CHAPITRE 7, Barcelone

(⋆ en début de paroles = en espagnol dans les discussions de la partie de leno)


quatre mois plus tôt

gavi


Famille retrouvée le temps d'un week-end. Sœur qu'il a longuement serré contre son cœur. Plat posé au milieu de la grande tablée.

Je comprends toujours pas comment ils ont pu choisir ce pays-là.

L'argent Lucia. L'argent.

Tête relevée alors que la voix de leur père résonne. Conversation à laquelle il ne s'intéresse que peu. Trop de politique. Trop de sérieux. Regard foncé posé sur le visage énervé. Ouragan en train de danser dans le regard de son double. Cheveux avec lesquels elle joue. Mèches remises derrière ses oreilles trop vivement.

Ils commencent à nous gonfler eux avec leur argent. Ils peuvent en dépenser autant qu'ils veulent, on s'achète pas une conscience.

Rire du papa. Elle avait toujours été comme ça. La militante de la famille, celle qui n'avait jamais été docile.

Me demande même pas de venir te voir là-bas si t'es sélectionné, tu connais déjà ma réponse.

Cœur qui s'arrête de battre.

Mais Lucia. C'est le rêve de ma vie.

Tête décidée qui lui fait face. Il sait. Il sait qu'il ne parviendra pas à la convaincre. Pas de ça.

Et mon rêve à moi, c'est d'avoir des enfants qui peuvent vivre parce qu'ils ont encore une planète à peu près en état et de rester en vie.

Yeux levés au ciel. Il fallait toujours qu'elle en fasse des tonnes. Petit rire qui lui échappe.

Calme toi drama queen, faut toujours que t'en rajoute.

Regard tempétueux qui pourrait le fusiller s'il avait pu tirer. Chaise violemment reculée. Jumelle qui bondit sur ses pieds.

T'es tellement idiot quand tu t'y mets. T'en as pas marre d'être toujours autocentré ? Tu t'entends sérieux ? Ecoute moi bien Pablo, parce que je vais le dire qu'une seule fois, ton rêve ou pas ton rêve, j'mettrai pas les pieds là-bas et crois pas que tu me convaincras du contraire. Jamais j'irai dans un pays qui tue les gens comme moi.

Table quittée juste après que les couverts n'aient été lancés. Fracas sur la table. Fracas dans son cœur. Il avait blessé sa sœur.

Pièce dont il disparait à son tour. Poursuite de la jumelle dans les étages sous les regards horrifiés des parents qui craignaient toujours de les voir s'éloigner.

Lucia. Lucia ouvre-moi. Hermanita s'il te plait.

Dégage Pablo. Tu reviendras quand t'auras réfléchi à ce que tu dis.

Soupir. Bois qui craque sous son poids. Corps qui finit par s'échouer sur ses draps. Léger sourire quand il redécouvre les symboles qui s'y tracent. Pourtant en lui, son cœur se fracasse. Ils s'étaient souvent disputés, mais jamais elle n'avait paru aussi touchée.

Attente interminable alors qu'il semble suspendu à sa décision. Celle d'accepter de lui reparler malgré sa réaction.

Escaliers qu'il descend tel un pénitent. Parents qui l'attendent avec une légère appréhension. D'un geste de la tête il leur signifie qu'il n'a pas arrangé la situation. Immédiatement, il sait au regard que lui fait sa mère qu'il va avoir droit à une leçon

Tu sais Pablo, t'as le droit de penser par toi-même. C'est pas parce que tes coéquipiers s'en moquent d'où et par quel moyen de locomotion ils vont jouer que tu dois être pareil et te taire. Ta sœur n'a rien d'une drama queen quand elle fait ses critiques. Elles sont fondées et tu le sais très bien. En tant que femme, elle a déjà de nombreuses raisons de ne pas vouloir aller là-bas. Et elle fait partie des minorités qui n'y sont pas acceptées.

Mais je joue au foot, je suis pas un politicien.

Soupir.

Quoi qu'il se passe, en te rendant là-bas tu le deviendras même si tu ne le veux pas. Soit en te taisant et approuvant, soit en critiquant et en te positionnant pour ce que tu crois être bien. C'est comme ça. Ça fait des décennies que le sport est politique, il n'y a que ceux qui veulent faire taire les gens et avoir des sportifs silencieux qui prétendent le contraire.

