Chapitre 9
Nous longeâmes la muraille dans le noir et le silence. Il n'y avait pas un bruit. C'était morbide. Sinistre. L'atmosphère qu'inspirait cette prison n'avait pas changé, depuis le temps. Je lançai la corde en haut de la muraille. Je loupai. Après trois tentatives, la corde se coinça dans une brique mal positionnée. Je grimpai le premier. Je montai haut. Très haut. Je glissai mes doigts dans les jointures des briques, tentant en vain de me hisser. Je manquai de glisser à plusieurs reprises. Ç'aurait été idiot de mourir maintenant, surtout d'une façon aussi bête. Je serrai les dents. La corde était rêche, me rappant la peau. Je jetai un coup d'œil à Alison, de nombreux mètres en contrebas. Elle me fixait. Je la sentais stressée, tendue. Je faillis tomber une nouvelle fois. Mais après plusieurs minutes, j'atteignis le sommet. Je soupirai de soulagement. Tout c'était bien passé. Je fis signe à Alison d'y aller à son tour. Elle commença à grimper. Je l'assurais. Elle manqua de tomber à maintes reprises, mais j'étais là. Elle grimpa avec peine. Le vent se leva. Il faisait froid.
Enfin, je l'aidai à se hisser en haut du mur. Je jetai un regard sur la ville endormie. Ce n'était pas agréable comme vision. C'était sobre, funeste, sinistre, sachant qu'un assassin pouvait surgir à chaque coin de rue. Je frissonnais. L'atmosphère de cette prison ne m'avait pas manqué, même au contraire. Je conduis Alison dans la pénombre. Il valait mieux ne pas se faire remarquer. Nous allions descendre, traverser les quartiers pauvres, pour aller chez elle. Je levai les yeux vers le ciel, couvert de nuages sombres. Ils étaient si denses que l'on ne voyait même plus les étoiles. Dans mon souvenir, c'était ainsi tous les jours. Et encore, il ne pleuvait pas !
Après plusieurs minutes de silence pour s'assurer que la voie était libre, je fis glisser la corde de l'autre côté du mur. De nombreuses briques s'étaient affaissées et traînaient en bas, réduisant ainsi la distance. Alison descendit la première. Elle avait plus d'aisance qu'à l'aller, et tout se passa comme sur des roulettes. Je descendis à mon tour. La corde grinça sous mon poids. Je n'étais pas aussi léger qu'Alison. Je plantai mes pieds dans plusieurs des nombreux trous qui parsemaient cette partie de la muraille. Des autres côtés de la ville, le mur était lisse, raide, sans aucune prise pour grimper. C'était le but principal. Cette ville était une prison où les allers et venus étaient contrôlés.
La corde céda soudain... et je tombais dans l'amas de pierres qui reposaient en bas. J'étouffai un cri de douleur.
– Célian, chuchota Alison. Tout va bien, rien de cassé ?
– On peut dire ça, grommelai-je en me relevant.
Je regardai autour de nous. C'était silencieux. Un silence pesant, sinistre. Combien étaient ceux qui nous fixaient, à cet instant présent ? Il ne fallait pas rester là. Je saisis la main d'Alison qui s'émerveillait devant les gouttes d'eau en suspension, avant de l'entraîner avec moi.
– Vite, ne restons pas là, soufflai-je.
– Tu n'allumes pas de lumière ? Tu veux que je m'en charge, peut-être ?
– Non, on est déjà assez repéré comme ça.
– Ah... Ah bon ? Ils nous ont vu ? Attends, qui nous a vu ?
– Tu ne veux pas savoir. Allez, viens, on ne perd pas de temps.
Je déambulai dans l'enchevêtrement de ruelles, Alison sur mes talons. On nous épiait.
On nous suivait. Il fallait qu'on se dépêche. Où était sa maison déjà ? À droite ou à gauche ? Mes souvenirs, pourtant si lointain, m'apparaissaient avec une telle précision que j'en fus étonné. Je connaissais la route par cœur. Je savais même par où les semer. Devrais-je tenter le coup ? Pourquoi pas, après tout. Ce serait plus prudent. J'agrippai Alison avant d'accélérer le pas. Elle me suivit sans broncher. Alors je tournai, je slalomai, j'escaladai de vieux murets, déambulai entre les rues, les embranchements, les ruines, les maisons... cela me rappelait la vieille époque. Déjà si loin maintenant !
