Chapitre 13 - (2-2) Fausses ressemblances
Bon, finalement, c'était une mauvaise idée. Glissée dans sa Mustang, je me demandais pourquoi j'avais accepté qu'il m'accompagne. Je ne voulais pas qu'il ait le choix de la musique, je le connaissais et chaque mélodie pour Mila était un coup de poignard pour moi.
J'écoutais beaucoup Amy Winehouse depuis quelques mois et j'avais apporté mon iPod, il m'autorisa bien sûr à le brancher. J'ai su que c'était une mauvaise idée quand je me rendis compte que beaucoup de chants de l'album parlaient de rupture, de tristesse, d'addiction. La dernière chanson que l'on entendit se conclut par :
This face in my dreams seizes my guts
Ce visage dans mes rêves s'empare de mes tripes
He floods me with dread
Il m'inonde de terreur
Soaked in soul
Trempées dans l'âme...
Moon spilling in
La lune qui déborde
And I wake up alone
Et je me réveille seule
J'éteignis la musique, il resta surpris, ne comprenant certainement pas, mais oui, se réveiller seule après avoir passé toutes ces nuits avec lui, c'était bien cela le plus dur. Sa Migina débordait de chagrin et il ne fallait pas qu'il découvre cela.
— Ça va, Sofia ?
— Oui, désolée, ce n'était pas super gai pour un week-end détente ! Puis tu n'es pas super bavard.
Il sourit.
— Je voulais écouter, et de ceux que je peux en dire, tu ne supportes pas beaucoup de te réveiller seule. Plutôt mélancolique comme album. J'aime beaucoup.
Je fermai les yeux un instant. Nous montâmes sur une route enneigée, le paysage demeurait grandiose. Merde ! Que répondre maintenant ?
— Tu joues à « dis-moi ce que tu écoutes, je te dirai qui tu es » ?
L'humour, toujours là pour nous sauver.
— OK, je répète beaucoup : Ain't no sunshine de Bill Withers, tu connais ? Alors qui suis-je ? me défia-t-il à son tour.
Prise par mon propre piège, je jouai franc jeu.
— Oui. Tu l'as interprété quand on a assisté à votre concert cet été.
— Ah ! Je comprends mieux pourquoi j'avance si vite... Elle m'est revenue comme cela un soir...
— Et ça veut sûrement dire que tu es un homme amoureux et torturé qui a perdu sa femme.
Il réfléchit un instant avant de répondre. Moi, je pris conscience de ce qu'il venait de dire ce qui pouvait expliquer les écrits que j'avais vus sur le carnet. Il se souvenait, sacré Ash, il avait oublié beaucoup de choses, mais pas la musique.
— Peut-être... Et toi comment peux-tu être en couple et te sentir seule la nuit ?
Coup bas... venant de lui en plus, zen, Sofia.
— Je me pose cette question tous les jours, soufflai-je d'un trait.
Il ne répliqua pas. Nous arrivâmes devant un immense hôtel construit entièrement en bois. L'entrée était recouverte d'un patio où un voiturier nous attendait.
— C'est magnifique.
Je devais avoir mes yeux de petites filles face à ces nouveaux jouets de Noël comme me l'avait souvent dit Ash.
— Oui, répondit-il en coupant le moteur, son regard bleu acier ne me quittait pas.
Le voiturier ouvrit ma porte et il récupéra nos bagages.
— J'ai l'impression de faire un peu tache dans un pareil décor.
J'avais trouvé dans une friperie, un pantalon sympa beige et une jolie veste blanche trois quarts avec une fausse fourrure sur la capuche. Mes bottes me remontaient en dessous du mollet, je me sentais à l'aise, plutôt mignonne, mais je ne m'attendais pas à un tel luxe.
— Tu es éblouissante chère Sofia...
— OK, je te signale que tu viens de me conduire en voiture, qu'est-ce que tu as pris avant ?
Il sourit et mit sa main dans mon dos pour que nous rentrions ensemble. Maudit temps, comment ressentir sa peau sur la mienne avec ces couches de vêtements, ce n'était plus cet été Sofia, non ? L'accueil était majestueux, un mélange moderne et de bois ancien. Je remarquai l'immense salon où crépitait un feu de bois. L'hôtel diffusait une senteur d'ambiance au bois de cèdre et d'ambre vanillé. On nous amena jusqu'à notre suite où Damon, Tyler et Chelsea nous attendaient dans le vaste séjour. Ils prenaient un verre autour de la cheminée privée.
— Hé Sofia ! s'exclama Damon.
Il se dirigea vers moi et me serra contre lui. Il sortait de la douche, il empestait la noix de coco.
