5 - Tout risquer
C'est en dessous du buste que la gardienne devient une flamme ; dont les ondulations bercent les lieux d'un mouvement hypnotique. Le maître de son navire ne se laisse pas impressionner. Surtout pas, par la divine incarnation qu'elle projette de son allure charismatique.
Non. Il s'avance. Gorge nouée, touché par la grâce d'un baiser métaphorique qu'elle distille par sa magnificence. Il manque de bégayer mais se reprend. Puis, s'incline d'un pas. Fièrement harnaché à ses valeurs et convictions, il déploie l'agréable charme de sa voix.
- Mademoiselle...Vous êtes la flamme qui ravive mon cœur d'un brasier de bonheur.
On l'a perdu.
Blanche-flamme voit l'ouverture de ses lèvres se figer. Sa surprise la coupe dans son élan et laisse un blanc. Son cœur immatériel, toque bien plus fort à la porte. Après de telles déclarations, elle ne sait pas comment réagir. Elle décide de l'ignorer. Toutefois, ses doigts fins s'infiltrent dans ses cheveux, pour y laisser une mèche derrière son oreille.
À tout cela, Arwan est le seul à produire une réponse pertinente.
- Madame Noor, qu'est-ce que vous faites ici ?
Ce à quoi la gardienne ne manque pas de répondre d'une mine attristée.
- Je ne peux pas faire autrement. Je suis coincée ici.
- Vous ne pouvez pas rejoindre la lumière ? Interroge-t-il innocemment.
- Je ne suis pas un fantôme, j'ai simplement...Pris cette forme malgré moi. Répond-elle avec dégoût. C'est à cause d'Argan,l'un des quatre cavaliers au service des seigneurs.
- Et...Vous gardez quoi ?
- Je suis censée être la gardienne de ces lieux, de la richesse du monde d'où je viens. Je n'appartiens pas à celui-ci. Là d'où je suis issue, j'ai prêté allégeance au roi et à la reine de mon royaume, comme l'unique protectrice de la lignée royale. Une catastrophe nous a poussé à quitter Milenya ; les seigneurs n'ont pas eu d'autres choix que de venir ici.
Lorsqu'ils ont débarqué, ils se sont fait passer pour des dieux grâce aux prouesses de leur pouvoir. Leur tyrannie à été tellement loin, que j'ai dû trahir les miens pour les combattre...Lorsque le cavalier des ombres et moi avions combattu, la pire des cicatrices a scellé notre mêlé. Il m'a transformé.
C'est pour ça que je suis..comme ça. Je suis morte une première fois. Et je suis né à nouveau. Sous cette forme immonde... Moi qui pouvais courir, manger, sentir ma peau ruisseler par les rayons hâlés que le soleil prodigue...Même la lumière m'a châtiée. Les beaux jours ne sont plus qu'un lointain souvenir.
- Vous avez dit beaucoup de choses. Je ne suis pas sûr d'avoir tout retenu. Mais, je suis désolé. Ça a dû être horrible.
- Oh, vous avez une parole touchante. Merci pour votre considération, petit homme...
Jack est émerveillé par la verve qu'elle dispose. Elle se montre grandiose par les mots. Cela déstabilise de loin notre monarque-pirate. Il a bien évidemment pris soin de prendre note. Il est aussi enjoué que lorsqu'il fait face au danger. Peut-être parce qu'elle peut le devenir...
Le matelot à barbe reste perplexe. C'est tout l'opposé de Jack. Lui, a su survivre par le biais de sa grande prudence. Et même ses élans de paranoïa ont su lui servir. C'est ce que l'on appelle l'expérience. De ce fait, naît l'instinct. Et ainsi, il décide d'en apprendre plus à son tour.
- Écoutez m'dame. On vient de sortir d'un gorille géant qui lance des cristaux magiques, et lorsqu'on est tombé ici pour espérer le fuir, paf. Attaqués par un éclair qui bouge tout seul. Si vous êtes la cheffe des lieux, j'imagine que c'est à cause de vous.
- C'est une défense. Vous n'êtes pas les seuls à avoir tenté de fouler ces lieux. Mais c'est surtout un moyen de voir les capacités de ceux qui viennent ici.
- Sainte-barbe ! Un test ? Vous avez quelque chose derrière la tête.
- Mais bien évidemment monsieur...
- Barnady.
- Barnady donc.
- On a le droit de savoir ce que vous manigancez !
La dame s'envole s'occuper des Banzaï qui sont légèrement éclairés par une faille lumineuse ; puis soupire.
- À vrai dire... Je veux simplement réussir à en sauver quelques uns...
- Sauver ?
Un tremblement de terre secoue les alentours. Très vite. Les trois hommes foncent vers les escaliers. Le sol rocheux coulisse pour les bloquer.Une muraille de pierre coulisse et condamne l'accès.
- HEY !
- Vous ne sortirez plus d'ici. C'est pour votre bien...
- POUR NOTRE BIEN ? Beugle Jack fou de rage.
Le regard de Jack n'a jamais été aussi enragé. Son second ne l'avait jamais vu ainsi. Son corps déploie une chaleur étouffante.Porté vers l'avant.D'une jambe glissée vers l'arrière. Un appui le projette à portée de la gardienne. Il bondit. Tente de saisir le spectre mais passe à travers. Il cogne le mur. Glisse sur une gigantesque racine d'arbre, avant qu'il ne rejoigne le sol brutalement. Tout cela sous les hurlements d'angoisse des deux autres.
- JACK !
Noor pivote un tantinet vers lui. Elle le regarde avec le poids d'un coeur en souffrance. Les perles du cœur inondent les yeux de cette dernière, pour n'y laisser finalement ; qu'une fumée blanchâtre déborder de ses paupières.
