Chapitre 22 - Arthur
Arthur.
C'est officiel, tout ce qui se rapporte de près ou de loin à Mia me met hors de moi. Depuis que je sais qu'elle a un rendez-vous avec John, j'ai envie de tout casser. Et ça m'agace, car je repense sans cesse à notre proximité du week-end dernier. Son sourire, sa peau et ce putain de moment suspendu qui m'a bouleversé.
Je ne suis plus vraiment en mesure de le nier...
Depuis que Raph m'a parlé de leur tête-à-tête, je me comporte comme un gosse de quatre ans quand elle est dans les parages parce qu'elle m'énerve ! Enfin, ce n'est pas vraiment elle, mais plutôt ce qu'elle provoque en moi.
Du coup, je l'évite. C'est la seule solution que j'ai trouvé pour qu'elle ne se rende pas compte que je suis un couillon rongé par la jalousie. C'est absurde, il faut à tout prix que je me la sorte de l'esprit et pour ça, je dois juste me faire à l'idée qu'ils vont se voir et que je n'y peux rien. Parce que de toute façon, je n'ai pas d'autres choix. J'ai été nul avec elle à plusieurs reprises et la seule pensée de la faire à nouveau souffrir me broie l'estomac.
Je dois la laisser et avancer. Pour ça, il faudrait sûrement que j'arrive à en parler, mais je ne sais pas vers qui me tourner. Je ne peux pas aller voir Raph, car c'est son meilleur ami, et Daphné le prendrait mal. Si elle était au courant, elle me dirait que c'est juste un sentiment de mec frustré et machiste qui n'aime pas avoir été doublé et que ça va passer. Et comme il s'agit de sa sœur, elle en profiterait pour me faire la misère.
Alors je me contente de me répéter des mantras et phrases Instagram bien débiles que ma meilleure amie aurait sorti s'il s'agissait d'une autre fille, sur le fait qu'il faut savoir pardonner, passer à autre chose, laisser vivre ses proches et d'autres conneries dans ce genre...
Pardonner qui de toute façon ? Mia ou John qui s'est entiché d'elle ? Il serait bête de ne pas l'apprécier, c'est une fille géniale et lui un homme qui peut vraiment la rendre heureuse. Et moi ? Juste un mec pathétique qui refuse que son ex ait définitivement tourné la page.
— Arthur ! s'écrit Mehdi en me lançant une boulette de papier au visage. Ici la terre.
— Quoi ? grogné-je, me rendant soudainement compte que je suis plongé dans mes pensées depuis bien trop longtemps.
— On te parle depuis dix minutes et tu ne nous écoutes même pas.
— Si, je vous écoute... On parlait de quoi ?
Mon frère et mon ami se mettent à rigoler, conscients que je suis complètement ailleurs. Je n'ai même pas vu que mon jumeau avait garé sa voiture.
— Qu'est-ce qui te prend la tête ? me demande Léo, en se tournant vers la banquette arrière où je me trouve.
— Tu penses à une fille, tranche Mehdi en me regardant droit dans les yeux.
— Pas du tout, dis-je en me pressant de sortir de cette caisse. Je suis juste fatigué de ma semaine.
Et j'étouffe là-dedans.
Les deux relous sortent à leur tour et je les entends ricaner. Ce n'est même pas la peine de leur parler de ce qui me trotte dans la tête depuis plusieurs jours, je sais pertinemment qu'ils ne comprendront pas.
Pourtant, il va bien falloir que je trouve un moyen de me la sortir de la tête, je me suis transformé en zombie et j'enchaîne les bourdes. Rien qu'aujourd'hui, j'ai fait du café en oubliant de mettre la tasse sous la machine, j'ai laissé la Clio sans frein à main dans l'allée et elle s'est retrouvée dans le buisson des Gomel et, comme si ce n'était pas suffisant, j'ai fait tomber mon téléphone dans la cuvette des toilettes.
Mon cerveau est en panne, incapable de faire autre chose que de penser à elle.
— On te propose d'aller boire une bière, s'amuse Mehdi.
— Et bah allons-y, soufflé-je, en partant sur ma gauche sans les attendre.
Ce sont de vrais gamins.
— C'est vers la droite.
— T'as bouffé un clown toi, ce matin, non ? bougonné-je en leur passant devant une seconde fois.
— Et toi, c'était un chien enragé ? ironise Mehdi.
— Ah ah.
Je me demande comment j'arrive à les supporter d'habitude. Ils sont vraiment aussi immatures ?
~ ~ ~
Une fois au bar, j'essaie d'être un peu moins grognon. Je sais qu'ils n'y sont pour rien et si l'un d'eux avait été à ma place, je ne me serais pas gêné pour faire des blagues. Après tout, ils sont peut-être immatures, mais ils ont le don de me changer un petit peu les idées.
— Je vous jure, la femme devait avoir la cinquantaine et elle était hyper bien gaulée. La séance commençait tranquille et j'essayais d'être pro, mais elle me chauffait de ouf ! J'avais l'impression d'être dans une caméra cachée.
— Tu l'as rembarré, j'espère, rigole mon frère.
— J'aurais aimé t'y voir ! Franchement, si son mari n'était pas arrivé, je ne sais pas si j'aurai tenu longtemps.
— Tu es dégueulasse...
