Chapitre 1
Une vingtaine d'années plus tard
Cela ne faisait que quelques minutes que la navette de transport de la Nouvelle République, nouvelle version des DC-4, venait de passer en hyperespace, mais Alana sentait déjà son anxiété s'accroitre. Ces navettes s'apparentaient plus à une sorte de cylindre grisâtre et aplati, qu'à une authentique navette de transport diplomatique. La jeune femme ne pouvait s'empêcher de se frotter les mains pour se calmer.
Elle était de taille moyenne, mais c'était bien la seule chose chez elle qui pouvait être définie comme telle. Des longs cheveux, noirs comme le jais, soyeux et magnifiques, étaient arrangés en une queue de cheval à plusieurs nœuds, pour que leur longueur ne soit pas une gêne. Ses traits habitaient des yeux verts encadrant une peau lisse et légèrement cuivrée. Le genre de femme considérée comme séduisante par n'importe quelle espèce. Elle ne s'en souciait que très peu, ayant d'autres préoccupations en tête. Typiquement le genre de personne dont les nombreux talents ne suffisaient pas à combler son manque d'assurance face à une situation stressante.
— On risque de ne pas revenir ici avant un bon moment, soupira-t-elle.
— T'es pas croyable tu sais, lui répondit le jeune homme se tenant dans le siège voisin. On le savait très bien avant de partir. On vient à peine de faire nos adieux, que tu serais prête à faire demi-tour pour une tournée de câlins plein d'émotion avec tout le monde.
— C'est toi qui dis ça ? rétorqua-t-elle, d'un ton amusé. J'ai bien vu comment tu réagissais...
— Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-il d'un air assuré.
— Avec Ahsoka. « Bonne chance Anakin. Que la Force soit avec toi. Je sais que tu feras notre fierté. », dit-elle en tentant une imitation douteuse de la maître Jedi. Encore un peu, et je voyais les larmes pointer le bout de leur nez sur tes petits yeux.
Alana n'avait pas tort. Sa cousine avait toujours le chic pour remarquer certains détails lorsque cela l'arrangeait...
— Et alors ? répliqua le jeune Jedi en dissimulant maladroitement sa gêne. Je n'ai pas honte d'être touché par cette séparation. Maintenant, je me concentre sur la prochaine tâche à accomplir. Tu n'aurais pas oublié quand même ?
— Comme si j'avais oublié, lui fit-elle avant de partir dans une tirade pleine d'ironie. Deux jeunes Jedi sur le point d'achever leur formation, envoyés vers la Nouvelle République et le Sénat en tant qu'envoyés diplomatique, avec la grande mission de représenter le Nouvel Ordre Jedi, et établir les premiers liens de collaboration. Je n'ai pas oublié.
— Bien, me voilà rassuré... répondit le jeune Jedi, un sourire en coin arboré sur un visage aux traits anguleux.
Il s'étendit de tout son long dans son siège comme il pût. Sa taille et sa carrure massive le gênait, à l'étroit dans un siège n'ayant pas pris en compte ses mensurations. Ces navettes ne semblaient pas avoir classé le confort de leurs occupants dans leurs priorités lors de leur conception. A l'origine, elles servaient principalement à transporter des cibles sensibles d'un point à l'autre d'un secteur. Mais leur intérêt résidait principalement dans leur technologie de brouilleurs de radar. Innovation ensuite répliquée sur beaucoup de nouvelles productions, suite au rachat des Corporations Techniques Corelliennes par LandoMilitech. Ces derniers n'avaient pas songé à améliorer le design de leur produit, ni la qualité de l'habitacle passager. Anakin changeait sans cesse de position sur son siège, pensant que chaque nouvelle position allait faire passer l'inconfort de la précédente.
Les Jedi portaient traditionnellement des tenues assez amples, qui permettaient d'être à l'aise pour leur porteur, sortes de jupes ou de bures Jedi. Ces habits avaient tendance à amoindrir la silhouette physique de leur porteur. Du moins en général. Même vêtu de cette manière, les tissus de la tenue d'Anakin laissaient paraître des formes très prononcées sur le plan musculaire, résultats d'entrainements très intensifs. Il ne s'agissait que du témoignage de son perfectionnement martial. L'immense palette des pouvoirs de Force, il pouvait bien laisser cela à Alana. Car Anakin s'était bien vite découvert un véritable don pour le duel au sabre, et tout type de disposition en ce qui concernait l'imbrication au corps à corps. Il était souvent considéré comme un génie, possédant un talent et une technique sans pareille. Et même s'il se plaisait à s'en vanter parfois, il savait ce que cela impliquait. Tant qu'il ne se serait pas battu en condition réelle, tout ceci ne comptait pas. Il était en mesure de moduler son niveau de détermination, propice à un combat acharné, acquérant une discipline mentale qu'il comptait bien tester un jour.