— Merci à tous, c'est un vrai rêve que de me trouver ici.
Ils me souriaient chacun à leur tour chaleureusement, comme si ma présence apparaissait comme une évidence. Ash s'occupa du room service quand Chelsea m'attrapa par le bras.
— Viens, je te montre ta chambre ! Les garçons dormiront sur le canapé-lit.
— Oh, je peux leur laisser, ça ne me dérange pas de dormir...
— Hors de question, me coupa Damon du salon.
— Tu as entendu ? Hors de question ! me taquina Chelsea.
Je trouvai la suite aussi démesurée que le reste. Le lit king size se trouvait au centre, les meubles et le linge de maison taupe étaient mis en valeur par des murs couleur crème. La salle de bain privée était dans les mêmes tons. Moi qui allais bientôt me retrouver à la rue, il fallait que je savoure ce moment.
— Nous avons commandé des quantités de choses au room service. J'espère que cela t'ira ? Les garçons crevaient de faim et vu la journée qu'ils ont passée sur les pistes, ils ne vont pas faire long feu.
J'adorais Chelsea, elle était fraîche et pétillante, son carré blond encadré son visage rond. J'appris par la suite qu'elle travaillait comme juriste dans un cabinet d'avocats. Elle voulait se spécialiser dans l'écologie. De quoi agrémenter notre soirée de jolis débats.
Je ne m'étais pas rendu compte, mais j'avais bu quelques verres de champagne.
Je crois n'avoir pas autant rigolé depuis de nombreux mois. Je me sentais tellement à mon aise avec eux. Chelsea était assise sur les genoux de Tyler, le grand nounours tenait fermement sa douce femme. Quand Ash se servit de nouveau à boire, Damon et Tyler échangeaient un regard complice.
— Ash ? Tu as pas mal picolé.
— Ça va, Damon, pesta-t-il.
Il prit son verre et se dirigea vers l'importante baie vitrée qui donnait sur une terrasse privée.
— Il veut trop en faire depuis qu'il est revenu. On essaye de le protéger après ce qu'il lui est arrivé, mais c'est une vraie tête de mule, me chuchota Damon.
— Peut-être a-t-il besoin de se retrouver ?
Je faisais référence à ses écrits.
— Sûrement, mais on ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter pour lui et Mila nous a demandé de le surveiller de près. Il a eu des passages très colériques et l'alcool n'aide pas. Il doit se reposer aussi, mais bon, il en fait qu'à sa tête.
Chelsea et Tyler se levèrent en même temps.
— Allez, nous on va dormir, demain lever à huit heures pour être prêts à dévaler les pistes.
Je les suivis également et saluai tout le monde. Ash était rentré, il se tourna à peine pour me dire bonne nuit. Je trouvai qu'il avait moins ses changements d'humeur en tout cas avec moi. Je m'étais trompée. En rejoignant ma chambre, j'entendis mon téléphone vibrer.
— Sofia Flores qui répond au bout de trois sonneries !
Je reconnus immédiatement la voix de mon meilleur ami.
— Juan Mendez !
J'étais aux anges, toujours là quand il faut.
J'enfilai des vêtements chauds et sortis sur la terrasse, il y avait un salon en bois et un petit banc. Je savais que nous avions des choses à nous dire et je ne voulais pas réveiller les autres.
Nous parlâmes un bon moment, je commençai à grelotter. Il était si passionné par son boulot. Il m'expliqua aussi comment sa famille et celle de Valentina essayaient déjà de les fiancer. J'étais heureuse pour lui vraiment. Je pense qu'elle méritait une seconde chance et si mon frère et mon meilleur ami l'appréciaient c'est bien pour quelque chose, non ?
— Liam va me tuer ! Vous vous trouvez en week-end et je t'accapare, mais ça faisait longtemps que je n'avais pas de nouvelles.
J'avais toujours du mal à mentir à Juan.
— Oui, je ne vais pas tarder, demain on doit aller skier, avouai-je un peu trop enthousiaste.
— Sofia Flores sur des skis ! Mon Dieu que j'aimerais me trouver là, le seul qui avait réussi à te sortir la tête de tes bouquins, c'était Ash, tu te souviens ?
La porte de la baie vitrée donnant sur le salon s'ouvrit. Ash apparut juste après, une bière à la main.
— En fait, je suis ici avec Damon et Ash...
— Quoi ? Je ne comprends plus rien, So.
— C'est une longue histoire, je t'expliquerai, je vais devoir te laisser Juan, on m'appelle.
— Tu ne t'en tireras pas comme ça, So, on se téléphone et vite !
J'allais passer un sale quart d'heure, sacré Juan.
