— Monsieur Yeramian? On est pressé?

Zohrab jeta un regard en biais à la professeure d'Anglais. Brune, le début de la trentaine. yeux noisettes. En surpoid. Toujours des accessoires ridicules dans les cheveux. 

Il s'était précipité dans la classe avant qu'elle lui ai fait signe. 

Elle allait encore le saouler. Il voyait même pas pourquoi elle faisait attention à ce type de détails. 

— Vous allez continuer à me regarder comme ça longtemps? Allez, tu rentreras le dernier pour la peine.

Zohrab haussa les sourcils. Si elle croyait que ça le dérangeait. Lentement, et en traînant un peu les pieds, il repartit vers la porte et se mit à la fin du rang. En repassant devant elle, il ne la regarda pas, et alla directement s'asseoir à côté de Dan.

La professeure se leva et marcha lentement vers le tableau.

— Sortez tous votre booklet, page 17. Nous allons étudier un extrait de Macbeth.

Un léger bourdonnement de bavardage flottait dans la classe, et fut interrompu par un petit rire strident.

— Les demoiselles devant, silence!

Zohrab fouilla dans son sac puis cogna discrètement l'épaule de son voisin: Pst, Dan!

— Quoi?

— J'ai oublié mon booklet, tu l'as? chuchota-t-il.

— Non! On avait dit que c'était toi qui le ramenait aujourd'hui!

— Mais j'ai zappé! Tu peux pas demander un booklet à la prof?

— Mais c'est toi qui l'a pas ramené!

— S'teuplaît! Elle t'aime bien! Moi elle va me tuer si je le dis!

— Vous derrière! Zohrab! Arrêtez de bavarder! Je vous ai dit de sortir vos booklets, non?

— Madame, désolé on les as oubliés, s'aventura Dan. En fait, on a oublié qu'on avait anglais aujourd'hui. Et...

— Et?

— Bah on les a laisser à la maison.

La professeure jeta un regard agacé aux deux garçons. 

— Vous avez fait vos résumés sur "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur"?

— Oui, dit Zohrab.

— Mais c'est prévu pour la semaine prochaine, non? s'inquiéta Dan.

— Vous l'avez fait oui ou non? demanda la professeure, menaçante.

— Si oui, je ne vous envoie pas chez le proviseur, si non, la porte.

— Je l'ai fait, dit Dan à regret. Il est là.

— Et toi Zohrab?

— Ici.

— Super! fit-elle avec un soudain revirement joyeux. Pour cette fois ci je vous pardonne; Par contre changement de place, les filles ont leurs manuels. Selana! fit-elle en se retournant. J'ai l'impression que tu as assez bavardé pour ce trimestre. Tu vas t'asseoir à côté de Zohrab. Dan, la place à côté d'Andréa.

Dan ramassa son sac à regret et disparu vers l'avant de la classe, tandis qu'une personne au parfum prononcé s'installait à la droite de Zohrab. Il évita de croiser son regard, et tandis qu'elle posait sous manuel entre eux deux, il lui jeta un regard en biais. Elle avait de longs cheveux châtains et une frange sur le côté qui cachait presque tout son visage. Il se focalisa sur la partie du texte qu'il devait lire.

La fille sortit son téléphone et commença à pianoter dessus. Zohrab ne fit pas davantage attention à elle, et reporta sa concentration sur ce qu'il devait lire. Quand arriva le tour de Selana, elle sursauta, rangea discrètement son téléphone dans sa poche et dit d'une voix un peu trop forte.

— Oui, madame?

— Tu n'es pas obligé de crier, Selana, si? Continue la lecture!

L'air le plus tranquille de monde, Selana ramena le manuel à elle et fit un geste interrogatif de la main à Zohrab.

— On en est où? chuchota-t-elle.

— Ici, lui indiqua-t-il du doigt.

— Okay.

Elle éleva encore une fois la voix pour lire, avant que la professeure ne l'interrompt.
— Selana, le chewing-gum à la poubelle!

En soupirant elle se leva en traînant les pieds et alla le jeter.

— Tu peux continuer, dit la professeure avec un petit sourire hypocrite, quand Selana se fut rassise.

Le tour de Zohrab arriva enfin, puis il dû répondre aux questions de compréhension...

Pourtant, il ne le fit pas. Il passa le reste de la séance à jeter des regards en biais à l'étrange énergumène qui était assis à ses côtés.

