Défi de Fiorthnir
La voix d'un homme froid résonnait dans la sombre pièce, aux murs insonorisés, dénuée de meubles. Une jeune femme se tenait droite, face à un écran noir, le regard incisif et à l'écoute de son immatériel interlocuteur.
— Vous devez me rapporter ce document ! ordonna-t-il sèchement, en russe.
Elle, se contenta de hocher la tête. Son ordre était on ne peut plus clair. Elle le salua à la façon d'un militaire, puis elle quitta l'endroit.
***
Elle s'arrêta au pied d'un gigantesque building, sur lequel elle pouvait clairement distinguer des panneaux lumineux au nom de l'entreprise qu'elle comptait infiltrer : LAW.
Il s'agissait aussi du nom de l'actuel PDG, un jeune homme que l'on qualifiait d'impétueux et d'effrayant. C'était aussi un homme à femmes, de ce qu'elle avait appris des magazines people.
La jeune brune d'un mètre soixante-cinq prit son courage à deux mains et pénétra dans la tour, non sans une certaine appréhension.
L'archétype de la secrétaire, une blonde aux longues jambes, l'accueillit avec un presque charmant sourire. Sourire qui fana lorsqu'elle lui déclina son identité et la raison de sa venue en ces lieux. La blonde décolorée la mena jusqu'au dernier étage, celui du bureau de son futur patron, Jude Law. Et avant qu'elle n'entre, la bimbo lui adressa un regard étonnamment noir.
La pièce était grande et très éclairée, de par la présence d'une gigantesque baie vitrée, faisant office de mur séparant l'intérieur de l'extérieur. Elle surplombait tout Manhattan et donnait l'impression de dominer la ville. Tant et si bien qu'elle ne prêta aucune attention à l'homme installé sur le fauteuil de cuir noir.
Ses mains reliées, son regard perçant, bleu, fixait avec intensité la petite brune venue se présenter pour son premier jour, au sein de son entreprise, comme secrétaire.
Sa secrétaire.
Il l'observait assidûment, de haut en bas. Il jugeait sa tenue, son comportement, avec sévérité. Il était intransigeant quant à l'apparence de ses employés les plus hauts placés.
Et il s'avérait être on ne peut plus satisfait, car en dépit de sa petite taille, elle se trouvait être des plus élégantes. Bien plus que la beauté presque obscène qu'était Eva, la demoiselle s'occupant de l'accueil.
Il était également surpris qu'elle ne lui adressât aucun regard. Pas un seul petit coup d'œil. Ce fut un véritable coup porté à son ego. Il avait l'habitude d'attirer l'attention, autant de la part de la gent féminine que masculine.
Dans un geste nerveux, il tapota de son index sa Rolex, l'une de ses dernières acquisitions d'une vente aux enchères en Suisse.
Le verre n'était plus d'origine, ce qui avait fortement fait chuter sa valeur. Il avait donc saisi cette opportunité en or : ainsi, lors de ses prochains gala, il pourrait s'en vanter.
Il se souvint alors de cette associé chinois, lui confiant que s'il n'avait pas fait l'achat d'une Rolex avant ses cinquante alors, alors cela signifiait qu'il aurait raté sa vie. Il trouvait cela grotesque.
Il reporta son attention sur la demoiselle qui semblait maintenant l'analyser du regard. Enfin, elle le regardait. Il s'en sentit enhardi ! Un sourire étira le coin de ses lèvres, tandis qu'il se demandait combien de temps cette charmante demoiselle lui résisterait.
— Monsieur.
Elle lui tendit sa main, pour le saluer et il fut quelque peu déconcerté par cet inhabituel comportement. Son ton était froid, sec, presque austère alors qu'habituellement, ses futures secrétaires se montraient charmantes, agréables et aguicheuses. Il serra cependant le poignet offert, puis il baissa les yeux sur son bureau, là où se trouvait un curriculum vitae.
Il le parcourut rapidement du regard et découvrit avec stupéfaction les incroyables aptitudes de la demoiselle. Elle était une véritable polyglotte.
— Natasha, vous permettez que je vous appelle Natasha ? la questionna-t-il.
— Bien sûr, monsieur Law.
Il leva la tête pour la regarder avec étonnement. Cette femme dégageait quelque chose qui la rendait différente de toutes celles qui s'étaient tenues à sa place auparavant.
— Bien. Donc, Natasha, je constate que vous savez parler diverses langues, dont le japonais. Nos clients les plus importants sont de cette nationalité, vos compétences linguistiques pourraient nous être fort utile. Vous êtes aussi une véritable sportive. Avec un tel CV, vous pourriez prétendre à un poste bien plus important.
C'était vrai, il songeait sincèrement que son domaine d'expertise vaste lui permettrait de prétendre, par exemple, au poste d'Harnold, son ami de toujours, c'est-à-dire Community Manager.
— Je n'ai fait que des stages dans le secrétariat. Je doute que l'on m'engage dans... un autre domaine, lui répondit-elle avec un soupçon d'hésitation dans la voix, comme si elle cherchait les mots justes.