Ash me regardait avec insistance, je restai assise sur le banc et soufflai dans mes mains après avoir raccroché.
— Je suis désolée, je ne voulais pas t'empêcher de dormir.
— Ce n'est pas toi, je dors plutôt mal de manière générale.
OK, bah on était deux Ash et sûrement pas pour les mêmes raisons. Il s'assit tout près de moi, disons que la chaleur de son corps était la bienvenue. On contemplait tous les deux la pleine lune. La vue sur la montagne était dégagée, les étoiles parsemaient le ciel. Je souris. Je changeai d'humeur aussi vite que lui.
— Pourquoi ris-tu, Sofia ? me demanda-t-il, intriqué.
Il n'observait pas la lune, mais moi. Les yeux brillants, comme il me regardait parfois... OK, Sofia, redescends sur terre, il a beaucoup bu.
— Tu voulais que je te rappelle des souvenirs non ? Il hocha la tête tout ouïe. Le premier soir où je suis arrivée au ranch, je suis sortie sur le ponton prendre l'air. Tu nous surveillais la nuit et tu m'avais découvert là-bas. Je me remémore ce moment comme si c'était hier. Tu n'as pas réussi à me sermonner bien longtemps et on a fini assis l'un à côté de l'autre à fixer le ciel, comme maintenant.
Je secouai la tête. Comme pour chasser l'idée que lui ne se rappelait pas de cet instant, la tristesse m'envahit. Pourquoi remuait tout cela après tout ? À quoi bon ?
— Peu importe si je m'en souviens ou pas, j'aime la manière dont tes yeux brillent quand tu racontes cette nuit-là.
Je souris à sa réponse, c'est toujours comme s'il réagissait à mes pensées.
— C'est la faute au champagne ça !
Des jeunes faisaient la fête quelques étages plus bas. On pouvait entendre de la musique, une mélodie plus douce prit le relais. Il se leva, posa sa bière qu'il n'avait plus touchée et me tendit la main.
— On peut se créer de nouveaux souvenirs, je ne pense pas que l'on ait dansé ce soir-là ?
Je secouai la tête, ses lèvres toujours aussi sensuelles et charnues s'étirèrent en un large sourire qui ne pouvait que faire apparaître ses fossettes... Ash... tout ça était surréaliste.
J'acceptai sa main, c'était comme rentrer chez soi. Il pressa l'autre dans le creux de mon dos et me serra contre lui. Mes cheveux me chatouillaient le visage et raclaient contre sa barbe. Au bout de quelques minutes, il posa son front contre le mien. Je pouvais sentir sa respiration chaude sur chaque partie de mon être. Il frotta son nez sur le mien comme pour le réchauffer.
— Il fait moins froid, plaisantai-je.
C'était magique.
Il inhala un grand coup avant de murmurer mon prénom.
— Sofia...
Ma tête me disait de m'éloigner. Ma raison aurait dû me crier le nom de Liam, mais c'est mon cœur qui avait pris le contrôle et je ne bougeai plus, lorsqu'il posa ses lèvres douces et fraiches sur les miennes. Mon corps entier se réchauffa, mon cœur glacé par la douleur avait retrouvé sa chaleur et son rythme effréné. Les papillons ne demandaient qu'à s'envoler.
Comment avait-il pu oublier cela ? J'ouvris les yeux à cette pensée et il s'éloigna de moi. Il laissa tomber ses bras sur son corps et redevient Ash.
— Je suis désolé, Sofia, souffla-t-il.
Ça recommençait. Encore et encore. Il était hors de question que je lui donne l'opportunité de tout détruire une fois de plus. Mon cœur reprit sa froideur quotidienne.
— Je suis avec Liam et je l'aime. On n'aurait jamais dû. J'ai sûrement trop bu et toi aussi, continuai-je.
Il fronça les sourcils comme s'il attendait que ces mots sortent de ma bouche depuis longtemps. Je pense sincèrement qu'aimer Liam était un bien grand mot. J'appréciais d'être avec lui, c'était une relation simple et sécurisante pour moi, mais il fallait que je m'éloigne de lui et vite. À dire vrai, il n'était que souffrance. J'exagère peut-être, j'étais perdue.
— Oui ça doit être cela. On devrait aller dormir.
Je me dirigeai vers ma chambre.
— Sofia... toujours amis ?
Il paraissait inquiet, comme si le fait que l'on ne le soit plus ne semblait pas acceptable pour lui.
- What else ?
Nous sourions à l'unisson. Il était hors de question qu'il sorte encore de ma vie. L'amitié semblait un bon compromis.
https://youtu.be/tkLiYIDD794
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