Tome 1 - Chapitre 14


C'est quand il me trouble !

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Depuis l'ouverture du foyer, je donnais gratuitement des cours de musique et de danse. C'est mercredi après-midi et déjà des enfants et quelques adolescents m'attendent pour leur cours de piano. Au moins, tout ce que j'ai appris dans mon école privée sert à quelque chose et je suis tellement heureuse de partager tout cela avec eux qu'ils progressent bien et que c'est ma plus belle récompense.

La musique à cette faculté de guérir bien des maux ou du moins, de nous les faire oublier le temps d'un air ou d'une chanson... Alors, une fois tous mes élèves partis, je fais glisser mes doigts sur les touches du piano et me laisse emporter par cette chanson que je joue souvent en ce moment.

La mélodie, ainsi que les paroles ont une résonance particulièrement en moi. Elles correspondent tellement à ce que je vis actuellement. Tout en jouant, je fredonne les paroles pour moi-même...

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Pour mieux s'aimer 

Elles traversent nos vies

Elles nous élèvent vers l'infini

Et nous font sortir de la nuit

Elles nous remplissent le cœur

Nous remuent de l'intérieur

Nous mènent souvent vers la douceur

Un regard perdu, un homme brisé

Un enfant voulu, une vie sauvée

Il y a toujours une larme pour s'inviter

Peu importe ce qu'on voit

Peu importe ce qu'on vit

Elle nous laisse toujours le choix

Pour sortir de l'ennui

Peu importe ce qu'on voit

Peu importe ce qu'on vit

Elle nous laisse toujours le choix...

Je suis dans mon monde, mes émotions, ma bulle... Lorsque j'entends derrière moi le son d'une guitare et une voix l'accompagner.

Il s'assoit à côté de moi sur une chaise et me fait un signe de la tête m'indiquant de continuer mon morceau. Je suis surprise de l'entendre chanter cette chanson qui n'a rien à voir avec le répertoire du groupe et pourtant, il la connaît par cœur. Cette nouvelle facette de lui me prouve qu'il n'est pas que ce beau gosse qui se fout de tout et qu'il laisse voir à tout le monde.

Nous jouons sur cette chanson pendant un bon moment, la rejouant et la rejouant encore. Il m'aide à placer ma voix pour l'accompagner sur certains passages...

Elles sont cachées dans les mots

Elles sont les reflets de nos maux

Finissent par nous rendre plus beaux

Elles sont parfois le désespoir

Se rangent souvent dans nos tiroirs

Mais nous laissent toujours un espoir

Mais je n'ai pas confiance en moi. Je n'aime pas ma voix. Je n'aime pas qu'on m'entende chanter et d'ailleurs, jusqu'à maintenant personne ne m'avait entendue. Alors, qu'il soit le premier... Mais il est très patient avec moi, m'aide et me reprend en m'expliquant comment poser ma voix. J'adore ce moment de partage, que l'on passe ensemble, même si je n'arrête pas de me dire, qu'il est bien trop proche de moi à certains moments et que forcément mon corps réagit. Mon cœur s'emballe quand on termine cette fois-ci la chanson ensemble, les yeux dans les yeux, nos voix se faisant écho...

Les émotions sont murmurées

On n'ose pas toujours les montrer

Elles nous rapprochent pour mieux s'aimer

Pour mieux s'aimer...

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Je sens mes joues coquelicoter et un silence gênant s'installe. Je n'ose lever les yeux de peur qu'il ne voie mon trouble. Alors pour détendre l'atmosphère, il me charrie en me faisant remarquer :

— Tu as chaud, Princesse ?

— Un peu... Il fait particulièrement chaud, aujourd'hui !

— Tu veux qu'on aille au café se boire quelque chose de frais ?

— J'ai une bouteille d'eau, ça fera l'affaire, merci.

— Je vais finir par croire que tu m'évites Princesse ? dit-il en se rapprochant de moi.

— Pourquoi tu dis ça, bien sûr que non, rétorqué-je.

— Bon alors, on peut aller se le boire ce verre, rigole-t-il !

— Mais il faut que je range la salle avant...

— Arrête de chercher des excuses et viens, fait-il en me prenant par la main pour que je le suive.

Le café se trouvant à deux rues du foyer, nous y sommes rapidement et heureusement car il ne m'a toujours pas lâché la main. Je suis mal à l'aise et espère qu'on ne rencontrera personne. Lui, a l'air tellement détendu, alors qu'il avance de sa démarche féline et me regarde de temps en temps en souriant. Il se joue de la situation et ça m'énerve encore plus.

— C'est bon, tu peux me lâcher la main, je sais marcher comme une grande, tu sais !

