CHAPITRE 115
23 Février 2024
Trop fière ou trop honteuse, Pam n'a fait part de sa situation à personne. Elle sait d'avance que si elle le racontait à Harin et Sang-kyu, ils se ligueraient tous les deux pour pourrir la vie de Young-sun, et ce n'est pas ce que la jeune femme souhaite. Le docteur Kang et Hyun-su tenteraient, quant à eux, probablement de discuter avec lui. Mais à quoi bon ? Il ne se souvient de personne, alors il n'écoutera que lui-même. Quant à Il-wan... Pam reconnaît qu'elle ne le connait pas assez bien pour l'imaginer faire quoi que ce soit. De plus, Pam sera bientôt à court d'argent – donné gentiment par Young-sun - et sa maigre bourse ne l'aidera pas à rester jusqu'à la fin de semaine à l'hôtel...
Elle va finir sans domicile fixe. Elle ne pourra pas terminer son documentaire dans des conditions aussi instables... Et elle n'aura pas son diplôme. Le pire reste à venir. Pam se voit mal traverser la ville de Séoul et dormir dans des endroits discrets... Avec une dizaine de valises à transporter. Elle va devoir trier et abandonner certaines de ses affaires...
Pam n'est pas du genre à être pessimiste, mais étant donné sa situation, elle doit se préparer à toutes les éventualités.
Dans le but de se remonter le moral et de se donner du courage pour ce grand changement, l'étudiante décide de se rendre dans la rue pour acheter de quoi grignoter à la supérette du coin. Elle n'est pas vraiment à son avantage : son chignon est en bataille, elle porte son jogging confortable et son sweat plaid, qui descend jusqu'à ses hanches, pour se protéger du froid de l'hiver.
— Bonjour, lâche-t-elle en entrant dans la boutique.
Elle prend un petit panier, se dirige vers les rayons des snacks et attrape tout ce qui lui fait envie : un samgak kimbap, du lait aromatisé à la banane, des chips Honey Butter, une boisson vitaminée, un gâteau Orion Chocopie... Le sucre réconforte, c'est un fait avéré... Mais, il fait aussi grossir. Ça aussi, c'est une réalité établie.
Du coin de l'œil, elle croit apercevoir une silhouette. Ses yeux se lèvent lentement face à elle et Pam sursaute en voyant un homme caucasien, portant des lunettes de soleil, et lui sourire à pleines dents. Il retire son accessoire sans lâcher son sourire.
— C'est moi ! rassure Paul Hackett en levant les mains en l'air.
Pam fronce des sourcils. Elle pensait ne jamais le revoir.
— Que faites-vous ici, Lord Hackett ?
— Je viens faire mes courses, voyons ! s'explique-t-il en prenant quelque chose dans le rayon qu'elle ne voit pas.
Pam hausse un sourcil. Elle pivote la tête et constate que sa voiture de luxe est garée juste devant la supérette.
— Ben voyons...
— C'est le Destin, ma Dame !
— Si par « destin », vous entendez « suivre sans se faire voir », ce n'est pas une coïncidence, mais du harcèlement.
Il soupire et fait le tour du présentoir pour la rejoindre.
— Je l'avoue, je vous ai vu traverser la rue et entrer ici. Alors, je suis venu à votre rencontre.
Il repose l'objet, qu'il avait pris, à la mauvaise place, ce qui ne semble pas le déranger plus que ça.
— Pour quelle raison ? questionne Pam, un peu irritée.
— Aucune idée, j'en avais envie, c'est tout.
Il pose une main sur la gondole pour paraître cool.
— Vous n'allez pas l'air bien. Vous avez des ennuis ?
— Rien qui ne vous concerne, je vous rassure. Vous avez des nouvelles de Sandy ?
Il se racle la gorge et se redresse.
— Oui, oui, elle va bien... En fait, mademoiselle Cosson, pour être honnête avec vous... Vous êtes dans mes pensées depuis la dernière fois. Je ne dirais pas que c'est désagréable, vous êtes charmante, très charmante... Mais, ça m'empêche de faire autre chose.
Pam se recule d'un pas.
— Ah... Vraiment ?
Est-ce parce qu'il a été Peter et, qu'à travers leur nouvelle vie, il a encore des sentiments pour elle ? Est-ce qu'il est persuadé comme Young-sun l'était ?
— J'ai eu l'impression que nous n'avions pas terminé notre conversation, l'autre jour, continue Paul.
— À propos de votre grand-mère, Mary, et de cette Poppy Clarke ?
Il acquiesce et accroche ses lunettes de soleil à son haut. Il lâche la gondole.
— J'ai l'air bête comme ça, mais je comprends des choses... Alors voilà. Ne soyez pas choqué de ce que je vais vous apprendre, mademoiselle Cosson, et ne me prenez pas pour un fou mais... Je pense que vous êtes cette Poppy Clarke. Vous lui ressemblez et je ressemble à mon oncle. Certes, il était encore vivant quand je suis né, mais j'ai l'impression de porter encore son héritage, son fardeau.
— Son héritage ?
— Il tenait et s'inquiétait pour Poppy, tout comme je le suis pour vous... Bien que ce sentiment ne soit pas partagé dans les deux cas...
Pam prend une grande inspiration.
— Paul... Je peux vous appeler Paul ? Quoi qu'il en soit, vous devez vivre pour vous. Je sais que c'est difficile, mais vous devez abandonner ce sentiment. Sinon, il va vous consumer et vous soumettre. Croyez-moi... Je l'ai vu de mes propres yeux. Lâchez Peter, et devenez entièrement Paul.
Les yeux du grand brun s'écarquillent.
— Vous étiez au courant ? Et vous n'avez rien dit ?
— Il faut laisser le passé là où il est, et vivre pour l'avenir. Si vous faites ça, ce que vous ressentez disparaîtra et vous serez enfin vous.
Son cœur se fend en deux.
Pam comprend que, ce qu'elle vient de dire, s'est sûrement déjà appliqué à Young-sun lorsqu'il a été frappé à la tête. Disait-il vrai depuis le début ? Ces sentiments pour Pam étaient-ils le reflet de ceux de Yae envers Poppy ? Le fait d'avoir été inconscient a-t-il « supprimé » définitivement cette partie de lui pour laisser place à sa vraie personnalité qui se débattait depuis trente ans ?
La jeune femme sent des mains puissantes la rattraper au niveau de ses avant-bras.
— Je vous tiens !
Pam reprend conscience et sent que sa tête tourne. Paul la regarde avec inquiétude. Elle se dégage de lui et se passe une main sur son front.
— Pardon... Je ne me sens pas bien...
— Vous êtes devenue blanche d'un seul coup et vous avez failli tomber dans les pommes.
— Heureusement que vous étiez là... Ça aurait été la honte.
— Vous êtes certaine que vous allez bien ?
Pam hésite. Elle ne peut pas se confier à lui malgré tout, parce qu'elle aurait l'impression de « trahir » ses amis en ne disant rien. Elle ne peut pas non plus lui raconter toute l'histoire de Young-sun, il en sait déjà assez par lui-même... Non, elle doit trouver quelque chose qui résume bien la situation sans trop entrer dans les détails.
— Pas vraiment... Je suis quasiment sans domicile.
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Un "samgak kimbap" est un snack de riz entouré d'une feuille d'algue et fourré d'ingrédients comme de la viande ou des légumes
Un "Orion Chocopie" est un crème de chamallow vanille entre deux biscuits recouverts de chocolat
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