Jour 39


La clarté du soleil matinalenivrait le salon de teintes claires tandis que mes sourcils sefronçaient avec l'intensité de la lumière sur mes paupières. Uneodeur de porridge et de pain grillé planait dans l'atmosphère.Lorsque j'ai ouvert les yeux, le temps au dehors était comme figé.Il était gris et nuageux, comme lors d'un jour de deuil. Il nepleuvait pas, mais on pouvait facilement imaginer le ruissellement dela pluie sur les vitres dans un futur proche.


Je me suis relevédoucement. J'avais de courbatures dues à la position peu confortabledans laquelle j'avais passé la nuit. J'avais l'impression qu'unependule se déchaînait dans mon crâne, en frappant les moindresrecoins de mon cerveau avec une puissance surréaliste.


La télévision étaittoujours allumée, et un dessin animé se défilait sur l'écran.J'ai tourné le regard en direction de la cuisine, d'où venait lamerveilleuse odeur qui m'avait réveillée, et j'ai aperçu Nolan,une poêle à la main, en train de faire cuire ce que j'ai devinéêtre des œufs brouillés. Il chantonnait, en bougeant légèrementsa tête.


Je me suis levée avecdifficulté du canapé. Nolan s'est retourné brusquement, toujoursla poêle à la main et a balbutié :


Oh, tu es réveillée. Ca va mieux ? Je t'ai préparé un petit déjeuner, de quoi permettre d'évacuer la cuite gigantesque que tu t'es prise hier.


Il souriait d'un air fier.Nolan était un garçon bienveillant, et bien que je ne le connaisseque depuis deux petites semaines, je voyais déjà en lui une enviede protéger ceux qu'il aimait. Je n'avais absolument aucun souvenird'hier, du moins aucun à partir du moment où j'avais commencé àboire la première bouteille. Et le fait d'y penser ne cessaitd'accentuer mon mal de crâne, comme si mon esprit n'eut pas voulutque je m'en souvienne.


Ma bouche a commencé às'ouvrir, mais une nouvelle pensée m'a traversé l'esprit.


Tu... tu as dormi ici ?

Oui, je voulais rester avec toi au cas où tu sais...

Au cas où je fasse n'importe quoi.

Oui, a t-il dit en soupirant, tandis qu'il éteignait le gaz et se dirigeait vers la table avec la poêle remplie d'oeufs brouillés.

Mais... et ta sœur ?


Il a froncé les sourcils,en signe d'incompréhension. J'ai continué, d'un air coupable :

Nolan, ne me dis pas que tu as laissé ta sœur seule pour moi ? Elle n'a que dix ans !

Il a continué de meregarder, l'air totalement perdu. Puis, au bout de quelques secondesde réflexion, il a fini par rétorquer :

De quelle sœur est ce que tu parles ?

J'ai écarquillé les yeux.Il me regardait d'un air grave et déconcertant. J'ai fini parrépondre, en levant les yeux au ciel :

Nolan, si tu me fais une blague, sache que ce n'est pas drôle.

Il a continué de froncerles sourcils, puis a fini par dire, avec un soupçon d'impatiencedans la voix :

Mais de quoi tu parles enfin ?

De ta sœur, Léa !

Je n'ai pas de sœur !


Un silence s'est installédans la pièce, mêlant incompréhension et étonnement. Je necomprenais pas. C'était comme si il avait oublié l'existence de sasœur.


Nolan... retournes chez toi. Ta sœur a besoin de toi.

Je n'ai jamais eu de sœur !

Il s'est mis en colère. Ila continué :

Eli, tu dois faire erreur. L'alcool ne s'est peut-être pas encore dissipé.

Je ne comprenais plus rien.Il me regardait comme une folle tout droit sortie d'un hôpitalpsychiatrique. Mon cerveau fonctionnait au ralenti. Une partie de monesprit pensait qu'il me faisait simplement une blague, mais l'autrepensait que Nolan était totalement sérieux. Je ne savais plus quoipenser. J'ai finalement répondu, d'une voix douce :


Tu veux dire que tu n'as jamais eu de sœur ?

Oui ! C'est exactement ce que j'essaie de te faire entendre depuis tout à l'heure !

Je l'ai regardé dans lesyeux :

Nolan, promets moi que tu ne me mens pas.

Il s'est avancé vers moi,le visage neutre, en me fixant :

Je te le promets.

J'ai ouvert la bouche, sousle choc. Il était honnête.


Des milliers de questionstournaient en rond dans ma tête. Il avait une sœur, j'en étaiscertaine. La petite fille que j'avais rencontré quelques joursauparavant n'était pas le fruit de mon imagination.

C'était comme si il l'avaittotalement oublié, comme si il ne l'avais jamais connu.


Et c'est à ce moment quej'ai compris. J'ai attrapé son poignet rapidement, et je l'airetourné. Tous mes soupçons s'avéraient réels. Il avait le signe.Le logo du Conseil Scientifique de Londres était tracé du mêmeécrit noir fin et précis que sur mon poignet. La même intensité,la même taille, la même couleur. Le même symbole que celui dupoignet de Sara. Les larmes ont commencé à monter au fur et àmesure que je serrais son poignet de plus en plus fort, sans m'enrendre compte.


Hé ! Qu'est ce que tu fais ? a hurlé Nolan en retirant rapidement son bras.

C'était comme si il n'avaitpas réalisé la gravité de ce qu'il se passait. Une peineindescriptible était en train d'envahir mon cœur. J'avais désormaiscompris pourquoi Sara avait ce logo. Et pourquoi je l'avais aussi.


Nolan regarde, ai-je dit, le souffle court.

