29. Basile

La nuit tombait vite ces jours-ci. Les journées étaient courtes. Il devait être minuit passé, je crois. Je n'arrivais pas à dormir. Alice elle dormait à poings fermés, la couverture jusqu'au nez, tournant vers mon côté du lit vide. Je me frottai doucement les cheveux, les épaules crispées. Je lui avais fait l'amour, je l'avais réchauffée... mais quelque chose semblait m'échapper. Encore et encore.

Alice était une énigme que je n'arrivais pas à résoudre et cela m'empêchait de dormir. Parce que bientôt, bientôt cette noirceur qui semblait s'étendre sur son avenir devenait de plus en plus compacte. M'empêchant de Voir clairement. M'empêchant de respirer. J'aurais aimé lui donner tout ce qu'elle me demandait. J'aurais aimé ne pas avoir besoin de tout savoir. Mais ce n'était pas possible. Je n'étais pas du genre à laisser passer certaines choses. Surtout quand c'était des choses qu'on gardait cacher. Je regardai de la fenêtre le corps d'Alice. Les couvertures épaisses me dévoilaient à peine ses courbes que je commençais à connaître par cœur. Tout comme le goût de ses lèvres.

Le goût de sa peau.

Qui semblait s'inscrire dans mon cerveau.

Me volant toute raison.

Me volant toute retenue.

Je fermai les yeux un instant et tentai d'attraper quelque chose sur les lignes du destin d'Alice. Encore ce noir étouffant. Pouvais-je lui demander ?

Pouvais-je la forcer à me dire ce qui n'allait pas ?

Je n'étais pas assez fou pour le faire malheureusement.... Pas encore. Pas toute de suite.

Je ne connaissais pas Alice. Je ne savais pas de quelle façon elle réagirait à un ultimatum. Au fond, je crois bien que je ne voulais pas le savoir. Il restait trois jours avant la fête de l'Hiver. Trois jours avant de voir cette magnifique cérémonie qu'elle faisait. Bizarrement, c'était cet événement qui revenait le plus dans mes Visions. Je n'arrivais pas à voir autre chose. Alors devais-je me préparer à ce qu'elle fasse quelque chose ce jour-là ? Pourquoi devais-je seulement penser ça ?

N'avait-elle pas assez confiance en moi ?

Peut-être que c'était quelque chose qu'elle n'attendait pas... Évidemment. Elle ne m'aurait pas menti. Je ne pouvais que me préparer et la protéger de toutes choses qui pourraient arriver dans les prochains jours.

_ Basile, souffla Alice.

Je pivotai et allai m'asseoir à ses côtés. Elle cligna des yeux, se frotta les paupières et posa sa tête sur ma cuisse. Je caressai sa joue du bout des doigts. Elle frissonna doucement.

_ Dors, murmurai-je.

_ Restes...

Ce souffle lui échappa alors que le sommeil reprenait ses droits sur sa conscience. Sa respiration se fit plus lente, plus douce, plus basse. J'appuyai ma tête contre la tête de lit et fermai mes yeux.

La douleur était insupportable. C'était comme vivant à l'intérieur de moi.

Et ça me dévorait.

Encore.

Encore.

Comme quelque chose qui ne serait rassasié que lorsqu'il ne resterait rien de mon corps.

Ça se nourrissait de moi.

Ça me pourrissait de l'intérieur.

_ Basile, souffla ma mère. Repose-toi... Ne lutte pas...

Je devais lui demander. Je devais lui demander si elle... si elle... Celle qui me suivait. Celle qui me parlait. Elle était une part de moi. Elle était comme moi.

Elle savait qui j'étais.

Comment j'étais.

Elle savait !

Comment ?

Pourquoi ?

_ Qui... haletai-je. Qui...

_ Chut, Basile, ordonna Anne en posant un linge humide sur mon front.

Je repoussai sa main, toussant. Je me redressai. La toux ne s'arrêtait plus ! Je continuais de tousser, la douleur transperçant ma gorge. Soudain, un goût. Métallique. Je regardai ma main. Ma mère retint son souffle, ses yeux légèrement écarquillés.

_ Mon dieu... murmura-t-elle.

