Chapitre 10
« Le ciel si pâle et les arbres si grêles
Semblent sourire à nos costumes clairs
Qui vont flottant légers avec des airs
De nonchalance et des mouvements d'ailes. »
Paul Verlaine, À la promenade
— Où est-ce qu'on est exactement ?
Des heures de trajet dans une voiture étonnamment confortable, suivi par un trajet en ferry avant de reprendre la route. Arian l'avait baladée, veillant à prendre des routes de campagne, évitant avec soin les caméras.
Sa paranoïa, ou son sens du détail, était tel que le loup avait même changé de voiture, l'échangeant avec un véhicule caché dans l'un des nombreux garages d'un immeuble sur le chemin. Un lieu parfait pour une planque. Mais non, le lycan avait simplement reprit le volant, affirmant que la Rébellion connaissait cette planque, mais pas cette voiture. Une simple citadine.
— T'as combien de voiture ? lui avait-elle alors demandé.
— Autant que nécessaire.
— T'es riche ?
— Bien plus que tu ne l'imagines.
Ce que retenait Jehanne, c'était que son possible partenaire destiné avait beaucoup d'argent et beaucoup de voitures.
Seulement, elle s'était assoupie durant le trajet. Et à son réveil, ils roulaient en pleine forêt. Arian avait fini par emprunter des routes escarpées, bien plus adaptées pour des 4x4 que pour une voiture comme la leur, avant de s'arrêter au bout du chemin pour la cacher comme il put.
— On va continuer en marchant, avait-il déclaré en lui filant son sac avant de prendre le sien.
Quelques vêtements, et c'était tout. Pas de nourriture, le loup comptait devenir sa seule source de nourriture durant leur séjour ensemble. Pas de roich, bien qu'elle fût persuadée qu'il en gardait avec lui, espérant s'en servir contre Jehanne pour la rendre plus docile.
Ce sac avait été fait par Arian. Pas par elle. Il avait acheté des vêtements, il avait acheté de la toilette. Mais le seul vêtement qu'elle eut soudain l'envie de serrer, de porter sur ses épaules, ce fut son manteau. Resté dans la crypte auprès de Rip, elle se rassurait de penser que personne ne le lui prendrait. Ce précieux objet était parfaitement caché. Et je vais devoir trouver un moment opportun pour fausser compagnie au loup afin d'aller le récupérer.
— C'est encore loin ?
Arian se retourna enfin, regardant en arrière pour voir Jehanne essoufflée.
— Tu es fatiguée ?
— Rien à voir, c'est juste que j'ai faim.
Son corps devenait douloureux en certains endroits, éveillant les vieilles blessures de son séjour auprès des geôles des Idoles. Elle s'épongea le front, transpirante. Ce besoin devenait pressant. Il lui fallait sa dose. Devait-elle tripoter le Lycan en espérant trouver l'une de ses fioles de roich sur lui ?
La lueur dans les yeux d'Arian lui démontrèrent qu'il se trompait sur ses pensées.
— Non, je n'ai pas envie de boire. Réponds simplement aux questions que je t'ai posées, s'arrêta-t-elle tout comme Arian.
Cette pause était bienvenue. Autant en profiter pour reprendre son souffle et espérer des réponses du loup. Arian s'adossa contre un arbre, la dévisageant en silence, visiblement déçu qu'elle n'accepte pas de boire sur lui.
— Nous sommes en France, et je ne t'en révèlerai pas davantage.
— Ah non ?
— Si tu me fuyais, je veux que tu perdes ton temps à chercher ta position. Cela me permettra de te retrouver sans me presser.
Elle siffla, mécontente de la stratégie du loup. Ça n'arrangeait pas ses affaires.
— Et ma deuxième question ?
— Encore cinq minutes de marche.
— Tu ne pouvais pas le dire plus tôt, sac à puces ?
Bien plus motivée, elle se remit en marche. Ce loup n'avait visiblement pas le sens des priorités.
***
La voici qui repartait, oubliant tout de la fatigue qui l'accablait tantôt. Arian garda son sourire devant le comportement de Jehanne.