Le jeune homme dénoua l'élastique qui maintenait sa queue de cheval en place, et ses cheveux bruns tombèrent sur ses épaules.
— On en a pour un moment, très chère cousine, commença-t-il avec nonchalance. Alors tu ferais mieux de mettre à l'aise et te relaxer, tant qu'on est loin des prises de tête.
Il fixa avec son regard dur un point précis d'une cloison du plafond de la navette. Durant ce trajet, il aurait tout le temps nécessaire pour laisser ses nombreuses préoccupations le tarauder...
— Des prises de tête ? fit Alana en prenant un air plus sérieux, ses traits contrastant avec l'harmonie naturelle de son visage. On n'est pas envoyés sur Coruscant pour n'importe quoi. Ce qu'on va y faire est d'une importance capitale pour l'avenir de l'Ordre. On va poser les fondations de relations pour des siècles à venir, c-
— C'est bon arrête, arrête, l'interrompit Anakin. Je sais déjà tout ça. Ton père nous a assez rabâché tout ça pour que ça ne me sorte plus jamais de la tête, rappela-t-il avant de la regarder du coin de l'œil. Et ce n'est pas parce que tu es plus jolie à regarder que ça me fait plus plaisir de réentendre tout ça, ajouta-t-il d'un ton farceur.
Il fallait qu'il ramène cela sur la tapis... Toute sa vie, l'ensemble des personnes qu'Alana croisait n'avaient eu de cesse d'aborder un tel sujet. Une chose qui avait le don de l'agacer, mais dont elle tentait de se détacher, pour signifier qu'elle aspirait à bien plus que ce genre de considération triviale. Mais son cousin avait un don pour lui envoyer en pleine figure...
— Et c'est reparti avec ces remarques, fit-elle, agacée.
— Parce que j'ai tort ? fit-il sans cacher sa satisfaction qu'elle ait mordu à l'hameçon. Crois-moi, on va côtoyer beaucoup de monde, de tous les horizons. Tu devrais te tenir prête à ce genre de réflexions douteuses...
— Et toi, tu ne devrais pas t'y préparer ? Je serais la seule à subir ça ?
— Je suis né prêt ! affirma-il avec assurance. Et puis qui a parlé de subir ? C'est toujours bon à prendre les compliments. Surtout quand ils sont justifiés...
— T'es vraiment fatiguant quand t'es comme ça, répondit-elle avec une envie d'abandonner la conversation, mais préférant contre-attaquer tout de même. Et pour ce qui est de revoir ta mère, tu y es prêt aussi peut être ? Et ton père ?
Un silence pesant débuta. L'argument avait manifestement fait mouche. Le jeune homme abandonna ses traits plein de confiance. Ce n'était pas comme s'il n'avait jamais revus ses parents depuis que son oncle Luke l'avait emmené avec lui, après avoir détecté son affinité avec la Force. Mais en ce qui concernait son père...
Tous les ans, généralement aux alentours des dates de leurs anniversaires, les jeunes padawans se voyaient offrir la possibilité de passer quelques jours dans leur famille d'origine. Le tout accompagnés d'un maître, le plus souvent Luke. Ahsoka Tano, second maître du Nouvel Ordre Jedi, n'était pas particulièrement friande de ce genre d'évènements. Du moins au début. Mais cela permettait aussi à Luke de revoir sa sœur plus souvent. C'était l'une des initiatives prises qui lui tenait le plus à cœur. En effet, le jeune maître avait longtemps réétudié les dogmes Jedi. Il cherchait certains facteurs qui, selon lui, avaient contribué à mener l'Ordre sur une voie proche de l'extinction. Selon Luke, l'absence d'attachement émotionnel véritable était contre productif, et très réducteur sur la façon d'appréhender la Force. Il était convaincu que, encouragés et encadrés, les liens émotionnels étaient ce qui permettrait à ses apprentis de dépasser les contraintes des anciens Jedi, tout en étant au servant le côté lumineux de la Force.
