Entrevue divine
La nuit était déjà bien avancée et je n'avais toujours pas réussi à fermer l'œil. Comment le pouvais-je de toute manière ? J'étais tellement nerveuse que cela relevait de l'utopie. Demi-déesse... C'était complètement hallucinant. Je comprenais mieux pourquoi ma mère ne m'avait jamais parlé de mon géniteur. Tout simplement parce que je lui aurais ri au nez.
Je laissai mon esprit divaguer. Etait-ce Poséidon ? Cela expliquerait peut-être ma facilité à maîtriser l'eau. Je me retournai une nouvelle fois dans le lit. Et puis zut ! De toute manière, je n'arriverai jamais à trouver le sommeil. Je décidai donc de descendre dans le jardin. Hors de question de sortir, même si la tentation était grande.
La nuit était calme. Au loin, on pouvait entendre les vagues s'écraser sur les murailles. Le clapotis de la fontaine aurait dû être apaisant, mais rien n'y faisait. J'étais angoissée. Angoissée par ce que j'étais, par ce qui allait se passer le lendemain. Si seulement tout pouvait redevenir normal. Je fermai les yeux et pris une grande inspiration. Quand je rouvris les paupières, j'étais toujours là, debout devant la fontaine. Qu'est-ce que je croyais ?
- Ce n'est pas en battant des paupières que vous retournez dans votre monde.
Une voix féminine me fit sursauter. Je cherchai dans la pénombre qui avait bien pu me parler. Soudain, émergeant dans la lumière nacrée de la lune, une magnifique blonde aux formes généreuses s'avança d'un pas assuré. Un halo doré scintillait tout autour d'elle. Elle portait une robe noire au décolleté plongeant, qui n'était pas du tout le genre de vêtements qu'avaient les Néréides.
- Ne me regardez pas comme ça, dit-elle sèchement. Ce n'est pas parce que mon père a une prédilection pour ce look has been que je dois m'y plier.
Son père ? Ce fut là que je percutai. Une déesse ! Elle afficha alors un sourire narquois devant mon air surpris.
- Alors c'est donc toi celle qui va foutre en l'air nos mondes ? Tu n'as pas l'air bien méchante pourtant.
Son air suffisant m'agaça au plus haut point.
- Il est vrai que tu as du sang divin, mais tout de même ! De là à mettre tout à feu et à sang ? Difficile de le croire !
- Pourquoi ? Parce que je n'ai pas l'air d'un pitbull ? Il faudrait revoir votre conception de la féminité. Une femme peut être dangereuse même si elle parait frêle et innocente ! Et d'abord qui vous a parlé de tout ça ?
Ses sourcils se froncèrent aussitôt. Sa bouche rouge écarlate se pinça dans une moue d'enfant gâtée. J'avais fait mouche.
- Attention à ce que vous dites, Néréide. Que vous soyez à moitié divine ne vous donne pas l'autorisation de me parler de cette manière.
- Je ne sais même pas qui vous êtes !
Elle porta une main manucurée à sa bouche et mima un air outré.
- Comment ? C'est pourtant évident ! Une femme sublime, au charme ravageur et au corps parfait. Je suis Aphrodite !
Ben voyons ! Et modeste aussi ! De tous les dieux, il a fallu que ce soit Miss Greluche qui vienne me voir en premier. Pourquoi ce n'était pas plutôt mon père, qu'on fasse enfin connaissance ?
- Je suis vraiment désolé, dis-je, feignant d'être aussi gourde qu'elle, je ne savais pas que vous étiez une déesse. Je suis vraiment sotte. Evidemment ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ?
Devant cette pluie de niaiserie, la déesse se dandina de plaisir. Autant me la mettre dans la poche, je pourrais sans doute en tirer des renseignements sur mon père.
- Ce n'est rien. Tout le monde ne peut pas être aussi perspicace que moi, se réjouit-elle, en s'asseyant sur le rebord de la fontaine. Alors comment ça, vous voulez retourner sur Terre ? Ce serait plus sage en effet. Ici, vous n'allez créer que des problèmes !
- Si seulement c'était aussi simple... soupirai-je.
- Mais ça l'est ! Je peux vous aider si vous voulez !
Je la détaillai, dubitative. Avec son air de bimbo, elle semblait sincèrement en disant vouloir m'aider. Mais dans quel intérêt ?
- Et pourquoi vous feriez cela pour moi ?
- Pour préserver mon petit confort. Je suis bien ici. Je peux avoir tout ce que je veux, quand je le veux. Surtout les hommes. D'ailleurs, celui qui te tient lieu de professeur est particulièrement alléchant. Je me laisserai bien tenter.
Je réprimai un grondement de désaccord. Ce n'est pas que Thésée m'appartenait mais penser qu'elle puisse poser les mains sur lui m'énervait.
- Déesse Aphrodite, je serais vraiment heureuse que vous m'aidiez mais... puis-je vous poser une question ? Comment savez-vous que je suis à moitié déesse ? Et savez-vous qui est mon père ?
Elle se leva et vint se placer devant moi. Ses yeux firent un aller-retour sur mon corps.
- Entre nous, nous nous reconnaissons, ma chère. Bientôt, tu le comprendras. Et pour ce qui est de ton père... J'en ai une petite idée. Tiens-tu à le rencontrer ?
- Evidemment.
- Dans ce cas, vas à cette réunion et tu le verras peut-être. Je ne serais pas loin. Cela risque d'être très amusant.
Avant que je ne puisse ajouter autre chose, Aphrodite s'était volatilisée. Je pestai intérieurement en me disant que j'aurais dû trouver un moyen de la retenir, histoire de lui cuisiner un peu plus. Mais c'était peine perdue, elle était partie. Restait juste cet espoir d'apercevoir mon géniteur demain.
- Callistée ? Qu'est-ce que vous faites debout ? et avec qui parliez-vous ?
Thésée, encore groggy, venait à ma rencontre. Ses cheveux en bataille et son torse nu firent immédiatement monter ma température.
- Ce n'est rien. Je me parlais à moi-même. J'ai du mal à dormir.
Ses mains se posèrent sur mes épaules. Je gardai le regard au sol, de peur qu'il voit à quel point il me faisait de l'effet.
- Allez vous coucher. Il faudra bientôt partir. Voulez-vous que je reste un peu avec vous...
Je levai vers lui des yeux remplis d'incompréhension. Il me proposait quoi ?
- En tout bien, tout honneur, évidemment, balbutia-t-il. Je ne vous proposais pas...enfin...
Je lui souris et acceptai. Bizarrement, l'idée qu'ilsoit à côté de moi me rassurait. Arrivés dans la chambre, Thésée s'assit sur lelit et je m'allongeai de l'autre côté. Il était tendu et n'osait pas bouger. Jeposai la tête sur sa main. Sa chaleur me calma et bientôt je sombrai dans unsommeil profond.
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