Si j'avais dû me résumer en une phrase, ça aurait été : "C'est sous les feux des projecteurs que je suis le plus à l'aise." C'est en suivant ce commandement que j'ai accepté de participer à Coup de foudre à Sirima, une émission de télé réalité sur l'amour, dont le but est de former des couples.

Je m'appelle Lucie, j'ai seize ans et je participe à cette émission de télé réalité. Je suis petite, brune avec des yeux marrons. Autrement dit, banale. Mais je suis vive d'esprit et assez mignonne, à en croire mes parents, c'est ce qui a tapé dans l'œil des recruteurs. Ils cherchent des personnalités très différentes et qui possèdent des talents hors-norme.

Je suis une championne pour tous les jeux de réflexion, les casse-têtes, les énigmes... Et pour analyser les gens. Le plus dur sera de me faire une place parmi les autres et d'attirer l'attention d'un garçon, mais je ne me fais pas trop de souci, je trouverai bien !

C'est aujourd'hui que l'émission commence. Coup de foudre à Sirima... Sirima, c'est le nom de la ville dans laquelle je vis et où se passe l'émission. Le premier épisode sera tourné au parc des Libellules, c'est là que se déroulera la rencontre entre tous les participants.

On a rendez vous à quinze heures près du grand bassin. Il est quatorze heures trente, je ferai mieux de me dépêcher ! Je refais nerveusement mes couettes devant le miroir, m'applique un peu de gloss sur les lèvres, réajuste le col de ma chemise blanche et me regarde une dernière fois dans le grand miroir de ma chambre.

Je ne suis pas narcissique, mais je ne peux pas m'empêcher de me trouver magnifique. Depuis mes couettes hautes attachées avec des chouchous violets à mes sandales assorties ornées de fausses fleurs violettes, je suis vraiment canon. Un léger maquillage renforce mon regard et me fait les lèvres roses et mon collier à fleurs violettes également ressort sur ma chemise blanche. Mon jean bleu foncé vient rajouter une touche de sérieux. Si avec ça je ne fais craquer personne !

Je suis contente, ma tenue reflète exactement comment je me sens ! Sérieuse, élégante, qui sait assortir les formes et les couleurs. J'espère que les autres seront beaux ! Après, c'est une émission de télé réalité portée sur l'amour, évidemment que les recruteurs auront choisi des canons !

Je me fais un clin d'œil, attrape mon sac, et sors de chez moi. Je prends le bus jusqu'à la Sirime, la rivière qui traverse la ville. Le jardin n'est pas loin, j'en ai pour cinq minutes, je serai à l'heure.

Je marche d'un pas rapide sur les quais pavés. À quelques mètres de moi, l'eau scintille de bleu et de vert sous le soleil. J'y aperçoit des poissons, sûrement des carpes koï. Le jardin n'est plus qu'à une dizaine de mètres. Entouré d'une haute haie percée uniquement de deux grilles pour entrer et sortir, il est parfait pour y tourner discrètement.

Tout le monde attend avec impatience cette émission, alors il faut être très prudents. Personne ne doit assister au tournage, à part les acteurs, l'équipe technique et le réalisateur. Pour l'instant, personne ne sait qui participe à l'émission ni où ont lieu les tournages. Les lieux sont privatisés pour le tournage et les participants n'ont eu le droit de révéler leur identité à personne, à part leurs parents.

Mes parents ont été très heureux pour moi, ils savent que j'aime bien les télé réalités et que j'avais toujours voulu y participer. On regardera chaque épisode ensemble à sa sortie. J'espère que je vais assurer...

Je pénètre dans le parc et me rends au grand bassin comme convenu. Je suis la première arrivée, mais l'équipe de tournage est déjà là. Je vais saluer le réalisateur, Christophe.

- Bonjour, Christophe ! Vous allez bien ?

- Bonjour, Lucie. Oui, très bien et toi ? Pas trop nerveuse ?

Je ris.

