10🚀Les deux terriens

Aïe...

Arsène Flamingo ouvrit les yeux avec difficulté et les plissa face à la lumière blanche irradiant la salle de soin de son vaisseau. Il posa sa main sur sa jambe bandée puis souleva rapidement son t-shirt col roulé pour toucher ses côtes.

Aujourd'hui, la chance n'était vraiment pas de son côté.

Il se rallongea et soupira, une main sur le front et ferma les yeux pour mieux réfléchir à sa situation. Il avait réussi à ramener Robbie sur le vaisseau, c'était déjà un exploit et il n'était pas mort. Si Robbie avait bien récupéré le carburant, il pourrait partir à la recherche de ses amis.

Ou fuir...

Soudain, il entendit la porte coulisser et se sentit observé mais n'ouvrit pas les yeux.

— Robbie, s'il a une blessure sur le torse, il faut le soigner, dit une voix féminine qu'il mit du temps à reconnaître. Peu importe ce que t'a dit le capitaine !

— Mais le capitaine ne veut jamais que je soigne le haut de son corps. Il dit qu'il est trop parfait pour que mes bras métalliques le touchent.

— Dit plutôt qu'il a honte de son physique de lâche.

— Ça va ? Je ne vous dérange pas trop ?

L'interruption de Flamingo fit sursauter Niki Darkwhisper qui reprit son air sérieux la seconde d'après en croisant les bras.

— Flamant rose.

— Kitty. Qu'est-ce que tu n'avais pas compris dans mon dernier message ?

— « Adieu » ? Il faut croire que le destin aime se foutre de nos gueules.

— Ou tu es tellement attirée par l'aura sublime que je dégage à travers les galax-

Il s'interrompit en poussant un petit cri lorsqu'il se releva de son lit de blessé.

— Tu es blessé aux côtes. Robbie va te soigner.

— Hors de question, répondit-il sévèrement. Ce n'est rien, quelques pilules et ça va passer tout seul.

— Laisse-le au moins mettre une compresse ou un-

— HORS DE QUESTION, cria-t-il.

Niki fut surprise par la virulence soudaine du capitaine. Elle s'approcha de lui et le fixa de ses yeux inquiétants.

— Je vais sortir de la salle, commença-t-elle d'une voix menaçante, Robbie va te soigner et ensuite tu nous expliqueras ce qui s'est passé ici et pourquoi Almyra et Cox ne sont pas là. Tu vas te laisser faire Flamingo, sinon je jure de mettre fin à tes jours ici et maintenant.

— Tu ne le feras pas. Pas juste pour « ça ».

— Tu es prêt à prendre le pari ?

Le capitaine se rappela instantanément du rapport d'enquête sur le carnage de Liberty Terminal et ne douta plus une seconde que Niki n'hésiterait pas à le tuer sans aucun remords, juste parce qu'il ne voulait pas lui obéir.

Il expira bruyamment et se rallongea sur la table avant de donner son accord à RB-13. Niki arqua un sourcil en guise de victoire et sortit de la salle.

Elle attendit plusieurs minutes appuyée sur le mur en jurant à nouveau sur le destin qui avait remis Flamingo beaucoup trop tôt sur sa route. Elle n'avait pas pu préparer sa mission en amont mais se dit que finalement, aider le capitaine serait un bon moyen de gagner un peu plus sa confiance.

« AAAAAAAAAAH »

Le petit robot sortit de la salle à toute vitesse avant d'être suivi par Flamingo boitant et ayant à peine remis son t-shirt.

— Mais qu'est-ce qu'il lui a pris ?!

— Ma perfection l'a traumatisé.

— La pâleur de ta peau tu veux dire.

— C'est raciste venant de toi ! Est-ce que tu peux le rattraper avant qu'il ne fasse une grosse bêtise ?

Elle regarda la jambe de Flamingo qui n'aurait pu se relever aussi rapidement avec la médecine terrienne et sut malgré tout qu'il lui faudrait au moins deux jours avant de marcher correctement. Elle courut à la poursuite du petit robot et le retrouva dans la salle de pilotage.

Un pistolet dans sa main, tourné vers sa tête métallique.

Niki s'approcha doucement de lui avec incompréhension. Il ne bougeait pas et la fixait intensément, se demandant ce qu'elle allait tenter de faire.

— Robbie... Pose ce pistolet, ok ?

— Non.

— Pourquoi tu ne veux pas ? dit-elle calmement en continuant à s'approcher.

— Je veux mourir.