La guerrière surnommée le Papillon écarlate démontrait de nombreux défauts. Arian la vainquait aisément en combat, elle était tout aussi facilement désorientée autant dans un milieu familier qu'inconnu, et elle s'essoufflait vite. Où était donc cette arme tant redoutée des Idoles ? Le roich l'a détruit. Et pour une raison ou une autre, les Idoles cherchaient une manière de la faire éliminer. Par crainte, sans doute. Sinon, pourquoi s'embêter à l'envoyer auprès de la Rébellion qui pourrait s'en servir pour se vanter d'avoir éliminé l'un de leurs atouts les plus précieux ?
Jehanne se prit la cheville dans une racine, trébuchant sans pour autant tomber. Elle jura en français et repris ses enjambées, prenant un mauvais chemin. Il se retint de rire.
— Jehanne.
Elle se retourna, lui offrant une image resplendissante. Nyctalope, le loup assistait à la lenteur du mouvement charmeur. Les longs cheveux blancs, en queue de cheval, volèrent et se collèrent sur sa peau pâle. Sa poitrine bondit un instant et ses lèvres entrouvertes laissèrent un souffle s'échapper au rythme d'une respiration saccadée. Elle était affamée, mais ses crocs ne se dévoilaient pas. Quelle bien étrange créature.
— Tu ne prends pas le bon chemin.
Prenant de nouveau la tête, il résista à l'envie de lui saisir la main, de sentir son toucher. Il devait y aller par étape.
N'oublie pas que tu es en mission, se rappela-t-il le cœur serré.
Leur fuite n'avait rien de réel. Arian et Salathiel l'avaient simulé, la rendant aussi réaliste que possible. Jehanne devait y croire, sans quoi tout tomberait à l'eau.
L'idée était simple. Jehanne leur cachait beaucoup de choses et ne répondrait jamais à leur interrogation. Et puisque Arian était son âme sœur, il devrait user de ce lien pour en savoir plus. Prendre le temps d'obtenir sa confiance afin qu'elle lui ouvre ses pensées et le mette dans la confidence...
Lorsque la vérité éclaterait, il informerait Salathiel et la Rébellion pourrait aviser de la suite.
Mais pour Arian, c'était aussi l'occasion de se rapprocher d'elle, d'apprendre à la connaitre et de la découvrir. La convaincre aussi.
— Oh, une maison ?
L'interrogation de Jehanne le sortit de ses pensées. Une maison se dessinait devant eux.
— C'est ici notre destination ?
— Nous allons y rester le temps que tout se calme.
Construite en bois, la maison à l'apparence rustique dénotait de sa modernité. De la lumière s'en échappait discrètement, sans agressivité. La porte d'entrée s'ouvrit, laissant apparaitre un homme. Les bras croisés, il les observa de loin, silencieux.
Arian attrapa Jehanne par le bras, l'emmenant jusqu'à cet homme.
— Jehanne, laisse-moi te présenter Daveth.
— C'est d'elle dont tu me parlais ?
— Oui, mon âme sœur. Le Papillon écarlate.
Daveth soupira son rire amer.
— La famille O'Fallon a la poisse avec ses premiers amours après tout.
— Arrête avec ça, grogna Arian.
Jehanne dévisageait Daveth en silence. Barbu, taillé et vêtu comme un bûcheron, il était d'une carrure impressionnante.
— Daveth est mon frère ainé.
— Ton... Tu as des frères ?
— Trois frères.
Pour une fois que Jehanne s'intéressait à lui, à sa vie, il n'allait pas se priver d'y répondre.
— Mais ce n'est pas évident comme cachette ?
— Elle est située sur une frontière, expliqua Daveth pour rassurer sa compagne.
Une frontière entre le Téras et la Terre des Hommes. Normalement, pour rejoindre le Téras, il fallait avoir en sa possession une clé, un pass. L'objet était capable de créer des portails. Mais parfois, des passages se créaient naturellement. Les frontières étaient de ces passages omniprésents qui se fermaient et se rouvraient à leur bon vouloir. Néanmoins, Daveth en avait calculé l'algorithme. Il pouvait avec précision connaitre les moments d'ouvertures et de fermetures.
— Vos poursuivants ne connaissent pas ce lieu, qui sera bientôt fermé du monde des Hommes.
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Dernière mise à jour : 07/07/2024
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