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Il y a du mouvement ainsi que beaucoup de bruit. Azhar arrive à entendre quelques mots mais, elle ne comprend pas exactement ce qu'ils se disent. Elle a envie de se rebeller. Il n'est pas interdit pour une femme de vivre seule. Elle s'est engagée à prendre cet appartement et elle compte tenir cet engagement. Contrairement à ce qu'elle pensait, son oncle ne lui a pas interdit de partir.

Il a tenté de la convaincre mais n'a rien fait pour l'empêcher. Elle sait qu'il est déçu mais il n'a rien dit. Alors pourquoi autant de drame pour si peu ? Décidée a être seule maître de ses décisions, elle quitte la chambre afin de se rendre dans le salon.

Après le repas, Ibrahim Mounir et leur père discutent du départ d'Azhar.

« Aucune femme ne quitte cette maison avant son mariage, dit Ibrahim.

- Si Azhar veut partir alors elle partira .

- Baba, je suis d'accord avec Ibrahim, intervient Mounir.

- Vous êtes idiots, je pensais avoir élevé des garçons intelligents mais non. Vous êtes aveugles ou stupides. Si elle part, c'est qu'elle a une bonne raison. Elle ne me le dira pas mais, elle est comme son père. Mon frère avait la même tête quand il était préoccupé par quelque chose. Elle va partir et aucun d'entre vous ne va l'empêcher.

- Baba...

- Non Ibrahim, je ne veux plus rien entendre. Je ne vous demande pas votre avis et elle non plus. C'est comme ça et puis c'est tout. »

Mounir remarque enfin sa présence cachée derrière le mur. Il ne dit rien, mais son regard ne trompe pas. Ils vont avoir une conversation. Elle s'en fiche, elle fait le bon choix. Elle en est persuadée. Azhar visite l'appartement avec sa tante et Ryan. Elle comprend très vite que son patron à largement sous-estimé le prix du loyer. Un loyer de 550 euros pour ce quartier est impossible. Le véritable loyer doit être de 1000 euros ou plus. Ryan la convainc d'accepter pour la remercier de sa présence pour sa fille. Elle signe le contrat.

Elle se découvre une passion pour la déco, elle ne se prive pas afin d'aménager son espace. Pour l'instant, elle se contente de l'essentiel. Elle achètera le reste au fur et à mesure. Heureusement, il n'y a pas de travaux à prévoir et Amine a insisté pour lui payer la cuisine.

[...]

Elle a tenté d'y échapper mais Mounir est déterminé et il ne laisse jamais tomber. Ce soir-là, elle a été très surprise de le voir juste devant la grille en quittant son travail.

« Vient, on va aller faire un tour. »

Elle est montée sans rien dire. Il a roulé en lui posant des questions sur son travail, elle répondait presque comme un robot. Son état en apparence calme n'était qu'un leurre, elle était impatiente d'en finir.

« Pourquoi tu as fait ça Azhar ?

- Parce que tu avais raison.

- Mais ça ne veut pas dire que tu dois partir !

- Je ne le fais pas uniquement à cause lui, c'est aussi pour moi que je le fais. J'ai compris Mounir, je ne me berce plus d'illusion, j'abandonne.

- J'aurais aimé te dire autre chose, mais c'est mieux comme ça.

- [...]

- Si tu as besoin d'aide pour l'appartement n'hésite pas.

- Je ne voulais pas vous décevoir.

- Je ne suis pas déçu par toi, je suis déçu de moi-même. J'aurais du comprendre l'autre jour que c'était plus sérieux. Tu savais qu'Ibrahim avait l'intention de partir ?

- Oui.

- C'est moi qui l'ai forcé. Tu aurais du rester et le laisser faire.

- C'est trop tard maintenant. Oublions toute cette histoire. »

Il n'en croit pas un mot, mais il garde le silence. Elle semble prête à tourner la page alors il lui fait confiance. Puisqu'elle n'a pas grand-chose, son déménagement se fait sans problème. Le salon est pour l'instant composé d'un canapé, une télé et une table basse. Elle a acheté une table pour le coin salle-à-manger et un buffet. Pour la salle de bain, elle s'est contentée d'acheter deux meubles et un miroir celle-ci étant déjà équipée. La cuisine n'a pas encore été livrée. Sa chambre est prête à l'accueillir.

Tout sera différent maintenant, elle le sent.

AZHAR

Hatem est parti après s'être assuré que la cuisine était bien montée. Youssra et Azra m'ont acheté un service complet avec des assiettes, des verres et des couverts. J'ai pu amener le robot qu'on m'avait acheté pour mon anniversaire. Je me sens bien ici. Mais une fois seule, je me rends compte qu'ils me manquent et que je me suis habituée à leurs présences. 

