Chapitre 6

La mort subite de Dylan m'a fait prendre conscience de beaucoup de choses. Je ne sais pas où est ma famille et s'ils sont en danger. Tout ce que je sais c'est qu'ils me manquent terriblement et je donnerais n'importe quoi pour être avec eux en ce moment même. Je me demande s'ils se souviennent de moi, que doivent-ils penser ?

Je pense aussi à la révélation sur Erwan. J'ignorais que Dylan et lui étaient frères. Ces deux-là étaient complètement différents l'un de l'autre. Je comprends mieux pourquoi Erwan était si triste hier, et je regrette désormais de l'avoir laissé seul.

Le souffle du vent fait voler mes cheveux et me sort de mes pensées. La nuit est calme et paisible et les étoiles scintillent dans le ciel.

J'avais trop besoin de prendre l'air, de me vider la tête, alors je suis sorti, c'est toujours mieux que de rester à cogiter dans mon lit.

Maintenant que je suis plus calme, je décide de rentrer. Je traverse le grand hall pour accéder à l'ascenseur. La lumière de celui-ci m'aveugle alors que mes yeux s'étaient habitués à l'obscurité de la nuit.

Je pénètre dans le petit espace métallique et appuie sur le bouton du 17ème étage.

Bientôt, l'ascenseur arrive à sa destination. Je rejoins ma chambre et me glisse sous mes draps, le regard rivé sur la fenêtre en face de mon lit.


— Victoire !

Je prend mon amie par la main en gloussant, fière de mon coup. Elle rit elle aussi et nous filons à toute allure pour quitter l'appartement.

Au parc, nous nous arrêtons enfin, apercevant déjà des visages familiers.

Je me vautre dans l'herbe fraîchement arrosée. Cette course poursuite m'a clairement épuisée.

— Où vous étiez ? demande Romain.

— On a eu un léger contre temps, je réponds en souriant malicieusement à Shylay, complice.

— J'ai apporté des frites maisons, dit Mila.

— Yes ! Les frites de ta mère sont les meilleures ! s'exclame Shylay, avec enthousiasme.

— Quelqu'un a du ketchup ? interroge Romain.

— Bah oui gros débile, tu connais pas notre Mila ? Elle pense à tout celle-là.

La principale intéressée lâche un rire et tend un petit sachet rouge à Romain.

J'en prends un à mon tour mais m'en mets plein les doigts en tentant d'ouvrir ce sachet infernal. La conversation semble des plus intéressante, tout le monde est concentré à écouter le discours de Shylay sur comment la prof de math ne l'a pas aidée sur la dernière évaluation. Elle la traite de tous les noms et les autres rient, amusés.

Je profite de leur inattention pour essuyer mes mains sur les joues de Romain en bondissant sur lui. Il m'écarte brusquement en comprenant ce que je viens de faire. Il me fixe, outré, alors que je me plie de rire.

Les autres rient de plus belle et commence là, une vraie guerre. Des bouts de frites volent, des sachets de ketchups se vident, et un morceau de jambon s'écrase même sur mon front.

— Attendez, d'où ça sort ça ? je demande perplexe.

— De mon sandwich, répond Maël, un léger sourire sur les lèvres.

Mais la bataille reprend aussitôt, aucune trêve n'est accordée, jusqu'à qu'il n'y est plus quoi jeter. C'est du gaspillage que nous faisons là, heureusement que ma mère n'est pas là, elle doit déjà être bien assez en colère comme ça.

Soudain, les arrosoirs automatiques se mettent en marche. En moins de deux minutes, tout le monde se retrouve trempé. Enfin pas moi, pas encore.

Je tente de m'échapper mais une main se pose contre ma taille, me tirant en arrière. Je me retrouve collée contre le torse de Romain, qui sourit de toutes ses dents.

— Toi, tu restes là.

Nous étions infernales. Un groupe d'enfer. Je me souviendrais toute ma vie de la fureur de ma mère quand je suis rentrée. Elle était déjà énervée car j'étais partie sans son autorisation, mais en plus, je revenais trempée de la tête aux pieds, du ketchup plein le tee-shirt et des morceaux de pomme de terre dans les cheveux. J'ai été privée de sortie pendant des mois. Depuis, je ne suis plus jamais sorti sans l'accord de ma mère. Autant dire que j'ai compris le message la première fois.

Maintenant que j'y pense, si ça se trouve, c'est Romain qui avait dit à mon petit frère de s'essuyer sur mon tee-shirt ! Il s'est peut-être vengé à travers lui ! Si un jour je le revois, il aura affaire à moi...

Nous avions appris quelques semaines plus tard que les arrosoirs automatiques ne s'étaient pas déclenchés par magie. C'était une vieille dame qui nous avait trouvé complètement idiots et s'était amusée à nous arroser pour nous donner une bonne leçon.

Autant dire que ça ne nous a pas arrêté pour autant. Nous avons continué de faire les 400 coups dehors. Rien que pour énerver cette pauvre femme. Jusqu'au jour où nous n'avons plus eu de ses nouvelles. Étrangement, une sorte d'affection s'était créée entre nous et cette femme, le jour où elle n'était pas là pour nous gronder, nous avons tous su qu'il y avait un problème. Elle était à l'hôpital. Et quand nous avons été la visiter, elle nous a montré une facette de sa personnalité que nous ne connaissions pas. Elle nous a remercier d'avoir rendu ses derniers mois de vie un peu moins ennuyants. Et nous avons tous fondu en larmes.

Son mari était mort dans un accident de voiture il y a des années déjà. Ils n'avaient pas d'enfants. Elle était complètement seule depuis et, même si elle le vivait plutôt bien selon ses dires, avoir de la compagnie était vraiment plaisant. Cette dame nous a marqués à tout jamais et nous a inconsciemment transmis une incroyable leçon de vie. Aujourd'hui, elle doit être des plus heureuses, elle a enfin rejoint son cher mari. Elle est partie avec le sourire, fière d'avoir continué. De s'être battue.

Je m'endors sur ces bons souvenirs. Pendant la nuit, mon rêve se crée. Cette pauvre femme et mes amis. Tous autour d'une table. Savourant un bon chocolat chaud en riant malgré tout.

13/10/19

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