— Oh, mais je n'en doute pas, mais j'aime bien sentir ta main dans la mienne.

— Mais tu joues à quoi là, Tristan ?

Il s'arrête net et forcément je ne peux m'arrêter avant de me cogner à lui. Il se retourne vers moi avec ce petit sourire en coin qui me fait tant craquer, et me regarde droit dans les yeux. Je vais terminer en flaque d'eau s'il continue comme ça. Il me fixe intensément, et je baisse les yeux, ne pouvant soutenir son regard sous peine de m'y perdre totalement. Il relève mon menton, et ce contact m'électrise jusqu'aux bouts des ongles. Et tout en plongeant son regard dans le mien, il me souffle :

— Je ne joue pas... Princesse.

Je déglutis sans pouvoir répondre ; je dois me ressaisir. Mais je ne sais pas comment agir avec un garçon, et encore moins face à celui-là. Il est plus grand que moi, m'impressionne, me trouble, même si je ne sais pas pourquoi. Je n'ai jamais ressenti ça, envers personne, et je suis complètement perdue.

— Pourtant...

— Pourtant, quoi ?

— Tu rigoles de moi, dès que je coquelicote, soufflé-je en faisant la moue.

— C'est parce que j'aime cette belle couleur que prennent tes joues... C'est adorable avec toutes tes taches de rousseur.

Il ne m'en fallut pas plus pour que mes joues redeviennent écarlates, que mes mains deviennent moites. J'avais bien entendu ? Il aime mes taches de rousseur ? Et là, il pose doucement sa main contre ma joue et, déplaçant son doigt de tâches en tâches, il me susurre :

— J'aime celle-ci et puis celle-là aussi, et encore plus celle que tu as là, juste à côté de ton œil...

Il l'embrasse et mes jambes perdent de leur assurance. Il va me faire mourir à petits feux entre ces mots, ces gestes, son bisou...

— Salut, les jeunes, nous interpelle le boulanger.

Je sursaute et me recule au plus vite de Tristan pour pouvoir répondre à Monsieur Dulon, quand mon téléphone sonne, je m'excuse et réponds, en entendant la musique personnalisée de ma mère :

— Oui maman ?

— Mais tu es où, Orphélia ?

— Au village, pourquoi ?

— Tu as vu l'heure ?

— Non, je n'ai pas fait attention, j'ai joué du piano et tu sais que dans ces cas-là, je perds vite la notion du temps.

— Charles est déjà là, alors à ta place, je me dépêcherai de rentrer.

Je jette rapidement un œil à l'horloge de l'église, elle affiche dix-neuf heures.

— Mais il est en avance, maman.

— Oui et bien en avance ou pas, il est là, alors rentre vite.

— D'accord, je fais au plus vite. À tout de suite !

Je raccroche et vois que Monsieur Dulon est déjà parti mais pas, Tristan. Il est là, appuyé contre le mur avec ses bras croisés sur son torse, en attendant que je termine ma conversation, pour me demander :

— Alors Princesse, tu es en retard ?

— Oui et en plus, je suis venue à pied aujourd'hui, râlé-je.

— Tu veux que je te raccompagne ?

Je lève les yeux vers lui, en me demandant si c'est vraiment une bonne idée. Forcément, s'il me raccompagne je serais en cinq minutes à la maison, mais d'un autre côté, est-ce que j'ai envie de partager ce trajet avec lui ? Être aussi proche de lui... C'est justement, ce que j'ai essayé d'éviter toute l'après-midi.

— Princesse, on perd du temps pendant que tu réfléchis. Tu le sais ? ricane-t-il.

— Oui mais...

— Allez, pas de mais, suis moi, je suis venu à moto et...

Je lui coupe la parole :

— Non, non, ce n'est pas possible, je ne peux pas monter à moto avec toi, bafouillé-je.

— Et pourquoi donc ?

— Et bien, parce que...

Je marquais un temps d'arrêt pour trouver une excuse valable et finis par avouer :

— Je ne suis jamais montée sur une moto, et ça me fait trop peur.

— Tu verras, tu n'auras même pas le temps d'avoir peur, qu'on sera déjà arrivés.

— Oui mais tu n'as pas de second casque, donc ce n'est pas possible, Tristan, essayé-je encore une fois de le convaincre.

Il était impossible que je monte derrière lui, que j'encercle sa taille de mes bras, que mes cuisses touchent les siennes, que je colle ma poitrine à son dos, que je... Mentalement, je secoue la tête négativement parce que rien que de penser à tout cela, je me sens mal. 