Elle ne te l'a jamais dit, Basile, murmura la voix. Elle a préféré attendre que tu souffres... que tu la supplies...

Je grimaçai et retins un cri de douleur.

_ Qui est-elle ? Hurlai-je. Qui ?

J'agrippai ma mère par les épaules.

_ QUI ?

Damien entra dans la pièce.

La seconde suivante, je dormais.

Qui était-elle bon sang ?

J'ouvris mes yeux. Le jour se levait. Je m'étais recroquevillé autour d'Alice. Je grognai doucement et me redressai, légèrement courbaturé. Je regardai autour de moi, légèrement perturbé. Oui. Alice. Je souris en sentant une de ses griffures dans mon dos. Elle gémit dans son sommeil alors que j'embrassais sa nuque. Elle cligna des yeux et sourit paresseusement.

_ On pourra rester sous la couette, souffla-t-elle.

Je haussai un sourcil et frôla de nouveau sa bouche de la mienne. Elle ferma les yeux et inspira doucement.

_ Reste au chaud, murmurai-je.

_ Tu pars ?

Son murmure était légèrement bas, comme si elle pensait vraiment que j'allais partir.

_ Dans tes rêves, grondai-je doucement.

Elle eut un léger sourire et hocha la tête.

_ Je vais préparer le petit-déjeuner, repris-je. Je t'attends en bas.

Je déposai un baiser sur son front et me levai. J'enfilai rapidement mon pantalon et descendis les escaliers, doucement. J'étais encore dans l'humeur de mon rêve. C'est à dire un peu bouleversé. Je repensais rarement au jour où j'avais appris qui était cette Ombre qui me suivait. Cette Ombre qui me voulait du mal. Je n'avais pas appelé ma sœur depuis le lac... j'avais peur de le faire. Comme j'avais eu peur de la rappeler après mon départ de France. Quand j'étais ici, c'était comme si elle était reliée au second plan. Comme si j'étais plus moi-même ici, avec de meilleures bases et un meilleur entourage qui m'empêchaient de faire n'importe quoi. De sombrer tout simplement.

Je préparai le café et trouvai des biscottes dans un des placards. Je partis à la recherche de confiture et en trouvai enfin. Alors que je posai des tasses sur l'îlot de la cuisine, Alice apparut sur le seuil de sa cuisine, emmitouflée dans un gros pull de laine qui lui tombait sur les genoux. Elle se réfugia dans mes bras et je la pressai contre moi.

_ Alors, tu m'expliques ? dit-elle en s'écartant doucement.

J'embrassai son nez et versai le café. Elle s'installa sur une chaise et je fis la même chose, tartinant plusieurs biscottes. Elle se servit et je parlai. Lui expliqua le contrat que j'avais passé. Elle releva elle aussi le problème du pacte de sang. Elle me demanda aussi si les Lieuses étaient encore habituelles pour les Éminents ou non. Elle ne me laissa pas le temps de poser des questions. Au-delà de trouver ça louche, je vis l'intérêt qu'elle portait à savoir. A comprendre. Elle prit des nouvelles d'Izy et de Cathy. Nous terminâmes notre conversation, puis filèrent à la douche. Alors que nous nous installions sur son canapé, Nathaniel me parla.

N'es-tu pas censé être en train d'améliorer les frontières, sorcier stupide ?

Son grognement ne me fit même pas peur. Je lui répondis que j'avais le temps et que pour l'instant je faisais l'école buissonnière. Il rit, mais me laissa tranquille. Nous badinâmes avec Alice devant la télé, puis je finis par réussir à la motiver pour sortir un peu. Elle enfila des bottes, un manteau, une écharpe. Je lui ajoutai son bonnet en riant. J'enfilai mes propres affaires pour sortir dans cette neige.

Elle m'emmena dans une petite promenade le long de la place qui longeait son appartement. Encore une fois, on se surprit tous les deux à parler de nos familles. Mais cette fois-ci de choses heureuses. Les joies de vivre en meute. Ma fierté de voir Catherine grandir. De protéger ma famille. De pouvoir rire avec elle. Alice me parla de ses longues balades que Nohlan lui avait faire pour qu'elle connaisse exactement le territoire de leur ancienne meute. A la voir en parler, j'avais l'impression qu'elle les savait encore !

