Chapitre 16.


( Ludovic)

Martin s’est endormi dans le canapé, épuisé.  Je prépare le repas de ce midi tout en louchant régulièrement sur mon portable. Pas de nouvelles de Fabien depuis ce matin. Il m’a demandé de lui faire confiance, qu'il gérait la “ fugue” de Violette. Dois-je dire à Martin que je ne connais pas grand chose de mon neveu, que je le soupçonne de me cacher pas mal de trucs ? Et après, n’avons-nous pas dissimulé notre propre relation à ces deux adolescents ? 

Il ne restera qu'à faire chauffer quand nous serons prêt à manger. Je me dirige vers le canapé, espérant profiter du spectacle mais les yeux grands ouverts de mon petit ami m’incitent à m’allonger à ses côtés.

— Je croyais que tu dormais ? le questionné-je tout en lui embrassant le bout du nez.

— J’ai dormi mais te regarder cuisiner est un réel plaisir. Que nous as-tu préparé qui sent si bon ? me dit-il en parsemant des baisers délicats sur mon torse au fur et à mesure qu'il déboutonne ma chemise. 

— Je n’ai pas tes talents en cuisine, mais j’ai confiance en mes produits. J’ai fait une délicieuse sauce tomate pour accompagner des pavés de cabillaud. 

— Hum. Juste une petite information, tu n’as pas encore fait cuire le poisson, n’est-ce pas ?  

— Bien sûr que non. Il est à peine onze heures. Pourquoi cette question ? minaudé-je en lui ôtant son tee-shirt. 

— J’espère que les gamins vont être d’accord parce que pour ma part vivre ainsi tous les jours, je suis tout à fait pour, chuchote-t-il.

(Fabien)

Elle ne réagit pas plus que cela et du coup je me sens complètement idiot,  debout à côté de mon fauteuil. Alors je me pose sur le banc et quittant le dossier où elle était juchée, Violette s’installe à ma gauche.

— Je suppose que je ne viens pas d’assister à un miracle ! me fait-elle remarquer ironiquement. 

— En effet, le plus compliqué est de faire comme si je n’arrivais pas à marcher. 

— Je suppose que tu as une bonne raison pour cela. Je crois que tu me dois une explication, non ? 

— C’est un peu pour cela que je t’ai entrainé ici, à l’abri des regards. Mon oncle n’est pas au courant et je n’ai pas encore décidé si je vais lui dire. 

— J’ai compris le message.  

— Seuls ma mère, mon kiné et mon médecin le savent. C’est le seul moyen que nous avons trouvé pour m’éloigner durablement de mon père,

J’ai lâché ces mots sans la regarder, il me faut continuer de parler. Je ne veux pas qu’elle pense que mon père est violent.

— Mon père, continué-je, est un homme buté avec des idées bien précises sur ce qui est bien et mal.

— Qu’as-tu fait qu'il considère être mal ? 

— À peu près tout ce que je fais ou que je ne fais pas comme il le voudrait. Il a déjà tracé mon chemin, je n’en veux pas. En fait, j’ai tout fait pour qu'il me déteste afin qu'il ne m’adresse plus la parole. Cela a presque fonctionné. 

Je m’arrête là.  J’ai pris la décision de lui dire mais cela ne m’empêche pas d’être mort de trouille. 

— Je t’ai promis que je ne dirais rien, me rassure-t-elle.  Continue, s’il te plait.

— Chez moi, j’avais une moto, et je conduisais plutôt vite. J’ai eu un accident, précisé-je. C’est mon père qui a reçu l’appel des Urgences et il a débarqué au mauvais moment. Juste lorsque j’embrassais mon petit copain. 

Ses yeux écarquillés me montrent à quel point elle ne s'attendait pas à cela. Les dés sont jetés. 

— Ton petit copain ? 

— Oui. Dylan. Autant te dire que mon père n’a pas explosé de joie. Deux jours après, il avait fait en sorte que je quitte l'hôpital. C’était presque la fin de l’année scolaire, je n’avais pas été très assidu en cours, cela n’était pas gênant que je manque un peu plus.

— Qu’avais-tu comme blessures ? 

—Une double fracture à la jambe, rien de très dramatique, ironisé-je. Avec le fauteuil, même si mon bahut était loin de la modernité du tien, c’était jouable…

— Mais ton père ne voulait pas…

— Oh si, il était tout à fait d’accord. Si je me conduisais comme un homme. Dans sa bouche, cela voulait dire clairement de ne plus fréquenter ni Dylan ni un autre mec. Je n’ai pas accepté. 

— À t’entendre le dire, cela semble être simple.

— Pas à le vivre, sois-en sûre. Il était constamment derrière moi...A tenter de me changer. Mes seuls moments de répits étaient lors de mes séances quotidiennes de rééducation. Mon kiné n'a pas mis beaucoup de temps à comprendre et j’ai pu me confier à lui. Son frère est médecin et il a accepté de m’aider. Mon père se désintéresse de moi , il a été facile de lui faire avaler n’importe quoi. Quand ma mère m’a parlé de venir ici, j'étais enthousiaste. J’aime beaucoup mon oncle et mon père ne l’aime pas. Il le traite de paysan ! 

— Et ton père ne s'y est pas opposé ? 

— Ma mère, sans vouloir contredire mon père pour autant, sait que je ne suis pas du genre à lui obéir. En m’éloignant de la maison, elle évite des bagarres continuelles. L’excuse de la reprise des cours a décidé favorablement mon père.  Le plus drôle étant que je suis certain qu'il a pensé qu'ici je ne pourrais pas faire “ mes trucs de pédé”. J’ai eu une crise de fou rire quand j’ai réalisé que ton frère et mon oncle étaient gays.

 —Tu vas lui dire, à ton oncle ? 

— Je ne sais pas Violette. Je me sens mal de ne pas lui avoir dit la vérité depuis le début. J’ai peur qu'il me mette à la porte.

— Il ne peut pas te mettre à la porte parce que tu es gay, voyons ! 

— Non mais pour ne pas lui avoir dit que je peux me passer de mon fauteuil, il y a de fortes probabilités.

— Et à mon frère, tu en parlerais ? 

— Ça serait gênant, non ?

— Je ne pense pas. Il m’a expliqué l’autre jour pourquoi il était parti de la maison. Mon père l’a tout simplement foutu dehors à cause de son homosexualité. 

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