C'était la voie qu'il avait lui-même empruntée, et ce malgré lui. Il avait reçu l'héritage de deux des plus grands maîtres de l'ordre. Des perles de sagesse des plus dogmatiques, surtout en ce qui concernait ce petit être vert aussi sage qu'excentrique à certains moments. Mais Luke n'avait pas laissé cela le définir. Il avait aspiré à bien plus. Car sa force résidait ailleurs, chez ses proches. Han, Leia, Chewbacca. Il était un Jedi qui laissait ses liens émotionnels le renforcer. Cela avait été difficile, lui coûtant un bras et une défaite face à son père. Mais par la suite, il était parvenu à comprendre que le lien émotionnel était puissant. Qu'il lui avait permis de se détacher de cette haine, de cette rancœur qu'il éprouvait à l'encontre de ce que son père avait jamais accompli, et aurait accompli s'il l'avait laissé suivre Palpatine. Mais il avait transcendé cette haine, pour devenir bien plus. Et c'était cela qu'il tentait de faire vivre à travers ses enseignements.
Luke n'avait pas emprunté le chemin de la pédagogie classique des anciens Jedi. Et cela lui avait permis de dépasser les anciennes limites, et vaincre l'Empire. Il suffisait d'apprendre aux padawans à capter et maitriser leurs émotions à travers la Force. Cette nouvelle voie de formation accomplie, une nouvelle génération de Jedi verrait le jour, servant à la fois la Force, mais également les habitants de la galaxie, là où Luke estimait que les anciens Jedi avaient faillis. Mais ces instants n'avaient pas toujours été des plus réjouissants pour Anakin...
—J'ai hâte de revoir ma mère, oui, finit par répondre Anakin. Je suis certain que toi aussi, tu as hâte de la revoir. Et même si on va être très occupés, on va passer beaucoup de temps avec elle. Donc avec lui aussi..., ajouta-t-il, son visage affichant un air plus sérieux et pensif. Je crois que c'est ça qui me fait le plus réfléchir, et qui m'inquiète le plus.
La jeune femme réalisa que ce qu'elle avait lancé comme une boutade avait touché le jeune Jedi. Elle était pourtant bien au fait de l'état de la relation entre son cousin et son oncle. Il en avait toujours été bouleversé, peinant à en parler lorsqu'elle tentait d'aborder le sujet avec lui.
— Je suis désolée Ani, je ne voulais pas te faire de la peine en te disant tout ça.
Un court silence passa. Le bruit du vide de l'espace, les petits vrombissements de la cloison, des différents composants et voyants du vaisseau, était tous ce qui était maintenu dans l'air.
— Ne t'inquiètes pas, tu n'y es pour rien, finit-il par reprendre en plongeant son regard dans les yeux de la jeune femme. Je sais que tu ne me veux que du bien.
Elle soutint son regard un court instant, avant de le détourner ailleurs. Tout ce discours ne pouvait éluder un autre fait.
— Oui, mais ce n'est pas pour ça que je dois tout faire à ta place, déclara-t-elle en prenant de nouveau son ton un brin moralisateur, pour le plus grand plaisir de son interlocuteur. N'oublie pas une chose. Ce n'est pas parce que je suis la fille du fondateur du Nouvel Ordre Jedi que je dois assurer tout le côté diplomatique seule. Tu vas devoir faire ta part aussi.
— Oui oncle Lu-pardon ! Oui cousine, répliqua-t-il d'un ton amusé.
— Ah c'est pas vrai, fit-elle, désabusée. Tu penses être le meilleur bretteur de la galaxie, mais là où tu excelles le mieux, c'est dans ton habilité à fuir une conversation sérieuse.
— C'est un don, répondit-il en souriant.
— Que l'on sait d'où tu tiens...
— Eh bien, je te remercie !
— De rien, tu l'as cherché cette fois, fit-elle d'un ton malicieux.
Les minutes suivantes passèrent, dans un silence apaisé. Anakin avait arrêté de changer de position depuis un moment. Alana soupesait l'idée d'amorcer de nouveau la conversation, mais elle hésitait.
— Ani, tu dors ?
— A ton avis ? T'es toujours en train de parler quand t'es stressée, donc j'ai jamais le temps de m'endormir. Mais sinon oui, je dors, fit-il, patientant en laissant sa petite pique faire son effet avant de reprendre. Quel est le problème ?
— Je n'ai aucun problème...
— Bien, alors repose-toi.
