Chapitre 4 : Color of my dreams


— Tyler.

Si longtemps que je n'avais pas entendu sa voix. Un sourire sur les lèvres, j'ouvre les paupières, impatient de croiser ses grands yeux bleus qui m'ont toujours rendu admiratif par leur intensité.

— Tyler.

Je l'entends, mais je ne distingue rien de ce qui m'entoure, je ne reconnais rien et arrive à peine à distinguer mes mains levées juste devant mon visage.

— Lou, Lou, où es-tu ?

— Tyler, je suis là.

Sa voix m'appelle, mais je n'arrive pas à savoir dans quelle direction aller, il fait noir, trop noir pour que j'arrive à comprendre où je me trouve, trop sombre pour que je puisse repérer les murs avant de me cogner dedans.

— Tyler.

Sa voix me semble de plus en plus lointaine et je panique de ne pouvoir le rejoindre.

Je hurle son prénom à m'en briser les cordes vocales, avançant de plus en plus vite devant moi sans être convaincu de me diriger dans la bonne direction.

— Tyler.

Encore un nouveau mur et mon prénom murmuré, tout près, si près, comme s'il était juste de l'autre côté.

Alors je frappe contre la cloison, je sens, sans le voir, le sang couler le long de mes phalanges, mais je continue à cogner, je ne peux pas arrêter alors qu'il est si près de moi.

— Tyler.

— Lou, j'y arrive pas, aide-moi, guide-moi, j'ai besoin de te trouver. Dis-moi où tu es...

— Je suis juste à côté de toi, comme je l'ai toujours été, comme je le serais toujours. Je ne t'ai pas laissé tomber et tu ne l'as pas fait non plus... Je suis juste là. Réveille-toi...

Je me redresse rapidement dans mon lit, le souffle court et son prénom encore sur mes lèvres. Lou.

Je me tourne vers mon radio réveil et constate qu'il est deux heures du matin, comme chaque nuit de cauchemars.

Toujours ce rêve, sa voix qui m'appelle et moi qui n'arrive pas à le rejoindre.

Et à chaque fois il me répète les mêmes mots.

Malgré ce qu'il dit, je sais que je l'ai laissé tomber, je l'ai abandonné.

Je l'ai perdu et chaque jour la culpabilité est là pour me rappeler que tout est ma faute.

J'aimerais pouvoir me rendormir et le retrouver, je me contenterais même du simple son de sa voix si cela signifiait qu'il était encore ici et pas dans cet autre endroit où je ne peux le trouver.

Le sommeil m'ayant définitivement quitté, je me lève et me dirige vers mon coin cuisine où je me sers un grand verre d'eau.

Ce n'est pas d'eau dont j'ai envie, mais je sais que cette autre alternative est tout sauf une bonne idée, alors je savoure ce liquide fade qui me refroidit de l'intérieur et repose le verre sur l'îlot central.

Dans le salon qui me sert aussi de chambre, je déambule sans but précis essayant de me rappeler le son de sa voix, mais plus les minutes filent, plus les bribes de ce rêve s'évaporent.

Sur le mur, un pêle-mêle de photos, et au centre, son sourire bouscule mon cœur.

C'est dur pour moi de voir cette photo, de contempler ce sourire qui n'est plus, mais je n'ai jamais eu la force d'enlever ce cliché, ce serait comme l'oublier et je refuse.

Je veux garder les moindres petits bouts de lui qu'il me reste, même s'ils me déchirent chaque jour un peu plus.

Je pousse un profond soupir et me tourne vers mon lit.

Je vais essayer de dormir encore un peu, espérant de toutes mes forces qu'il viendra encore hanter mes songes, que je puisse profiter quelques instant de la douceur de sa voix, même si elle n'a plus rien de réelle, c'est tout ce qui me rattache à lui, tout ce qui m'empêche de sombrer dans les ténèbres... une nouvelle fois.


****


Un choc violent, la collision de deux véhicules, le bruit assourdissant des carrosseries qui se froissent, des vitres qui se brisent, un flash et tout se fige.

Me voilà sur le tournage d'une nouvelle série, du pilote pour être exacte, le tout premier épisode, celui qui déterminera si le concept est viable ou pas.

Je n'y ai qu'un petit rôle, mais c'est toujours un bon moyen de continuer à faire parler de moi. Croisons les doigts pour que ce projet trouve son public.

Emmitouflée dans une couverture épaisse pour ne pas mourir de froid, j'attends que ma présence sur le plateau soit demandée.

Les moyens mis en place par la production pour simuler un accident de voiture sont impressionnant.

L'équipe de tournage stoppe l'action et demande aux rares figurants présents dans le décor de ne pas bouger, puis le réalisateur me fait signe et je prends la place de ma doublure, pour les cascades, dans la voiture accidentée.

La maquilleuse peaufine les derniers détails pour que l'impression d'accident paraisse réelle et la scène peut reprendre avec un plan plus serré sur le véhicule et sur ma petite personne.

Il n'y a pas vraiment de texte dans ma scène comme je suis seule dans le véhicule. Tout doit se jouer sur les expressions du visage et les mouvements du corps : la respiration rapide, les gestes brusques pour tenter de comprendre ce qu'il se passe, le reflexe de chercher ses affaires à un endroit où elles ne le sont plus avec la violence du choc.