Le vent glacial nous fit rentrer. Alors que je retirai ma seconde botte, Alice releva son regard vers moi.

_ Nohlan nous invite à passer manger, dit-elle d'une traite.

Je jetai un coup d'œil à l'heure et découvris qu'il était un peu plus de une heure de l'après-midi. J'avais encore un peu de temps devant moi après tout.

_ Allons-y alors ! souriais-je.

_ Tu... es sur ? souffla-t-elle.

Je vis ses joues rougirent doucement et un grand sourire grimpa sur mes lèvres. J'embrassai sa joue rouge et acquiesçai. Alors que j'enfilais de nouveau mes bottes, Alice remit son manteau. Je m'approchai d'elle et l'enlaçai. Elle sourit et posa sa joue contre mon torse, ses bras m'enlaçant. Je nous transférai à l'Éthérée. Nous réapparûmes directement dans le bar. Alice secoua son manteau qui portait encore un peu de neige de la balade. Je retirai le mien à mon tour et pivotai. Derrière le bar, il y avait Elijah. Il l'avait de la vaisselle, je crois. Il y avait dans le bar deux ou trois personnes qui mangeaient un repas qui semblait bien chaud. Je m'approchai du bar et tendis ma main à Elijah, sachant qu'il reconnaîtrait mon énergie. Il sourit et me serra la main.

_ Bonjour Basile, souffla-t-il en penchant doucement la tête.

Elijah était lié à mon père. Liam me l'avait sous-entendu tellement de fois que j'avais fini par comprendre seul que ce lien était très important. Vital même.

_ Bonjour Elijah, dis-je avec respect.

Il hocha lentement la tête. Je reculai alors que Nohlan sortait de la cuisine, repoussant le rideau d'un bras. Il posa son regard sur moi, puis sur Alice. Celle-ci prit ma main et me tira vers une table légèrement en retrait. J'inclinai la tête vers Nohlan en souriant, un peu gêné. Il fit un commentaire à Elijah que je n'entendis pas. Alice me poussa dans un coin et se glissa à mes côtés et non pas en face.

_ Que veux-tu manger ? dit-elle.

_ La même chose que toi, souriais-je.

Nohlan vint prendre notre commande.

_ Basile, me salua-t-il.

_ Merci pour votre invitation, le remerciai-je.

_ C'est un plaisir, dit-il prudemment.

_ Le poulet m'a l'air super ! sourit Alice pour changer de conversation.

_ Deux poulets alors, reprit Nohlan en retournant dans la cuisine.

_ Je crois qu'il ne m'aime pas, remarquai-je à voix basse.

Alice me donna un léger coup d'épaule.

_ Nohlan n'est pas comme ça, dit-elle en lui jetant un coup d'œil à travers la petite ouverture qui donnait sur la cuisine.

Je vis la lueur d'amour sincère qui passa entre eux. Mais ce n'était pas de l'amour entre deux personnes... c'était un respect illimité, une reconnaissance au-delà des mots. Quelque chose de lourd et ancré en eux.

Nous mangeâmes tranquillement. Le poulet était divin. Un autre petit groupe de personne réussit à braver la tempête et entra dans le bar pour se réchauffer. Alors qu'Alice finissait son assiette, j'observai un peu les gens autour de nous. Il y avait un groupe de loup, mais une sorcière se trouvait parmi eux. Il y avait un autre groupe de loup. Et même deux sorciers un peu plus au fond. L'Éthérée regorgeait vraiment de tout. C'était intéressant à voir.

Alice repoussa son assiette vide et soupira. J'aimais la voir être rassasiée. Au moins, j'étais sûr qu'elle se nourrissait bien.

_ Depuis combien de temps n'avais-tu pas mangé ? remarquai-je en buvant une gorgée de coca.

Elle pinça ses lèvres et haussa ses épaules.

_ Dois-tu retourner à Columbus ? s'enquit-elle.

Je regardai l'heure. Presque trois heures de l'après-midi.

Je finis par grimacer et hochai la tête. Elle sourit doucement.

