Le Luxe
Je ne hais pas le luxe, tout au contraire je l’aime ; mais je n’en ai que faire pour moi. J’apprécie à regarder les bijoux. Je ne trouve pas de création humaine plus jolie que ces combinaisons de métaux et de pierres précieuses qui peuvent réaliser les formes les plus riantes et les plus heureuses dans de si délicieuses proportions. J’aime à examiner les parures, les étoffes, les couleurs ; le goût me charme.
Dans une autre vie, j’aurai pu être bijoutier ou costumier pour inventer toujours, et pour donner, par le miracle du goût, une sorte de vie à ces riches matières. Mais tout cela n’est d’aucun usage agréable pour moi, trop superficiel. Un beau costard est gênant, les bijoux égratignent et gênent, et en toutes choses, la mollesse des habitudes nous vieillit et nous tue. Enfin, je ne suis pas né pour être riche ni avide d’ambition démesurée. Je vivrais très réellement dans une chaumière du Berry, pourvu qu’elle fût propre, avec autant de contentement que dans une villa italienne. Et ce n’est point vertu ni prétention à l’austérité de la richesse que je n’ai pas.
Est-ce que la chaumière n’est pas, surtout pour l’artiste, plus belle, plus riche de couleur, de grâce, d’arrangement et de caractère, qu’un vilain palais moderne construit et décoré dans le goût aristocratique et constitutionnel, le plus pitoyable style qui existe dans l’histoire des arts ?
Aussi, je ne comprends pas que les artistes de mon temps aient, en général, tant de vénalité, de besoin de luxe, d’ambitions de fortune. Si quelqu’un au monde peut se passer de luxe et se créer à lui-même une vie selon ses rêves avec peu, avec presque rien, c’est bien l’artiste, puisqu’il porte en lui le don de poétiser les moindres choses, et de se construire une cabane selon les règles du goût ou les instincts de la poésie. Le luxe me paraît donc la ressource des gens bêtes…
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top