58. CEUX QUI PARTAIENT EN VACANCES




– Bon, est-ce que tout le monde est bon ?

Eden ressemblait à un moniteur de colonie de vacances. Il avait déjà sur lui son short de plage (vert, on ne le refaisait pas), et un tee-shirt blanc, assez large qui laissait apparaître ses jolies clavicules pour notre plus grand plaisir. Oui, je pouvais parler au pluriel, car il fallait être une bien mauvaise langue pour ne pas admettre qu'Eden était sympathique à regarder. Il avait dans ses mains une liste qu'il avait écrite la veille de notre départ, pour être sûr de ne rien oublier.

– Voiture numéro une, je conduis. Avec Isaac, Flora, Maya et Inès. Voiture deux, Adel, tu conduis. Avec Simon et Louis. Les valises sont dans les coffres, on a bien les clefs de la maison là-bas...

Isaac tapota gentiment l'épaule de son petit ami et lui fit un sourire attendris.

– Ça va aller, on ne va pas se perdre. On a tous nos GPS au cas où nos chemins se séparent sur l'autoroute, lui dit-il gentiment.
– Mouais. Bon. Alors on peut y aller.

Je remerciais silencieusement Isaac d'être intervenus : Eden aurait été capable de nous faire un speech sur la sécurité routière, sur les règles de savoir vivre en voiture ou que sais-je.

Nous nous installâmes tous nos véhicules respectifs, et je montais à l'arrière, désireux de laisser Simon devant. Ce dernier était malade en voiture, et il était hors de question de le voir vomir derrière moi durant le trajet, je lui cédais donc la meilleure place à côté du conducteur. Eden ouvrit la route, et Adel fit vrombir le moteur.

Les valises étaient toutes calées à l'arrière, mais en raison du petit coffre que possédaient nos deux voitures, j'avais les sacs sur le siège passager à mes côtés, ainsi que l'imposante glacière sous mes pieds. J'avais la vague impression qu'Inès avait déménagé l'intégralité de son appartement pour partir en vacances, et qu'elle avait influencé Maya à faire de même. Flora, je ne me posais même pas la question ; mon amie était comme Inès.

J'avais attendu ce moment avec impatience. D'une part parce que ces vacances à Biarritz étaient les premières que nous prenions tous ensemble depuis trop longtemps, et depuis, parce que cette fois-ci, Flora et Simon se joignaient à l'aventure. Et j'en étais très fier. Simon avait eu un eu plus du mal à accepter, mais je lui avais assuré que nous étions tous très content de le compter parmi nous. Durant le trajet, il n'eut d'ailleurs aucun mal à faire la causette à son voisin, et je me sentais soulagé. 

– C'est totalement la femme de ma vie !, clama Adel.

Je me penchais un peu en avant, entre les deux sièges, pour écouter leur conversation.

– Qui est l'heureuse élue ?
– La plus belle femme du monde, me répondit Simon.

Oula. Clairement, je sentais que j'arrivais en plein sujet gagatage. Je levai un sourcil, curieux, et esquissais un sourire.

– Laisse moi deviner, Lily ?

Adel poussa un drôle de cri d'approbation et Simon se tourna vers moi avec un sourire immense. D'accord. J'avais vraiment mis les deux pieds dans le plat et j'allais me retirer avant qu'ils ne se mettent tous les deux à me chanter les louanges de cette femme incroyable. Parce que oui, ne vous y trompez pas, Adel en était réellement fan. Et visiblement, Simon aussi. Lily Collins serait toujours la numéro un dans son cœur, et je le savais bien ! Je rigolais, en les entendant éplucher la filmographie de la jeune actrice, et enfonçais de nouveau mes écouteurs dans mes oreilles. J'étais au moins soulagé sur un point ; moi qui avais peur que Adel ne s'entende pas avec Simon, ils avaient l'air de partir sur une bonne base.

