6 - Bienvenue en enfer

Un monde est immensément grand, autant que l'univers est infiniment petit. L'infinité s'étend plus loin que ce que l'on peut suivre. Bien au-delà des frontières de votre esprit.

La vie par-delà ces limites, dévoile ses plus belles œuvres, d'une encre invisible. Que l'on remarque, sans connaître. Que l'on voit, sans regarder...

Il y a là des êtres qui dépassent l'entendement : ce sont de véritables marionnettistes. Au-delà du regard, ils se jouent sans bruit des fils rouges du destin...

Noor voit son enveloppe léviter dans les airs. Puis brûler d'une lumière aveuglante. De nouveaux traits se courbent, puis s'ajustent parfaitement à sa volonté. Une nouvelle forme parvient aux pupilles des voyageurs. Celle, d'une dame à haute stature. Fine, élancée, elle est munis d'une robe à manche sombre.

Pénombre, contrastée par une crinière argentée, mi-longue et plaquée vers l'arrière. Ses yeux d'amandes, révèlent un visage lisse et épuré, si ce n'est une cicatrice qui était jusqu'alors invisible. Elle, s'étend du front à son oreille droite.

Ses pieds touchent le sol avec adresse. S'ensuit d'un sourire espiègle, l'apparition de nouvelles informations.

- Rien de bien méchant. Vous devez simplement traverser le sanctuaire que j'ai bâti. J'imagine qu'avec vos ambitions, ce sera une promenade de santé...

- Allons-y ! se hâte l'enfant.

Le régent du navire, pour la première fois, se tâte à le rejoindre. Il place sa main devant le garçon, qui s'arrête d'un coup. Arwan, choqué, reste à l'écoute de son premier ami. Qui d'ailleurs, n'hésite pas à lui faire part de ses sentiments partagés.

- Petit gars, je suis habitué à foncer dans le tas comme toi. J'ai qu'une envie c'est de m'y confronter. Seulement, attendons au moins d'en parler avec les rats.

Barnady lui, sourie niaisment, fier de son capitaine. Il savait pertinemment qu'il avait toujours eu un grand cœur. Enfouis, caché sous l'étendard de leur navire. Cependant, il ne s'était jamais retrouvé accompagné d'un être aussi fragile. Tout ce qu'il souhaite, c'est le protéger. Ces lubies dingues peuvent attendre.

Barbe-longue a toujours espoir qu'un jour, celui à qui il a prêté allégeance, devienne plus responsable. Plus équilibré, pour que personne ne doute de lui. Après tout, il ne compte plus les fois où il a dû sauver le bougre. Un miracle qu'ils soient encore intact. Si ce n'est que son habileté à nous sortir des pires situations, n'est plus à prouver...

Le petit homme serre les poings. Sa mère était encore si loin, et le fait qu'elle ne lui réponde plus ne le rassurait pas. Traîner ici est selon lui, une perte de temps.

- Il faut avancer. Je ne vois pas d'autres moyens.. Assure Arwan.

Jack se gratte la tête, réfléchi sans qu'aucune réponse ne puisse être prononcée.

- Bon très bien. Mais si l'on pouvait au moins avoir le soutien des rats...

La princesse argentée dévoile d'un mouvement, l'etendu de ses talents. D'un geste. Son bras gauche se lève délicatement. Légère, sa main glisse dans les airs, puis tournoie. Délicatement, elle s'abaisse d'une valse.

Soudain. Le sol tremble. La plateforme qui bloque les escaliers semble se retirer. Elle laisse place à deux Rakuzas d'une entrée fracassante. Il n'y a que l'élue et son frère seulement. Surprenant. La gardienne les accueillent d'un geste. Et sans crier gare, ils plient le genoux devant elle. La violoniste imprime l'ambiance d'une note angoissante.

- Nous les avons livrés ma reine.

Les sueurs s'accumulent. L'angoisse se repaît de la respiration. Très vite. Les jambes tremblent. Qu'est ce qui est en train de se passer ? Personne ne peut le deviner. L'enfant est le premier à s'affirmer.

- Depuis le début, vous aviez prévu de nous amener ici ?

La blondinette détourne légèrement le regard. Tandis que le blond affiche un sourire fier et amusé. C'est d'ailleurs lui qui reprend la parole.

- Notre reine nous a chargé d'amener le garçon et les pirates ici-même.

- MAIS POURQUOI !