Elle ne pût s'empêcher de reprendre la parole, après quelques secondes.
— C'est juste que... Toute cette attention qu'on va avoir, ça m'inquiète. Sur New Alderaan, les choses étaient différentes. Tout était paisible, nous n'étions jamais dérangés. Là...
Anakin se retourna pour lui faire face. Peu importait s'il appréciait particulièrement ces petits échanges de piques parfois puériles, il se montrait toujours présent pour elle. Tout d'abord parce que c'était dans sa nature, mais ce trait était plus particulièrement ancré en ce qui concernait son rapport à Alana, pour certaines raisons...
— Tu n'as pas à t'inquiéter, vraiment, le rassura le jeune homme, d'un ton qui avait abandonné toute espièglerie. On n'est pas censé être balancés en plein bain de foule dès notre arrivée. Ma mère a tout prévu. On va arriver tranquillement, loin de l'attention générale, et y aller petit à petit. Et ton père ne nous aurait pas envoyés s'il ne nous avait pas estimés à la hauteur, non ?
— Oui tu as raison.
Les paroles du jeune Jedi avaient l'avaient rassurée, comme souvent. Lorsque la jeune Alana doutait d'elle-même, Anakin parvenait toujours à trouver des mots simples, mais souvent justes. Il s'agissait davantage du ton et de l'intention qu'il insufflait à son discours qui la touchait, comme peu de choses se trouvaient en mesure de le faire.
— Je sais que notre mission est importante et que je saurai me montrer à la hauteur, reprit-elle ensuite. Mais c'est toute cette attention qui est perturbante.
— Moi aussi j'y pense, même si ça me dérange moins, avoua-t-il. Et puis, tu n'es pas toute seule. Quoi qu'il arrive, on y fera face à deux, alors...
— Oui, merci Ani, lui dit-elle d'une voix apaisée.
— Je peux retourner dormir ?
— Oui, c'est bon, s'amusa-t-elle. Je vais essayer de méditer, pour me recentrer un peu.
La jeune femme s'installa tant bien que mal en tailleur sur son siège. Les mains jointes, elle tenta de faire le vide, laissant la Force se déverser en elle.
La Force, cette sorte de fluide, créé par tout être vivant. Une énergie qui entoure, pénètre, et rassemble tous les êtres de la galaxie en un tout unique. Selon les préceptes de l'ancien Ordre Jedi, la Force semblait avoir une volonté propre, celle de la recherche d'équilibre. Une scission idéologique vit le jour à son sujet, des millénaires dans le passé, donnant naissance à deux écoles de pensée opposées. Les disciples du côté lumineux recherchaient l'harmonie, la symbiose et l'altruisme. Tandis que les adeptes du côté obscur tendaient vers le profit personnel, l'accroissement de leur puissance et leur ambition de domination. Chez les êtres sensibles à la Force, appelés Jedi lorsqu'ils servent le côté lumineux, de nombreuses capacités pouvaient se manifester. De l'acuité accrue des sens jusqu'à la manipulation mentale, en passant par divers pouvoirs télékinésiques.
La méditation de Force était l'un de ces pouvoirs. Une des bases de l'apprentissage des jeunes Jedi, et ce pour plusieurs raisons. Sa fonction réparatrice tout d'abord, une heure de méditation pouvant se substituer à une bonne nuit de sommeil. Ensuite, une dimension médicale, en accélérant la récupération et la régénération des blessures. Et enfin, le bien être mental, permettant de trouver en soi certaines réponses via un apaisement total. En ce qui concernait les Jedi les plus expérimentés, ou bien ceux démontrant un certain talent précoce, il existait la possibilité d'avoir des visions à travers la Force. Des morceaux d'évènements liés dans le passé, le présent et l'avenir, la Force coulant dans l'espace comme dans le temps. L'avenir étant toujours en mouvement, la Force ne révélant parfois qu'un avenir possible parmi beaucoup d'autres.
La jeune Alana avait déjà fait l'expérience de ce genre de visions.
Une silhouette indicible se déplace avec une grâce naturelle, en direction de ce qu'il semble être une pièce dérobée. Elle prend place près d'un panneau de commande qu'elle active. Après un court instant, une image holographique apparait. Le décor de la pièce semble aussi brumeux et indéchiffrable que les deux silhouettes présentes. Plus qu'une impression visuelle, il s'agit davantage d'une brume qui s'activait sans cesse, animée par un flot singulier. Des sons, quelques peu plus clairs, sans pour autant être en mesure de bien les définir. La perception principale allait au-delà de ces simples sens.