Durant les deux petites heures de trajet mon esprit vagabonda d'un monde imaginaire à l'autre que mon cerveau créait sans aucun effort. Lorsque je voyageais en voiture, en train ou en avion, mon imagination avait l'habitude de s'affoler toute seule, et il n'était pas rare que je m'invente des histoires fantaisistes le temps d'un trajets, plus ou moins long. Et puis, finalement, mes paupières se firent lourdes, et Morphée m'accueillit dans ses bras avec plaisir. 


* * *


C'était idiot, mais depuis que j'avais parlé à Inès, mon cerveau ne cessait de s'inquiéter de savoir comment elle allait, à chaque instant où nous étions ensemble. Et quand je descendis de la voiture, une fois arrivé, je vis à mon grand soulagement qu'elle avait le sourire, et qu'elle ne pouvait plus s'arrêter de rire. Au moins, leur trajet s'était bien passé. Je ne doutais pas que Simon et Adel ait passé deux heures agréables eux aussi, ils avaient fini par vite trouver un sujet de conversation qui les distrayait tous les deux.

La maison de la tante de Maya était située à cinq minutes à peine d'une des plus grandes plages de la ville, et autant vous dire quelque chose : j'en étais amoureux depuis qu'elle m'y avait amené la première fois. J'aimais le quartier, j'aimais pouvoir aller au bout de la rue, voir si la marée était basse ou haute, et décider sur un coup de tête d'aller me baigner ou non, j'aimais la piscine dans le jardin, le jardin plein de fleurs et de petits arbustes... C'était très clairement la maison de mes rêves pour des vacances entre amis. J'étais tout simplement heureux d'être ici, avec eux.

Une fois nos affaires posées dans le sac, en vrac, Maya nous fit établir un cercle pour nous expliquer le nombre de chambres, des salles de bains, par où quitter la maison, où allumer et éteindre l'alarme... Elle avait pris un air sérieux tout à coup, et personne ne se risqua à la couper.  

– Alors, c'est très simple. Nous avons une chambre au rez-de-chaussée, avec une petite salle de bain à côté. C'est une chambre avec deux lits simples. À l'étage, et c'est là que ça devient sympathique, se trouve la chambre parentale, avec le lit double, la chambre d'une de mes cousines, avec un lit simple, la chambre de mon cousin, avec un lit double, et la dernière, juste à côté de la salle de bain, avec deux lits simples et un matelas qu'on peut mettre par terre. Faite vos jeux, mais moi, je veux dormir dans un lit.

Et aussitôt, ce fut la cohue. Chacun essaya de faire valoir le pourquoi il devait avoir un lit simple, et non double, hormis Eden et Isaac qui, d'un commun accord, prirent la chambre parentale. Pour les autres, Maya décréta de faire un jeu pour décider, et j'eus envie de m'enterrer au fond du jardin.

– Puisque vous êtes incapable de vous entendre, on va faire ça. Eden et Isaac, vous n'avez qu'à porter vos affaires dans votre chambre !
– Oh non, tu rigoles ? Je veux voir qui va aller avec qui !
– Puisque tout le monde veut visiblement la chambre du rez-de-chaussée... On va commencer par celle-ci ! On faire un pierre feuille papier ciseaux !

Voilà qui me rappelait des souvenirs, et je me mis à rougir fortement. J'avais toujours été mauvais à ce jeu. Et ce fut Simon qui l'emporta. Il afficha une mine réjouie, et attrapa ses affaires, trop heureux de pouvoir dormir dans une chambre tout seul, sans supporter les ronflements de l'un, et les bavardages des autres. Flora le suivit, et ils ne parurent pas mécontents de leurs nouveaux colocataires de chambre. 

– Pour la chambre à l'étage avec les deux lits simples.