_ J'ai presque terminé de renforcer toutes les frontières.

_ Une chose de moins à faire alors !

_ Tout à fait ! Et comme ça, Nathaniel ne pourra plus t'exploiter.

_ Vrai, admit-elle.

_ Je te raccompagne chez toi avant tout, soufflai-je.

Je l'embrassai et la poussai à se lever. Je lui tendis son manteau qu'elle passa et j'enfilai le mien. Nous saluâmes Elijah et Nohlan et disparûmes pour réapparaître chez elle. Alors que je prenais son visage entre mes mains prêt à l'embrasser avant de partir pour de bon, je me figeai. Le regard d'Alice se posa sur l'homme qui était assis dans son canapé.

_ Ah, les enfants ! s'exclama-t-il.

Nazir. Il bondit sur ses pieds, habillé avec des fringues aussi colorées les unes que les autres et cette écharpe... Il portait la même lors de notre première rencontre. Tous ses bijoux étaient à leur place, tout comme cet immense collier bien trop décalé par rapport à sa tenue. Lorsque je l'avais vu pour la première fois, Nazir était venu aider Alice avec quelque chose. Je n'avais pas su quoi, et encore aujourd'hui je ne savais pas. Ce qui avait le don de m'agacer.

_ Aurais-je droit à un salut digne de ce nom cette fois-ci, petit sorcier ? sourit Nazir.

La main d'Alice se crispa sur la mienne. Il voulait qu'on se salut en tant que sorcier... Génial. Je ne perdis pas la face, j'avais déjà dû faire face à bien pire spécimen que Nazir. Je lâchai Alice et m'approchai de Nazir. Nous faisions presque la même taille et nos yeux se croisèrent.

_ Fort bien, souffla-t-il, une étincelle sauvage dans les yeux.

Je me penchai sur lui, sans le toucher, laissant un vague espace entre nous. Mes lèvres s'arrêtèrent juste au-dessus des siennes et mon pouvoir glissa en lui. Le sien entra dans ma bouche et tel un serpent rampa en moi. Vieux. Très vieux. Nazir était puissant et vieux. Une combinaison des plus imprévisibles. Avant que je ne recule, Nazir frôla mes lèvres des siennes et se redressa, le regard sombre. La main d'Alice se referma sur mon poignet et elle me tira en arrière.

_C'est le seul que tu auras, Nazir, dit-elle en fronçant ses sourcils.

Nazir avait fermé les yeux, savourant sûrement mon pouvoir qui courrait en lui.

_ Tellement de saveur, et de pouvoir, souffla-t-il, presque en transe.

_ Encore une fois, je dois vous laisser, m'excusai-je pour y couper court.

_ Je vais commencer à croire que tu m'évites Basile, sourit Nazir.

Je secouai doucement la tête.

_ Je n'y penserais même pas, dis-je.

Je m'inclinai légèrement vers lui et me tournai vers Alice. Elle nous tira un peu vers l'entrée, nous donnant un minimum d'intimité. Encore une fois, je la laissai entre les mains de ce sorcier, ne sachant toujours pas ce qui les liait. Je frôlai mon pendentif au creux de son cou. J'aurais tellement aimé rester... Je pris les joues d'Alice en coupe et elle ferma les yeux, me tendant ses lèvres. Je souris et me penchai, l'embrassant doucement.

_ Je reviendrais dans la soirée, soufflai-je.

Elle hocha la tête, ses mains serrant mes poignets. Un dernier baiser et je disparus. Mais je ne réapparus pas là où je voulais. Je regardai autour de moi. J'étais dans une maison qui m'était inconnue. Je clignai des yeux et tentai rapidement de partir, mais rien n'y fit. Qu'est-ce que c'était que ce bordel ?

Je regardai autour de moi. La maison était ancienne, mais bien entretenue. Alors que j'en faisais le tour, ouvrant toutes les portes. Je découvris plusieurs pièces avec des vitrines qui présentaient plein de choses. Des choses magiques. Au bout de dix minutes, je commençai à m'impatienter et tentai de fracasser une vitre.

_ Ce n'est pas nécessaire, mon ami, sourit Nazir.