Plomb qui semble tomber au fond de son estomac. C'était injuste. Ce n'était pas à lui de parler. Il aurait préféré jouer ailleurs, en été. Pas devoir enchainer les matchs tous les trois jours pour que ça puisse rentrer dans le calendrier. Ils savaient tous à quel point ils risquaient tous de terminer lessivés et blessés. L'enchainement des matchs pour tenir la cadence allait les essorer.

Mais c'était pas son choix. Il aurait certainement choisi n'importe quel autre endroit. Il avait six ans quand le Qatar avait obtenu l'organisation de ce mondial-là. C'était pas à lui de se battre pour des erreurs faites quand il n'était qu'un gamin. L'idée de boycotter cette compétition, c'était bon pour ceux qui n'en rêvaient pas depuis qu'ils étaient bambins.

bernd leno


Joyeux anniversaire chéri.

Coupes qui rentrent en contact. Sourires qui s'étalent.

À nos deux ans.

Lèvres scellées et cela semble presque durer une éternité. Bernd sent ses yeux qui plongent dans ceux si bleus de son amoureux.

J'ai une surprise pour toi ce soir.

Curiosité piquée. Pourtant il ne l'interroge pas. Il adorait les surprises autant que Marc détestait ça.

Repas terminé depuis plusieurs minutes et c'est désormais sur ses cuisses qu'il est installé. Vin sucré siroté entre des baisers partagés.

Lève-toi et suis-moi.

Mari suivi à travers la maison. Doigts entrelacés alors qu'ils montent les escaliers. Lèvres de nouveau capturées alors que son mari vient de lui lancer un nœud papillon bleu foncé.

Enfile ça.

Étonnement.

J'aurais pas dû plutôt le porter pendant le repas ?

Malice qui luit dans les prunelles qui lui font face. Objet qu'il tend, attendant une aide de l'homme aux doigts efficaces. Il comprend que celui-ci est fixé quand son air concentré disparait et qu'il l'embrasse.

Non. On sort ce soir.

Corps qui se fige. Espoir qui s'installe. Il ne pouvait pas avoir bien entendu. Il allait nécessairement être déçu.

Choisis.

Masques colorés et pailletés délicatement sortis de leurs étuis. Doigts qui l'effleurent doucement. Contours délicatement tracés. Objet placé sur le visage orné d'un sourire ahuri. Il n'en revient pas qu'après toutes ces années Marc ait fini par capituler.

Bras glissés autour du torse. Tête enfouie dans le creux du cou.

Merci. Merci.

Moment calme qui s'étire. Il pourrait rester dans ses bras pour une durée indéterminée. Mais rien n'était plus beau que la soirée qui les attendait.

Tu me le fixes ?

Doigts qui trainent sur la joue. Index qui effleure les lèvres. Iris bleutés dont il ne parvient pas à se détacher.

Je sais que tu veux plus. Mais...

Marc Andre est empêché de continuer de parler. Bouche rougie quand il a fini de l'embrasser.

Mais c'est très bien pour l'instant.

Cœur qui bat à tout rompre. Aujourd'hui, pour la première fois, Bernd sortait avec Marc Andre.

Sourire qui ne s'efface pas alors qu'ils pénètrent dans les lieux. Ensemble de personnes aux visages masqués. Spectacle coloré auquel ils se mêlent.

Veste tombée depuis longtemps. Lumières dansantes. Chemises légèrement collantes. Prunelles scintillantes. Sous ses doigts, la peau paraissait brulante.

Verres enchainés. Cheveux légèrement agrippés. Tête penchée en arrière. Liquide versé entre les lèvres. Langue récupérant les dernières gouttelettes avant qu'elles ne s'échappent. Baisers au goût alcoolisé. Boisson habillement répandue. Trainée sucrée qu'il empêche de ruisseler. Champagne récupéré depuis la bouche de son bien-aimé. Pupilles légèrement éclatées par l'alcool ingurgité.

Viens.

Main qui se glisse dans l'autre. Mari entrainé sur la piste de danse. Bernd se savait mauvais danseur mais il se laissait guider par son mouvement de hanches. Corps qu'il sent être manœuvré. Sens entièrement focalisés sur la bouche dans son cou et la main posée sur son abdomen. Celle qui l'empêche de s'échapper si seulement il en avait envie. Doigts qui se déposent par-dessus et qui s'insèrent entre eux. Marques qui s'étendront bien vite sur ses flancs tant la poigne s'y resserre fort. Regards qui se croisent, celui qui lui dit de continuer sans l'épeler.

