20 Novembre 2023

— Pour la dernière fois, Sangkyu-shi : non, notre enseigne ne s'appellera pas « Il était temps », fin de la discussion, s'offusque le docteur Kang.

Assis aux places de devant, Hyun-su et Pam rient silencieusement. Pour éviter d'éclater de rire à haute voix, Pam griffonne sur sa feuille de notes pour se changer les idées. Quand elle est calmée, elle se tourne pour observer Sang-kyu à l'arrière. Il tient sa caméra sur son épaule et filme cet échange.

— Oh, on a le droit de rêver, non ? soupire-t-il.

Il tourne sa caméra vers Pam. Cette dernière secoue la tête, un sourire moqueur dessiné sur les lèvres. Elle se sent beaucoup mieux depuis hier soir. Cette matinée est dans une bonne ambiance avec toutes les remarques de Sang-kyu. 

Le docteur Kang a installé une salle de classe de fortune dans le hall de la Vieille Bâtisse. Il donne un « cours » rapide sur l'importance de la récolte des fibres sur une scène de crime. Pam soupçonne qu'il tente d'attirer Sang-kyu vers l'équipe du sous-sol... Il est vrai que son ami n'est pas souvent présent, et ce serait mieux pour le documentaire... Et pour son expérience personnelle.

— Bien, après cette brève introduction, (Pam écarquille les yeux), nous allons ouvrir l'analyse de l'expert sur les vêtements de nos deux victimes, informe le docteur Kang.

— Enfin le moment le plus intéressant ! applaudit le caméraman.

Avec sa main libre, il tape sur la table pour imiter un roulement de tambour. Pam se tourne pour lui faire les gros yeux. Sang-kyu se calme aussitôt. Le docteur Kang ouvre l'enveloppe blanche. Il déplie la feuille et commence à lire pour informer son auditoire. 

— « Rapport du dossier numéro vingt-trois, tiret, onze, tiret, cent vingt-six. Techniques utilisées : microscope optique, microspectrophotométrie, spectrométrie RAMAN, spectroscopie infrarouge. Partie une, analyse de la robe de la victime sus-dénommée « inconnue numéro un ». La robe est faite en coton. Après une analyse minutieuse de l'étiquette au dos, il s'agit d'une robe provenant de la marque Baazar. La robe a... »

Pam hausse les sourcils, surprise.

— Attendez, c'est écrit « Baazar » ? La célèbre boutique de Mary Quant ?

— C'est qui ça ? questionne d'un air niais Sang-kyu.

Pam se tourne vers lui d'un air vexé.

— C'est juste la grande déesse de la mini-jupe ! Tu devrais le savoir, tu les raffoles...

Elle se retourne vers Hyun-su et le docteur Kang.

— C'est une icône ! Dommage qu'elle nous ait quitté en Avril dernier... Le monde de la mode va beaucoup la regretter.

Elle secoue la tête, nostalgique et se redresse sur sa chaise.

— L'ouverture de la boutique et la date de fabrication de la voiture correspondent à peu près. Baazar n'a ouvert qu'au Royaume-Unis... Ça voudrait donc dire que la fille vient aussi de là-bas, affirme Pam.

Tout comme ce Peter Hawkins... Elle doit retourner à l'ambassade et demander des documents sur lui.

— Tout à fait, mademoiselle Cosson, c'est écrit noir sur blanc dans le rapport. Je continue ma lecture. « La robe a connu un transfert croisé. Des fibres, d'une autre matière, sont présents sur cette dernière, probablement celui de l'assassin. Il s'agit d'élasthanne verte alors que la robe originelle est crème. Mais il est difficile de trouver son exact origine. Le corps de la victime a probablement été plongé post-mortem. L'état de conversation des os et de ses vêtements sont plus qu'excellent, ce qui a facilité la recherche de fibre. »

Pam fait une moue déçue.

— « Partie deux, analyse du costume de la victime sus-dénommée « inconnu numéro deux ». Le costume vient très clairement de la boutique coréenne Suit Zoup. Là aussi, le costume contient des fibres d'une autre matière. Mais ce ne sont pas les mêmes que ceux de la robe... Il s'agit de laine de couleur grise alors que le costume originel est bleu roi. On pourrait donc envisager la possibilité qu'une quatrième personne ait été présente sur les lieux du crime. Tout comme sa triste compagne, l'état de conservation de cette victime est également excellent. Les circonstances de la mort et le manque de fracture mortelle indiquent que la victime a probablement été plongée ant-mortem. »

Un petit silence de réflexion s'installe dans la salle.

— Donc, deux assassins ? se lance Hyun-su.

— Apparemment... souffle le docteur Kang en rangeant soigneusement le rapport. 

Hyun-su jette son stylo sur son cahier. Il secoue la tête.

— Mais c'était évident ! Une seule personne n'aurait pas pu faire tout ça toute seule, déclare d'un air dégouté ce dernier.

Pam prend une grande inspiration. Elle joue nerveusement avec son crayon.

— Donc... On aurait un Coréen et une Britannique, précise-t-elle.

— C'est bizarre, surtout à cette époque, remarque Sang-kyu, que faisaient-ils ensemble ?

La porte d'entrée s'ouvre, laissant entrer du froid. Pam n'a pas besoin de se retourner pour savoir qui entre. Elle perd très vite sa bonne humeur et griffonne sur ses notes d'un air mécontent.

— Je m'excuse pour mon retard, j'ai eu une panne de réveil, informe Young-sun.

Pam prend une grande inspiration et soupir longuement. Elle s'acharne sur sa feuille, en se pinçant les lèvres. Elle n'a pas parlé de ce qui s'est passé à Sang-kyu la veille. Ni à Harin d'ailleurs... À personne en fait. C'était trop la honte pour elle. Et puis, Young-sun... Sa bipolarité est un vrai mystère. Elle l'entend s'installer à l'arrière, surement à côté de Sang-kyu.

— Qu'est-ce que j'ai manqué ? Que se passe-t-il ?

Elle fait la grimace et imite, silencieusement, et d'un air mauvais, son ton faussement innocent. Il est toujours à demander ce qui se passe, toujours ! Mais Pam n'en a rien à foutre maintenant. Elle a des choses à faire de son côté.

— Et bien, nous... commence le docteur Kang.

Pam range ses notes dans son sac à main et se lève d'un bond. Elle fait le tour des tables, essayant d'ignorer comme elle peut Young-sun, et sort de la Vieille Bâtisse en lâchant froidement :

— J'ai des choses à faire.

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"Suit Zoup" est marque fictive inventée par moi-même