Elle fut étonnamment surprise par la réponse du robot mais ne se posa pas plus de questions et tenta de le raisonner à nouveau en se mettant à son niveau. Flamingo n'entra pas dans la salle pour ne pas perturber sa tentative et se contenta d'écouter, adossé contre le mur.

— Non Robbie, tu ne peux pas mourir. Si tu meurs, qui s'occupera d'Arsène Flamingo ? D'Almyra et de Cox ?

— Je m'en fiche, je veux mourir.

— Si tu meurs, je vais être très triste. Tu as dit que j'étais ta nouvelle amie, tu ne veux pas que je sois triste, hein ?

Robbie baissa doucement le pistolet de sa tête, touché par les paroles de Niki.

— Tu me le donnes ? dit-elle avec douceur. Je vais te le garder pour toi d'accord ?

— ...D'accord.

Le robot tendit le pistolet à Niki qui le jeta sur le côté avant de prendre le petit robot dans ses bras. Geste qui aurait pu être attendrissant si elle n'avait pas planté une épingle à cheveux dans son circuit arrière, ce qui fit s'écrouler le robot.

Flamingo se montra enfin et regarda avec sérieux la femme devant lui, en train de glisser son épingle près de son oreille.

— Une femme doit toujours avoir une épingle à cheveux. J'ai appris ça dans les films.

— Tu t'y es bien pris. Je ne pensais pas qu'il céderait aussi vite.

— Je crois qu'il m'aime bien.

— Trop même.

Le capitaine s'approcha du robot inanimé pour l'examiner puis se releva et fouilla dans un tiroir avant de sortir une clé USB et de la brancher dans le port de Robbie.

— Qu'est-ce qu'il lui a pris ? Tu lui as fait peur ?

— C'est... compliqué à expliquer. Je lui ai dit quelque chose, il s'est rappelé d'un vieux souvenir et du coup il a pété un câble.

— C'est fréquent ?

— En ce moment oui. Je vais encore devoir lui remettre son ancienne sauvegarde. Il ne se rappellera pas de votre rencontre sur Kerio-6K par contre.

— Ah.

Niki devait avouer qu'elle était déçue. Le robot lui avait dit de très belles choses, elle l'avait aidé et il ne se souviendrait de rien.

Flamingo s'écroula sur son siège de capitaine, face à Niki, et leva les yeux au plafond. Elle prit un des sièges et se mit devant lui, attendant des explications.

— On attendait Robbie dans la salle de téléportation, commença-t-il, jusqu'à ce qu'on soit attaqué par des pirates de l'espace. On ne pouvait pas bouger le vaisseau et le temps que l'on arrive à la salle de pilotage pour répliquer, les pirates étaient déjà en train d'accoster. Ils étaient armés jusqu'aux dents mais nous étions prêts à nous battre. Jusqu'à ce que ce foutu capitaine sorte une des armes d'Almyra.

— Une de ses armes ?

— Lorsqu'elle était à la faculté kratzorienne, elle avait besoin d'argent et a commencé à vendre des armes à des contrebandiers. Armes qui ont été copiées et dupliquées et qui circulent encore sur le marché noir. C'est la raison pour laquelle elle était recherchée par la Confédération. Le problème avec ces armes, c'est qu'elles sont assez instables et nous n'avons pas voulu prendre le risque de mourir donc nous nous sommes rendus.

— Alors pourquoi Almyra et Cox ne sont plus là ?

— Parce qu'au lieu de nous voler matériellement, il a reconnu Almyra et a décidé de l'enlever pour qu'elle lui fabrique une arme surpuissante. Cox ne voulait pas se laisser faire et a commencé à se battre. Le capitaine ennemi a donc tiré et, vu que cette arme est instable et très peu précise, le tir s'est dirigé vers ma cuisse. Cox a coopéré et a accompagné sa sœur sur leur vaisseau. J'ai juste eu le temps de ramper vers la salle de téléportation lorsque le signal de Robbie a retenti dans le vaisseau.

— ...Tu n'as vraiment pas eu de chance sur ce coup-là Flamingo. Un tir manqué qui vient directement sur toi, j'appelle ça « avoir un mauvais karma ». Ou alors une punition divine.

— Tu crois vraiment en dieu alors que ça fait des années que tu vis dans l'espace ?

— Je crois surtout que ça craint. Qu'est-ce que tu vas faire ?

Flamingo se leva brusquement avant de regretter son entrain qui le fit presque tomber si Niki n'était pas arrivée à temps pour le soutenir par l'épaule. Elle l'accompagna jusqu'à un panneau de contrôle puis le déposa sur le siège. Il tapa rapidement une série de chiffres qui afficha les profils des jumeaux.