Enfin, j'arrivai devant chez elle. C'était une petite maison, en toit de taules, de quelques pièces seulement. Pourtant, ils étaient si nombreux à vivre ici... Dans mon dos, Alison murmura quelque chose, à peine audible. Je l'ignorais avant de frapper trois coups, une pause, puis quatre autres. La porte s'ouvrit presque aussitôt. Et une silhouette enfantine se dessina dans la pénombre.
– C'est moi, Célian, chuchotai-je. Puis-je entrer ?
– Viens vite, fit la voix candide d'une petite fille.
Nous entrâmes. La fillette s'empressa de refermer la porte derrière nous. Elle nous guida ensuite dans le salon ( qui servait aussi de cuisine ), où brillait sur une table plusieurs chandeliers. Sept personnes étaient regroupées autour. J'enlevai ma capuche.
– C'est moi. Ça fait longtemps, je sais. J'ai besoin que vous nous hébergiez pour cette nuit.
La petite troupe s'agita. Une très belle fille brune, d'à peu près la quinzaine , se précipita vers moi. Elle me prit dans ses bras avec vigueur.
– Célian, te revoilà, tu nous as manqué ! Où étais-tu passé, bon Dieu ? S'exclama-t-elle.
Autour de moi, les enfants s'étaient regroupés et me bombardaient de questions.
– Comment vas-tu ?
– Où étais-tu ?
– Tu avais quitté la ville ?
– Pourquoi revenir ?
– Tu nous as apporté quelque chose ?
– À manger ?
– À boire ?
– Des vêtements ?
– Doucement les enfants, les coupa la fille. Laissons-lui le temps d'arriver.
Ils s'affairèrent autour de moi. Avec Alison, nous fûmes déchaussés et à table en moins de deux. Je souris. Ils n'avaient pas changé.
– Euh, me murmura Alison. Tu peux m'expliquer ce qu'on fait là, et qui sont ces gens ?
– Oh, oui, désolée.
Je me levai pour parler à l'assemblée.
– Comme vous l'avez remarqué, j'avais quitté la ville Bleue avec ma mère. Nous avons fui jusqu'à la falaise, où on s'est installé. Mais deux ans après notre arrivée, Holland a disparu. J'ignore ce qui lui est arrivé. Voici Alison. Elle vient du monde extérieur. Elle n'est pas ignoble, comme les autres. Garian nous a retrouvé et a enlevé une autre rescapée de l'extérieur. Nous sommes ici pour la sauver. Alison, je te présente Alom, ma cousine, et tous ces enfants, ce sont des orphelins que ma tante recueilli pour ne pas qu'ils tombent entre les mains de Garian. D'ailleurs, où est-elle ?
- Il l'a retrouvée, souffla Alom avec tristesse. Et il t'a retrouvé aussi, et Holland, tu ne sais donc pas où elle est maintenant ?
Je secouai la tête avec vigueur.
– Je te l'ai dit, je n'en sais rien. Elle a disparu quand j'avais six ans.
Alom écarquilla les yeux en grand.
– Mais, elle hésita. Tu... Tu as bien dit que c'était deux ans après que tu sois parti, c'est ça ?
– Oui, j'avais donc six ans.
Elle me dévisagea en silence.
– Mais bon Dieu, qui t'a fait ça ?
Je ne comprenais pas où elle voulait en venir.
– Ta mémoire, qui y a touché ?
– Pourquoi ? Ce... ce n'est pas la vérité ce que je viens de dire ?
– C'est faux. Tu n'avais pas six ans. Tu en avais le double !
– Quoi ? Non, c'est impossible, tu mens !
– Je ne te mens pas, voyons ! J'en suis sûre à cent pour cent. Pas vrai les enfants ?
– Ben oui, c'est vrai, tu as oublié ? S'exclama Lindsay.
Elle n'avait pas changé. Juste grandi. Mais... elle était si jeune.
– Tu as quel âge maintenant Lindsay ? Lui demandai-je.
– Bah, j'ai huit ans, voyons !
Seize moins huit. Ça fait huit. Huit ans d'écart. Si j'étais parti à quatre ans, je ne l'aurais jamais connu.
– Quoi ? Soufflai-je. J'étais pourtant persuadé que...
Je me tus. Comment était-ce possible ?
– Ma mémoire me joue donc des tours.
– J'avoue pour te tromper comme ça, intervint Alison. C'est que tu n'es vraiment pas réveillé.
Comment était-ce possible ? Alors ma mère avait disparu quand j'avais douze ans.
– Après, ce n'est pas forcément grave, me rassure avec un grand sourire. L'important c'est le moment présent.
