Chapitre 4

>> Drown, Bring Me The Horizon.

- Monsieur et Madame James ont l'air d'être des parents formidables, me déclare Marie en débarrassant mon plateau repas.

J'ai lu son prénom sur son badge, il s'agit de mon infirmière officielle, vous vous souvenez de cette fameuse infirmière de garde qui a ouvert la porte, provoquant la pire douleur que j ai ressenti de ma vie lors de mon réveil ? Ouais bah c'est elle . Elle devait sûrement penser que j'étais affamée car elle m'a apporté un peu plus tôt, de quoi nourrir un régiment. Je n'ai touché qu'au yaourt.

-Oui, ils le sont.

Cela fait seulement une heure qu'ils sont partis, et ils me manquent déjà. Le docteur Johnson leur a demandé de partir afin que je puisse me reposer, comme si je n'avais pas assez dormi. Mais il a raison, je suis exténuée.
Marie pose mon plateau sur son chariot avec une moue qui signifie clairement "quel gâchis !".
Elle entreprend ensuite de me débarrasser de ma couverture pour qu'elle puisse m'aider à me lever.
Quand l'air rencontre la peau nue de mes jambes, et le reste de mon corps couvert seulement d'une blouse d'hôpital, je frissonne. Marie avance un fauteuil roulant vers mon lit . Mon cœur manque un battement. Elle passe son bras sous mon dos et mes jambes, et me fait doucement glisser vers le rebord. Je serre les dents luttant contre les poignards qui me transpercent le dos. Mes jambes sont raides, il m'est presque impossible de les plier par moi-même. Mes pieds sont gelés et arborent une couleur bleu-violacée. Charmant. Toutes deux nous arrivons tant bien que mal à me transférer dans le fauteuil, c'est à dire moi serrant les dents, et elle portant mon corps frêle le plus délicatement possible. La position assise est un supplice.

Nous pénétrons dans la petite salle de bain qui se trouve à la gauche de mon lit.
Pendant mon bain, je ne ressens aucune gêne qu'une inconnue me fasse ma toilette. Je ne reconnais pas mon corps, ce n'est pas le mien. En face de moi, un miroir. Je me demande qui a eut cette brillante idée de mettre un miroir ici. Mon corps est maigre. Je peux distinguer les côtes sous ma peau presque transparente à travers la buée s'accumulant sur la surface lisse de la glace. De larges cernes bleues ont pris place sous mes yeux, et, quant à mes lèvres, elles sont si gercées que les croûtes de sang me font office de seconde peau. Mon visage est déformé par la maigreur. Mes longs cheveux bruns ont perdu leur volume et éclat . Non, je ne me reconnais pas. Cette fois-ci, je ne permettrai pas à mes larmes d'être libérées. Je détourne alors le regard, et me concentre sur autre chose, n'importe quoi. Le parfum, je le reconnais, et je souris faiblement, cette odeur vient de chez moi.

- Je ne sais pas si tes parents te l'ont dit, mais ils sont venus te voir tous les jours sans exception. Me confie Marie en me lavant les cheveux. Ta mère s'occupait de ta toilette, et ton père tenait à tout prix à nous aider pour ta perfusion, un vrai infirmier en herbe. Parfois, je les surprenais en train de te faire la lecture et de te passer en boucle un groupe punk australien.

- C'est mon groupe préféré, il est génial, je déclare avec un large sourire, malgré le tiraillement .

                                                                                           ***

Je me réveille en hurlant, le tee-shirt trempé de sueur, collé à ma peau. Le cauchemar repasse devant mes yeux et j'en tremble comme une feuille.
Le soleil est levé, je l'admire à travers la vitre épaisse de la fenêtre. Ses couleurs rouges et rosées m'indiquent qu'il doit être encore tôt, mais il est hors de question que je me rendorme . Je tente alors de me redresser. C'est un succès. Je passe la main dans mes cheveux trempés, et regarde autour de moi. La chambre est bien plus agréable avec cette jolie lumière. Je souris de toutes mes dents quand mon regard tombe sur mon vieil mp3 posé sur la table de chevet.

                                                                                     ***

Assise de nouveau dans un fauteuil, un bonnet sur la tête et une grosse écharpe autour du cou, Marie me pousse le long des couloirs de l'hôpital, et l'impatience monte en moi. Quand j'aperçois la porte qui donne sur le parc, mon cœur explose, je le sens presque battre quand je me mords la lèvre inférieure. Lorsque je franchis la porte, quelque chose se brise en moi. Se réveille.

- Je veux marcher, je chuchote.

-  Comment Nia ? Je ne t'ai pas entendue.

- Je veux marcher, je répète un peu plus fort.

- Ce n'est pas possible, ma chérie, tu sais ce qu'a dit le docteur Johnson. Tu dois éviter pour le moment, la position debout.

Les larmes pointent à nouveau le bout de leur nez .

- Je veux marcher, je répète une nouvelle fois, d'une voix tremblante.

- Mais Nia, ma puce ...