- Nous ne posons pas de question. Si elle le fait, c'est pour le bien d'Atlas. Les seigneurs sont-

Le rat se coupe sous le signal de sa reine. La supercherie ambulante reprend les reines. Elle ouvre le canal de ses cordes vocales, et s'explique sereinement.

- Allons. Reprenons depuis le début voulez-vous...Depuis des générations, nous nous sommes installés en ces terres. La raison est qu'en ce monde, nos pouvoirs sont d'autant plus importants. Seulement, les seigneurs manquent leur monde. Ainsi leurs objectifs étaient de conquérir, puis de transformer. De modeler ce monde, le façonnant à leur image. Quitte à jeter à l'eau l'entièreté des peuples présents. Mon objectif à moi est de les en empêcher. Je n'ai eu d'autres choix que de fonder mon propre royaume pour unifier le peuple face à l'envahisseur. C'est tout.

Grande-barbe commence à comprendre. Le puzzle s'assemble, mais des points d'ombres résident. Dans un laps de temps aussi court, il devait faire confiance à une entité venant d'un autre monde. Après avoir été dupé deux fois par celle-ci. En se frottant la barbe, signe de réflexions intenses,une question le taraude.

- Dites m'dame la reine.

- BARBARE ! VOS MANIÈRES ! Aboie le blondin.

- Laisse-le parler. Ordonne la dame-illusionniste.

- Vous nous avez beaucoup dupé jusqu'ici. Vous nous avez dit que vous étiez une gardienne, mais je ne suis pas sûr qu'on oublie le fait d'être reine...

- C'est ma faute... Je n'étais pas prête à tout dévoiler. Peut-être s'agit-il de confiance, en moi ou..en vous.

- Pourquoi avoir décidé de nous amener ici alors ?

- Parce que vous êtes la clé.

- Alors non. Sauf votre respect votre éminence. reprend le roi-moustache, d'un air bête. Nous sommes des personnes. Moi et lui être humain. Enfant aussi.

- COMMENT OSEZ-VOUS LUI PARLER SUR CE TON !

- Il suffit. Je m'en occupe. Réplique-t-elle sèchement. Je vais être complètement honnête avec vous. Vous êtes ce que l'on nomme..des voyageurs. Des êtres capables de traverser les mondes. La cascade autour d'Atlas est une barrière, que seuls les seigneurs sont capables de traverser. Tout simplement parce qu'elle n'autorise que les voyageurs. Que ceux qui possèdent les gènes adéquats.Vous, vous êtes capables de redonner la liberté à ce monde. Comprenez-vous ?

Les rats sont stupéfaits. Elle avait caché cet élément à ces sous-fifres depuis longtemps. Jamais personne n'avait pensé que l'on pouvait traverser cette cascade. Pourtant, ses palabres le confirment.

En vérité, elle n'avait jamais parlé de l'extérieur, parce qu'elle ne l'avait jamais vue...

- Pourquoi vous ne le faites pas vous-mêmes ? Vous êtes une voyageuse si je ne m'abuse.

Le coup de foudre que le monarque avait eu, n'a maintenant plus d'influence sur lui. Sa priorité à présent, c'est d'emmener ce petit homme auprès de sa mère. Tout cela, sain et sauf.

- Comme je vous l'ai dit...si je sors d'ici, je disparais de ce monde. Je sors lorsqu'il fait nuit mais, sous cette forme, je ne suis pas à la hauteur. Je suis un ne peut plus sérieuse, j'ai besoin de votre aide. Non, Atlas entier a besoin de vous.

- Ouah ! Rien que ça...

- Je ne peux pas être plus exacte..

- Ce n'est pas à un enfant de se charger d'une telle tâche. Sauver le monde, c'est dans les contes. Ici, dans la réalité, les hommes doivent s'occuper de leurs proches, avant de s'occuper d'autrui. Je suis contraint de refuser. Au moins... Au moins jusqu'à ce que le gamin soit en sécurité, vous voyez..

Noor acquiesce.

- Je le conçois. La seule chose que je puisse faire pour vous, c'est de vous ouvrir les portes de mon sanctuaire. Ou de vous laisser partir. Le choix est vôtre.