– Si tu le dis.
Soudain, un détail me revint en tête.
– Oh, j'oubliais ! Est-ce qu' Isolde est revenue dans les parages il n'y a pas longtemps ?
Alom écarquilla les yeux de plus belle. Elle resta pendant quelques instants inerte.
– Mais... C... Comment co... connais-tu Isolde ? Balbutia-t-elle.
– Bah, voyons, elle était là avant avec nous, non ?
– Grande sœur !
Kieran tira sur sa manche avec vigueur.
- Grande sœur Alom, qui est Isolde ?
– C'est personne, s'empressa-t-elle de répondre.
Elle semblait étrangement stressée, comme paniquée.
– Que se passe-t-il ? Demandai-je. Comment se fait-il qu'ils ne la connaissent pas ?
– Chut !
Alom me fusilla du regard.
– Parle moins fort, voyons, les voisins vont t'entendre ! Ici, on ne parle pas d'elle, on ne prononce pas son nom, on fait comme si il ne s'était rien passé, d'accord ? Elle n'a jamais mis les pieds à la ville Bleue.
– Que s'est-il passé exactement ? Je ne comprends pas... pourquoi je la connais alors... c'est encore ma mémoire qui...
– Tu finiras bien par comprendre par toi-même, crois-moi !
– Et si je ne comprends toujours pas ?
– Alors tout se passera bien.
Je secouai la tête.
– Écoute, j'ai trouvé plusieurs messages de sa part. Est-ce que tu sais si elle a connu un Kiro et un Jax ?
– Mais chut ! Ça ne va pas de dire leurs noms à voix haute ? Tu es vraiment ignorant à ce point, ma parole !
– Qui sont-ils ?
– Tu n'es donc pas au courant ?
– Au courant de quoi ?
Elle me dévisagea, soupira. Elle était bien embêtée. Elle baissa encore plus la voix quand elle reprit :
– Tu ne sais vraiment rien ?
– Non. Mais, apparemment, maman connaissait ce Jax.
– Si elle le connaît !
Mais voyant ma mine déconcertée, elle reprit :
– Jax était... hum... son... amant. C'est... heu... c'est pour ça que Glarian l'a battait, ou du moins, c'est ce que m'a dit maman, je ne suis pas au courant de tout. Mais je sais qu'il n'a jamais habité à la ville Bleue. Personne ne l'a jamais vu. Mais beaucoup de rumeurs circulent sur lui.
- A... Attends ! Comment ça, Holland trompait Glarian ?
– Mais chut !
Elle chuchota :
– Oui. Mais apparemment ça valait le coup, par rapport à Glarian...
– Mais ça, je m'en fiche royalement. Quelles rumeurs circulent sur lui ? Comment avait-elle pu le connaître si il n'a jamais mis les pieds à la ville Bleue ?
– Je n'ai pas dis ça. J'ai dis qu'il n'avait jamais habité ici. Il est venu deux fois. La première fois, il est resté trois mois, et la deuxième fois, il est resté une semaine.
– Que venait-il faire là ?
– Personne n'a jamais su exactement. Certains disaient qu'il venait se réapprovisionnait en vivres. D'autres affirment qu'il cherchait une solution.
– Une solution à quoi ?
– Une malédiction, apparemment. Il aurait dit qu'un grand malheur viendrait s'abattre. Il parlait de prophétie, de malédiction, de lune de sang, et d'un certain Kiro. Et c'est en venant la première fois à la ville Bleue qu'il a rencontré Holland, ils se sont d'ailleurs bien entendu.
– Je vois... mais comment a-t-il pu entrer dans la ville ?
– Il a obtenu la permission, on ne sait pas comment. Mais la deuxième fois qu'il est venu, il ne l'avait pas. Il est venu par le mur. Il n'est resté qu'une semaine.
– Pourquoi était-il revenu ?
Alom me dévisagea un instant, avant de reprendre :
– On ne sait pas vraiment non plus. Il paraît que c'était pour ta mère, mais il n'y avait pas que ça. Il a commis quelque chose, quelque chose qui lui a coûté.
– Qu'a-t-il fait ?
– On ne sait pas, mais il s'est fait bannir de la vallée, pas seulement de la ville. Il a été condamné à l'exil, à l'autre bout des vallées, après l'horizon. Personne ne l'a jamais revu par la suite. On ignore s'il est mort ou vif.
– Et quel est le rapport avec Isolde ?