Hilares, nous ne remarquons pas tout de suite la présence de Camille, qui s'approche avec son bloc-notes.
— Bonjour les garçons, dit-elle d'une petite voix. Qu'est-ce que je vous sers ?
— Un pichet de bière s'il te plaît, s'enthousiasme le bourreau des cœurs.
— Je vous apporte ça.
Je la regarde partir, un peu surpris. La grande blonde, d'habitude si solaire et enthousiaste, semble éteinte. Elle n'a même pas fait de remarques sur notre discussion, pourtant très limite, sur le corps féminin.
— Mais tu ne coaches pas de belles femmes de notre âge ? demande mon jumeau, alors que je tente de me raccrocher à la discussion.
— Si, bien sûr, mais elles ne sont pas forcément bien foutues. Mais si elles t'intéressent, je peux arranger le truc, mon pote, sourit-il à Léo.
— Oh, tu sais, en ce moment, je fais une pause.
— Sur les femmes ? s'exclame notre ami.
— En quelque sorte, se contente-t-il de répondre.
— Ah, je vois, c'est comme une cure, pour revenir en forme. Je crois que, pour moi, c'est impossible...
— Tu sais qu'il n'y a pas que le cul dans la vie, interviens-je. Parfois, on a envie de plus.
— Plus ? Tu veux dire les emmerdes et les crises de jalousie ? Nan, hors de question. Ou alors, pour une fille qui en vaut vraiment la peine.
— Il y en a, confirmé-je.
Au moins une.
— Je n'en doute pas, mais je suis trop jeune pour penser à ça.
Camille arrive avec nos boissons et pose les trois verres puis le récipient sans un mot.
— Cam, tu en penses quoi du célibat ? demande Mehdi.
— C'est pas mal. Surtout en attendant la bonne personne, dit-elle avant de partir.
Mehdi, explose de rire et se remet à déblatérer sur des sujets plus incongrus les uns les autres avec une facilité déconcertante.
Cet homme est infatigable.
Nous trinquons tous les trois et le téléphone de Mehdi sonne. Il nous indique qu'il s'agit de sa sœur avant de partir répondre un peu plus loin.
L'écran de Léo s'allume à son tour, indiquant un appel de « Daphné G. ». Mon frère soupire et éteint l'écran.
— Tu ne réponds pas ? m'étonné-je.
— Non, je nous laisse de l'espace, m'explique-t-il en rangeant son téléphone.
— Tu penses vraiment que la fuir, c'est une solution ?
— Je ne la fuis pas, s'insurge-t-il, en croisant ses bras sur sa poitrine comme un enfant.
— Alors tu fais quoi ?
— Je l'évite...
— C'est la même chose.
— Non. Si elle veut venir de son plein gré, elle peut. Mais je ne veux pas qu'elle croie qu'il suffit d'un appel pour que j'arrive en courant.
— Tu es un gamin.
— Et elle, une sadique. Elle ne voit pas du tout le mal qu'elle me fait.
— Elle croit que tu cherches un plan cul, alors elle se comporte comme tel. Si tu ne lui dis pas ce que tu veux, elle ne peut pas le savoir.
— Oh, c'est vrai, j'avais oublié que tu étais un vrai pro des relations amoureuses, me lance-t-il. D'ailleurs, elles sont où toutes tes copines ?
— Je t'emmerde, rigolé-je. J'essaie juste de t'aider.
— Oui, et bien je n'ai pas besoin d'aide.
— Si tu le dis.
Mon frère prend alors sa bière en fronçant les sourcils. C'est assez fou, quand on y pense. On vit dans un monde où il est important pour un homme de se montrer fort, puissant, et sans attaches, notamment dans une relation amoureuse. Je trouve cela un peu machiste...
La société n'attend pas d'un homme et d'une femme qu'ils aient le même comportement en amour. Le romantisme et les sentiments ont toujours été considérés comme « féminins » alors nous nous taisons, et nous essayons de paraître durs et détachés.
C'est ce qu'on appelle la pression sociale. Je fais, moi-même, partie de ces gars qui ne révèlent pas ce qu'ils ressentent par peur d'être faible. Et même si parfois je trouve ce rôle difficile à porter, je n'ai pas encore eu le courage d'aller contre, alors je ne suis pas en mesure de demander à mon frère d'en faire autant.
Pourtant nous serions tous tellement plus libres si nous acceptions d'être amoureux, doux, sensibles...
~ ~ ~
Ce verre était plutôt une bonne idée, j'ai pu rigoler un petit peu et me sentir un peu moins mal, mais maintenant, il est dix-huit heures et je suis attendu chez les Gomel pour fêter notre contrat avec Eco Sunset. Léo et moi sommes déjà en retard, pourtant, mon frère a décidé de se faire "désirer" et de flâner un peu plus ici.
Heureusement, Mia ne sera pas là. C'est le jour de son rendez-vous avec John - non, je n'ai pas oublié -. Je vais faire en sorte de ne pas la croiser pour éviter de me comporter à nouveau comme un parfait imbécile.
Je pénètre dans le bar étonnement vide pour régler nos boissons à Camille, qui est dos à moi.
— Je viens payer ma dette. Les deux autres restent un peu, mais je dois rentrer.
Mon amie se tourne vers moi puis me sourit.
— Bien sûr. Je te sors le ticket, dit-elle en s'activant sur la caisse.
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