Exceptionnellement, un soleil radieux traversait le ciel de Mercer Island et Silas en avait profité pour se munir d'une paire de lunettes de soleil. Il claqua la portière de la voiture et traversa la route désertée pour rejoindre le commissariat de la ville.

Avec humeur il poussa la porte et décida de garder ses lunettes de soleil dans l'unique but de pouvoir scruter chacun d'entre eux et déceler un détail même le plus infime. Pour l'heure il les pensait tous coupables et suspects notamment le jeune Garret Smith qui n'avait pas manqué de lui faire comprendre que la jeune femme n'était pas seulement une mission.

À cette pensée une bouffée de jalousie entra en collision avec ses envies de meurtres.

- Ah ! On était justement en train de parler de vous, lança Holly Bright en se levant d'un bond l'air embarrassé.

- Je suis flatté, dit-il en faisant l'effort de lui glisser un sourire.

Ils avaient tous les yeux braqués sur lui et le moins que l'on puisse dire c'est que sa présence les rendaient tous craintifs. Intérieurement Silas savoura ce détail en allant jusqu'à la cafetière pour se servir un café.

Il avait besoin de refaire monter l'adrénaline qu'il avait dû faire redescendre de force au moment où son corps tout entier avait réclamé la jeune femme.

Il avait dû partir en trombe en la laissant plantée au milieu du salon avec comme souvenir cette phrase qui laissait clairement entendre qu'il voulait ses lèvres.

Malsain, inapproprié, digne d'un monstre écœurant et sans âme...

Ainsi furent les qualificatifs qui lui correspondaient à merveille et qu'il n'avait de cesse de se répéter en boucle dans sa tête.

Il la retenait captive une seconde fois après lui avoir fait voir des horreurs digne d'une création d'épouvante et maintenant il espérait égoïstement qu'elle accepte de répondre à ses désirs ?

Silas jura silencieusement et faillit briser la tasse.

- Puis-je savoir pourquoi vous étiez en train de parler de moi ? Lança-t-il en se retournant pour les confronter. J'espère que c'était en bien ?

- On se demandait où vous étiez passé, répondit Garret Smith en le regardant avec un air mauvais. Ça fait plusieurs jours qu'on essaye de vous joindre.

Ce n'était pas le moment ou peut-être si, songea Silas en allant s'installer derrière un bureau au hasard.

- Quand je cherche à comprendre un énigme qui m'est posée j'ai besoin de silence et de concentration, expliqua-t-il en se carrant dans le fauteuil tout en le fixant avec une gravité dans les yeux qu'il ne pouvait déceler. Je n'ai pas dormi les nuits dernières d'où les lunettes de soleil. Est-ce crime de vouloir le silence ?

- Non bien sûr que non, s'empressa de dire Trevis Blair. Garret est un peu contrarié au sujet de votre altercation de l'autre jour.

- Il me semble m'être excusé à ce sujet non ? S'enquit Silas en décidant de retirer ses lunettes de soleil parce qu'il voulait creuser ces âmes en profondeurs sans en perdre une miette, mais surtout il voulait assoir son autorité.

Le jeune Shérif s'approcha les bras croisés et le moins que l'on puisse dire c'est que son regard était très intéressant à étudier.

- D'où vient cette force ? Lança-t-il sur un ton accusateur.

- Je te demande pardon ?

- Vous avez une force qui n'est pas humaine, vous m'avez presque brisé la nuque.

Silas ne put s'empêcher d'esquisser un sourire énigmatique.

- Si j'avais envie de faire un séjour en psychiatrie je dirais que j'ai été conçu dans de la kryptonite, mais comme je ne veux pas prendre ce risque je dirais que mes séances de sport n'y sont pas pour rien.

Holly Bright pouffa de rire et Trevis lui, tenta de retenir ses lèvres qui ne demandaient qu'à se déployer pour se joindre à sa collègue.

Vexé par ses moqueries le shérif fusilla Holly du regard.

- J'espère qu'il te fera la même chose et on verra si tu as le goût de rire !

- Un petit peu d'humour ne fait de mal à personne dans ces temps si sombres Garret, répliqua Holly en reprenant son sérieux.

- Il n'y a rien de risible alors que Abby Rivera a été enlevé ! S'emporta Garret. Elle n'aurait jamais dû quitter la ville !