– C'est en rapport avec l'événement. Elle aussi a été banni. Mais par la suite, elle a commis une autre faute. On ne sait pas non plus exactement ce qu'il s'est passé, mais Kiro l'a bien grondée. On peut dire qu'elle a eut de la chance de s'en sortir vivante.
– Qui est Kiro ?
– Kiro est tout et rien. Il est infini et il est minuscule. Sa puissance dévastatrice dépasse celle des autres éléments. Il a un pouvoir infini. Il peut bannir, maudire, saigner, tuer qui il veut. Il est partout et il est nul part.
– C'est donc un élément. Il est quoi ?
– Tout et rien, je te l'ai dis.
– C'est-à-dire ? C'est quoi ? Le temps ?
– Non, ce n'est pas aussi simple. Il contrôle et possède tout.
– L'air ? La lumière ?
– La lune de sang. C'est la lune de sang. Et lorsqu'elle arrivera, Kiro sera à son plein pouvoir, et il sera trop tard. C'est Jax qui l'a dit.
– Son plein pouvoir ? Comment ça ?
– Je ne peux t'en dire plus, mes connaissances s'arrêtent à là.
Cependant, son regard la trahissait. Elle me mentait. Elle savait tout, mais ne voulait pas m'en dire plus. Remarquant mon regard suspicieux, elle ajouta :
-- Maman pourrait te raconter tout les détails, si seulement, elle n'était pas entre ses mains... Je n'ose même pas imaginer ce qu'il est en train de lui faire !
J'eus un pincement au cœur. Je décidai de ne pas insister, mais plutôt de l'aider. Elle semblait abattue. Ce devait être difficile pour eux sans Djalyss de se nourrir, se loger, gagner de l'argent pour vivre. Ils étaient très maigres, osseux. Je me baissais à sa hauteur et lui caressait gentiment le haut du crâne en guise d'affection. Pour moi qui n'étais pas tactile, c'était beaucoup.
– Ne t'en fais pas, la rassurai-je. Je vais te la ramener saine et sauve.
– Ne fais pas de promesses que tu ne pourras pas tenir.
– Je te jure que je vais essayer de la tenir ! Fais-moi confiance.
– Mais je te fais confiance, m'assura-t-elle. C'est juste que... c'est très risqué ce que vous faites. Ce monstre est capable du pire, ne l'oubliez pas.
– Tu crois vraiment que j'ai oublié ? M'offusquai-je.
Mon ton était devenu froid sans que je le veuille. Alom écarquilla les yeux.
– Pardon, je me suis un peu emporté.
– Non, c'est moi qui... c'est vrai que toi, tu l'as vu.
– Pas seulement, crois-moi.
Elle baissa les yeux, consciente que je disais vrai. Kieran et Lindsay s'approchèrent de moi, ils tirèrent sur ma veste, pour me forcer à me baisser à leur hauteur.
– Qui a-t-il ? Demandai-je.
Ils me prirent dans leurs frêles petits bras avec affection.
– Qu'est-ce que... ?
– Tu nous a manqué, déclara Lindsey.
Un à un, chaque enfant se rapprocha et se joignit au câlin. Je n'étais pas vraiment tactile alors cela m'embêtait un peu. Mais, ils partaient d'une bonne attention et je devais avouer qu'ils étaient vraiment adorables.
– Ouh, se moqua Alison. Célian serait donc devenu sentimental ?
– Qu... c'est... c'est eux qui veulent. Je ne vais pas les repousser, je suis pas non plus un monstre !
– T'inquiète, je te taquine.
– J'espère bien.
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L'aube pointait à l'horizon. Six jours. Les faibles rayons du jour levant se reflétait à travers l'eau. Tout scintillait. Si le temps ne pressait pas, je trouverais sûrement ça beau. Mais je n'avais pas fermé l'œil de la nuit. Les fidèles nuages recouvraient le ciel, gorgés d'eau, menaçant d'éclater d'une minute à l'autre.
Je sortis seul, sans Alison, pour partir en repérage. Dans les quartiers des trafiquants. Ils étaient tous là, à me fixer. J'enfonçais ma capuche sur mon visage. Je lui ressemblais, il y avait nul doute. Alors si l'un d'eux faisait le rapprochement, c'était fini. Son repère était-il toujours là-bas ? J'allais vérifier, sans prendre trop de risques. Nous attaquerons cette nuit. En attendant, je devais recueillir un maximum d'informations. Et pour cela, il n'y avait pas dix milles personnes à qui je pouvais parler, sans risquer de me faire prendre. Je traversais les quartiers pauvres, puis remontais vers le croisement entre les quartiers riches, pauvres et ceux des trafiquants. Je croisais du monde, revenant de leurs excursions nocturnes. Tous aux visages masqués. C'était ainsi pour survivre ici.
