60. Visions {partie 2}

« Sacrifice.
That's what we do for the people we love »

« Se sacrifier.
C'est ce que nous faisons pour les personnes que nous aimons. »

D'un geste fraternel, Oarion lui donna une tape dans le dos, gardant un air qui se voulait calme. Pourtant, j'arrivais à lire les sentiments qui l'habitaient, tout comme Hippolyte. Il ne cachait plus pour ne pas inquiéter comme il le faisait pour nous, mais nous savions désormais lire entre les rides.

– Il n'osera pas, tu n'as pas à te soucier.

– Il osera si tu refuses ce mariage, répliqua-t-il. Je te comprends, mais maintenant, que vas-tu faire ? s'enquit-il, et je le sentis inquiet. L'or ne le fera pas changer d'avis, pas venant de moi.

– Je refuse, il nous livrera tous et je viens de passer des jours à tenter de le raisonner. J'ai déjà utilisé toutes mes pièces et il ne changera pas d'avis, il ne reviendra pas sur sa décision. Il me faut du temps, et je n'en ai plus.

– Pourrais-tu être plus clair ? Je ne suis ni ton frère ni ta sœur, nul besoin de me préserver comme tu le fais avec eux. Nous sommes amis, frères d'armes. Sois plus précis sinon je ne pourrai pas t'aider.

– Je le suis uniquement avec les femmes, plaisanta-t-il, déviant la conversation.

– Tu ne l'as pas été suffisamment avec la dernière, lui fit-il remarquer, et ils éclatèrent de rire avant que, Candeon à l'époque, ne s'exprime.

Je l'imaginais du moins étant donné que Orion était dans le seul dessein pour qu'ils le confondent avec Oarion et qu'il passe inaperçu. Bien que les mortels en avaient fait la différence et murmuraient que j'avais offert ma protection au chasseur chaste Hippolyte et accepté dans mes rangs Orion jusqu'à m'y éprendre.

Tant de noms pour un seul homme qui continua à parler, se détachant des légendes, n'étant que lui, ou l'une de ses facettes du moins.

– Je suis plus doué que toi pour cela, affirma-t-il avec un sourire séducteur et réfléchissant à sa dernière conquête, et dans mon cœur, je sentis la jalousie naître.

– Tu passes ton temps à chasser, et pas que dans les bois, mais également dans les temples d'Aphrodite.

– Je ne peux pas me permettre de faire bien plus au risque qu'ils me découvrent et je ne souhaite pas disparaître dans la forêt. Grâce à vous, je n'y suis pas condamné, pour le moment, se confia-t-il, et j'entendis la mélancolie dans sa voix, celle qui fanait le monde, l'emmenant au loin, dévoilant ses plaies.

Dans le regard de mon frère, j'y vis la compassion et la certitude qu'il ne creuserait pas le sujet. Il le savait sensible et que ce passé ne serait jamais effacé, collant à la peau comme les grains de sable dans le désert brûlant sous le soleil du zénith, désirant la nuit glaciale toute aussi mortelle.

– Tu as l'empyrée, des immortelles pour un mortel, et moi, je reste avec des humaines.

– C'est bien toi qui as dû dissimuler ton côté divin, et surnaturel, pour survivre, répondit Oarion de son humour qui étrangement était sombre, ce qui contrastait avec son caractère bon.

– Changeons de sujet, veux-tu ? lui proposa-t-il tout en le poussant en arrière avec une force contrôlée. Que vas-tu faire ?

– Je ne te laisserai pas tomber, mais je n'abandonnerai pas ma sœur et mon frère par la même occasion.

– Un plan ?

– Un début d'idée, murmura-t-il presque d'un air songeur.

– Je t'aiderai, et ne t'abandonnerai jamais, lui promit-il, serrant sa main d'un geste de frères d'armes qui me blessa par cette amitié si forte entre les deux.

Une amitié que je n'avais jamais connue, mais juste entendue par le récit d'Athéna et Pallas. Ou le frère de Skotia et son ami. Ce geste de rituel ancien presque de sang était si fort que je vis leurs veines se dessiner.

– Merci, j'en aurais besoin. Personne ne devra se douter de quoi que ce soit, tu seras le seul à savoir, lui fit-il part, et d'un geste de sourcil, Candeon lui demanda de s'expliquer. Je vais feindre l'acceptation de ce mariage, jouant le jeu, changeant et devenant quelqu'un d'autre, méconnaissable. Je songe demander l'aide à sa mère pour un sort d'oubli qui brouillera son esprit jusqu'à ce qu'elle perde ma vue, et je ferai de même avec Apollon. Mais moins puissant, ainsi il gardera des bribes de souvenirs et pourra servir de guide à Diane, bien plus volcanique que lui, et surtout au centre du conflit. Je regrette de ne pas avoir eu plus de temps pour les entraîner, souffla-t-il, et je me demandai si ce n'était pas l'écho de ses pensées.