- Si je me souviens bien c'est en revenant en ville qu'elle s'est fait enlever, riposta Silas en gardant un masque impassible. Ce n'est pas dans mon manoir que cela s'est produit mais chez-elle, à trois rues d'ici.

Le shérif qui fulminait d'agacement lui jeta un regard noir.

- Il était de ma responsabilité de la surveiller et par votre faute elle ne l'était plus !

- Au contraire elle l'était, répliqua Silas sur un ton plus dure et ferme qui se mit subitement à assombrir la salle d'une lourde atmosphère. Avec moi elle était en sécurité contrairement à ce que j'ai pu constater à mon arrivée en ville. Si vous êtes rongé de culpabilités je vous conseille vivement une petite thérapie avec Stones.

Voyant qu'il perdait le combat le jeune homme recula en allant se positionner à côté de Trevis.

- Tout ça ne va pas aider à la retrouver, dit Trevis en jetant un œil au tableau qui rassemblait les indices et les photos des victimes.

Silas fixa la photo de la jeune femme en inspirant profondément avec un goût satisfaisant en bouche.

- Vous avez des pistes ? Demanda Silas en prenant un air sérieux.

- Aucune, se désola Trevis. Il y a quelque chose qui ne colle pas. Normalement il se débarrasse de ses victimes au bout de quarante-huit heures et là plus d'un mois est passé.

- En effet, confirma Silas. C'est étrange et à en juger la tête de l'inspecteur Bright il y a autre chose qui vous inquiète. Je me trompe ?

Holly jeta un regard hésitant à Trevis puis lâcha un long soupir inquiété.

- Nous craignons que le tueur au masque sans visage revienne à cause de son enlèvement.

Silas se redressa lentement en fronçant des sourcils.

- Les médias ont révélés qu'elle a été enlevé et ils ont diffusé sont identité en rappelant qu'elle a été la victime du tueur en série au masque sans visage. Nous craignons qu'il entre en action.

Silas les regarda tour à tour en hochant doucement la tête l'air très inquiet à son tour.

- C'est une possibilité en effet et je le crains aussi.

- C'est ridicule, contesta Garret Smith avec un rire froid. Ce tueur ne s'est pas manifesté depuis plus d'un an maintenant. Il ne va pas prendre le risque de refaire surface pour Abby Rivera alors qu'il a réussi à s'évaporer sans laisser aucun indice à la police. Il a gagné alors quel serait son but de refaire surface ?

- Parce qu'il doit toujours considérer Abby comme une œuvre, une décision qu'il contrôle, répondit Silas en se levant.

Il guetta la réaction du jeune Shérif pour déterminer s'il était de nature complètement ignorant ou s'il jouait un double-jeu trouble.

- Sa priorité ? Répéta Igor Patterson l'un des officiers de police.

- Vous n'avez aucune expérience avec les tueurs en série, nota Silas en contournant le bureau pour s'assoir sur le rebord. Vous pensez que cet homme n'a pas développé de sentiment pour sa victime pendant plus d'un an ? Vous avez tort de penser cela.

- Il a raison, lança Margaret Stones qui venait de pousser la porte de la salle privée. Le tueur au masque sans visage considère Abby Rivera comme sa propriété parce que c'est lui qui a choisi son destin. C'est lui qui a pris la décision de la libérer.

Bien que le mot " propriété " semblait à ses yeux un peu fort, Silas jouissait intérieurement de les entendre parler de lui sans se douter un seul instant que le tueur au masque sans visage était parmi eux.

- Il l'a gardé avec lui pendant plus d'un an et lui a rendu sa liberté uniquement parce qu'elle était malade et qu'il n'avait peut-être pas les conditions nécessaires pour la garder, poursuivit Stones en retirant ses lunettes. Ce geste vous donne une indication assez limpide sur ce qu'il ressent pour sa victime.

- Et qu'est-ce qu'il ressent ? Demanda Igor vivement intrigué.

" Fascinant " songea Silas en croisant les bras.

- Il la considère, il ressent de l'empathie, j'irais même plus loin il a développé des sentiments qu'il est le seul à pouvoir comprendre. Alors si vous pensez qu'il va sagement resté dans un coin s'il a eu accès aux informations de la presse c'est une grave erreur de le croire.

Stones passa devant lui et saisit cette occasion pour lui faire savoir qu'elle n'avait pas perdu son objectif qui consistait à lui exprimer sa terrible envie d'être nue dans son lit.