C'était maintenant où jamais. Je devais avoir cette chambre. C'était une question de vie ou de mort. Cela ne me gênait pas de dormir avec Maya, je l'avais déjà fait plus d'une fois, cependant... Maya remporta un lit, très fière d'elle, et Inès la suivit. Et je soupirais. Très fort. Est-ce que le karma se jouait de moi ? Visiblement, personne ne broncha, hormis Eden qui m'adressa un petit haussement de sourcil suggestif, et qui pouffa en se dirigeant vers sa chambre. Sans adresser un seul regard à mon camarade de chambré, je pris mes affaires avant de les monter, et de les jeter ne vrac sur le lit. Maya passa sa tête par l'encadrement de la porte et rigola en voyant nos têtes dépitées.

– Oh, bah j'allais préciser de ne pas faire de cochonneries à côté de nous, mais ça devrait aller !

Je lui fis les gros yeux, ce qu'elle ne sembla pas remarquer, et elle disparus en éclatant de rire. La fourbe, la vipère, quelle meilleure amie en carton ! Au fond, j'avais l'impression que tout cela avait été orchestré. 

– Boude pas, ronchonna Adel. Je saurais me tenir et rester de mon côté du lit.
– J'espère bien...

Je ne boudais pas, non, mais au fond, j'étais dépité de voir la tournure que prenaient mes vacances, à peine commencée. 

– Gauche ou droite pour le lit ?
– Comme d'habitude, répondis-je en haussant les épaules.

Et puisque nous savions très bien tous les deux ce que j'entendais par là, nous nous installâmes en silence. Pourquoi avais-je cette impression que j'allais me faire charrier à propos de cette répartition des chambres pendant toute la soirée ? 


*


Une petite demi-heure plus tard, nous étions tous dans la cuisine, à déballer nos provisions à et remplir le frigo de nourriture saine et équilibré pour notre séjour. Vraiment saine et équilibrée, Eden y avait veillé. Pour lui, il était hors de question de prendre du poids ou du gras pendant notre séjour, il devait se maintenir en forme pour ne rien perdre en muscles, ou je ne savais trop quoi. J'avais beau être sportif, j'avais dans l'idée de manger n'importe comment pendant les jours à venir, je savais déjà ce qu'il me restait à faire... Aller m'acheter des tonnes de glaces chez mon glacier favori. 

– Demain matin, plage ?, proposa Maya d'une voix enjouée.

Elle avait affiché sur le frigo les horaires de marée pour les semaines à venir, afin que nous puissions nous organiser. 

– Carrément !

Je m'y voyais déjà, plongeant la tête la première dans les vagues... Cette sensation m'avait cruellement manquée, depuis le temps.

Petit, j'avais développé un amour assez grand pour l'océan, et j'avais toujours été heureux lors des vacances, lorsque nous nous rendions sur la côte atlantique. Puis, avec le temps, les après-midi passées sur la plage avaient diminué, mes parents avaient favorisé d'autres lieux pour nos vacances en famille... Et je n'avais renoué qu'avec le sable chaud et les crabes qu'avec Maya, lorsque nous décidions de nous rendre à Biarritz tous les deux.

Ce soir-là, nous mangeâmes rapidement, avant de nous vautrer devant le premier film venu à la télévision. L'écran géant, qui trônait dans le salon m'avait toujours fasciné, et c'était toujours un plaisir de regarder des films dessus. Inès ne tarda pas à s'endormir sur l'épaule de Flora, qui n'en menait pas large non plus. Au final, aucun d'entre nous ne tarda à aller se coucher, la route nous avait épuisé, et demain, notre première journée de vacances s'annonçait chargée.

Je me brossais les dents, me changeais et me glissais sous les draps qui sentaient encore bon la lessive. Je laissais mes muscles se détendre, mes jambes lourdes s'enfoncer dans le matelas, et mon esprit se calmer. Adel ne tarda pas non plus, et ne dérogea pas à son petit rituel avant de dormir. Il regarda ses boites mails, les fils d'actualités de ses réseaux sociaux favoris, et posa enfin son potable sur la table de chevet. 