– Es-tu conscient qu'elle te détestera ? Que tous te détesteront ? lui fit-il remarquer, et je ne pus qu'approuver de mes lèvres tremblantes cette vérité qui avait causé sa mort.

L'envie de me jeter sur eux pour les dévier de leur destin fut inutile, car au moindre mouvement des muscles, le sang des épines coulait sur mon corps, me consumant.

– Tel est le prix à payer, elle devra oublier notre famille pour avoir une chance de s'échapper de l'Olympe qui lui, me croira. Je gagnerai du temps jusqu'à trouver une solution.

– Et si les choses se déroulent d'une manière... Mauvaise ? souleva-t-il, déglutissant à l'idée du dérapage sur le rebord de la falaise et la chute avec les pierres jusqu'à la terre mère.

– Je maîtrise la situation, le rassura-t-il, et une larme coula le long de ma joue livide, car à force de nous le promettre, à moi, à nous...

Il en avait péri.

– Je l'espère, tu les as toujours maîtrisés, en particulier lorsque je me mets en difficultés, partagea-t-il cette anecdote qui ne m'étonna pas sachant qu'Hippolyte n'avait fait que survivre.

Mais d'une autre part, il avait une certaine personnalité à jouer avec le feu, comme nos provocations au début de notre relation. Sans me craindre, et provoquant sans arrêt la mort, jouant avec l'incendie destructeur. Tout comme moi, se délectant de ces brûlures. Nous étions si semblables, et s'il n'était pas un mortel, je ne cessais de me questionner de la puissance qu'il aurait, et ce jour pourrait être proche à sa demande avant qu'il n'ait fui, et que j'avais accepté.

– Ton plan me plaît, je suis partant ! s'exclama-t-il excité, presque à la légère, et je grimaçai.

– Comment as-tu pu survivre toutes ces années, insouciant que tu es ?

– Je suis invincible, se vanta-t-il. Et nous allons survivre une fois de plus, ensemble.

Dans un élan fraternel, ils partagèrent une accolade, sourire aux lèvres. Je sus que ces moments partagés pouvaient valoir autant que ceux où il nous avait appris à chasser et tirer à l'arc dans les bois de l'Olympe. Une vie qu'il nous avait dissimulé, une amitié de frères façonnée par un pacte, une promesse. Un lien très fort les alliait, plus égalitaire qu'avec nous, les petits jumeaux, car il avait revêtu le rôle de grand frère, presque de père. Avec Hippolyte, il était sur le même piédestal.

Je ne sus que penser, mais ce qui était certain était qu'ils étaient frères d'armes comme le chantaient les légendes depuis la nuit des temps. Et ce lien pouvait devenir de sang par le rituel du mélange rouge qui se retrouvait chez tous les peuples sauvages et guerriers, dont nous, Achéens, Grecs du continent.

– Frères d'armes pour la vie ?

– Frères d'armes pour l'éternité.

Je les vis se diriger vers la sortie de la salle, et, tel un esprit, je les suivis sans pouvoir bouger ne serait-ce mes lèvres pour les prévenir. De faire réaliser à mon frère qu'il était temps de partager et non de jouer seul. De hurler à Hippolyte que s'il aimait Oarion tout comme moi, il devait le raisonner, ou il perdrait son frère d'armes, son unique ami en ce monde cruel.

Ils partirent pourtant, s'éloignant de moi sans entendre ma mise en garde contre ce jeu qu'était le mensonge et la tromperie. J'entendis pourtant les dernières paroles échangées à mesure qu'ils disparaissaient de ma vue.

– Rappelle-moi le nom de ta sœur ?

– Diane, lui répondit Oarion, et je fronçai les sourcils, étonnée par ce nom qu'il était le seul à me donner et qui avait été répandu au sud pour me nommer.

– Diane ? Je n'en ai jamais entendu parler. Une déesse mineure, je suppose, sans importance.

– Tu verras bien, tu la rencontreras et je te préviens. Le jour où tu la verras, je t'interdis de flirter avec elle. C'est ma sœur, le prévint-il d'une voix soudainement menaçante qui me fit pincer ma lèvre, et les idées de son consentement certain que j'avais avancé à Apollon ne me semblèrent plus véridiques.

– Si elle est intéressante, tu peux faire les présentations. Je suis ton meilleur ami, le provoqua-t-il, affichant des airs charmeurs qui me firent rouler des yeux.

– Il se peut, mais je te l'interdis.

– Ne t'inquiètes pas, il y a bien mieux qu'elle certainement, affirma-t-il si sûr de lui que j'en restai bouche entrouverte sous la stupeur de ses propos.

– Ne parle pas ainsi d'elle. Je suis son grand frère, si tu l'avais oublié.

– Je te rassure, elle ne m'intéressera pas. Elle doit certainement être comme toutes. Parfaite, dit-il avec ironie, et je me souvins des paroles qu'il m'avait susurrées à Corinthe au sujet de mon imperfection qui lui plaisait tant.