- C'est vain, mais je vous comprends . Mais c'est aussi inutile que de perdre sa vie dehors. Je n'ai jamais pu les sauver... De mon peuple ! Il ne reste que des tyrans ! D'Atlas, rares sont ceux qui ne sont pas esclaves ! Je réussirai au moins ça ! Au moins à vous sauver vous !
- Je m'en fiche. Tu n'as aucun droit sur nous. Grommèle-t-il en se relevant, son dos plié, peinant à se relever.
Pendant ce temps, grand-barbue prend tout ce qu'il trouve. Il jette un livre sur elle. C'est au tour d'une petite banane trouver sur son chemin. Un caillou. Un asticot ailé. Une taupe-escargot. Tout y passe. Tout passe à travers. Jack se prend donc tout ça dans la tronche.
- Laissez-nous tranquille ! Vilaine !
Arwan débarque devant le marin-roi. Les bras en croix, protecteur. Il la fixe fermement. Survolté. Au regard transporté par la colère.
- Madame. Sans liberté, personne ne peut être sauvé. La vie sans être libre n'est pas une vie ! Vous pouvez bien vous trouver des excuses. Mais vous serez aussi tyrannique que vos seigneurs !
Le capitaine affiche un large sourire, fier du petit gars. Pendant un court instant, il aurait aimé se vanter de l'avoir éduqué, mais ce n'est pas le cas.
Noor, sermonnée par un enfant. Elle n'y croit pas. Elle déborde de sentiments contraires. Son syndrome du sauveur laisse place à la conscience. À l'innocence de l'enfant. Puis à la raison qui découle de ses actes, qui ne seront pas sans conséquences...
Ces mots ont plus d'impact qu'aucun homme ne l'aurait jamais eu. Sa bouille se gonfle. Ses joues s'embrasent d'une note rougeoyante. Alors que la rivière des émotions suinte de ses yeux améthyste.
- Je.. je vais y réfléchir.
La femme-fumée laisse sa candeur briller ailleurs, dans un coin bien à elle ; auprès de ses plantes. Tout penaud.
Pendant ce temps là, le groupe s'est réuni. On entend taper de l'autre côté des marches. Ce sont les rats, qui auraient bien aimés les rejoindre. Excepté le blondinet bien sûr. Le capitaine se dépêche d'aller les prévenir de leur situation.
- On arrive ! Une certaine Noor nous retient captif pour l'instant !
Le blondinet est accablé encore une fois du pétrin dans lequel ils arrivent à se mettre. Ce à quoi il tambourine le mur par exaspération.
- Oh mais c'est pas possible, vous lui avez fait quoi sérieux ?
- Morbleu ! On a rien fait sale poussin mal rasé !
- C'est moi qui tu traites de poussin, moineau sans cervelle !
Tandis que les chiens et les chats, ou plutôt les hommes et les rats ; se retrouvent dans leurs querelles habituelles, la princesse d'ivoire revient les voir.
Les trois bonhommes se cramponnent à leur pantalon. La réponse est sur le point d'arriver.
- À une condition.
- Non non et non. Pas de condition qui tienne. Vous oubliez qu'on a une maman à sauver, et tout un équipage à retrouver. Impose Jack d'un timbre extrêmement sévère.
- Cette condition pourra sûrement vous préparer à ce qui arrive...
Alors qu'elle s'apprêtait à argumenter, le manteau d'Arwan s'illumine. Lorsqu'il fouille ses poches, il tombe sur un carnet. En le sortant, il reste bouche-bée. C'est exactement le même que celui qu'il avait lancé. Excepté qu'il tombe sur une page ouverte. La page étincelante, se remplit toute seule d'encre. Un dessin est en train de se former.
- OH REGARDEZ-LÀ.
Les trois autres phénomènes portent un oeil dessus. Rayonne, le pinceau d'un art familier. Il reconnaît le pointillisme de sa maman. Sur le coup de l'émotion, il hurle :
- C'EST MA MAMAN ! C'EST MA MAMAN !
La damoiselle se penche vers Arwan, puis lui dicte les connaissances qu'elle dispose.
- Vous êtes un être bien spécial, Arwan. Vous avez hérité d'un pouvoir qui n'appartient pas à votre monde. Un don que seul Wan possédait. Je l'ai connu, il y a de cela des générations... Vous semblez avoir développé un lien fort avec votre plume.
Le jeune homme a une illumination. Il ne réfléchit pas à deux fois avant de sortir sa plume orange-crepuscule. Pourtant sans encre, il s'en saisit fermement et tente d'écrire un message :
" Maman ! Où es-tu ??"
Celui-ci s'illumine. Tous ébahis par ce qui est en train de se passer, ils restent scotchés, accrochés à Arwan. Une nouvelle brillance aveugle, puis s'éteint sur une nouvelle écriture.
" Arwan !!? C'est toi ?! Tu vas bien ?! Je ne sais pas. C'est un style de palais, c'est tout blanc, je ne sais pas où je suis."
Sans traîner, il lui répond d'un geste.
" Oui maman. Tout va bien. On arrive. "
Après quelques instants, il ne semble plus y avoir de réponse. Il range alors d'emblée son calepin. Se lève. Et semble déterminé à se mettre en route. C'est alors que Noor l'avertit.
- Le seul palais blanc que je connais, c'est celui des seigneurs. Si vous vouliez l'atteindre, votre force actuelle n'est pas suffisante. Je peux vous aider pour ça mais, il faudra risquer votre vie...
- On est prêt à tout risquer... Affirme le petit homme. Dites nous ce qu'il faut faire.
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Prochain chapitre : Bienvenue en enfer.
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