Je perçois de la pitié dans sa voix, je n'en veux pas ! En ont ils eu de la pitié ? Eux ? Non. Jamais.
La colère bouillonne dans mes veines, je la sens me fouetter le sang, elle grimpe jusqu'à ce que j' explose.

- J'ai dit que je voulais marcher ! Je hurle.

Je me lève de mon siège, mais Marie me retient par le coude et me fait rasseoir doucement sur la chaise roulante. Elle se place devant moi, et s'accroupit.

- Ecoute-moi Nia. Tu ne peux pas marcher, pas encore. Je sais, c'est dur à accepter. Je pourrais te laisser faire cinq mètres, mais tu en voudrais plus. Toujours plus. Tes jambes ne peuvent pas encore supporter tout ton corps, sois patiente. Comprends bien que ton corps est aussi abimé que ton esprit, je me trompe peut-être, mais je pense que psychologiquement après ton accident, tout n'est pas ok, oui ou non ? Je hoche la tête. Bien, ton corps c'est pareil, alors on y va doucement. On est d'accord Nia ?

J'ai envie de hurler, de la frapper, de l'insulter, mais elle a raison, je ne peux rien faire, mon corps est faible.

                                                                                     ***

En arrivant dans ma chambre, le lendemain après la balade quotidienne, je suis surprise de voir ma mère, assise sur mon lit, des brochures à la main.

- J'ai quelque chose à te dire, m'annonce-t-elle en croisant mon regard.

Après que Marie m'ait installée confortablement dans le petit lit, et qu'elle nous ait laissées, ma mère se lance :

- Tu sais, après que tu sois partie faire tes radios ce matin, j'ai pas mal réfléchis à ce qui se passera après ton retour à la maison. C'est peut-être tôt pour te l'annoncer, et sûrement inapproprié pour la situation actuelle mais ... J'ai décidé en commun accord avec ton père, de te changer d'établissement scolaire.

- Hein ? Quoi ? Pourquoi ? Je demande précipitamment.

- Après ce qui s'est passé, je ne fais plus confiance ...

- Mais c'était un accident non ? Je suis tombée ! Je la coupe énervée.

- Mais le moniteur n'avait pas à vous faire sortir si la météo ne le permettait pas Nia !

- C'est stupide !

- Non Nia, et puis je pense que tu as besoin d'un nouveau départ, certes tu appréciais cet endroit, il y avait toutes les options que tu souhaitais mais ce n'est pas discutable. Le proviseur ne nous a même pas appelés pour prendre de tes nouvelles et renouveler ton inscription ! Et pour être honnête je n'ai jamais vraiment aimé ce lycée, certes il est près de chez nous mais ... Enfin tu verras tes amis en dehors ! Je t'ai apportée les brochures du lycée que nous t'avons choisie, il devrait te plaire.

Elle regarde sa montre, écarquille les yeux.

- Merde ! Je suis super super en retard !

Elle m'embrasse sur le front.

-J'y vais ma puce, je reviens ce soir, regarde les brochures ! À ce soir !

En la regardant quitter la pièce, je suis totalement abasourdie. Je me demande ce que je ressens à l'annonce de cette fameuse nouvelle, de la colère ou ... Du soulagement.

                                                                                           ***

Plus d'une dizaine de jours vient de s'écouler depuis mon réveil, et tant de choses se sont produites. J'ai passé tous les examens possibles et inimaginables, mais d'après mon docteur favori, tout va bien. Enfin ...
J'ai passé toutes mes journées en rééducation, à m'acharner sur mes faibles jambes, je vous laisse imaginer les remarques de Marie, " doucement", " pas trop vite", "ça suffit pour aujourd'hui" etc.
Mais tous ces efforts ont été payants, j'arrive à faire dix mètres "normalement", sans l'aide de personne. De plus, Monsieur Johnson a confié à mes parents que je pourrais sortir de l'hôpital dans quelques jours, le temps de me garder encore un peu en observation. Bientôt chez moi. J'en meurs d'envie.

Ce soir, j'ai envie de me dégourdir les jambes et demande la permission à Marie d'aller seule dans le couloir, elle accepte, de toute façon elle a bien compris que je ne lâcherai pas l'affaire si elle refusait, alors ...

Je marche jusqu'à la machine à café et me commande un chocolat avec une pièce trouvée par terre et durement gagnée. Je m'assois ensuite sur une chaise d'attente, et attends que ma boisson refroidisse.
J'observe mes chaussettes en laine, et remonte mon regard vers le monde qui m'entoure. Des chaises vides, une plante, des magasines posés sur une table basse, des chaussures ... Des chaussures ? Je relève lentement la tête, et m'aperçois qu'effectivement ces chaussures ont un propriétaire. A l'autre bout de la pièce, les coudes sur les genoux et la tête entre les mains, un inconnu attend.
Je détourne le regard de cet individu et bois une gorgée de mon chocolat chaud. Trop chaud. Je me brûle et tousse comme une malade.

-Ca va ? Me demande une voix grave.

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Voilà pour ce chapitre ! Qu' en pensez vous ? 😊

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