Zohrab,n'avait jamais eu de sœurs, ou de cousines de son âge. Les filles avait toujours été pour lui un mystère insoluble et il était toujours désarmé et étonné par leurs agissements. Selana avait repris son téléphone et cette fois ci mis des écouteurs, ce qui n'empêchait pas Zohrab d'entendre une musique entraînante étrangement familière.

Quand la cloche sonna, elle rangea ses affaires et secoua ses longs cheveux châtains, puis partit sans demander son reste.

En sortant dans la rue, Zohrab consulta son téléphone; il n'avait pas de messages. C'était à se demander si les téléphones portables ne servaient pas à cela: vous rappeler que personne ne pense à vous. Avant rien ne contredisait que quelqu'un pensait à lui, voulait le joindre. Depuis qu'il avait à sa disposition cette machine infernale qu'il avait passé toute son enfance a désiré, il avait seulement envie de la jeter contre le mur pour pouvoir reprendre sa liberté. Liberté de penser qu'on cherchait à le joindre, liberté de penser qu'on pensait à lui... Il lui été déjà arriver de passer des minutes entières qui s'écoulaient les unes après les autres et morosement à regarder son écran et à attendre une notification... qui n'arrivait pas.

Il le remit dans sa poche quand il reçut une notification. Fébrilement il balaya l'écran vers le haut et découvrit une demande d'abonnement de @Ar_axe_men.

Il cliqua sur l'icône pour scroller le compte. C'était surtout des photos de paysages. Il accepta la demande en se demandant qui cela pouvait être.

Il rejoint ensuite Mihran qui l'attendait dans la cour de récré pour rentrer ensemble en compagnie de Levon, son ami. Il se joignit à eux, écoutant à moitié leur conversations qu'il ne jugeait pas si intéressantes , perdue dans ses pensées, la musique dans ses écouteurs estompant les sons autour de lui. Selana a de bons goûts musicaux.

***

En arrivant dans sa chambre, il jeta son sac contre un mur et se changea. Il scruta chaque détail de son corps dans le miroir accroché, traquant les muscles qui auraient pu apparaître depuis la veille... Sans grand succès. Tu dois vraiment commencer à t'y mettre sérieusement. 

Il observa ensuite son visage.

L'acnée était toujours là, ne diminuant pas sur toute une partie de sa joue et de sa mâchoire. Il la toucha légèrement, mais la sensation de fourmillement qui suivit lui fit immédiatement regretter ce geste, ça allait le démanger maintenant. Cela faisait deux ans que cela durait.

Tout le monde lui disait tout le temps que cela allait s'améliorer mais il n'avait pas vraiment l'impression que c'était le cas. Il en avait même dans le dos. La plupart du temps, il était obligé de se baigner en combinaison et de mettre des écrans solaires. Cela commençait sérieusement à l'énerver. Il appliqua la crème que le dermatologiste avait prescrit, tout en continuant à fixer son reflet.

Ses yeux noirs étaitent fins et légerement étirés et son nez, crochu. Son teint avait une teinte pâle, la plupart du temps, il ne pouvait pas s'exposer au soleil, sous peine de s'attirer les foudre de sa mère, de la dermatologue et aussi de sa peau, qui le démangeait trois fois plus.

Il s'allongea sur son lit et passa la main entre l'espace entre son matelas et le sommier et en retira une boite de cigarette. Il ouvrit légèrement la fenêtre de sa chambre et pencha sa tête dehors. Il en avait besoin.

Les profs lui avaient encore donné plein de devoirs, mais il n'avait franchement pas la motivation de les faire. De toute façon ce n'est pas comme s'ils servaient à quelque chose ces satanées cours et ces satanées devoirs.

Soudain, il entendit le son familier qui indiquait qu'il avait reçu un nouveau message.

Dan: On est dehors, tu viens au parc?

Rapidement, il rangea son paquet de cigarette dans sa poche et acheva de fumer sa cigarette.

En arrivant au parc, il vit Dan assis près de Rhys, Alex et Darius. Assis autour des balançoires, ayant troqué leurs uniformes d'école pour des ensemble de sport. Il se joignit à eux, écoutant leur sujets de discussions, toujours les mêmes, tandis qu'il succombait dans une douce rêverie où le visage de Selana ne manquait pas d'être récurrent