressait, les jeunes défavorisés et leur éducation...

J'ébauchai un sourire.

- C'est vrai que je ne suis pas trop le modèle à suivre, dis-je.
- Et Jazmyn ? Quand est-ce que la situation sera définitivement réglée ?
- Ce genre de procédure prend du temps. A la fin du mois peut-être, je ne sais pas.
- C'est demain son anniversaire, c'est dommage qu'elle n'ait pas la décision favorable du jury comme cadeau.
- Ouais mais bon, elle aura des tortues c'est déjà ça, souris-je en posant mon regard sur le sien. Ça fait des jours qu'ils l'attendent.
- J'espère que ça va lui plaire.
- Oui, ne t'inquiète pas.
- Elle sera déçue que Kiara ne soit pas là je suppose.
- Oui mais ta présence va sûrement compenser son absence.

Elle rit. Nos visages n'étaient pas très loin l'un de l'autre, c'était un peu déstabilisant.

- Je ne suis pas sûre de savoir comment je dois le prendre, sourit-elle.
- Je te le jure, elle t'adore.
- Je sais mais elle préfère Kiara, non ?
- Peut-être. Elle la considère comme sa grande sœur alors tu sais, elle est très attachée à elle.

Elle décolla ses yeux de moi, tourna la tête et fixa à son tour le ciel. On aurait dit que cela la touchait de savoir que Jazmyn s'entendait bien avec Kiara.

- Elle a pris ma place, sourit-elle nerveusement. Avant c'était moi qu'elle considérait un peu comme sa grande sœur.
- Ce n'est pas de sa faute. Kiara est très souvent chez moi, elle fait comme partie de la famille alors ça s'est fait naturellement avec Jazmyn.
- J'imagine...

Je portai mon regard vers la même direction que le sien. Ma tête vacillait un peu mais j'avais encore le contrôle de mon corps. Soudain, j'entendis Abigail murmurer une injure puis je la vis se lever en se cachant le visage. Je fronçai les sourcils et me redressai.

- Abigail, ça va ? m'inquiétai-je.

Elle s'éloigna à quelques mètres de moi alors je me levai pour aller la voir.

- Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandai-je.

Elle était dos à moi mais je pouvais deviner qu'elle était en train de pleurer. Cela me fit un petit pincement au cœur. Je n'aimais pas la voir comme ça.

- Abigail...

Elle se retourna enfin et me fit face. Ses yeux bleus brillaient et ses joues étaient humides. Je ne pus m'empêcher de serrer ma mâchoire à cette vue.

- C'est rien Justin...
- Dis-moi.
- C'est... C'est juste que ça me fait un peu de mal de voir que je t'ai aimé comme une folle et que c'est une autre qui a eu tout ce que j'avais voulu avoir de toi.

Mon cœur se mit à battre frénétiquement. Je ne m'étais pas attendu à ce qu'elle me dise ça. Il était vrai que tout ça n'aurait pas dû se passer comme ça mais les choses étaient ainsi désormais et nous ne pouvions pas faire machine arrière. Je pris son visage entre mes mains et l'obligeai à verrouiller ses pupilles sur les miennes. Son visage n'était plus qu'à quelques petits centimètres du mien et j'avais l'impression qu'il s'était écoulé une éternité avant la dernière fois que cela était arrivé.

- Tu es la première personne que j'ai aimé Abigail. Tu seras toujours spéciale pour moi. Et on a un enfant ensemble maintenant, tu n'as pas besoin de te comparer à Kiara.

Elle baissa les yeux.

- Abigail, regarde-moi.

Elle releva ses yeux.

- Tu es la première et tu le resteras. Personne ne pourra te l'enlever.
- Mais j'aurais voulu être la seule Justin.

Je restai muet. Je ne savais pas comment je devais prendre ces paroles. Mon cœur battait durement contre ma poitrine. Mes mains en tremblaient presque. Je la regardais confus. Que devais-je faire maintenant ? Mon regard descendit sur ses lèvres. Je voulais les embrasser. Peut-être qu'elle n'attendait que ça, que je l'embrasse. Bordel.

Soudain, l'arrosage automatique se déclencha et me détacha d'Abigail. Je soufflai partagé entre le soulagement et la déception.

- A chaque fois, dit-elle amusée.

Il ne fallut pas beaucoup de temps avant que nous soyons complètement trempés. Je récupérai les bouteilles, lui en tendis une et nous bûmes ensemble jusqu'à les vider. Là, j'étais certainement saoul et elle devait l'être aussi.

Elle se mit à rire.