Il évolua dans la maison et je sus que c'était la sienne. Il posa son écharpe étrange sur son canapé blanc et me fit signe de le suivre.

_ Qu'est-ce que tu veux ? grognai-je. Pourquoi fais-tu ça ?

_ Pour le bien d'Alice, souffla-t-il.

Mes Ombres s'éveillèrent doucement. Je n'aimais pas cet homme. Je le suivis dans sa cuisine, intrigué par sa phrase cependant. Je regardai rapidement la grande cuisine que j'avais sous les yeux. Impressionnante fut le mot, je crois. Au centre, il y avait une table ronde en chêne épais et sombre qui allait bien avec les couleurs chaudes des meubles.

_ Étais-tu obligé de me bloquer chez toi ? remarquai-je.

Il chauffa de l'eau, préparant sa théière et son thé. Je le regardai faire. Il avait des gestes précis et surs. Il savait ce qu'il faisait. Quelques minutes passèrent avant qu'il ne pivote vers moi et ne pose un grand plateau rond en argent sur la table. Il y avait la théière, les petits verres caractéristiques des pays du Maghreb. Ou en tout cas des pays arabes. Il versa le thé avec dextérité et me tendit une tasse.

_ Assieds-toi Basile, souffla Nazir.

Je le regardai pendant quelques secondes et il soutint mon regard. Je pinçai les lèvres et m'assieds sans protester. Je jetai un coup d'œil au thé, de là où j'étais il sentait bon.

_ Il faut le boire chaud, remarqua Nazir en prenant son thé entre ses mains.

Il souffla deux fois dessus et but. Je l'imitai, mais me brûlait légèrement la langue avec. Mais le thé restait très bon. Fruité aussi.

_ Pourquoi suis-je ici, Nazir ? repris-je. Tu sais que je pourrais croire que tu me kidnappes ?

Il rit doucement.

_ Je sais bien oui, sourit-il. Et au fond je pourrais l'utiliser comme excuse pour te garder ici. Mais les choses ne sont pas aussi faciles et nous n'avons que très peu de temps.

Je fronçai les sourcils. L'anxiété qui s'emparait de moi me prit à la gorge.

Pour le bien d'Alice...

_ Je t'écoute. Avec attention, ajoutai-je.

_ Alice est en danger, dit Nazir en appuyant chaque mot.

Mes épaules se crispèrent alors que je fronçai les sourcils.

_ Comment peux-tu être au courant d'une telle chose, dis-moi ?

_ Laisse-moi te raconter l'histoire de l'Éthérée et de sa sorcière, Basile, souffla-t-il.

Et il m'expliqua. Il m'expliqua les mécanismes qu'Alice avait mis en place afin de créer l'Éthérée. Il m'expliqua aussi le fait qu'elle voulait garder cette œuvre en sécurité. Et pas que pour les milliers de loups qui se trouvait sur cette toile unique.

Nohlan.

Nohlan était celui que protégeait Alice.

Alors que les paroles sortaient de la bouche de Nazir en un flot continu et souple, je le laissai faire, m'imprégnant de chacune de ses paroles. Il me raconta les premiers loups à s'être lié à l'Ethérée. Nohlan et Alice en étaient la base. Elijah les avait suivis. D'autres encore.

Il me raconta son rôle. Il me raconta la façon dont Alice avait sécurisé son œuvre.

_ Nous sommes Huit au total, sans compter Alice, fit Nazir. Nous sommes différents et à la fois tous semblables. Nous sommes liés à l'Éthérée grâce à Alice.

_ Tu ne dis pas ça à beaucoup de gens, soufflai-je. Pourquoi me crois-tu digne de ce secret ?

_ Parce que je sais que tu l'aimes, et que tu feras ce qui doit être fait, Basile, rétorqua Nazir sur un ton dur. Je ne suis pas là pour jouer, ou pour attendre que tu te décides.

_ Elle m'a dit que tout allait bien, remarquai-je. Elle m'a dit que la menace n'était pas sur elle...

_ Elle t'a menti, Basile, murmura Nazir.

Mon sang ne fit qu'un tour dans tout mon corps.