Des gouttes de sueur me dégoulinent tout le long du dos. Tristan, lui, a ce sourire narquois qui me laisse penser que lui aussi doit voir les mêmes images que moi sur notre futur rapprochement, et contrairement à moi, ça n'a pas l'air de le déranger apparemment.

— Ne te cherche pas d'excuses, j'ai un autre casque Princesse. Allez en route !

Je réfléchis tellement à tout ça, que je ne me suis même pas rendue compte que nous sommes revenus devant le foyer. Il me tend le casque et voyant mon manque de réaction, me le place lui-même sur la tête, et quand il fixe l'accroche, il déclenche au passage toute une série de réactions sur mon épiderme.

— Ça va, je n'ai pas trop serré ?

Je lui réponds en lui faisant un signe de tête. Je le regarde mettre le sien, puis enjamber sa moto. Je sens ma bouche s'ouvrir, mais comment ce mouvement peut-il être aussi... Sexy ?

Non, je ne peux pas penser ça ! Je ferme les yeux pour essayer de retrouver une contenance, quand il m'attrape la main, ce qui me fait pousser un cri de surprise.

— Hé Princesse, détends-toi, je vais être prudent. Promis, j'irai doucement et si ça ne va pas, tu n'auras qu'à me taper sur l'épaule pour me le signaler. D'accord ?

— D'accord, acquiescé-je du bout des lèvres.

Il m'aide à enjamber à mon tour la moto et une fois assise, je cherche où je peux bien mettre mes mains pour me tenir sans avoir à le toucher. Mais, il ajoute aussitôt :

— Ne cherche même pas à t'accrocher ailleurs que là.

Il prend mes paumes, les passe de chaque côté de sa taille, tire doucement sur mes bras pour me rapprocher le plus possible de lui, tout en les resserrant, pour me montrer comment je dois le tenir.

J'ai arrêté de respirer...

Il allume la moto et je n'ose plus bouger, car chaque respiration met ma poitrine en contact avec son dos musclé et tendu. Seule l'épaisseur de nos tee-shirts, nous sépare. Il fait rugir la moto, sans doute pour m'impressionner, mais je n'ai pas besoin de ça... Tristan presse ma main, se tourne légèrement, me fait un clin d'œil et en profite pour démarrer.

Encore toute chamboulée par son clin d'œil, je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. La moto roule déjà, je ferme les yeux pour essayer de contrôler mon appréhension, ma peur, tout en respirant.

La sensation du vent est agréable, tout comme le fait d'être contre lui, c'est rassurant et je me surprends à ouvrir les yeux. Il a tenu parole, il ne conduit pas vite. Je me détends petit à petit et laisse ma tête se poser sur son épaule sans même m'en rendre compte. Je suis bien, là, avec lui, contre lui... Sa voix rauque me sort de mon état de plénitude et me ramène sur terre :

— Princesse, on est arrivés, chuchote-t-il doucement en me caressant le dessus des mains. Comme s'il avait peur de me réveiller ou de me sortir de mon rêve.

Pourtant je n'ai pas rêvé, tout ceci est bien réel et ce que je ressens pour lui aussi. Cette réalité me saute aux yeux, lorsqu'il me fait face, et qu'il me retire mon casque.

Ses yeux plongés dans mes iris, je n'ose bouger quand il approche ses lèvres des miennes. Il y dépose un baiser léger comme une plume... Tendre, doux, auquel je ne peux me soustraire. J'en ai eu tellement envie, j'aime ce que cela déclenche dans tout mon corps, et encore plus dans mon cœur.

Mon premier baiser...

J'ouvre les yeux, il me regarde et ce que je vois dans ses yeux me désarçonne. Non, Tristan ne peut pas me regarder avec... Désir. Non, je dois rêver, c'est forcément ça. En fait, je me suis imaginé ce baiser, il ne peut pas en être autrement. Et comme s'il avait entendu mes doutes, mes réflexions intérieures, il me souffle tendrement en prenant mon visage entre ses mains :

— Non, tu n'as pas rêvé Princesse, et il m'embrasse à nouveau. Mais cette fois-ci, ses lèvres se font plus pressantes, plus demandeuses et je ne peux m'empêcher d'y répondre. Ce baiser devient plus chaud, plus passionné encore, quand il s'aperçoit que j'y réponds.

C'est le bruit des gravillons dans l'allée qui nous stoppe. Je me détache au plus vite de lui, pour éviter que l'on nous surprenne ensemble. Heureusement, Tristan a arrêté la moto à l'extérieur de la maison et personne n'a pu nous voir. J'entends le portail s'ouvrir et je vois apparaître ma mère. Elle nous regarde, l'un après l'autre et j'ai l'impression que le mot baiser est gravé sur mon front en lettres rouges et clignotantes. Ma mère ne fait aucune remarque et au contraire, nous dit :

— Ça y est, vous voilà enfin. Allez dépêchez-vous de rentrer, toi tu dois te préparer et toi, Tristan, j'ai un verre de limonade bien fraîche qui t'attend, pour te remercier d'avoir raccompagné ma fille.