Torse contre son dos, lèvres contre son cou, doigts entremêlés, rien ne pouvait les déranger. Au milieu de la foule, ils se laissent aller à la houle. Vagues de bonheur qui s'échouent minute après minute sur son cœur. Malgré le monde autour d'eux, ils ont l'impression de n'être qu'eux deux. Mouvements gracieux où percent le désir. Mais Bernd sait que c'est l'idée d'être comme tous les autres qui lui fait tant plaisir.

Carcasse essoufflée qui s'effondre sur la seconde. Air qu'ils tentent de récupérer après leur dernière danse endiablée. Torse musclé sur lequel il est à moitié affalé. Lèvres rosées desquelles il ne peut plus se passer.

Pupilles dilatées, souffles saccadés, délicieuse chaleur en train de se propager. Mains trainantes qui le faisaient perdre pied. Et désormais, il planait. Il voulait bien plus que ce que Marc Andre pouvait lui donner.

Marc. Ramène-moi à la maison.

D'accord chéri.

Lèvres déposées sur le bout du nez, au bout de ce masque bleu nuit et immédiatement un léger rire suit.

Marc Andre ?!

Voix qui le fait sursauter et s'arrêter. Bernd croise le regard paniqué de celui sur lequel il était installé.

— ⋆ Marc qu'est-ce que tu fais là ?

Prunelles atterrées. Pupilles dilatées effrayées. Main qu'il cherche à éloigner, Marc voudrait certainement le voir reculer. Doigts qui se referment sur les siens. Doigts qui se referment sur sa hanche stoppant tout mouvement. Contact qu'il empêche de rompre.

Visages tournés vers le brun qui les a interpelés. Espagnol parlé qui le laisse de côté.

— ⋆ Salut Gavi. J'imagine qu'on est ici pour la même raison, faire la fête non ?

Pupilles sombres qui n'en reviennent pas de ce qu'elles voient. Visage légèrement baissé comme s'il n'avait pas envie de dévisager. Comme s'il s'était précipité et comprenait désormais qu'il était en train de déranger. Comme s'il était témoin de quelque chose qui était censé rester secret.

— ⋆ Comment tu m'as reconnu ?

Silence qui se fait. Jeune coéquipier qui ne sait plus comment continuer.

— ⋆ Ton tatouage.

Yeux qui se posent sur le B désormais gravé que le doigt pointé. Sourire léger qui vient s'étirer à cette pensée. Bernd se souvenait encore de ce qu'il avait ressenti la première fois qu'il lui avait montré. Parce qu'à travers lui, quelque part Marc Andre assumait.

— ⋆ Je pensais pas que... Tu passes une bonne soirée ?

Malice qui s'installe sur le visage. Tête tournée. Prunelles où les lumières se reflétaient qui plongent dans les siennes tandis qu'il oublie la personne qui le questionne.

— ⋆ Je sais pas, à ton avis ?

Sourire malicieux. Regard qui s'écarquille alors que sa bouche se retrouve sur l'autre. Surprise totale. Bernd en oublie de rendre le baiser. Une seconde, deux secondes, trois secondes. Lèvres qui bougent enfin. Automatismes retrouvés.

— ⋆ Pablo ! Qu'est-ce que tu fous ? Ça fait dix minutes que je te cherche !

Seconde voix qui résonne à côté d'eux. Bouches qui se détachent à regret. Mais au milieu de musique, des cris, des lumières éblouissantes, Bernd ne voit que les yeux bleus. Ces prunelles bleutées auxquelles il reste ancré.

Lucia.

— ⋆ Pablo, ça va, t'as vu un fantôme ou quoi ?

Doigts qui se portent à la joue. Visage de nouveau rapproché. Monde qui pouvait bien s'arrêter de tourner, ce soir Marc Andre avait décidé qu'il s'en fichait. Doigts qui jouent naturellement avec l'alliance en même temps qu'il se laisse embrasser. Parce qu'il était si heureux que ce soir pour une fois Marc montre au monde entier à quel point il l'aimait.

— ⋆ Mais t'as pas bientôt fini de les fixer. T'es bizarre parfois quand tu t'y mets.

Visages écartés à temps pour voir le coup porté au petit brun.

— ⋆ Je... C'est un coéquipier.

Conversation impossible à saisir. Espagnol trop rapide pour son niveau débutant. Il avait pourtant essayé de s'y mettre pour faire plaisir à son bel allemand. Et alors qu'il l'observe de nouveau, il le trouve si séduisant.