— J'ai placé une balise dans les boucles de notre ceinture, dit-il en montrant la sienne, ça permet de ne pas perdre son équipage.

— Ce n'est pas du flicage plutôt ?

— Tu dis ça mais la Confédération fait la même chose.

— Mensonge.

— Réveille-toi chaton, arrête de croire que la Confédération est ta maison. Ce ne sont que des manipulateurs. Tu devrais rejoindre la Coalition à la place, eux au moins ils assument leurs actes.

Niki ne répondit pas et continua à observer l'écran. Quelques secondes plus tard, des coordonnées GPS s'affichèrent devant les profils d'Almyra et Cox. Flamingo ne pût retenir un souffle de soulagement avant de se relever, cette fois plus doucement pour pouvoir tenir debout seul. Il mit ses mains sur ses hanches et se tourna vers la vitre.

« L'univers est infini et j'arrive à trouver le moyen de repérer mes amis... Tu es vraiment un homme fantastique Arsène ! » se dit-il avec un air satisfait.

« Chargement terminé. » Robbie se redressa et émit un bruit s'apparentant à de la surprise en voyant Niki devant lui.

— Oh vous êtes là lieutenant Niki Darkwhisper ! Depuis quand êtes-vous arrivée ? Vous restez pour longtemps ? Pour toujours ?

— On n'a pas le temps Robbie, intervint Flamingo. Tu vas raccompagner Niki sur Kerio-6K et ensuite on ira chercher les jumeaux.

— Comment ça me raccompagner ?! Je ne suis pas une gamine ! Je peux t'assister dans ta mission.

Arsène Flamingo se tourna vers elle, l'air sérieux avant de retrouver son fameux sourire. Il retira ses lunettes et plongea son regard dans le sien, comme pour la sonder, découvrir ses intentions. Niki ne pouvait décrocher son regard de l'éclat brillant dans l'œil gauche marron de Flamingo et sursauta presque lorsqu'il lui posa la question :

— Pourquoi voudrais-tu nous aider ? Qu'est-ce que ça t'apporte ?

— Ta confiance.

Il fronça un instant les sourcils. Niki avait été honnête avec lui sans pour autant lui dévoiler pourquoi elle avait besoin de sa confiance mais sa franchise avait fait mouche. Enfin pour l'instant.

— Hm... Tu ne te serais pas entichée de moi par hasard ?

— Oh non Flamingo...

— Non parce que je comprendrais ! dit-il en rigolant. Je veux dire, quelle femme résiste aux charmes du grand Arsène Flamingo ?!

« J'ai tellement envie de le cogner. » pensa-t-elle.

— Bon, j'avoue que ton aide serait vraiment la bienvenue vu mon handicap.

— Et ton incapacité naturelle à te battre au corps à corps.

— Eh oh ! Tu ne m'as vu qu'une seule fois me battre !

— C'était largement suffisant et vu ton endurance, je suis sûre que tu es un fragile.

— Les femmes sont très satisfaites de mon corps et de mon endurance. Tu veux une démonst-

Niki frappa de son poing le visage du capitaine qui, malgré la douleur, ne pouvait s'empêcher de sourire, ce qui l'énerva encore plus. Il se frotta la joue et retourna à sa place de capitaine en vérifiant bien que Robbie avant fait le plein pendant qu'il était inconscient.

— On va avoir beaucoup de voyage à faire ?

— Oh non ! Ces pirates de l'espace sont de vrais imbéciles qui ne possèdent aucun système leur permettant de voyager en hyperespace. Ils sont toujours dans ce système solaire et nous allons les rattraper.

— Est-ce que je dois faire quelque chose ?

— Hm... Assis-toi sur mes genoux ?

— Tu souhaites vraiment mourir aujourd'hui.

Il se mit à rire avant de saisir le volant de son vaisseau et de suivre la direction indiquée par l'écran au-dessus. Le capitaine ordonna à Robbie d'aller préparer quelques armes pour le futur assaut contre le vaisseau pirate. Niki rapprocha son siège du poste de pilotage et s'assit à côté de Flamingo qui tourna brièvement la tête vers elle avec étonnement.

— Tu veux faire la conversation Darkwhisper ?

— Tu connais le capitaine Aukanai ? Il m'a dit que vous aviez fait vos classes ensemble.

— En effet.

— Il m'a dit que tu excellais déjà en pilotage à peine arrivé à la Confédération.

— C'est exact.

— Et même que tu étais modeste.

