Chapitre 2 - Canette renversée
Kya regarda Azur partir et secoua la tête. Elle était agacée par tous ces regards perçants qui la fixaient en attendant une réaction de sa part, y compris celui de Pika. Sa remarque sur le fait que "la jupe lui donnait un côté mignon" l'avait passablement énervée et elle décida de se lever de son fauteuil afin de quitter la pièce, puis le lycée en lui-même.
- Kya ? Tu t'en vas déjà ?
Pika fixait son amie avec un air de chien battu à l'idée d'être de nouveau tout seul, ou du moins c'est ce qu'interpréta l'intéressée. Kya aimait vraiment ce type, mais elle trouvait que son côté trop attaché aux autres était juste un boulet qu'il se trainait au quotidien : trop s'attacher aux autres, selon elle, était une perte de temps et surtout un énorme frein à la réflexion au milieu de dilemmes cruciaux.
- Ouaip. À plus tard.
Kya partit d'un air décidé, sans prêter un regard aux autres lycéens à la fois soulagés et inquiets en la voyant se diriger vers la sortie. Elle claqua encore la porte, puis au bout de quelques dizaines de mètres, elle put enfin retrouver l'air frais et la liberté. Elle s'enferma dans des toilettes publiques qui empestaient le tabac et les excréments et commença à enfiler son jean troué aux genoux, qu'elle avait à contre-coeur pris car elle serait morte de froid si elle avait décidé de prendre son short.Elle garda tout de même sa cravate et sa chemise, car à la fois elle lui tenait chaud, et puis on aurait pu la confondre avec une employée de bureau, grâce à sa taille.
En sortant des toilettes, elle retrouva pour la deuxième fois en dix minutes l'air frais et la liberté, et elle songea au fait qu'elle aurait pu enfermer Azur dedans, juste par plaisir d'entendre hurler cet immense claustrophobe. Si Clark Kent se changeait en Superman dans des cabines téléphoniques, Kya, elle, faisait avec les moyens du bord. Elle finit par se diriger vers le supermarché du coin et y acheta un paquet de bonbons et une canette qu'elle commença à boire sur le chemin, mais qui s'échappa de ses mains quand quelqu'un la heurta de plein fouet.
- Eh ! Fais attention, espèce de sale !...
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que le même type l'entraina dans une ruelle très peu passante à côté. Kya commença à sérieusement s'énerver, et lui balança son pied dans sa hanche droite, qu'il esquiva avant d'essayer lui mettre un coup de poing, sans succès puisque son opposante esquiva facilement en reculant.
Kya sourit légèrement à cause de l'adrénaline et du fait que ce type n'avait tout simplement aucune expérience de combat, était plus petit qu'elle et devait faire à peu près son poids : elle avait tous les avantages. Son adversaire essaya de profiter de ce léger moment d'inattention pour lui asséner un coup de pied dans la hanche, comme elle l'avait fait juste avant, mais Kya murmura "trop lent" et saisit l'occasion de le faire tomber en lui mettant un coup de poing dans le ventre, car il avait perdu sa garde en lançant ce timide coup de pied hasardeux.
Son adversaire manqua de tomber au sol sous la douleur intense dans ses estomac mais il n'eut pas le temps de faire un seul mouvement que son adversaire lui asséna un coup de pied circulaire dans la tête qui le fit chuter pour de bon, enlevant au passage sa capuche grise.
Le coup n'était pas assez fort pour le mettre K.O, mais il n'empêcha que l'opposant de Kya se mit à verser des larmes qui s'écrasèrent lamentablement sur le sol. Il bredouilla, effrayé, et elle se rendit compte qu'il devait avoir grand maximum deux ans de moins qu'elle. La semelle de la botte de Kya avait légèrement ouvert le front de son adversaire, et du sang coulait par petites gouttes.
- Je suis désolé !... Me... me tue pas !
