Partie 17 : Dix-septième Relevé

Pov Maryane :

─ Matt, passe-moi cette fichue brosse à cheveux ! Hurlai-je en lui courant après.

Hilare, celui-ci me claqua la porte au nez.

─ Non mais je rêve là ! Rends-là moi, toute suite ! Fis-je en m'acharnant après la poignée de porte.

Evidemment, il avait fermé la porte à clefs.

Et je ne l'avais pas.

Comment avais-je pu ne pas m'en souvenir ?

Cet homme était pire qu'une fille question hygiène: sa pauvre petite salle de bain n'arrivait pas à contenir tous ses produits et crèmes inutiles, il avait alors remarqué que ma salle de bain était plus grande... le voilà donc entrain de vider toutes mes affaires afin d'établir son petit chez lui à l'intérieur.

─ Matthew Parrish, tu as exactement trois secondes pour sortir d'ici ! Après quoi, je...

Je quoi d'ailleurs ?

J'entendis cet idiot rire derrière la porte.

─ Je t'attends chaton, je t'attends.

Je regardai autour de moi, cherchant l'arme qui le ferait plier.

Là, sur la table !

Sa précieuse laque.

Bingo !

─ Matt, ne déconne pas avec moi, j'ai ta laque ! Tu m'entends ? J'ai ta précieuse fifille dans mes mains !

Il cessait immédiatement de ricaner.

─ Tu quoi ? Arrête, ne fais rien de stupide Maryane, rends-la moi !

Un rire machiavélique monta du fin fond de ma gorge.

─ Tu crois pouvoir m'avoir ? Voilà ce qu'on va faire mon grand: soit tu sors de ma salle de bain avec ma brosse à cheveux que tu me rendras évidemment, soit je vide ta bombe de laque dans le pot de fleur de Madame Picher !

Pauvre pot de fleurs, j'espère ne pas en arriver à une telle extrémité...

De plus j'avais un réel coup de cœur pour ces violettes et Madame Picher était une des personnes les plus sympathiques de l'Opéra.

Le trouvant trop long, j'appuyai doucement sur la laque, un long pchiiiit sortant de la petite bouteille.

J'entendis le déclic d'une clef tournant à l'intérieur de la serrure et le vit me regarder avec méfiance la seconde d'après.

─ Pose cette laque..., siffla t-il entre ses dents.

─ Rends-moi cette brosse, rétorquai-je en le narguant avec l'objet de ses convoitises.

Il leva lentement sa main et posa doucement la brosse sur le sol, fixant son objectif du regard.

─ Pourquoi tant de violence envers Patricia ? Me demanda t-il d'une voix douce.

Patricia ?

─ Ne me dis pas que tu as appelé cette chose, Patricia ?

Il haussa les épaules.

─ C'est une appellation comme une autre. Et elle me rend très bien l'amour que je lui porte.

Cette fois c'est clair: il est complètement cinglé !

─ Donne-la moi maintenant. Pas de geste brusque, tout va bien se passer Patricia... Papa va te sauver de ta méchante tatie Maryane !

Je soufflai et lui donnai Patricia.

Il me l'arracha des mains, caressant presque amoureusement la bouteille.

─ Te voilà ma fille..Papa t'a sauvée, fit-il en me lançant un regard assassin.

Je le poussai pour rentrer après presque dix minutes de bataille acharnée pour pouvoir se brosser les cheveux.

─ Je te préviens d'avance : ma vengeance sera terrible ! Me lança t-il en plissant ses yeux.

─ Hum hum...

Je trouvai rapidement mes pinces à chignons et commençai à démêler mes cheveux d'un geste rapide et ordonné, sifflotant à moitié.

Je sentis Matt ruminer dans son coin, les tiroirs de ma petite commode se cognant sèchement contre je-ne-sais-quoi.

Nous avions passé la nuit à parler de tout et n'importe quoi, les souvenirs heureux de nos moments passés ensemble refaisant surface.

J'avais contourné tous les sujets douloureux, préférant axer la conversation vers des anecdotes toutes plus hilarantes les unes que les autres.

Ce qui avait plutôt bien marché.

─ Maryane, dépêche-toi !

Je grognai quelque chose d'incompréhensible, mes lèvres serrées pour garder mes pinces entre elles.

─ Maryane...

─ Rhfgtnfk ! Fis-je en accélérant la cadence.

Deux bonnes minutes plus tard, je terminai de soigner mon apparence en accrochant une paire de perles à mes oreilles.

─ Voilà ! M'écriai-je enfilant un gilet.

Je le trouvai en train de fouiller dans ma commode, un petit sourire espiègle aux lèvres.

─ Alors chaton...

Je me méfiai tout de suite.

─ Quoi ?

─ Prête ?

─ Oui ?

Qu'est-ce qu'il mijote encore...?

─ Allons-y alors ? s'exclama t-il joyeux en se levant.

Je le laissai passer en premier avant de fermer doucement la porte derrière nous.

Nous avions prévu de prendre un café à l'Éternité avant de passer à l'hôpital voir mon père: un petit programme de détente avant d'entamer les choses sérieuses.

Je croisai plusieurs autres danseuses dans l'un des nombreux couloirs, leurs petits gloussements et regards amourachés face à Matt n'échappant à personne.

Ignorant celles-ci, Parrish continua sa route, s'assurant toutefois que j'étais bien derrière lui.

Nous sortîmes sans avoir rencontré la moindre difficulté : les corridors étaient presque déserts à cette heure-ci.