— ⋆ Marc Andre, enchanté. Tu es ?

— ⋆ Ma jumelle. Lucia.

Moue qui s'installe alors qu'il est comme un étranger. Prunelles qui glissent sur les différents protagonistes qui ne semblaient pas comprendre qu'ils dérangeaient.

Mains délacées pour venir se poser sur sa hanche. Doigts agrippant la chemise. Lueur nette distinguée dans les prunelles. Bouche portée à son oreille.

On rentre ?

Tête hochée. C'était maintenant rien qu'à deux qu'il avait envie de profiter. Corps qui se lèvent à l'unisson tels deux musiciens connaissant à la perfection leur partition.

— ⋆ Gavi, c'était un plaisir de te croiser ici, mais on allait rentrer. On se voit lundi. J'espère que tu sauras être discret.

Tête hochée vigoureusement en réponse. Léger rire qui leur échappe.

Eh ben, t'es impressionnant quand tu veux.

Murmure alors qu'ils quittent la salle.

Ah ouais, je t'ai impressionné ?

— Peut-être. Et quand tu parles espagnol  tu es particulièrement charmant.

Regard malicieux. Sourires plus qu'heureux. Mains enlacées alors qu'ils longent diverses allées.

Porte qui se referme sur leur secret. Corps contre lequel il vient immédiatement se glisser.

Je t'aime Marc. C'était si parfait.

— Et la soirée est loin d'être terminée.

Organismes qui se laissent tomber l'un sur l'autre dans la couette jaune. Visage éloigné pendant quelques secondes.

Est-ce que tu m'en veux ? Qu'à cause de mes envies ton coéquipier sache.

Doigts qui jouent avec l'arrière des masques, qui les retirent lentement.

Quoi... ? Non, mais non, jamais.

Intégralité du visage libéré. Mains qui viennent doucement l'encadrer.

Tu sais Bernd, c'est pas parce que je suis terrifié à cette idée que je veux pas les mêmes choses que toi. Moi aussi j'en avais envie.

Pupilles sérieuses et amoureuses.

Je t'ai demandé du temps, pas des années. Est-ce que tu peux attendre encore quatre mois ? Quatre mois. On laisse passer le mondial et ensuite on part en vacances juste toi et moi. Et si c'est toujours ce que tu veux, en deux-mille vingt-trois tout le monde saura. Tout le monde saura qu'il y a deux ans, quand tu m'as dit oui ça a été le plus beau jour de ma vie.

Larmes qui piquent les yeux. Hochements de tête si vifs qu'ils viennent claquer contre la mâchoire de l'autre.

Désolé.

Rires qui se mêlent alors que les bras l'entourent si fort qu'ils pourraient lui briser les côtes. Mais dans l'étreinte puissante à lui broyer les os, Bernd se dit que ça fait des mois qu'il n'a pas été aussi heureux.

gavi


Tu vois Hermanito, y a pas que moi qui risque ma vie là-bas ! C'est aussi pour des gens comme ton coéquipier que tu dois te positionner. Ça donne quoi comme image sinon ? Que tout le monde s'en fout, et qu'il peut bien être tué à l'autre bout du monde ?

Lucia, tu vas pas remettre ça ?

Soupir exaspéré. Mots qui dénoncent. Mots qui s'enfoncent. Pensées bouleversées. Est-ce que Marc Andre en souffrait ?

Tu crois qu'il se teste ?

Rire éclatant à côté de lui. Yeux qui roulent sur le visage de sa sœur tant chérie.

Je pense que tu te tatoues pas l'initiale de quelqu'un quand tu te cherches.

Regard levé au ciel.

Le B ? Ça peut être pour plein d'autres trucs.

— Certainement pour ça que son compagnon du soir avait un M au même endroit de son côté, qu'ils avaient des masques et des nœuds papillons assortis et qu'ils portaient tous les deux une bague à l'annulaire. Ce gars avec qui il était, c'était pas un coup d'un soir.

— Tu me fais marcher. On le saurait.

— Si tu le dis. Moi je te dis qu'il est grave casé.

Oreilles qui se mettent à bourdonner. C'était impossible. Marc Andre n'aurait jamais pu le leur cacher. Culpabilité qui le prend au cœur. Est-ce qu'il leur cachait parce qu'il avait peur ? 

hihi, suite tout bientôt (avec saka of course). à partir de maintenant, les posts vont être plus irréguliers puisqu'on arrive sur des chapitres pas encore écrits !


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