— Rapport ? dit une voix rauque masculine.
— Les infrastructures sont enfin prêtes monseigneur, répondit une voix féminine. Ma position est bien établie. Le climat politique et social s'oriente dans le sens que nous voulions.
— Bien. Nous allons pouvoir commencer à faire transiter nos agents sur place. Nous sommes au commencement de ce pourquoi nous nous sommes montrés patients pendant bien longtemps. Notre œuvre ne fait que débuter. Tu connais la suite du programme, et ce que tu dois faire. Ton rôle va être des plus importants, et je sais que tu ne me décevras pas.
— Oui monseigneur. Je reviendrais ultérieurement pour un nouveau rapport.
— Je ne peux rester sur ce canal plus longtemps, je te souhaite bonne chance ma fille.
— Je vous rendrais fier, père.
Ahch-To, avant d'être renommée New Alderaan.
Une image nette. La contemplation d'un temple vieillissant. Un homme se tient debout, accompagné de plusieurs enfants. On distingue une longue cape noire, puis le visage de l'homme. Mon père, Luke Skywalker.
Il me tient moi, encore petite, dans son bras droit. De l'autre, il donne la main à un enfant, plus âgé. Ce doit être Anakin. Il tient la main à un autre enfant. Ce doit êt- Non, c'est un autre petit humain, du même âge. Etrange. Il ressemble beaucoup à Anakin. J'entends Ani lui parler. « N'ai pas peur petit Ben, tout ira bien, on est avec tonton Luke. » L'enfant lui répond, avec une voix grave digne d'un adulte. « Non Ani, tout n'ira pas bien. Pas tant qu'on suivra tonton Luke »
Un flash lumineux.
Une onde de choc. Des cris par milliers.
Un homme mort sur le sol, à côté de lui se tient Leia.
Une voix au loin. Elle m'appelle. Alana ? Alana !
— Alana !
La jeune femme sursauta, offrant une expression inquiétante sur son visage. Retour à la réalité, songea-t-elle, réalisant au fur et à mesure ce qui venait de se dérouler.
— Tout va bien ? s'enquit Anakin, inquiet.
Son canal d'interprétation n'avait pas encore pleinement fait le tri de ces informations, mais elle prit de tout de même la peine de répondre à son cousin.
— Euh oui... lui répondit la jeune femme, encore légèrement désorientée. Oui, tout va bien.
Tout en se replaçant plus convenablement sur son siège, elle jeta un coup d'œil tout autour d'elle, le temps de resituer où elle se trouvait, portant ses mains à son visage en se frottant le front avant d'ensuite réaliser que ce qui venait de se passer était terminé.
— On ne va pas tarder à arriver, reprit Anakin, en voyant que la jeune Jedi semblait troublée. Encore ces visions ?
— Oui, affirma-t-elle avant de se reprendre. Enfin pas vraiment. C'est difficile à expliquer.
— Essaie toujours.
Le visage d'Anakin l'invitait à poursuivre. Il était bien au fait de ce qu'elle expérimentait parfois, et était une nouvelle fois d'un soutien bienvenu.
— Ca commence comme d'habitude. Tu sais, la vision où tout semble brumeux, expliqua-t-elle, le jeune homme acquiesçant d'un signe de tête. Je ne distingue toujours aucune silhouette, ni aucun indice qui m'aiderait à situer le tout. J'entends ces personnes parler un court instant, mais rien ne semble avoir de sens.
— Et après, l'arrivée au temple avec ton père, quand on était tout petit, compléta-t-il, devinant la suite. Puis les flashs et les cris c'est ça ? Tu n'as pas à t'en faire pour l'instant. Ton père te l'a souvent dit, il n'y a pas assez de détails pour commencer à s'en inquiéter.
— Oui, mais..., fit-elle en hésitant. Cette fois, il y avait quelque chose en plus. Quelque chose... de plus sombre.
Les derniers mots de la jeune Jedi avaient capté l'attention d'Anakin. Ce n'était pas dans ses habitudes de parler ainsi. Ce ne pouvait signifier autre chose qu'un élément des plus déstabilisants.
— Qu'est ce que tu veux dire ?
Elle hésitait toujours. Alana commençait à peine à réaliser ce que ces nouvelles images représentaient, qu'elle imaginait quel pouvait être l'impact sur son cousin.
