La presse n'est pas tendre à mon égard. Évidemment. J'avais oublié à quel point Cameron Halden est aimé du public et des journalistes. L'analyse des images du match a prouvé que j'avais simulé une blessure et un contact avec le capitaine de Charleston. Résultat : Derek passe son temps à répondre des trucs bateaux à ceux qui réclament des interviews. Du genre « dans le feu de l'action blablabla » ou encore « Aucune volonté de nuire à l'adversaire blablabla ».

Je consulte un énième article sur le match. Je sens la colère m'envahir. À quoi je m'attendais, putain ?

« La saison de trop pour Austin Milford ?

Après avoir simulé une grave blessure ce samedi lors de la rencontre opposant Rochester à Charleston, de nombreuses voix réclament sa suspension pour le reste de la saison actuelle. Même si Milford et Cameron Halden se détestent depuis longtemps, force est de reconnaître que l'attaquant des Black Panthers a dépassé les bornes cette année. Nous nous interrogeons sur la suite de la carrière de Milford. A-t-il encore sa place dans une équipe de soccer ? Le club de Rochester peut-il se permettre de conserver dans ses rangs un garçon au caractère aussi irascible ? Samedi soir, nous avons eu le sentiment que Milford ne jouait pas pour gagner ce match mais pour empêcher Cameron Halden de remporter une nouvelle victoire face à lui. Depuis le début de la saison, Austin Milford a multiplié les comportements stupides et irréfléchis, mettant gravement en danger sa carrière et écornant un peu plus son image et celle de son club. À bientôt trente ans, il ne représente plus l'avenir. Est-ce la saison de trop ?

La saison de trop ? Vraiment ? Ils se foutent de ma gueule ? Genre, je suis trop vieux ? Je suis en pleine forme, je n'ai aucun problème de santé, je sais toujours courir pendant un match entier. C'est du grand n'importe quoi. L'heure de la retraite n'a pas encore sonné pour moi !

Par contre, il y a un point sur lequel je ne peux leur donner tort. Il est vrai que sur le coup, j'ai agis sans réfléchir samedi soir. C'est tout moi ça. Je fais une connerie, je réfléchis ensuite aux conséquences. Maintenant, les médias se déchaînent et, de plus, ils ne comprennent pas l'acharnement du méchant Austin envers le gentil Cameron. Quoique gentil...son coup de sang m'a surpris. Oui, je m'attendais à ce qu'il m'engueule mais qu'il me gifle ? Je ne l'ai clairement pas vu venir.

Derek n'arrête pas de me supplier d'arrêter de le provoquer. Que ce soit en match ou par réseaux sociaux interposés. Il craint que l'accès de violence de Halden en engendre d'autres auxquels, cette fois, je serais bien capable de répondre. Depuis cinq jours, il ne cesse de me harceler à ce sujet par téléphone. D'ailleurs, quand on parle du loup...

Je décroche en soupirant :

— Non Derek, je suis chez moi, je n'ai pas bougé, je ne suis pas en train de me bourrer la gueule à Toronto. De toute façon, je ne suis pas certain que mon cher papa m'y aurait autorisé.

— C'est pour ton bien, Austin. Tu as vraiment exagéré cette fois.

— Et la gifle, personne n'en parle hein...

— Tu l'as provoquée. Et, entre nous, elle est largement méritée.

— Pardon ? Tu n'es pas sérieux ?

— Tu veux mon avis, Austin ? Je n'ai pas apprécié ton geste de samedi. Alors, oui, tu as mérité cette gifle. En attendant, Cameron Halden risque une suspension de plusieurs semaines. Alors que sur le terrain il est l'exemple même du fairplay.

— Non mais défends-le tant qu'on y est ! Genre, c'est un enfant de cœur et moi le diable en personne !

— Bon sang Austin, grandis un peu ! Son geste n'est pas acceptable mais le tien non plus. Tu ne récoltes que ce que tu as semé.

— Et sinon, tu m'appelais juste pour me remonter les bretelles ? Parce que dans ce cas, épargne ta salive. Ça fait cinq jours que tu me saoules. Sans compter mon père qui...

— Justement, c'est à propos de ton père. Il...il souhaite que tu arrêtes le soccer.

— Il...QUOI ? Non mais il est tombé sur la tête ? Jamais de la vie !

— Austin, tu sais comme moi qu'il n'a jamais apprécié ton choix de carrière. Cette saison doit être ta dernière. Il estime que tu t'es assez amusé et qu'il est grand temps que tu reprennes ta place au sein de ta famille.

— Tu sais quoi, Derek ? Tu es pathétique à te coucher à ses pieds et à me transmettre tout ce qu'il refuse de me dire en face.

— Alors, parle-lui. Austin, sache également que le projet « mariage » a refait son apparition. Tu auras trente ans dans deux mois. Tu ne penses pas qu'il serait temps que tu t'affranchisses une bonne fois pour toute ? Que tu prennes ton indépendance ?

— T'es un comique Derek. Tu fais toutes les petites commissions de mon père mais en même temps tu t'inquiètes pour moi ?

— C'est ton père qui me paie, je te rappelle. Donc oui, je fais ce qu'il me demande mais cela ne signifie pas que je suis d'accord avec lui. Est-ce que tu as conscience que, s'il décide de te rayer de sa vie, tu te retrouveras à la rue, sans le moindre dollar ? Quand vas-tu enfin te décider à consulter un avocat bordel ? C'est illégal ce qu'il fait !

— Justement Derek. Je n'ai pas d'argent ! Comment va-t-il réagir s'il découvre que je consulte un avocat sans l'avoir prévenu hein ? De toute façon, oublie. Un avocat refusera de me recevoir si je ne peux pas le payer.

— Je peux toujours essayer de négocier un contrat en douce avec paiement en liquide afin de payer les honoraires.

— Et là ce sera ta carrière que tu ruineras.

— Austin, il faut que tu réfléchisses au problème. Si tu ne réagis pas, dans un an tu seras muté comme cadre à New York et tu passeras tes journées dans un bureau avec vue sur Central Park. Tu seras marié avec la jolie et insipide fille d'un businessman multimillionnaire et ton père aura exigé que tu lui fasses un petit-fils dans les douze mois. C'est ça que tu veux ?

— Ok, ok. Je vais...d'accord, je vais réfléchir.

— Ne traîne pas Austin. Je ne pourrais peut-être pas empêcher une rupture de contrat pour faute grave. Tu connais la manière dont ton père gère les affaires du club.

Je raccroche, furieux.

Puis, je découvre que Tyler m'a envoyé un message sur BeYourself. Il a des problèmes personnels à régler et ne sait pas encore quand il pourra à nouveau discuter avec moi.

La semaine est officiellement merdique.