Et par chance un véhicule arrive et s'arrête, les secours sont appelés et les premiers soins, d'urgence immédiate, effectués.

La sirène retentit annonçant l'arrivée du camion rouge, loué pour l'occasion et je dissimule difficilement un sourire en pensant que l'acteur n'a pas du tout la carrure pour jouer ce rôle.

Il est bien trop gringalet et définitivement pas assez musclé pour porter le véritable équipement des combattants du feu. Le tournage s'arrête quand je suis dans l'ambulance et qu'elle prend la route en direction de l'hôpital fictif de cette ville fictive.

De retour au chaud dans ma loge, je prends une douche rapide pour me débarrasser du faux sang collé sur une grande partie de mon buste et enfile des vêtements confortable pour rentrer chez moi.

Je m'apprête à partir, mon manteau sur le dos et une grosse écharpe beige autour du cou quand quelqu'un frappe à ma porte.

C'est Chris, le pompier gringalet, un sourire agréable sur le visage.

— Hey, euh... hum.

Je me retiens de rire devant ses bégaiements vraiment trop attendrissants et remarque ses joues se teinter de rouge quand son regard croise le mien.

Il va falloir ajouter timide à sa description.

Cela fait seulement quelques jours que nous tournons ensemble et je n'avais jamais vu qu'il pouvait être si réservé, il parait tellement sûr de lui sur le plateau.

Je pose une paume rassurante sur son bras quand je le vois à deux doigts de la crise de panique, complètement muet, les yeux fixés sur mes phalanges.

— Pardon.

Je retire ma main prestement et l'encourage comme je peux pour qu'il parle enfin dans un langage compréhensible.

— Excuse-moi, je... hum, Mégane m'envoie te proposer, si tu en as envie, t'es pas obligée hein, mais ce serait cool...

— Chris, respire.

Je le vois inspirer profondément et relâcher l'air lentement en fermant les yeux, et quand il les rouvre, il semble de nouveau plein d'assurance.

— Mégane voudrait savoir si tu serais partante pour une soirée vendredi pour faire plus ample connaissance avec les autres en dehors du tournage.

— Bien sûr, ça serait cool. Tu as ton téléphone sur toi ?

— Euh oui, pourquoi ?

Je tends la main paume vers le haut pour lui faire comprendre de me le donner, et je le vois le sortir d'une main tremblante avant de me le confier après avoir déverrouillé l'écran.

Je crée une fiche contact avec mon numéro et lui rend son bien.

— Envoie-moi un message pour me dire où on se retrouve, je ne serais pas sur le plateau demain.

Il me souhaite une bonne soirée avant de quitter ma loge et quand je passe près de la sienne en quittant le bâtiment, je surprends la voix rieuse de Mégane.

— Alors, t'as réussi ?

— Ouais, j'ai cru que j'allais m'évanouir, je suis pire qu'un ado.

J'entends la jeune femme se moquer de lui, et je me rends compte que je n'ai vraiment rien compris.

Il semblerait que je ne le laisse pas indifférent et moi je ne capte rien, mes pensées trop focalisé sur un certain beau brun en tenue de pompier.

Il va falloir que je fasse attention à ce que je fais, je ne voudrais pas lui donner de faux espoirs, parce qu'il a beau être adorable, il n'est pas du tout mon genre.

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Des heures que je suis plongée dans les albums photos empruntés à Matthew.

Tous nos souvenirs de jeunesse, réunis dans un carton.

Quelques photos de nous enfants, jouant sur une balançoire ou déguisés à l'occasion d'Halloween dans des costumes très inventifs.

J'étais la princesse zombie et il était le savant fou, pas si terrifiant avec ses grand yeux rieurs.

Des goûters d'anniversaires, des rappels de nos premières soirées d'adolescent et soudain, au hasard d'un cliché, au centre de la photo, deux garçons bruns, un bras glissé dans le dos de l'autre et un sourire éblouissant sur les lèvres.

Matthew et Tyler fixant l'objectif ou la personne prenant la photo d'un regard brillant de joie. Un autre cliché, sûrement pris le même soir. On y retrouve un Tyler souriant, un bras protecteur passé autour des épaules d'un garçon sensiblement plus jeune que lui. Le même regard rieur, mais pas la même couleur. Bleu-vert pour l'un, bleu océan pour l'autre, mais un étrange air de famille. Louis, son petit frère.

Un moment du passé fixé à jamais sur le papier glacé et la preuve concrète que quelque chose manque dans le regard du Tyler d'aujourd'hui, comme si on avait extrait toute la joie de vivre qui le constituait et qu'il ne restait qu'une enveloppe vide.

Je continue mes fouilles dans le passé et tombe sur d'autres clichés sans grand intérêt pour moi et puis j'effleure du bout des doigts un des albums souvenirs du lycée de Matthew, celui de première.

Je l'ouvre, regardant rapidement les nombreux messages des camarades de classe de mon frère, cherchant celui de Tyler, et je le trouve enfin.

Bien plus qu'un ami, un véritable frère. TH

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