Kya sourit encore, amusée par l'attitude du gamin devant elle. Elle épousseta un peu son jean mais bloquait toujours l'accès à la sortie afin de l'empêcher de fuir. Temporiser faisait monter la peur et la tension chez l'adversaire, alors elle usait de ce principe pour mieux que ce gosse retienne la leçon. Au bout d'un temps à jouer à ce petit jeu, elle finit par répondre :
- Je tue personne moi, et surtout pas des collégiens de treize ans. Mais il s'est passé quoi dans ton cerveau de puceron ?!
Sa voix, légèrement plus grave que celles des filles de son âge, résonna sur cette dernière phrase, et de peur, le puceron en question se recula, apeuré, sans se relever.
- Je suis vraiment désolé, K- Kyattosuta... pardonne moi, bégaya encore le gamin.
Kya eut une nouvelle pointe d'irritation en entendant son nom complet. Elle s'accroupit afin de se mettre à la hauteur de la vermine chialeuse, esquissa un sourire carnassier pendant un instant puis reprit une expression sérieuse. Elle attrapa le menton du collégien devant elle afin qu'il la regardât dans les yeux et ne le lâcha qu'après s'être assurée que leurs regards étaient bien plongés l'un dans l'autre.
- Ok, premièrement. Quand je pose une question, tu me réponds. Donc dès que j'aurai fini de parler, et pas avant, tu me répondras sérieusement : il s'est passé quoi dans ton cerveau rongé par tes délires brainrot de Gen Alpha ? Deuxièmement, personne ne m'appelle "Kyattosuta". Et tu me diras aussi où est-ce que t'as appris mon nom. Troisièmement... quand tu commences à te battre avec moi, faut s'apprêter à en subir les conséquences. Pense pas que je vais avoir de la pitié parce que t'as douze ans.
- Je... C'est Julia qui m'avait dit de le faire... de te frapper... C'est elle qui m'a dit...
- Vas-y, rejette la faute sur les autres ; même si c'est une idiote, c'est toi qui a choisi de le faire, répliqua Kya.
- Mais...- Y a pas de mais. Casse-toi, j'ai pas ton temps.
Elle se releva avec un geste irrité de la main et commença à partir sans un regard pour son opposant. Arrivée dans la rue principale, elle vit le pote ? l'esclave ? le gentil toutou ? de sa sœur adoptive, se mit à courir et à partir dans la direction du collège.
Kya le suivit des yeux, puis quand il disparut à l'angle d'une rue, elle baissa les yeux vers la flaque mousseuse de sa boisson, et quelques pas plus loin, la canette écrasée par le pied d'un passant. Mettre une raclée à ce gosse n'avait pas suffi à évacuer sa rage, elle était même encore plus furieuse après avoir appris que c'était Julia qui avait orchestré ça. Elle n'était donc pas satisfaite d'avoir toute l'attention pour elle ?
Si elle n'avait pas été présente, Kya aurait peut-être pu tolérer la présence de sa famille d'accueil, mais avec elle, c'était carrément invivable. Alors qu'elle était le petit ange parfait, Kya était le démon et la source de tous leurs problèmes. Elle arracha violemment un bout de l'emballage plastique de son paquet de bonbons et commença en mâcher un avant de retourner s'acheter une autre canette au même supermarché, puis retourna au lycée en passant par les toilettes publiques et leur doux fumet afin de ne pas débarquer avec une tenue "non réglementaire".
Elle fourra le paquet dans son sac, le camoufla avec son jean, refit les lacets de ses bottes et ouvrit la porte des toilettes, prête à rattraper ce début de matinée plus qu'horrible. Elle passa le portail avec son expression de nouveau fermée, et se dirigea vers Pika et Azur qui étaient en train de discuter.
- Hello, j'suis de retour, guys, lança-t-elle en les saluant de la main.
- Salut ! s'exclama Pika.
- Nan, pas à toi, j'ai pas oublié la remarque sur le fait que j'étais mignonne, marmonna-t-elle.
- Eh... calmez-vous, les maths, ça m'a éteint. Tu sèches français ou pas, Kya ? demanda Azur.