— Je n'ai pas besoin de me vanter si les gens sont conscients de mes capacités.

La concentration de Flamingo sur son pilotage surprenait à nouveau Niki qui pendant un court instant, le trouva « normal ». Pas vaniteux, pas narcissique, pas pervers, juste « normal ». Elle continuait de le dévisager jusqu'à ce qu'il tourne sa tête vers elle en fronçant les sourcils.

— Tu peux arrêter chaton ? Ça me perturbe.

— Quand est-ce que tu vas arrêter de m'appeler « chaton » ? C'est très irritant. Imagine si je t'appelais « flamant rose » à chaque fois ?

— Fais-le.

— Flamant r-

— Chaton, l'interrompit-il. Tu vois ? Je suis plus rapide.

— Tu m'énerves Flamingo. Et est-ce que c'est vraiment ton nom « Flamingo » ?

— Et toi ? Est-ce que « Darkwhisper » c'est ton nom ?

Ils se regardèrent sans rien dire, attendant que l'un des deux craque, puis le capitaine reporta son attention sur sa conduite.

— Tu es de quelle origine Kitty ? demanda-t-il finalement.

— Si je te réponds, tu réponds également.

— D'accord.

— Américaine. Plus précisément des États-Unis d'Amérique.

— Ah oui ? « Les mangeurs de donuts » !

— Et toi ?

— Français.

— « Les mangeurs d'escargots et de grenouilles » ! Eurk !

— C'est qu'un putain de cliché, je n'y ai jamais touché.

— Comme je n'ai jamais touché à un donut.

— Hm. Tu aurais pu te douter de mon origine quand même. « Arsène ».

— Quoi « Arsène » ? C'est un prénom typiquement français ?

— Je crois qu'il faudrait que l'on ait une discussion sur tes connaissances culturelles.

— Mouais... Pourquoi tu n'aimes pas les terriens, Flamingo ?

Il prit un air sérieux avant de répondre et fronça les sourcils :

— Les terriens sont cruels, stupides et ont le don d'exploiter et d'abimer toutes les belles choses. Ceux qui ne répondent pas à ces critères sont d'une banalité affligeante. On leur ouvre la voie vers l'infinie et décide soit par peur de rester sur leur planète, soit de tenter l'aventure dans l'espace avec l'idée de devenir exceptionnel. Mais personne n'est exceptionnel...

— Sauf le grand Arsène Flamingo ?

— Tu commences à me connaître, dit-il en reprenant son sourire. Bien sûr que je suis exceptionnel. Je ne suis plus terrien depuis que j'ai quitté cette maudite planète. Je suis juste... le capitaine Flamingo.

Niki prit en compte ses paroles et fut très perturbée par le fait qu'elle pensait exactement comme lui. Son passé sur Terre l'avait dégoûtée des gens mais peut-être pas au point d'être raciste. Si Flamingo était vraiment « raciste », ce qui lui semblait peu probable.

« Il doit y avoir une autre raison pour laquelle il n'aime pas les terriens... » pensa-t-elle.

« On arrive dans quelques minutes. » dit-il avant d'appuyer sur un bouton qui fit ralentir le vaisseau progressivement. Le SS-Barbara maintenant complètement à l'arrêt et caché derrière une lune du système solaire 6K, Flamingo s'étira les bras avant d'ouvrir une des petites sphères accrochées à sa ceinture. La sphère contenait des petites pilules de toutes les couleurs et après avoir fait le tri, il en prit une verte et une bleue.

— C'est pour quoi ces trucs ?

— Celle-là, dit-il en montrant la verte, c'est pour soulager la douleur. La bleue c'est du viagra.

— Putain Flamingo !

— Ahah ! Non je déconne, c'est contre la peur.

— Toi, tu as peur ?

— Aussi magnifique que je sois, j'ai également la réputation d'être un fuyard. Réputation totalement fondée : toutes mes décisions sont basées sur ma capacité à déterminer si une situation peut être évitée ou non, si je dois fuir ou si j'ai une chance de réussir.

— La peur est humaine.

— C'est pour ça que je la fais disparaître.



 Aujourd'hui, deux chapitres d'affilés !

Alors ? Que pensez vous du retour de Niki sur le SS-Barbara ?

De sa façon de gérer le problème de Robbie ? De leur discussion entre elle et Arsène Flamingo ?

N'hésitez pas à voter et donner votre avis en commentaire !


[Correction du 5 décembre 2020]


 Musique ♫  A.L.I.S.O.N - Gaze 

https://youtu.be/CC0eACYffm0



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