Ils viennent à nous
Pour acheter leur joie,
La bouteille au courroux
Que redoute le foie.

Je ne pouvais me faire
À cette triste idée,
Pour un tiers de salaire
Donner l'air d'étudier.

Le sort m'a passé l'âge
De ne point travailler,
Le rêve fit naufrage,
Il fallut batailler.

Il fallut rentrer tard
Pour acheter du beurre,
Un creux sous le regard,
Le front mouillé d'honneur.

Il fallut filer droit
Pour mériter mon heure,
Employer mes deux bras
Pour toucher au bonheur.

Donner pour recevoir,
Voilà ce qu'il manquait
À cette vie du soir
Où les seins foisonnaient.

Rentrer sous la grande Ours
Ne m'écorchera guère,
Mais attendre la bourse
C'est attendre l'hiver.

J'ai dit non au chemin
Des liqueurs coupées d'eau,
Du revers de la main
J'ai repoussé le faux.

S'il faut croquer la vie
Avec des dents d'argent,
Autant s'être servi
Avant ces braves gens.

Ils viennent à nous
Pour acheter leur joie,
Et d'un poignet plus moux
Quand vient la fin de mois.