_ Je... Je ne sais pas, souffla-t-elle. Il... Le sorcier m'a peut-être touché... Il a peut-être essayé de...

Non. Non, elle ne pouvait pas mentir.

_ Elle m'a affirmé qu'elle était une ancienne maudite, soufflai-je, la colère grimpant.

Nazir soupira et secoua doucement la tête.

_ Ce qu'Ezan a subit n'était qu'un test pour elle, Basile, soupira Nazir.

Je frappai la table du plat de mes mains et me levai en repoussant la chaise brutalement.

_ Pourquoi devrais-je te croire plus qu'elle hein ? crachai-je, énervé à présent.

_ Parce que tu sais que j'ai autre chose à faire que te mentir en ce moment. Crois-tu que j'aurais pris le risque de te révéler tout ça sans avoir une bonne raison ?

Je me mis à faire les cent pas.

_ Alors, dis-moi, soufflai-je d'une voix sombre, pourquoi portes-tu la même énergie ?

Son regard s'écarquilla légèrement.

_ Qu'est-ce que tu dis ? Dit-elle.

_ J'ai senti cette énergie sur toi hier matin, repris-je d'une voix pleine de colère. Comment se fait-il qu'Ezan ait eu la même ? Qu'est-ce que tu as fait Alice ?

_ Rien ! S'exclama-t-elle. Je n'ai rien fait ! Comment peux-tu...

Je m'agrippai un instant au dossier de la chaise et soufflai doucement.

_ Nous avons besoin de ton aide, Basile, souffla Nazir.

La chaise craqua bruyamment quand je commençai à l'écraser.

Je fus devant elle, son menton entre mes doigts. Son regard était légèrement écarquillé.

_ Es-tu une maudite Alice ? Soufflai-je.

_ Une ancienne, rectifia-t-elle rapidement.

Trop de doute... Avait-elle réfléchi à tout ça ? Avait-elle pensé que je ne saurais au courant de rien ? Avait-elle pensé s'en sortir simplement en me mentant ?

Je l'observai. Elle disait la vérité. Elle ne pouvait pas me mentir. Pas impunément. Elle n'était pas comme ça. Je ne pouvais pas douter d'elle comme ça.

Tout ça n'avait aucun sens... Aucun sens... Elle ne pouvait pas...

Je frôlai le creux de mon cou. Elle avait accepté mon médaillon.

Pourquoi ?

Elle ne pouvait pas me mentir.

Jamais, elle ne le ferait.

Jamais...

Pourquoi m'aurait-elle menti ?

_ Son Vengeur est déjà là, murmura Nazir. Il l'attend et elle va le rejoindre. Pour protéger, pense-t-elle. Pour protéger Nohlan.

Nohlan... Il n'y avait donc que lui à ses yeux ?

Ne pensait-elle pas à ses propres besoins ?

Je relâchai la chaise.

Soudain, une vague de magie parcourut la cuisine de Nazir. Je relevai les yeux sur toutes les personnes qui apparaissaient au fur et à mesure. Il y avait des hommes et des femmes. Tous des sorciers.

_ Tu es la seule personne qui peut nous aider à sauver la sorcière Blanche, Basile, souffla Nazir.

Je regardai attentivement tous les visages autour de moi.

_ Je ne vois pas comment, crachai-je. Tu me balances ça deux jours avant la date finale et tu crois que je peux te pondre une solution comme ça ? As-tu perdu l'esprit Nazir ?

_ Nous avons peut-être une solution, murmura une femme, une voix rauque et un visage marqué.

Je la regardai.

_ Voici Jezabel, la présenta Nazir.

Je frottai ma nuque et mes cheveux. Je regardai les six autres personnes. Ils m'observaient tous, certains plus perplexes que d'autres.

_ Tu le sais au fond de toi, Basile, reprit Nazir. Tu le sais... sinon tu ne serais pas resté écouter tout ça... Tu as Vu l'avenir d'Alice. Tu sais ce qu'il va se passer maintenant...

Je fronçai les sourcils, retenant la Vision qui montait. Non !

Je secouai la tête.

_ Tu lui as offert ton médaillon, ajouta Nazir. Elle t'appartient. Tu dois la sauver.