Sans nous laisser le temps de répondre, elle me prend par le bras et m'entraîne vers la maison. Tristan suit en poussant sa moto dans la cour. Je n'ose me retourner de peur que ma mère ne fasse une réflexion.

Je vois Charles installé dans le canapé du salon, un verre de la "fameuse" limonade de ma mère à la main. Je pense : "un jour il faudra qu'elle dépose la recette car les gens l'adorent". Quand il me voit, Charles se lève aussitôt, pose son verre sur la table basse et vient à ma rencontre. Il m'embrasse sur les deux joues pour me dire bonjour :

— Content de te voir Orphélia, me salut-il, ravi.

— Je suis vraiment désolée de n'arriver que maintenant, je n'ai pas vu l'heure.

— Tu n'as pas à être désolée Orphélia, c'est moi qui suis en avance.

Entendant des pas dans l'entrée, mon regard va dans cette direction et j'y croise celui de Tristan. Il a les sourcils froncés, le regard dur et je ne comprends pas pourquoi, jusqu'au moment où Charles retire sa main posée en bas de mon dos afin de se tourner vers Tristan. Il se présente en lui serrant la main. Il grimace et je comprends que Tristan a dû y aller un peu fort. Je suis gênée de cette situation, car aucun de mes amis ne connaît Charles et encore moins notre accord. Donc pour essayer de dissiper ce malaise, je présente Charles à Tristan :

— Charles, un ami de la famille.

Et avant que Charles ne puisse rien ajouter, je lui annonce :

— Voici Tristan, le chanteur et musicien du groupe "Les Galopins". Tu te souviens, je t'en avais parlé lors de l'ouverture du foyer du village.

— Si tu le dis, réplique-t-il d'un ton arrogant que je ne lui connaissais pas.

Je suis désarçonnée face à son attitude et me retourne vers Tristan, qui de son côté le fusille du regard. Bon et bien, il faut vite que je mette un terme à cette situation avant qu'elle ne s'envenime plus. Je m'excuse auprès de Charles, pendant que je prends le bras de Tristan pour l'attirer vers l'extérieur. Il n'attend même pas que l'on s'éloigne pour me demander en colère :

— Tu m'expliques qui est ce pingouin en costard cravate ?

— Tu veux bien baisser d'un ton Tristan, Charles pourrait nous entendre.

— Mais je m'en fous moi qu'il m'entende, réplique-t-il en haussant le ton.

— Mais moi non, je ne m'en fous pas, lui réponds-je en le tirant encore un peu plus vers la cour.

Il croise ses bras sur son torse pour bien me faire comprendre, qu'il ne bougera pas tant que je n'aurai pas répondu. Je souffle face à cette situation totalement surréaliste. Pourquoi ai-je besoin de me justifier ? Pourquoi est-il en colère ? Qu'est-ce que j'ai fait pour qu'il me parle ainsi ?

— Alors, j'attends, s'agace-t-il en tapant nerveusement du pied.

— Tu peux m'expliquer pourquoi tu réagis comme cela Tristan ? Charles est un ami, nous avons grandi ensemble et c'est tout ce que tu as besoin de savoir.

— Un ami, dis-tu ?

— Oui, un ami. Tu as très bien entendu Tristan.

Il fronce les sourcils et me fusille du regard.

— Et donc, tous tes amis te prennent par la taille et déposent leur main au creux de tes reins quand ils te parlent ?

— Mais en quoi cela te regarde-t-il ? demandé-je. Et puis tu n'as toujours pas répondu à ma question, essayant de faire diversion pour ne pas avoir à répondre moi-même.

Il s'avance alors vers moi, passe son bras dans mon dos, dépose son autre main au creux de mes reins, et m'embrasse avec fougue et possessivité.

— La réponse est assez claire ?

Je ne pris pas le temps de réfléchir et le gifle.

— C'est assez clair ça aussi pour toi ! m'emporté-je, hors de moi.


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 Chanson inédite de Gregory Lemarchal, chanté en hommage par Patrick Fiori : 

Pour mieux s'aimer

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Alors ce premier rapprochement entre Orphélia et Tristan vous en pensez quoi ? 

Que pensez vous de Charles ? 

Dans le prochain chapitre il y aura un point de vue de Tristan ♥ contentes ? 

♥ ♥ ♥ ♥ Bisous mes loulous ♥ ♥ ♥ ♥

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