- Ça va... Ça ne me dérange pas de parler devant une caméra !

- Parfait, alors.

Christophe est un homme qui doit avoir la quarantaine. Il est brun, barbu, avec des yeux marrons pétillants de malice derrière ses lunettes. Il est super sympa et attentif. La sélection des participants se déroule en trois étapes : premièrement, les recruteurs cherchent des personnes qui conviennent aux critères édictés par le réalisateur. Ensuite, les recruteurs examinent les dossiers des personnes choisies, et enfin, les personnes restantes passent un entretien avec le réalisateur.

Au début, une cinquantaine de personnes ont été repérées. Après la sélection des dossiers, il en restait vingt. Et passé l'entretien, huit personnes ont été choisies, quatre filles et quatre garçons qui ont entre quinze et dix-huit ans, c'est à dire des lycéens. Apparemment, personne n'aura dix-huit ans, mais il y aura au moins une personne de quinze ans.

Je regarde ma montre. Quatorze heures cinquante-six ! Les autres ne devraient pas tarder...

Juste quand je me fais cette réflexion, un jeune homme qui doit avoir un an de plus que moi arrive et vient saluer Christophe. Il se tourne ensuite vers moi et me lance avec un sourire ravageur :

- Salut !

Sans vraiment savoir pourquoi, je rougis légèrement.

- Salut !

- Hé, vous n'êtes pas censés communiquer avant le début du tournage ! nous lance Christophe. Toi, dit-il en me pointant du doigt, va là-bas !

Il désigne un endroit derrière les caméras que l'équipe technique est en train d'installer.

- Et toi, il désigne le garçon, va par là !

Il montre un endroit assez éloigné du mien. En me rendant au point indiqué, j'observe le garçon plus attentivement. Il est grand et brun. Ses longs cheveux sont attachés en queue de cheval et il a un anneau d'argent à l'oreille droite. Vu sa démarche, j'en déduis qu'il a l'habitude qu'on le remarque et qu'il va chercher à se mettre en avant.

Le premier épisode s'intitulera Rencontre. Je trouve que ça manque un peu d'originalité, mais ça a au moins le mérite d'être direct. Une nappe à carreaux rouges et blancs est disposée dans l'herbe, à côté du chemin. Derrière, il y a des massifs de fleurs roses et des arbres. Devant, il y a un bassin avec des nénuphars, des carpes koï et des libellules. Des caméras sont installées un peu partout dans ce coin, mais on a le droit de se déplacer dans le parc, des cameramans sont prêts à nous suivre.

Au cours des minutes suivantes, les autres participants arrivent. Christophe nous demande de nous retourner car on ne doit se découvrir que quand la caméra commencera à filmer.

Enfin, au bout de ce qui semble être une éternité, il nous crie :

- Retournez-vous, un, deux, trois, action !

Je me retourne et m'avance comme un robot vers la nappe à carreaux. Avant de pénétrer dans le champ des caméras, je prends une profonde inspiration pour me calmer, affiche mon plus beau sourire et m'avance vers les autres participants.

- Salut tout le monde !

- Bonjour.

- Salut !

On s'installe en cercle sur la nappe et je remarque que je ne suis pas la seule à avoir du mal à ne pas regarder les caméras. Un silence commence à s'installer, alors je commence à parler :

- Comme on se rencontre pour la première fois, je vous propose de faire un tour de table, enfin, de nappe, pour chacun puisse se présenter. Qu'est-ce que vous en dites ?

- Bonne idée !

- Ouais.

- Je suis d'accord.

Ils approuvent tous et je me sens très fière. C'est moi qui ait proposé cette idée.

- Je commence. Je m'appelle Lucie, j'ai seize ans, heu... Ma couleur préférée, c'est le violet, c'est pour ça que mes accessoires complémentaires aujourd'hui sont violets...

- Tes quoi ?!

C'est un garçon brun aux cheveux bouclés qui vient de parler. Il a des traits de lutin et un sourire espiègle sur le visage.