_ Tais-toi, grognai-je.

_ Tu sais qu'elle t'a menti, souffla Nazir. Tu sais que tu peux agir maintenant.

_ Nous devons la sauver de ce Vengeur, souffla Jezabel. Elle croit pouvoir partir sans laisser de trace, mais...

_ Je n'ai aucun moyen d'arrêter ce Vengeur ! m'écriai-je. Ne le voyez-vous pas ? Elle m'a menti ! Elle ne voulait pas que je sache tout ça !

_ Nous avons dû faire notre propre recherche aussi, Basile, rétorqua Nazir. Alice n'est pas quelqu'un qui laisse ses secrets sur la table aux yeux de tous.

_ Vous êtes Huit, grognai-je. Je suis seul ! Comment croyez-vous que je puisse faire ?

_ Préfères-tu ne pas participer à ce sauvetage ? Ne te sens-tu pas concerner ?

La voix d'un homme. Il était plutôt grand et quelque chose chez lui m'interpella.

_ L'homme au papillon, murmurai-je.

Il fronça les sourcils. Soudain, un papillon violet se posa sur la table. Je le regardai. Cathy l'avait souvent représenté sur ses dessins.

Je fermai les yeux un instant et pressai mes tempes.

_ J'ai besoin de lui parler, soufflai-je.

_ Non, rétorqua Nazir. Nous avons besoin d'un plan.

Je le regardai, la colère grisant encore mon esprit.

Alice m'avait menti.

Elle m'avait menti en me regardant dans les yeux et en me soutenant ces mensonges.

_ Que veux-tu que je fasse ? grognai-je.

_ Je veux que tu la quittes, Basile, murmura Nazir.

Je fronçai les sourcils et frappai la table une nouvelle fois.

_ Es-tu fou ? soufflai-je.

Les puissances des sorciers présents glissèrent autour de moi.

_ Pas plus que toi, je suppose, gronda Nazir. Il faut qu'elle pense que tu es parti, Basile. Il faut qu'elle pense qu'elle n'a plus personne...

Je frémis. Non... non...

_ Il faut qu'on l'éloigne, souffla Jezabel.

_ Il faut qu'elle... disparaisse, murmura l'homme qui avait parlé un peu plus tôt.

_ Le Vengeur ne doit pas lui mettre la main dessus, remarqua une autre.

Je secouai la tête. Ils étaient tous fous ! Un Vengeur... Mettre en rogne un vengeur... C'était comme se tirer une balle dans le pied. Puis dans la tête en souriant ! Merde !

_ La Fête de l'Hiver est le moment qu'elle a choisi pour partir, souffla Nazir en s'approchant de moi. Il faut agir là !

_ Vous voulez la kidnapper juste après la Fête de l'Hiver ? murmurai-je.

Tous hochèrent la tête en cœur. Je pressai mes tempes.

_ Et Nohlan ? soufflai-je. Avez-vous pensé à Nohlan ?

_ C'est pour ça que tu dois prétendre que tu la quittes, Basile. Il sera plus facile de faire croire à Nohlan qu'elle a décidé de s'éclipser pour quelques jours à cause de votre rupture.

_ Et le Vengeur ? grondai-je. Avez-vous pensé à ce Vengeur ?

_ Tout est encore hypothétique, mais j'ai des connaissances. Qui pourrait être très utile, souffla Jézabel.

Je grognai sourdement.

Dans quoi avais-je mis les pieds ?

_ Utilise la colère que tu as en ce moment pour rendre cette rupture vraie Basile, reprit Nazir en posant une main sur mon épaule. Utilise-la.

_ Après la Fête, murmura Jézabel. Juste après, tu devras la quitter. Et quand elle partira, nous l'emmènerons dans un lieu sûr.

_ Ne retourne pas la voir avant la Fête de l'Hiver, ordonna Nazir. Entendu ?

_ Vous êtes tous cinglés, grondai-je en le repoussant.

Je reculai vers le salon, tous me suivirent du regard.

_ Et toi Basile ? souffla-t-il. Ne l'es-tu pas un peu ?

Quel idiot. 

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