— Eh bien, lors du passage au temple... Tu parles à l'enfant à qui tu tiens la main, mais ce n'est pas Grogu. Il s'appelle Ben. Tu l'appelles même... petit Ben, précisa-t-elle, Anakin ne cachant pas sa stupéfaction suite aux révélations du récit de sa cousine. Il ne dit rien de bien cohérent, mais c'est plus le ton qui semble pesant. Je pense bien que... C'est ton petit frère.
Non, elle devait se tromper, il en était convaincu. Lorsque ses parents s'étaient séparés, peu après son départ pour le temple, sa mère n'attendait pas d'enfants. Et elle ne lui en avait jamais parlé. Sa mère n'aurait pu lui cacher une telle chose, c'était inconcevable.
— Impossible, je n'ai pas de frère.
— Je le sais Ani, mais cela me semblait bien réel sur l'instant. Aussi net que le souvenir originel, si ce n'est pas plus. Mais ce n'est pas tout. Il y a une dernière chose. Juste avant que tu ne me réveilles, j'ai eu le flash et les cris comme d'habitude, mais une nouvelle image m'est venue.
— Super, je m'attends au pire...
— L'image d'un homme étendu au sol. Mort, fit-elle avant de marquer une courte pause. Ta mère se tenant debout à côté de lui.
Son sang ne fit qu'un tour. Le mot mort et sa mère associés dans la même phrase ne pouvait être rassurant.
— Quoi ?! C'était qui cet homme ?
— Je ne sais pas, mais son visage ne me dit rien.
Cela faisait trop pour lui. Anakin était par trop souvent habité par des meurtrissures aussi douloureuses qu'insolubles. Qu'il n'était en mesure de partager avec personne, pas même sa cousine avec laquelle il était pourtant si proche. Parce qu'elle était une partie du problème, pour dire ainsi. Tout ceci le poussait bien souvent à montrer bien moins de maîtrise et de contenance en ce qui concernait la gestion de ses émotions, pour le plus grand plaisir de son entourage. Et pour le meilleur comme pour le pire.
— C'est n'importe quoi ! s'emporta le jeune homme. Tu délires Alana...
— Je sais que ça ne veut peut-être rien dire, mais mon père...
— Je sais très bien ce qu'en dit ton père Alana, et je m'en contrefiche, l'interrompit-il d'un ton plus sec qu'il ne l'avait souhaité. Tes visions, on ne sait même pas si c'est déjà arrivé ou si ça va arriver. Et aussi que ça n'arrive jamais, alors je ne vais pas miser dessus.
Elle était peinée qu'il réagisse ainsi. C'était de sa faute, avec ce qu'elle venait de lui raconter. Et son devoir avait toujours été de l'apaiser, compte tenu de ce qu'il vivait. La relation avec son père, puis celle avec son oncle également, même si elle était bien moins tortueuse. Cela le parasitait depuis tout ce temps. La seule chose qui animait la jeune femme était d'apporter le réconfort qui manquait tant à son cousin.
— Ca ne sert à rien de te mettre dans cet état pour ça, lui répondit-elle d'un ton apaisé. Je n'ai jamais dit que l'on devait s'y fier. On ne peut néanmoins les ignorer. Ressentir des émotions si fortes, en pleine méditation, cela traduit forcément quelque chose. Tu en a toi-même parfois fait l'expérience, même de façon moins intense, continuait-elle d'expliquer, le jeune Jedi semblant retrouver son calme. Nous devons faire confiance à la Force, et également dans nous-mêmes. Tout finira par s'éclaircir le moment venu.
Il y eut une pause, Alana ayant toujours le regard tourné vers Anakin, qui lui regardait dans une autre direction. Il finit par rejoindre son regard. Elle avait raison. Comme souvent, toujours presque, elle avait raison. Il parvenait toujours à l'écouter, d'une manière ou de l'autre. Mais il devait dans le même temps s'emporter quasi systématiquement, quoi qu'il arrive. Il avait beau se maudire d'être ainsi, il ne parvenait pas à agir différemment. Il pouvait au moins se concentrer sur ce qui importait. Alana. La sagesse qu'elle avait héritée de son père pouvait parfois se révéler agaçante. Mais elle visait souvent juste, et il le savait.