Jude, lui, ne savait que répondre, il avait l'équivalent du Caméléon face à lui, en plus sexy, fort heureusement. Il ne pouvait laisser s'échapper un tel trésor, opportuniste comme il était. Il voulait cette femme, il la voulait au sein de son entreprise, en tant qu'assistante et secrétaire personnelle.
Il quitta son confortable siège pour contourner le bureau et la féliciter. Elle était la bienvenue. Il lui proposa, pour fêter ça, d'ouvrir une bouteille de champagne. Il fut déçut lorsqu'elle lui refusa cette offre pourtant alléchante. Tout le monde rêvait de boire une flûte de champagne avec lui ! Cela le frustra. Il appela Eva et en moins de cinq minutes, celle-ci se présenta à lui, arborant un parfait sourire Colgate.
— Ne soyez jamais en retard, sinon je me verrais contraint de vous virer.
Il se trouvait maintenant de mauvaise humeur. Il ne supportait pas son comportement distant. Il était irrésistible, Eva en était la preuve : elle bavait littéralement sur lui. Et diable qu'il aimait ça.
Natasha quitta le bureau de son nouveau supérieur et entreprit de suivre sa désormais collègue. Elle la conduisit jusqu'à son nouveau bureau, placé à quelques mètres de celui de Jude. L'espace était petit, mais au moins possédait-elle son propre espace de travail, doté d'un ordinateur. Elle grimaça en découvrant qu'il s'agissait d'un Mac.
Elle gratifia la blonde d'un parfait faux-sourire, en plus d'un regard parfaitement méprisant. Elles ne s'aimaient pas. La Russe nota mentalement pour elle-même de prêter une particulière attention à cette vipère. Elle pouvait lui poser problème à l'avenir.
Lorsqu'elle eut quitté la gigantesque tour Law, elle se rendit dans sa planque et nouveau lieu de vie pour les mois à venir. Il s'agissait d'un studio sans prétention aucune, à Brooklyn. Il ne s'y trouvait qu'un matelas, une table basse et une petite salle de bain. Le papier-peint marron de l'appartement était déchiré par endroit et il n'y avait qu'une fenêtre, faisant office d'éclairage. Il lui faudrait racheter une ampoule.
Sur la table basse se trouvait un smartphone dont elle se saisit. Il n'y avait qu'un seul contact, son véritable patron. Elle l'appela sans attendre.
— Infiltration réussi, monsieur, lui déclara-t-elle dans sa langue natale.
— Parfait, agent.
La communication se coupa. Elle ne reçut aucun ordre de plus. Sa mission était donc on ne peut plus claire. Il lui fallait mettre la main sur un document sensible intitulé "Projet HGM". Elle ne savait pas à quoi correspondait cet anagramme et espérait le découvrir.
En fait, à mesure qu'elle réfléchissait, qu'elle pensait à ce projet, elle se remémora une conversation qu'avait eu son ancien élève, il y avait quelques années. Elle l'avait surpris un jour en pleine conversation téléphonique avec ce qu'elle devina être sa mère.
Elle tapota avec frénésie l'écran de son nouveau GSM afin d'appeler ce dernier. Elle allait avoir besoin de renseignements si elle voulait mener à bien cette mission.
— Dobridiène, Alexeï, je ne te dérange pas ? lui demanda-t-elle.
— Privièt, Nat'. Non, un problème ?
— C'est quoi, le projet HGM ?
Elle ne reçut, dans un premier temps, aucune réponse. Mais elle pouvait aisément imaginer le visage de son interlocuteur devenir livide.
Alexeï avait été son élève lorsque le KGB l'avait engagé. Elle s'était occupée de lui et lui avait enseigné les rudiments pour devenir un parfait espion. Actuellement, il était un agent dormant en France. Elle enviait sa position. Elle, n'avait pas cette chance.
— Qui t'a parlée de ça ? lui répondit-il finalement.
— Ça n'a pas d'importance. Ne réponds pas à ma question par une autre question.
— Tu...
Il grogna, il semblait mécontent, comme en plein dilemme. Il devait probablement se demander s'il pouvait lui répondre.
— Écoute, Natasha, si tu en as la possibilité, reste loin de cette histoire. C'est... c'est malsain. Je ne peux pas t'en dire plus. Ne t'en mêle pas, je t'en prie, Ne-
Elle coupa court la discussion. Elle était stérile et ne lui apportait aucune information concrète. Stérile, certes, mais inquiétante, pensa-t-elle. C'était la première fois qu'Alexeï la mettait en garde contre quelque chose. Cette histoire ne lui disait rien qui vaille.
En cette périlleuse situation, s'énerver était inutile. Il lui fallait, au contraire, faire preuve de patience et de réflexion. Elle devait se montrer maligne, et toujours avoir un coup d'avance.
Cela lui rappela une fable que lui avait enseignée son mentor, un homme devenu complètement fou avec le temps. Il était aujourd'hui enfermé dans un asile.
Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, Natasha.
Ne l'oublie jamais.
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Désolée de ne poster ce défi que maintenant, je n'ai pas eu une seconde!!!!
Merci à Fiorthnir!!!!
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