Voilà un dilemme des plus cornéliens. Il est difficile d'accepter d'entrer dans un lieu inconnu et dangereux avec un enfant. Et ce, peu importe le prétexte. Ça allait les rendre forts, plus puissants qu'ils ne le sont ? Mais est-ce que le fait d'affronter le danger de l'extérieur serait différent ? C'est une question qu'il ne manque pas de lui poser. À cela elle répond :

- C'est différent, car je l'ai construit pour évoluer. Le seul conseil que je peux vous donner si vous franchissez la porte ; c'est de penser qu'il y a toujours une visée. Toujours un objectif derrière chaque obstacle...

- Je vois... Petit, je m'en remets à toi. Je veux que cela soit ton choix. Si tu décides d'y aller, je te promets que je te protégerai au péril de ma vie. De même si tu décides de partir. Je te suivrai jusqu'à ce que l'on retrouve ta mère...

- Je n'ai pas le choix. Et puis, monsieur Jack..vous m'avez dit qu'il fallait découvrir le monde, allons-y ensemble !

Le roi-pirate pose une main sur l'épaule du petit gars, lui octroie un petit clin d'œil. Puis, se retourne une nouvelle fois vers l'illusionniste, pour conclure son interrogatoire.

- Dame Noor, pour finir, comment avez-vous su d'ici, dans votre grotte, qui nous étions ?

- Comment j'ai su que vous étiez des voyageurs ?

- Entre autres..

- Disons.. que ma loi m'en a informé. Je suis connecté à la barrière, je ne suis sans doute pas la seule à savoir que des "intrus" sont sur cette île. C'est sûrement pourquoi ce gorille vous a attaqué. De nombreux peuples sont à la solde des seigneurs vous savez...

- Loi ? Qu'entendez-vous par votre loi ?

- C'est ainsi que se nomme les dons que l'on possède. Ma brèche ayant été refermé suite à mon affrontement contre Argan, je n'en ai que très peu d'énergie à disposition...

- Et votre.."loi", qu'est-ce ?..

- Polarité. Vous saurez en temps et en heure si.. si quelque chose me délivre de cette condition. Vient-elle conclure, pressant le pas pour aller rejoindre le mur opposé.

- Fort bien.. les secrets et vous, c'est une grande histoire d'amour j'imagine...

Des cloches sonnent. Il s'agit des cliquetis de clés qui s'approchent. C'est celle que la gardienne tient dans sa main. De multiples serrures sont gravées sur un mur de pierre, celui qui se trouve à l'opposé d'eux. Juste en face...

Noor est non loin. D'une allure douce et ordonnée, elle enfouis les clés qui résonnent lourdement. Puis, elle vient tourner deux clés en même temps. Le tintement métallique résonne d'un écho assourdissant. Deux gigantesques portes s'ouvrent. Seules. Tout à coup.Une bourrasque de vent surgit. Elle, porteuse d'une odeur caverneuse : humide et rocheuse. De nouveaux hurlements accompagnent la brise. Au loin, on entend des pattes effectuer quelques foulées.

À cela les trois aventuriers se regardent. Ils semblent regretter ce choix.

- Le sanctuaire, est désormais ouvert... Annonce-t-elle, pouffant d'une main sur sa bouche.

Ce n'était pas très rassurant. Mais il n'était plus question de reculer. Le groupe s'équipe alors de ce qu'ils trouvent. Quelques livres sont emportés, dans l'espoir qu'ils puissent être utiles. Des plantes. Des ustensiles divers et variés. Ça y est, ils sont prêts. Même si c'est un grand mot.

Les rats ont demandé à les accompagner. Très remontées contre eux, les pirates ne prennent pas la peine de leur adresser la parole.

Le voyage commence. Ils embranchent le pas, par-delà les portes. La traversée s'éclaire d'un sentier ténébreux. Les premiers pas les placent dans un couloir bien obscur. S'offre à eux, d'inombrables stalactites, puis, des cristaux scintillants leur offre source de luminosité. À ce moment-ci, la grotte n'est pas très haute.

Un écho lourd s'impose. Un grincement résonne.

- Les portes..LES PORTES !

Les sacs jetés au sol. Ils courent. Accélèrent. S'empresse de rejoindre la sortie. Ils voient l'ouverture au loin se fermer. Plongent vers l'avant. La porte se ferme. Trop tard...

- ON S'EST FAIT AVOIR. ENCORE ! Hurle le second.

Subitement. Une lumière aveugle. Des flammes blanches saisissent la porte. L'intensité s'abaisse. Un écrit y est déposé :

" Ce que vous voulez trouver, se trouve de l'autre côté. Sur ce, bienvenue en enfer."

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Prochain chapitre : L'autre côté.

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