— Oui, tu as certainement raison... Tout ça est encore flou, on finira bien par tirer ça au clair. Je suppose que je dois être plus tendu que je ne veux l'admettre, ajouta-t-il calmement. Et je n'aurais pas du m'emporter contre toi, tu n'y es pour rien. Excuse-moi.
— C'est oublié, conclu la jeune femme avant d'ajouter, et maintenant on a au moins la preuve qu'on ne prend pas notre mission à la légère tout les deux.
Le jeune Jedi acquiesça en souriant. Tant qu'ils étaient ensembles, ils seraient en mesure d'affronter tous les défis. Le problème, c'était qu'ils n'avaient pas du tout conscience de ce qui les attendaient.
*****
— Messieurs-dames, nous arrivons sur Coruscant, indiqua une voix modulée dans la navette. Nous atteindrons notre plateforme d'atterrissage dans moins de cinq minutes. En attendant, profitez de la vue.
Les jeunes Jedi se penchèrent près des larges hublots. La navette, juste après être rentrée dans l'atmosphère de la planète, se dirigeait directement vers New City, capitale de Coruscant et de la Nouvelle République Galactique. Cette gigantesque mégalopole couvrait la quasi-totalité de la planète, entassant plus de 900 milliards d'êtres vivants, humains et non-humains, dans la plus grande cité de la galaxie.
Ils passèrent au-dessus de nombreux édifices, d'immenses tours de permabéton teinté d'une palette de gris. Des affichages holographiques hauts en couleur, les noms des plus grandes marques et entreprises étant éclipsés par nombre de publicités interactives. De cette distance, on n'arrivait même plus à distinguer les rues, obstruées par le trafic des navettes, speeders et autres transports.
Quelle que soit la planète, on pouvait sur chaque mégalopole retrouver des similitudes, la même « vie de rue ». La lumière naturelle du jour difficilement accessible une fois au sol, éclipsée par la taille des tours des mégacorporations, la plupart affrétés d'holofaçades, plus massives et excentriques les unes que les autres. Plus bas, s'étendaient à perte de vue divers bâtiments et kiosques. Se jouait ici bas des transactions plus capitales les unes que les autres. Le simple système du consumérisme ambiant, comme une essence distillée de comportement générique, processus répété, chaque espèce pouvant y trouver son compte. Les speeders se garaient le long des trottoirs, ou en redémarraient en pleine rue.
La navette transportant les Jedi étaient encore trop haut dans le ciel, mais rien qu'à travers le hublot, on pouvait deviner les bruits des slogans et leurs musiques modulées. Elles poussaient n'importe qui à au moins s'arrêter devant un commerce, comme si les odeurs émanant des filets de vapeurs et des fumées dérivant au dessus de certains marchants ambulants n'étaient pas une invitation suffisante.
— Je me demande toujours comment les gens font pour ne pas se perdre dans cette foule qui s'étend à perte de vue, dit Alana en pensant à haute voix.
— Ca, c'est parce que vous z'êtes pas d'ici ma p'tite dame, lui répondit le pilote.
Il s'agissait d'un rodien à la peau verdâtre, s'exprimant un basic républicain plutôt maitrisé, si ce n'était sa tendance à utiliser un champ lexical très familier et à contracter les mots.
— Passez un moment ici, et vous vous y f'rez, comme nous tous. Et pis vous aut' Jedi, pas moyen d'se perdre, nan ? Vous faites pas d'bile.
— Oui je suppose, se contenta de répondre la jeune femme, peu convaincue.
— Ce n'est pas notre première fois ici, pilote, reprit Anakin. C'est juste que l'on ne passe pas vraiment dans les zones les plus bondés d'habitude.
— Moi j'dis ça, c'est pour vous les jeunes, ajouta le pilote avant de recevoir une transmission sur le comlink intégré à la navette. Ouais contrôle, ici navette prime. Ah bon ? Très bien, on reconfigure la trajectoire, temps d'arrivée estimé 3 minutes.
— Un problème, pilote ? demanda Anakin.
— Pas qu'je sache, répondit-il. On nous a d'mandé d'nous rediriger vers une aut' plateforme d'atterrissage. Ca arrive, l'trafic doit être naze, un accident ou aut'chose...
Ce devait être Leia qui se trouvait en charge de leur itinéraire. Elle avait tout calculé pour qu'ils arrivent sans peine, directement pour la retrouver.
— J'ai un mauvais pressentiment, dit le jeune homme d'un ton assez familier.
— Moi aussi, ajouta Alana. Nous allons rapidement être fixés.
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