Enfin, au coin d'une rue, j'aperçus l'enseigne de son bar. J'y entrai. À cette heure-ci, il n'y avait personne. J'étais donc le premier. L'intérieur était petit, pittoresque, mais bien fourni. Tous les meubles étaient garnis de mille et une babioles qu'on ne trouvait nul part ailleurs : coquillages nacrés venant de paysages lointains, sculptures en tous matériaux, tissus exotiques, bijoux précieux... C'était toute une ribambelle d'objets rares, venant d'autres lieux, si loin. Il fallait dire que le propriétaire de cet endroit avait beaucoup voyagé.La sonnette tinta lorsque j'ouvris la porte en vitrail rouge ardent. Une odeur de thé vert embaumait l'air. Je pénétrai dans le bar, avant de m'asseoir sur un siège au comptoir. Il ne tarda pas à arriver. Il était toujours aussi grand et baraqué, néanmoins, de nombreuses rides venaient sillonnaient dans les plis de son visage, et encore plus lorsqu'il me sourit. Ses yeux bleus aux reflets irisés pétillaient de bonté. Il semblait encore à demi éveillé.
– Bonjour, me salua-t-il avec vigueur.
Il me tendit une poignée de main chaleureuse que je saisis malgré moi. Il me serra avec une énergie innée. Ses yeux s'arrêtèrent soudain sur ma main. Plus précisément sur ma cicatrice qui lorgnait ma main droite. Une trace du passé. Il releva la tête, et chercha mon regard à travers ma capuche. Il semblait sonné.
– Célian ? Murmura-t-il. C'est... c'est toi ?
Je hochai la tête, avant de répondre en chuchotant :
– J'ai besoin d'informations.
Il lâcha ma main.
– Un café ?
– Thé, s'il te plaît.
Je le regardai disparaître dans le rideau rouge qui menait à l'arrière-cuisine. Il revint quelques minutes après, un paquet de feuilles séchées à la main. Il fit chauffer l'eau, puis la versa dans une tasse. Je la regardai infuser. Il se pencha vers moi.
– Alors, que veux-tu savoir ?
– Glarian. Son repère est-il toujours dans les bâtiments abandonnés de la réserve ?
Il opina de la tête.
– Il n'a pas bougé.
– A-t-il embauché de la main d'œuvre ?
– Quelques-uns.
– Combien précisément ?
Il haussa les épaules.
– Je n'en sais rien, je ne mêle pas de ses affaires.
– Il continue ses pratiques ?
Il se rapprocha davantage et baissa encore d'un ton, d'une voix à peine audible.
– Il paraît qu'il a mené à bien l'un de ses buts précis. Deux habitués en discutaient l'autre jour. Il fait des tests dans une usine désaffectée à l'ouest. Il paraît qu'il a récupéré pleins d'enfants semblables maintenant à des monstres. Je te déconseille vivement d'y aller, ça relèverait à la folie.
– Malheureusement je n'ai pas le choix. Aurais-tu entendu parler de nouveaux arrivants étrangers dans son laboratoire ?
Il réfléchit un instant, avant de reprendre :
– Je...
Il hésita un instant.
– Je crois que oui, mais je n'en suis pas certain. Moi, je ne me mêle pas trop des affaires des autres et je ne compte plus le nombre de rumeurs que j'entends tous les jours.
– Cause toujours.
– Il y a bien quelqu'un, il me semble. C'est un vieux passant qui me la dit. Une jeune fille de l'extérieur. Je ne sais pas où il est allé pour la trouver, mais je doute qu'il s'en soucie, t'sais, lui, tant qu'il a des cobayes...
– C'est tout ce que tu sais ?
– T'imagine si je m'attardais sur tout ce que j'entends ? Surtout dans cette ville... Il y a des choses qu'on ne devrait pas savoir, crois-moi.
– Crois-moi, je le sais.
La sonnette tinta. Un groupe de plusieurs personnes pénétrèrent dans le bar. Je n'allais pas pouvoir rester longtemps, hélas. Surtout que j'avais encore beaucoup de questions à lui poser. Mais je ne pouvais pas prendre ce risque.
Je vidai mon thé d'une traite. Le goût doux amer de la boisson me remplit la bouche, malgré la brûlure que cela me procura. Je le remerciai avec vigueur, payai puis quittai le bar, maintenant envahi de monde...
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