– Bon eh bien...
– Bonne nuit ?
– Ouais, voilà, bonne nuit.

J'eus envie de me tourner et le prendre dans mes bras, comme la dernière fois que je m'étais retrouvé dans le même lit que lui, mais me retins. La dernière fois Adel avait dormi sur son canapé pour éviter que nous nous retrouvions dans une situation pareille. Ce soir, tout était différent. Nous avions toujours eu l'habitude de dormir sur son lit double, de taille vraiment généreuse, et nous ne pouvions pas dire que cela était le cas du lit dans lequel nous étions actuellement. J'eus comme l'impression de prendre trop de place, même en me serrant tout au bord. 

– Euh... Louis ? Tombe pas du lit, hein...
– Mmh ?
– Tu as de la marge, je vais pas te bouffer, tu sais...

Un peu honteux de m'être fait prendre sur le fait, je me rapprochais un peu, pas trop vite, et à une distance raisonnable. 

– Je sais encore me contrôler...
– Pardon, c'est idiot je...
– J'te taquine, détend toi rooh...

J'avais envie de me donner une claque. Évidement qu'il me taquinait, cela se sentait au son de sa voix ! Et moi, j'avais tellement l'esprit ailleurs que j'étais incapable de m'en rendre compte. Il remua un peu dans ses draps, cherchant sa position pour dormir et se tourna face à moi, qui lui tournait toujours le dos. 

– Louis, je peux te poser une question ?, articula-t-il d'une voix lourde de sommeil.
– Oui ?

Je me retournais sous les draps, pour lui faire face. Dans la pénombre de la pièce, je ne percevais pas grand chose du garçon couché à mes côtés, mais j'étais presque certain de la tête qu'il tirait en ce moment même. J'étais curieux de savoir ce qu'il avait à me demander, surtout qu'il ne disait désormais plus un mot.

– Adel ?

Toujours pas de réponse. Sérieusement, est-ce qu'il s'était endormi ? Je percevais son souffle, très léger, et sa respiration très calme, comme celle de quelqu'un qui avait déjà plongé dans le sommeil. Je me rapprochais un peu, le nez froncé, et soupirais en me rendant compte que oui, Adel s'était déjà endormi, au beau milieu de sa phrase. Et je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il ne simulait pas ; il avait toujours eu un don pour tomber endormi n'importe quand et n'importe comment quand il était un peu fatigué.

Cependant, j'étais toujours très frustré de savoir ce qu'il avait à me demander, et sa question en suspens me tracassa une bonne partie de la nuit. Pourtant, je savais bien qu'avec lui, je pouvais m'attendre à tout et n'importe quoi comme question, qu'il ne fallait pas que je formalise dessus, mais... C'était plus fort que moi. Les mots de Simon étaient toujours dans mon esprit, et même si Eden m'avait assuré qu'Adel ne ressentait plus rien pour moi, je ne pouvais m'empêcher de penser que Simon avait peut-être raison. Au fond, penser cela ne m'apportait rien : est-ce que ses sentiments changeraient quelque chose à notre situation actuelle ? La seule chose qu'ils étaient sûr de changer, c'était ma perception de sa personne, juste ça. Ce n'était pas comme si j'attendais quelque chose de lui désormais, si ? Il n'y avait rien de plus.

Rien de plus, vraiment Louis ?

Parce que...

Oui. Peut-être qu'au fond de moi j'avais cette envie irrépressible de plaire à quelqu'un. Et pas à n'importe qui. 




* * *

Oui, je poste un mercredi, plus rien ne va xD Hormis ça, j'espère que ce petit chapitre qui introduis les vacances de la bande vous a plu ! J'avais tellement hâte d'en arriver à ce moment là de l'histoire parce que... Hé bien j'ai trop de trucs de prévu hé hé ~  

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