– Elle est bien différente de ce que tu crois et tu t'en rendras compte. Tu l'approches, elle te mettra hors-jeu d'elle-même. Tu flirtes, je te tue avant qu'elle ne le fasse, même si tu es mon meilleur ami, car elle est ma sœur, avança-t-il, et je ne sus s'il plaisantait, mais il ne se détrompait pas.

Apollon s'en était chargé pour lui, de le tuer. Et moi, j'étais tombée pour le chasseur caché. Qu'en aurait-il pensé ? Nos relations avaient évolué d'une telle manière, que lui-même ne s'en serait pas imaginé les conséquences. Il avait tenté de nous en dévier, et nous étions tombés dans cet abîme.

– Tous les membres d'une famille sont aussi protecteurs ? J'espère que le jour où je reverrai la mienne je ne serai pas ainsi. Dis-moi ce que tu feras lorsqu'elle amènera son premier amant ?

– Je le tuerai à l'aide de notre frère.

– Je pourrais être de la partie ? Cela pourrait sympathique, plaisanta-t-il, et je me demandai s'il se souvenait aujourd'hui de ce discours tenu.

– Invisible que tu es, il faut bien une preuve officielle pour dissimuler notre crime. Mais il faut d'abord se concentrer de la sauver de son destin, de sa malédiction, reprit-il d'une voix plus sombre, et sérieuse.

La conversation se perdit dans les limbes du monde. Je ne vis plus que le noir et je sus que cette promesse de nous sauver était morte avec lui, brisée comme tant d'autres dans cette guerre démunie de cœur. Dans ces ténèbres dans lesquelles j'étais plongée, il ne me fut pas difficile de deviner la suite.

Leur exil de Béotie pour leur désobéissance, les chasseurs du sud dissociés par une lettre, Orion et Oarion. Je sus enfin que mon frère m'avait aidé, s'occupant du sud pour que j'instaure mon pouvoir au nord.

Ces paysages de forêts grandissantes, les murmures au peuple au sujet de Diane connue au nord sous le nom d'Artemis sans que Candeon ne se doute que la princesse de l'Olympe était descendue sur terre pour devenir la chasseresse sauvage. Oarion s'en amusait, je le vis dans le regard de ces images qui apparaissaient devant mes yeux, un secret gardé qui fut emporté comme un souffle à travers leur domaine de chasse. Il tentait de me faire comprendre qu'il m'aidait en s'occupant d'un territoire qui n'était pas le mien et qui pouvait me condamner si les mortels remarquaient que je n'en étais pas digne, bien que je sois déesse.

Ils étaient deux héros, deux frères qui voyageaient à travers la Grèce, recevant les acclamations des êtres en dehors des temples rustres jusqu'à ce qu'il apparaisse en Crête dans un élan de supplication envers sa famille immortelle qui l'avait oublié sous son ordre. Passé souvenu, mais oublié par les murmures de la folie glissée à nos oreilles de la part de cette île qui lui fit perdre la tête à partir de fragments de vérité et de secrets.

Mûré elle-même en ignorait les raisons. La folie insinuée, il devint une poupée de fils, tiré par l'origine de ce monde jusqu'à ce que, moi aussi contrôlée par les susurrements du sang, je ne le tue.

Les contours d'un nouveau paysage apparurent, plats et méditerranéens, aux arbustes au sommet des collines, aux montagnes rocailleuses.

Je reconnus les plages de Crête, royaume de Minos, le premier roi à avoir assemblé toutes les villes sous une seule puissance, une unique famille. Oarion avait souhaité nous préserver, mais à force de se sacrifier, il devint martyr sans se sauver. Lorsque l'aurore caressa de ses doigts tachés de sang de cet innocent encore frais dans le ciel, son frère d'armes insouciant marchait sur ce sable fin, sans se douter que d'une flèche, il venait de tout perdre.

Une image s'interposa, celle de la roche qui m'avait presque coûté la vie, chute provoquée par lui pour que j'ai confiance à nouveau en mon frère. Une ruse bien choisie, car j'y avais cru, et les yeux pesants sur moi, il m'avait observé tous les jours. C'était lui, et dans ses pupilles qui n'avaient jamais croisé les miennes, j'y ressentis une certaine attirance à mon égard pour ma différence. Ainsi que son intrigue pour ma part de noirceur que je cachais tout comme lui, et qui avait pris contrôle de son être avant qu'il ne devienne Hippolyte. Un appel des sombres bois qui le fit connaître sous le nom du criminel Candeon.

Il avait peur d'être retrouvé, lui qui avait été abandonné par son sang pour sa survie et sans famille de chair, il n'avait plus que son frère d'armes. Moins qu'un frère de sang, mais bien plus qu'un meilleur ami du même âge qui lui avait permis de ne pas sombrer dans le destin de malheur qu'était le sien.

***

Entre nous, ça me fait vraiment rire comment ces deux frères s'imaginaient dealer avec le futur amant d'Artemis.

Voici un petit expectations VS reality

Comment Hippolyte s'imaginait avoir un rôle:


Le rôle qu'il a vraiment eu:

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