- Ses accessoires complémentaires, c'est un terme de mode qui désigne par exemple les bijoux, les foulards, ou d'autres choses dans ce genre-là. Généralement, on les assortie, comme ils sont petits et dispersés, ils permettent d'ajouter une touche de couleur à la tenue, par contre, il faut savoir les doser et les placer.

J'observe la fille qui vient de parler. De taille moyenne, elle est vraiment jolie avec ses yeux bleus et ses cheveux bruns coupés au carré. Elle a une frange rose qui lui tombe sur le front et elle mâche nonchalamment un chewing-gum. Il me suffit d'un coup d'œil pour deviner que c'est une fan de mode comme moi : maquillage impeccable, débardeur rose à volants, short en jean, bottines en cuir et chapeau de paille orné d'un ruban du même rose que sa frange.

- Je m'appelle Rosalie. ajoute t-elle. J'ai quinze ans, j'aime la mode, faire du parachutisme, et les films d'horreur. J'ai un boa constrictor comme animal de compagnie, il s'appelle Écaille.

Et elle entreprend de faire une bulle avec son chewing-gum rose. Là je dois bien avouer qu'elle nous a pris au dépourvu.

- Waouh, tu rigoles pas toi ! S'exclame le garçon aux cheveux bouclés. Je m'appelle Hélios, j'ai seize ans, et je n'ai pas grand-chose à dire sur moi...

Il marque une petite pause pour réfléchir et je compatis : c'est dur de parler après quelqu'un comme Rosalie, qui vient de capter toute l'attention.

- Ah, si ! Déjà, lui et moi on est jumeaux !

Il désigne le garçon assis à côté de lui. Hormis une légère ressemblance dans les traits du visage, il n'ont rien en commun. Hélios a des cheveux châtains et bouclés, un sourire malicieux et des yeux bruns. Le garçon qu'il dit être son jumeau a des cheveux noirs soigneusement coiffés, des yeux qu'il cache derrière ses lunettes et un air impassible, voir triste. C'est le jour et la nuit !

- Ensuite, poursuit Hélios, je fais de l'équitation, ma couleur préférée c'est le doré ! À toi, Hec' !

Son jumeau redresse ses lunettes à l'épaisse monture noire et dit :

- Primo, je m'appelle Hector. Secundo, Hélios, le doré n'est pas une couleur. Tu peux parler de jaune, voir d'orange, mais pas de doré. (Le principal intéressé lui tire la langue.) Tertio, je joue du violon.

Suite à cela, un silence un peu gêné s'installe, personne n'osant poser la question qui nous brûle les lèvres à tous. C'est finalement Rosalie qui s'y colle :

- Dites, vous êtes sûrs que vous êtes jumeaux ? Parce que vous avez à peu près autant de points en communs qu'un lion et un lézard !

Je ne l'aurai pas formulé comme ça, mais les deux concernés ne semblent pas vexés.

- En fait, on est des faux jumeaux, explique Hélios, et j'aimerai bien savoir qui est le lion et qui est le lézard !

Rosalie le toise, tout en continuant de mastiquer son chewing-gum. Elle plante son regard dans le sien et demande :

- Tu sais vraiment pas ?

En vrai, c'est un peu évident. Hélios déborde d'énergie, ça lui fait presque comme un halo autour de lui. Je comprends pourquoi il s'appelle comme ça. Hector, en revanche... Disons que c'est un autre style !

- Si on reprenait les présentations ? Intervient le garçon que j'ai rencontré tout à l'heure. Je m'appelle Logan, je suis acteur depuis longtemps, c'est d'ailleurs pour ça que je suis ici, je joue de la guitare, mon kiffe, c'est les balades en forêts. Je sais que je suis un peu cliché, un ado avec sa guitare en forêt, c'est déjà vu et revu plein de fois, mais je vous garantis que vous ne serez pas déçus ! Sinon, Rosalie, j'approuve ton amour pour les serpents, et j'adorerais rencontrer ton Écaille.