- Qu'est ce qu'il y a encore ? lui demandai-je en souriant.
- On dirait des Troy et Gabriella ratés.
- Qui ?
- High School Musical Justin, fit-elle d'un air désespéré.
- Je hais ce film, dis-je en mettant mes mains dans les poches avant de mon jean.

Elle prit un air choqué et outré. Je souris amusé.

- Je suis désolée Bieber mais tu ne peux plus être le père de mon fils, me déclara-t-elle très sérieusement.

Je ris.

- C'est de la merde Waller. Ce film fait croire aux petites filles que le lycée est un endroit formidable où tu réaliseras tes rêves et où tu rencontreras l'amour de ta vie et on sait tous les deux que c'est complètement faux.

Elle fronça les sourcils et croisa ses bras sur son ventre.

- Non, justement Justin.

Elle sortit de la zone où l'eau tombait puis prit son téléphone après avoir essayé d'essuyer ses mains mouillées. Je la regardais faire. Elle manipula son cellulaire rapidement puis le posa par terre sur un endroit sec.

- Tu me dois une valse pour te faire pardonner de ce que tu viens dire.

Je fronçai les sourcils et elle s'avança vers moi avec un sourire scotché à ses lèvres. Elle me tendit sa main et je n'avais aucune idée de ce qu'elle attendait de moi. Une mélodie se fit entendre et je secouai la tête comprenant finalement qu'elle voulait qu'on danse dessus.

- Je ne peux pas faire ça Waller.
- Allez Justin, tu réaliseras un de mes rêves comme ça, me fit-elle les yeux doux.

Je soupirai et attrapai sa main ne pouvant résister à ses beaux yeux. Elle me tira vers elle puis prit ma deuxième main afin que nous commencions à danser. Je ne savais pas du tout commencer valser. Mes pieds écrasaient les siens, je n'étais pas dans le rythme et cela la faisait rire tandis que je me sentais terriblement gêné.

- Tu me fais faire n'importe quoi Abigail.
- Garde tes yeux verrouillés sur les miens et laisse toi aller, murmura-t-elle presque.

Mon regard accrocha le sien et j'essayai de suivre ses pas. Je ne savais pas si nous étions tous les deux mauvais ou si c'était moi qui gâchais tout mais il était clair que nous n'étions pas à la hauteur de Troy et Gabriella. Cependant, elle avait l'air ravie de ce qui était en train de se passer. Un sourire infaillible était accroché à ses lèvres.

- Ça va, tu commences à comprendre, me dit-elle.

L'eau s'égouttait sur nos corps déjà trempés, il faisait nuit et il n'y avait personne autour de nous. Je me croyais dans un film d'amour et la sensation était horrible. Mais cela semblait lui faire tellement plaisir que je me sentais obligé de continuer. Puis, je la fis tourner sur elle-même et décidai d'en arrêter là.

- Tu aurais dû faire ça avec ton Zac Efron, fis-je référence à son copain.

Elle se contenta de sourire et au même moment, l'arrosage automatique s'éteignit.

- Merci Justin.
- C'est la première et dernière fois que je fais ça, dis-je encore gêné de ce qu'il venait de se passer.

Elle rit. Nous décidâmes de quitter le parc. Elle récupéra discrètement Julian chez moi étant donné que tout le monde dormait déjà puis rentra chez elle avec Zac qui était venu la chercher au café. J'étais content de cette soirée. Cela nous avait permis de nous rapprocher et de crever définitivement l'abcès - du moins c'était ce que j'espérais. Je voulais réellement faire les choses bien et j'étais très investi dans notre nouvelle relation.

...

Je venais de sortir de la douche. J'étais allongé sur mon lit et je venais d'envoyer un message à Abigail pour m'assurer qu'elle et Julian étaient bien rentrés. Je repensais encore à la soirée que nous venions de passer. C'était comme si nous étions retournés un an en arrière et pourtant, beaucoup de choses avaient changé.

Je commençais tout doucement à redescendre, ma tête tournait encore un peu. La fatigue m'envahissait peu à peu, il fallait que je dorme. Mais l'univers en décida autrement et mon téléphone portable se mit à sonner. Je le pris sur la table de chevet et soupirai quand je vis le nom de Kiara affiché sur l'écran où mon fond d'écran était encore une photo de nous deux. J'étais content qu'elle ait fait le premier pas mais je n'étais pas dans le meilleur état pour avoir une discussion avec elle. Je voulais juste dormir.

Je décidai quand même de décrocher.

- Allô ? fis-je d'une petite voix.
- Oui Justin, je ne te dérange pas ?

- Non, mentis-je.
- Est-ce qu'on peut parler ?