La Harley de Matthew était postée juste devant l'entrée principale, sous le regard médusé de certaines personnes.

Mon meilleur ami avait un sourire éblouissant -une satisfaction purement masculine- et me tendit son casque noir aux reflets violacés avant d'enfourcher sa moto.

Je pris place à l'arrière de son engin, le cœur palpitant d'excitation avant d'enfiler la protection d'un geste que je savais automatique ; nos balades en moto n'étaient pas occasionnelles, c'était même devenu une habitude.

Matt attendit patiemment que mes bras se referment autour de sa taille avant de faire rugir le moteur, une fumée grisâtre s'échappant du tuyau arrière.

La seconde d'après, la moto se mit en marche, dérapant sur la route avec une agilité surprenante ; il avait toujours été doué avec les bolides.

Je collai le casque contre son dos, appréciant de sentir le vent fouetter mes vêtements.

La liberté à l'état pur.

Cette Iron 883, Parrish en rêvait depuis des années, ses yeux brillant à chaque fois qu'il en croisait une en ville.

Ce fut d'ailleurs une des premières choses que j'appris sur lui : son enthousiasme à chacune de nos conversations sur le sujet m'étant devenu ordinaire.

Son premier salaire en temps qu'avocat et ses nombreuses économies lui avaient permis de s'offrir ce rêve : je me rappelai encore de son visage ce jour-là, son sourire -un vrai sourire- était encore présent plusieurs jours après l'achat. Il s'était même ancré dans la tête de venir me chercher chaque soir, me raccompagnant sans jamais louper la moindre de mes sorties jusqu'à ce qu'il reparte en Angleterre.

─ Prête à hurler de frayeur ?

─ Tais-toi et roule ! Rétorquai-je en souriant.

Il accéléra d'un mouvement brusque, faisant cabrer la moto en avant avec un petit rire silencieux ; sa manière à lui de me montrer que tout allait bien.

Éternité n'était qu'à dix minutes de l'Opéra Garnier mais nous prenions toujours un chemin plus long, privilégiant les petites ruelles aux routes.

Vingt-cinq minutes plus tard, nous nous dégotâmes une place à quelques mètres seulement du café, monsieur voulant absolument que tout le monde regarde son Harley-Davidson pour revigorer son ego.

Les habitués étaient déjà là, assis à leurs éternelles places, bavardant autour d'un thé.

Nous descendîmes de l'engin et je raccrochai le casque au guidon avant de traverser la route, les bruits de tasses et de cuillères s'entrechoquant, me réconfortant.

─ Mais qui voilà ? Mon petit Matthew chéri ! s'exclama une voix familière à notre droite.

Il s'agissait de Madame Fisher, une octogénaire qui était l'ancienne maître de stage de mon petit surfer des Caraïbes comme elle l'appelait.

─ Bonjour Jeanne, comment allez-vous ? S'enquit-il poliment tandis qu'elle lui embrassait affectueusement la joue.

─ Je me sens prête à soulever des montagnes : mon petit Matt est revenu ! Dis-moi, combien de temps restes-tu ici ?

C'était la question à dix-millions d'euros.

Avec une mine gênée, celui-ci tentait d'éluder la question.

─ Autant que possible, je vous le promets.

─ Je vois que tu as perdu des couleurs ! L'Angleterre est-il si pluvieux ? Tu manges vitaminé j'espère ? Un grand gaillard comme toi à besoin d'être en forme !

Elle continua son monologue sans répit, et j'abandonnai l'idée de suivre cette conversation.

Jeanne Fisher parle plus vite que son ombre.

Cette petite dame était une vraie sainte : une personne dotée d'une incroyable gentillesse et d'une poigne de fer.

C'était chez elle que Matthew avait trouvé une mère, là où sa génitrice avait baissé les bras, Jeanne avait aidé Matt à sortir la tête de l'eau.

Nous nous installâmes à sa table et papotâmes autour d'un café, au bout d'une petite heure et quelques biscuit plus tard, nous voilà repartis vers l'Opéra, mon optimisme remonté à bloc.

Je l'aperçus, assise sur les marches de l'entrée, l'air d'attendre quelque chose.

Avant que je n'aie le temps de lui signaler ma présence, une voiture se gara devant elle.

Je reconnus tout de suite la personne au volant : c'était la barman du Carmen.

Qu'est ce qu'elle fiche ici ?

Le visage illuminé d'un énorme sourire, celle-ci se jeta dans les bras de Shira qui répondit à son étreinte, l'air soulagée.

Un élan de jalousie me parcourut le corps et je tentai d'y faire abstraction.

Qu'est ce que...?

Une armoire à glace de plus de deux mètres sortit à son tour du véhicule : curieusement ses traits se firent moins durs en voyant les deux femmes enlacées.

Ce fut à cet instant que je remarquai les deux valises et un magnifique Husky aux yeux bouleversants, qui étaient postés à ses cotées.

Hein ?

L'homme se pencha pour la saluer et je le vis lui chuchoter quelque chose à l'oreille avant qu'il se serve de son impressionnante musculature pour charger les valises dans le coffre.

Les deux femmes se rapprochèrent de la voiture et je vis le chien disparaître dans l'habitacle, aussitôt suivi par sa maîtresse et la barman.

Les portières claquèrent, et avant que je n'aie le temps de cligner des yeux, le moteur rugit, puis elle s'évanouit dans la nature.

Mes bras restèrent ballants : après de nombreuses batailles, Shira Laurent avait baissé les bras.

Elle avait renoncé à se battre.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top