Elle lève la tête vers lui, amusée.

- J'ai jamais dit que j'aimais les serpents, mais ouais, ok. Si le metteur en scène veut bien.

Rosalie darde alors son regard droit sur une caméra. À voir sa facilité à se mettre en avant et à se comporter en tournage, je devine qu'elle a déjà une certaine expérience à son actif.

- Heu... Salut !

On se tourne tous vers la jeune fille blonde qui vient de parler.

- Je... je m'appelle Ambre, j'ai dix-sept ans...

Elle relève la tête vers nous et je remarque qu'elle possède deux yeux gris cachés derrière des lunettes à la fine monture dorée. Encouragée par notre attention, elle poursuit :

- Je fais de la natation, j'aime le blanc... et le mauve. J'ai deux chats chez moi, Perle et Luna. Je débute dans la télé-réalité, je ne sais pas trop comment m'y prendre...

Je la détaille rapidement. Ses mains crispées sur sa robe blanche témoignent de son stress. Elle n'ose pas nous regarder en face. Elle n'est pas du tout à l'aise dans ce genre de situation, ça se voit. Il faudrait que quelqu'un l'aide à se détendre.

Mais avant que je ne puisse dire quoique ce soit, le dernier garçon commence à parler :

- Moi aussi, j'ai deux chats, Castor et Pollux. Tu penses qu'ils pourraient bien s'entendre avec Perle et Luna ? Au fait, je m'appelle Zéphyr, comme le vent, et j'ai seize ans. J'aime la poésie et écouter les sons de la nature. Je suis plutôt solitaire, et je m'étonne encore de me retrouver ici.

Blond, yeux bleus, cheveux un peu ébouriffés, air à la fois perdu, maussade et ennuyé, il est d'une beauté redoutable, surtout lorsqu'il lève les yeux vers les nuages et murmure à demi-voix, comme pour lui-même :

- Nul ne peux prétendre savoir ce qu'il se cache dans ces nimbes cotonneuses. On ne peux que rêver des mille merveilles qui s'y trouvent...

Ok, c'est officiel, c'est lui que tout le monde va s'arracher, à commencer par moi, même si je compte faire preuve de retenue et d'habileté dans mes manœuvres séductrices.

- Je crois que c'est à moi !

Je sursaute. Perdue dans mes pensées sur Zéphyr, je n'avais pas remarqué cette quatrième fille. Pourtant, maintenant que je la remarque, il m'est impossible de la louper. Elle est belle. Pas mignonne, magnifique ou quoique ce soit d'autre, non. Elle est juste belle, comme si le mot avait été créé pour elle. Sa peau est d'ébène et ses cheveux sont coiffés en une multitude de petites tresses qui retombent dans son dos gracieusement. Ses yeux sombres me font penser à la nuit. Quand elle bouge, on dirait une panthère, oui, c'est ça, une panthère noire qui se fond dans la nuit.

- Je m'appelle Océane, j'ai dix-sept ans. Je fais de la danse et du chant, mais ce que je préfère, c'est observer les étoiles la nuit.

En quelques mots, elle nous a captivés. Sa voix chaude et profonde me donne envie de l'écouter pendant des heures. Avec Zéphyr, ils vont devenir très vite populaires, je le sens.

- Coupé ! Rugit Christophe.

Il arrive vers nous, l'air très content.

- La séquence n'est pas très longue, mais c'est normal, c'est le premier épisode. Félicitations à tous, vous avez assuré !

- C'est vrai ? Demande Ambre d'une petite voix.

- Bien sûr ! On se retrouve lundi au zoo à quatorze heures, commencez déjà à préparer des répliques, comme ça vous ne serez pas pris au dépourvu ! Je vous rappelle qu'il est strictement interdit de vous voir en dehors des tournages et de divulguer la moindre information. Sur ce, à lundi, tachez d'être en forme !