Silas entra dans son jeu en lui adressant un regard de concupiscence qui avait pour objectif de lui faire croire que ce jeu de séduction était réciproque.

Il n'en était rien.

- Vous êtes en train de dire que l'homme qui n'a jamais été retrouvé et qui possède un avantage considérable sur la police de Seattle va peut-être faire son grand retour parce que la fille qu'il a séquestré pendant un an a été enlevé par un autre tueur ? Résuma Holly Bright décontenancée par cette théorie.

- Exactement, confirma Silas en se redressant de toute sa hauteur.

Un silence glaçant s'ensuivit et dans lequel Silas s'avança jusqu'au tableau pour écrire en gros caractère son nom de tueur.

- Je crois que celui qui a du soucis à se faire c'est cet imitateur, ajouta Silas en reposant le marqueur.

- Que faut-il faire ? Demanda Trevis Blair. Il faut contacter la presse ?

- Pour l'instant le mieux à faire c'est d'attendre qu'il se manifeste ou pas.

- Et s'il se manifeste en tuant des gens ? Lança Garret Smith. C'est vrai après tout on ne sait toujours pas pourquoi il a tué toutes ces personnes.

" Vous êtes vraiment mauvais " Pensa Silas en retenant le sourire diabolique qui menaçait ses lèvres.

- Silas a raison, déclara Trevis sur un ton grave et sérieux. Le mieux c'est d'attendre qu'il se manifeste. Si on donne à la presse cette information nous pourrions créer une situation qui nous échappe. On ne provoque pas un tueur si pour l'heure il reste endormi.

Silas remit ses lunettes de soleil et quitta le commissariat avec une satisfaction pleine. Cette satisfaction lui offrit un regain de forces et pour une raison qui lui échappait il rentra auprès de la jeune femme avec le sentiment agréable d'avoir les pleins pouvoirs sur toute une ville. Maintenant il pouvait aisément comprendre Massimo quand il disait à quel point il se sentait surpuissant de posséder l'Italie entière.

Il emprunta le passage qui au sous-sol et remonta les étages à la hâte. Il avait laissé Abby dans une situation terrible et maintenant elle savait qu'il désirait ses lèvres autant qu'il désirait la protéger.

Une partie de lui continuait de se dégoûter, mais une autre désespéré de la revoir.

Il la trouva dans la chambre, allongée sur le lit et à moitié endormie.

Elle ouvrit les yeux en le voyant mais ne sursauta pas et resta sagement immobile.

- Où étiez-vous parti ?

- Voir où en est l'enquête sur ta disparition et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils sont tous des incompétents.

- Je suis certaine que sa vous excite, lança-t-elle en glissant sa main sous l'oreiller pour lover sa joue contre celui-ci.

Il y avait une sorte de résignation dans ses beaux yeux mais aussi autre chose qu'il ne sut interpréter.

- D'être autour d'eux sans qu'ils sachent que le tueur qu'ils chassent en vain depuis plus deux ans est juste à côté d'eux ? En effet ça m'excite.

Il s'avança jusqu'au lit et s'installa sur le rebord du matelas pour la contempler au plus près qu'elle lui permettait. Contre toute attente elle ne bougea pas et plongea son regard dans le sien.

- C'est un peu sadique vous ne trouvez pas ?

- Ils ne m'intéressent pas, ce qui m'intéresse c'est de coincer celui qui t'a enlevé. Même si pour cela je dois faire trembler Seattle.

Elle fronça des sourcils en l'invitant ainsi à lui expliquer son plan en profondeur.

- Je vais leur donner ce qu'ils souhaitent tous depuis trop longtemps et par la même occasion je vais déstabiliser l'imitateur. Il se croit puissant et j'ai défié ses plans. S'il ne se manifeste plus c'est parce qu'il a été empêché de faire ce qu'il avait commencé avec toi. Je crois que tu es son but depuis le début.

Elle pâlit en soulevant la tête de l'oreiller les yeux dans le vague.

- Vous voulez...vous voulez faire réapparaître le tueur au masque sans visage ? C'est ça ?

Il plaqua sa grande main sur sa joue sans lui laisser autre choix que de l'accepter et déclara :

- Je ne vais pas seulement le faire réapparaître je vais le faire renaître...