Je termine de ranger les assiettes lorsque ça sonne à la porte. Je récupère ma commande avant de m'installer à table pour manger. Je peux retirer mon foulard maintenant que je vis seule mais, j'ai toujours l'impression que quelqu'un va entrer à un moment ou à un autre alors je le garde par habitude.

Il est vingt deux heures lorsque tout est enfin à sa place. Je suis fier de moi. Après une douche, je m'endors seule pour la première fois et je suis surprise de constater que je suis plus sereine.

[...]

Les jours passent et se ressemblent. Je passe beaucoup de temps chez ma tante. Elle m'appelle tous les jours pour prendre de mes nouvelles, pour que je vienne récupérer à manger même si j'ai une cuisine.

Kaïna dit que je manque beaucoup. Après un an passé à leur côté, ils se sont habitués à ma présence. Elle m'a dit qu'elle se sentait seule, ce qui est étrange puisqu'ils sont cinq. Je ne regrette pas mon départ, j'organise ma vie comme je veux.

Depuis l'annonce de mon départ, Ibrahim ne m'a pas adressé la parole et durant le déménagement non plus. Cet éloignement me fait beaucoup de bien. Je me recentre sur moi-même. Je lis beaucoup au point que le libraire attend mes visites. Je profite de mon temps libre pour essayer mon robot de cuisine. J'ai découvert être douée pour la pâtisserie.

Je pense à moi, je prends soin de moi. Je ne me suis jamais sentie aussi bien dans mon esprit.

[...]

Je range l'aspirateur lorsqu'on sonne à la porte. Je me retrouve propulsée en arrière comme lors d'une explosion sauf que cette fois-ci, il s'agit de deux bombes. Sofia et Kaïna accompagnée d'Ibrahim qui entre chez moi pour la première fois depuis mon emménagement.

Les filles courent vers la cuisine où j'ai préparé des cupcakes plus tôt dans la journée. Ibrahim reste dans le salon, il regarde, inspecte et décortique tout ce qui l'entour.

« Tu t'es bien débrouillée, me dit-il.

- Tu pensais que je n'en étais pas capable ?

- Je n'ai jamais cru ça de toi.

- [...]

- Pourquoi tu as fait ça Azhar ?

- Parce que j'en avais envie.

- Arrête ton insolence, c'était à moi de partir.

- Tu es chez toi.

- C'étais aussi chez toi, c'est encore le cas aujourd'hui. Tu manques beaucoup aux filles et à mes parents.

- Je suis là presque tous les jours.

- C'est différent. Azhar je veux que tu saches que j'aurais aimé que les choses se passent différemment entre nous. Peut-être que tu ne me crois pas, mais un jour tu comprendras pourquoi je suis comme ça.

- Ibrahim j'ai tourné la page. J'accepte que tu viennes ici mais je ne veux pas que tu parles de tout ça. J'ai envie d'oublier toute cette histoire, cet appartement c'est une nouvelle vie pour moi, il n'y a pas de place pour le passé.

- Avant que tu ne m'oublies définitivement, j'aimerais que tu fasses une dernière chose pour moi, dit-il en me tendant un carnet.

- [...]

- Prend-le. Le vrai Ibrahim est là-dedans. »

[...]

Les filles partent, Ibrahim les attend en bas. C'est avec un pincement au cœur que je referme la porte derrière moi. Je m'installe au salon le carnet d'Ibrahim est sur la table basse. J'ouvre celui-ci, il s'agit d'un album photo. La première photo est celle d'un couple. La même photo que celle trouvée dans sa chambre quelques mois avant.

Puis celles d'un bébé. Ibrahim, il est entouré de cette femme durant les premiers mois de sa vie. Je regarde les dates, la dernière photo avec cette femme remonte à quelques mois après sa naissance. Ensuite il n'y en a plus. Sur les photos qui suivent, il est à côté de Mounir et d'Azra.

Il se confie à moi à travers son carnet, c'est lui, son histoire, ses origines. Il a été abandonné par sa mère biologique je l'ai compris. Il a été adopté, aimé et élevé par sa nouvelle famille. Mais au fond de lui, il y a toujours ces questions sans réponses. Il cherche mais il ne comprend pas pourquoi cette femme qui semble si heureuse de le tenir dans ses bras à la maternité, a fini par partir sans lui.

Il reste ce petit garçon triste et perdu depuis tout ce temps.

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