Il a baissé les yeux versson poignet. Ses yeux se sont écarquillés tandis qu'il ouvrait labouche pour laisser sortir une petite exclamation.


Je... Qu'est ce que c'est ? a t-il balbutié, en fixant son poignet comme si il venait d'être rempli de sang.

Je l'ai regardé aveccompassion, afin d'atténuer l'angoisse qui prenait peu à peupossession de lui. Mais rien n'y faisait, son visage était devenurouge écarlate, tandis qu'il respirait rapidement et fortement.


Nolan, calme toi.

Qu'est ce que c'est ?! a t-il continué en criant.

J'ai enfin compris pourquoi on a ce signe sur la main.


Il tremblait. Je me suisapprochée de lui.


Nolan, il faut que tu m'écoutes. Ce signe est le signe du Conseil Scientifique, mais ça tu le sais déjà (il a hoché la tête). Je... je pense savoir pourquoi j'ai ce signe, ainsi que toi et Sara.

Il m'a fixé en attendantque je continue. J'ai pris une grande inspiration, puis j'ai entamé :

Quel est le point commun entre nous deux actuellement ?

Il m'a regardé sansrépondre.

Je ne sais pas ! a t-il dit impatiemment.

On a tous les deux perdu quelqu'un de notre entourage !

Je, je ne te suis pas bien. Tu veux parler de ma grand mère et de ton père ? Mais alors pourquoi le signe ne serait pas apparu avant ?

Tu ne comprends pas. Lorsque ma mère a disparu, le logo est apparu, comme par magie sur mon poignet. Aujourd'hui, le logo est également apparu sur ton poignet, et tu ne te souviens pas de l'existence de ta sœur ! C'est comme si...

Comme si le logo était en lien avec la disparition de chacun de nos proches , a répondu Nolan d'un air grave. Mais alors, pourquoi tu te souviendrais de ta mère et pas moi de ma sœur ?

Ca, je ne le sais pas, ai-je dis d'un air grave.

Il faut qu'on la retrouve ! Si c'est bien vrai, et que j'ai réellement une sœur, alors il faut que je la retrouve !

Nolan, ce n'est pas si simple.

Des larmes commençaient àremplir ses yeux rougis par la colère et la fatigue, et je sentaisqu'il s'efforçait de les camoufler.

Je... je dois la retrouver, a t-il balbutié.

Si tu as ce logo, et que je l'ai aussi, alors ta sœur et ma mère doivent se trouver au même endroit.

Et qu'est ce qu'on fait maintenant ?

On fait la même chose que pour ma mère, on vérifie d'abord tous les endroits où elle pourrait se trouver. Il faut aussi que tu demandes à tes parents si ils se souviennent d'elle. Si ce n'est pas le cas, alors la disparition de ta sœur aura forcément le même lien que celle de ma mère avec le Conseil Scientifique de Londres, et peut-être même Ted Windelberg.

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Nous avons passé l'aprèsmidi à chercher dans tous les endroits où Léa aurait pu setrouver : son école, chez Nolan, et à son club de natation.Nolan ne se souvenait plus de rien, et je voyais que cela l'affectaitbeaucoup.


Après de longues recherchesintensives et de nombreux appels à l'entourage de Nolan, nous enavons conclu que la disparition de Léa était la même que celle dema mère. Plus aucun souvenir d'elle, tout semblait avoir totalementdisparu, même sa chambre...


Et une fois de plus, j'étaisla seule à m'en souvenir.


Après nous être arrêté àl'épicerie du coin, nous nous sommes assis sur un petit banc deParis afin de manger. J'ai pris une bouchée dans mon sandwich,tandis que Nolan me fixait, comme perdu dans ses pensées.


Qu'est ce qu'il y a ? ai-je dis en avalant ma bouchée.

Elle était comment ma sœur ?

J'ai réfléchi, puis jel'ai regardé dans les yeux, en souriant légèrement :

Je ne l'ai pas vu beaucoup, mais du peu que j'ai pu voir, c'était une petite fille très gentille. Et bienveillante, un peu comme toi.

Tu... tu lui avais parlé ?

Oui, quelques fois. La première fois que je l'ai rencontré, elle a cru que j'étais ta petite amie.

On s'est mis à rire.

Et, est ce que j'étais un bon grand frère ? a t-il fini par balbutier.

Le meilleur grand frère qu'elle puisse avoir.

Il a souri, laissant voirses petites fossettes. Puis, son visage s'est assombri, comme si ileut appris une horrible nouvelle.

Elle était comment... physiquement ?

Assez petite, blonde aux cheveux longs, yeux verts...

Il a hoché la tête.

Pourquoi je ne suis pas capable de m'en souvenir ? a t-il soupiré.

Je l'ai regardé avec pitié.Il avait l'air réellement embarrassé. Le fait qu'il ne se souviennede rien devait être beaucoup plus compliqué, car il n'avait aucuneaide pour ses recherches. Parce qu'il n'était plus capable de sesouvenir d'une personne importante de sa vie. Et par dessus tout,parce qu'il savait qu'il l'avait aimé, et qu'il l'aimait encore,sans pouvoir avoir un seul souvenir d'elle.


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La journée s'est terminétristement. Le temps était resté endeuillé, assombrissant les ruesde Paris et ternissant les visages des passants.


Nolan avait du mal à sefaire à l'idée qu'il avait une sœur, mais il me croyait.


La nuit est tombérapidement, nous laissant tous deux remplis de questionnements. Maisnous savions désormais que trouver l'adresse de Ted Windelberg étaitune priorité, car si c'était bel et bien lui à l'origine de cesdisparitions, alors il serait l'origine de tout.  

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