- Est-ce que tu comptes encore me prendre la tête ?
- Sérieusement Justin ? J'essaie d'être là pour toi et tout ce que tu trouves à dire c'est que je te prends la tête ?

Je soufflai et frottai ma main libre contre mon visage. Je sentais que cet appel allait couper court encore une fois.

- Si c'est à propos de la garde exclusive, oui tu me prends la tête Kiara.
- Mais c'est la seule solution pour notre couple Justin ! commença-t-elle déjà à élever la voix.
- Mais arrête d'être égoïste ! Et puis, ce qu'il se passe avec Julian ne te regarde même pas !
- Alors tu vas me laisser tomber...

Je me redressai et pris une grande inspiration en serrant le poing. Elle commençait à m'agacer très fortement.

- Kiara, tu vas me faire péter un plomb, lui dis-je fermement. Je n'arrive pas à croire que tu ne te rendes pas compte que ce que tu dis est absurde.
- Ce n'est pas absurde Justin ! Tu vas partager la garde avec Abigail et elle ne te suivra jamais en Australie alors tu resteras à Boston !
- On n'en a même pas encore parlé, tu n'en sais rien.
- Si Justin parce que si elle était capable d'abandonner sa vie à Boston pour toi, elle l'aurait fait l'année dernière. En plus, il y a moi maintenant, elle voudra encore moins le faire.
- J'ai voulu la garde exclusive sur un coup de colère Kiara. Ce n'était pas quelque chose de sérieux.
- Arrête, ça avait l'air d'une décision réfléchie. Elle t'a juste retourné le cerveau et...
- Stop, la coupai-je. Ça ne sert à rien. J'en ai marre. Je n'ai plus envie Kiara.

Elle partait trop loin et je ne la reconnaissais plus. Ce n'était pas la fille dont j'étais tombé amoureux. Où sa maturité était-elle passée ? Sa générosité ? Sa compréhension ? Il n'y avait plus de tout ça aujourd'hui.

- Quoi ? fit-elle confuse. Qu'est-ce que tu veux dire ?

- J'en ai marre de me prendre la tête avec toi, qu'on soit en permanence en conflit, qu'on n'arrive pas à se comprendre. Je sais que cette situation nous fait du mal à tous les deux et ce n'est pas ce que je veux. Je ne veux pas t'obliger à m'attendre, à...
- Non, Justin, me coupa-t-elle. Tu n'as pas le droit. Je ne te laisserai pas faire ça.
- Kiara...
- Non, tu ne peux pas me quitter comme ça, au téléphone ! C'est complètement lâche !
- Je t'aime mais...
- Arrête, si tu m'aimais, tu ne ferais pas ça !

Elle avait tort. Une personne pouvait aimer quelqu'un et quand même préférer s'en séparer pour son bien. J'aimais Kiara mais pour l'instant, avec tout ce qu'il se passait dans ma vie, il était plus judicieux d'en rester là.

- Tu vois, tu ne veux toujours pas comprendre. Tu ne te mets jamais à ma place.
- Et toi tu te mets à la mienne parfois ?

J'entendais sa voix devenir fébrile. Elle allait se mettre à pleurer d'une seconde à l'autre. Mon cœur se serra. Je ne voulais pas la mettre dans cet état mais c'était la meilleure chose que je pouvais faire pour nous deux pour le moment.

- Je te jure Kiara, pour l'instant, c'est mieux qu'on en reste là.
- Tu vois, je te l'avais dit, cette histoire allait nous séparer et tu ne m'as pas cru.
- Je pensais que j'aurais été capable de supporter tout ça mais je n'y arrive pas.

- Arrête Justin... Je sais très bien que c'est pour elle que tu fais ça.

Mon sang commençait à chauffer et l'alcool qui coulait encore dans mes veines n'arrangeaient rien. J'avais tellement mal au crâne. Je voulais qu'on en finisse au plus vite.

- Ferme-la Kiara ! Tu dis vraiment que de la merde ! criai-je
- Je ne vois pas d'autres explications !
- C'est bon, c'est terminé. Laisse-moi tranquille avant que je devienne méchant avec toi.
- Non, je refuse. Tu ne peux pas me quitter comme ça, se mit-elle à pleurer.
- Qu'est-ce que tu vas faire ? Tu ne peux pas m'obliger à rester avec toi.
- Non mais je veux au moins que tu es l'audace de me le dire en face.
- Comment ?

Que voulait-elle que je fasse ? Que j'aille la rejoindre en France pour la quitter ? Devant ses parents en plus ? Il en était hors de question.

- Je prends le premier vol pour Boston dès que je peux.

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