- T'as cru j'étais revenue pour repartir dix minutes après ? répliqua sarcastiquement son interlocutrice. Nan, sinon, c'est moi qui vais me faire éteindre. Et puis j'aurai qu'à écrire des théories du complot sur "pensez-vous que le Horla existe", en sortant des trucs type "le narrateur fait des crises d'angoisse, l'épisode de la rose cassée n'est qu'un effet Mandela et le Horla n'est qu'une personnalisation de son mal-être, et la raison qui le pousse à se suicider en fin de nouvelle, alors qu'il abandonne face à sa possible dépression".
- Kya, le Horla, on l'a fait en quatrième, là on bosse sur la Princesse de Clèves, et quand t'avais sorti ça en interro, t'avais eu 2 dont un point pour le nom, rappela Azur avec un sourire quelque peu moqueur.
- Okay, okay... Bah on ira au talent. Un blanc passa dans la conversation où Kya évitait le regard de Pika et où Azur ne savait plus où se mettre entre les deux.
- T'arrives encore à te tenir debout, sale garce ?!
La sale garce en question se retourna vers la voix aigüe qui lui vrillait les oreilles et leva un sourcil.
- Oh, on dirait que Juju a décidé de vérifier si son petit caniche avait fait le sale boulot à sa place ? Malheureusement pour vous deux, il s'est pris une correction qu'il n'oubliera pas de sitôt, cela t'apprendra à envoyer des gosses de douze ans à ta place, j'imagine.
- Arrête de m'appeler comme ça, grommela Julia. Tu as besoin que je te rappelle qu'à tout moment, je dis à la police ce à quoi nous pensons toutes les deux ? Comme ça, tous tes amis pourront savoir à quel point tu es horrible et dangereuse, et on pourra enfin t'emmener là où est ta véritable place : en hôpital psychiatrique.
- Qu'est-ce que tu fous dans mon lycée, même ? T'es en troisième, retourne dans ton bâtiment !
Les joues de Kya commençaient à chauffer devant la menace de la fille qui lui servait officiellement de sœur, mais qui, officieusement, n'était qu'une enfant trop gâtée qui avait tous les droits, dont celui de se défouler de tout son soul sur la lycéenne.
Qui plus est, Azur et Pika la regardaient d'un air interrogateur après les paroles de Julia qui, elle, esquissa un petit sourire puis demanda :
- Comment je suis rentrée, c'est mon problème, mais en attendant, il est parti où Thomas ?
- J'en ai rien à foutre, et tu me parles pas comme ça. Tu peux bien me menacer de ce que tu veux, je peux te faire taire en une fraction de seconde en te faisant manger ma batte de baseball, ou plus simplement, mon pied. Alors tu vas gentiment baisser le menton et perdre cet air hautain ou ce sera toi qu'il faudra envoyer en hôpital.
Julia, prise de colère, lança son poing vers le visage de Kya, mais Pika décida enfin d'intervenir après avoir observé les deux rivales toute la duré de leur conversation et attrapa fermement le poignet de la collégienne, puis le baissa calmement.
- Je te jure que tu risques de ne pas dormir chez moi pendant des jours, Kyattosuta, grommela Julia, qui foudroya ensuite Pika du regard, puis partit d'un pas furieux.
Azur regarda successivement la sœur adoptive de son amie, puis ses deux acolytes, puis se passa une main derrière le crâne, gêné.
- Ah... désolé de ne pas être intervenu...- Non, c'est de ma faute aussi, s'excusa Pika. J'aurais du la stopper plus tôt.
- Arrêtez de vous excuser, elle vaut pas la peine qu'on s'intéresse à elle, marmonna Kya, et elle commença à s'éloigner.
- Au fait, Kya... elle parlait de quoi, Julia ? demandèrent de cœur Pika et Azur.
- Rien, des paroles en l'air. C'est une technique de manipulation connue, tu sais Azur, on l'a vu en français, en cinquième. Les Fourberies de Scapin, quand Scapin avoue des choses qu'il a faites alors que ce n'est pas de ça dont parle Géronte.
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