Semaine 27
[NDA : Ce chapitre marque la fin du problème de calendrier :D]
2, 3 juillet... C'est du pareil au même.
4 juillet, j'aimerai m'endormir, et ne pas me réveiller.
5 juillet, suuuuuper. Rita m'a envoyé une photo.
Connasse, pense aux gens qui sont chez eux
Rien à battre :D
6 juillet, il pleut. Jeanne soupire très fort, tout en étant passablement irritable.
7 juillet, le jour de la réunion annuelle de la famille Maréchal, la famille de Jeanne. On y voit la tante Marie, l'oncle Stéphane mais jamais la tante Anna. Pourquoi ? Parce que c'est une femme trans, que les parents de Jeanne sont fascistes et probablement nazis, mais ça c'est Aïcha qui le dit. Honnêtement ? Je n'en pense rien.
On se réunit chez Stéphane : il est ingénieur, il a une grande maison. Il adore recevoir sa famille, et lui aussi est en froid avec Anna. Pourtant, il est beaucoup plus modéré que les deux croulants nazillons. J'aime bien la femme de Stéphane : Blandine, mais en mieux. Plus douce, moins chien mouillé, moins chien tout court.
Ils ont deux enfants, Léane et Olivier. Léane a six ans, c'est une petite blonde aux yeux verts et tâches de rousseur. Adorable, naïve. Je lui ai dit que le Père Noël n'existait pas l'année dernière, mais malheureusement Stéphane est venu avant que je ne finisse de la convaincre.
Olivier est le seul cousin de mon âge. Lui aussi a les yeux verts, mais il est châtain clair comme Stéphane. Nous nous entendons bien, en tout cas je sais qu'il m'apprécie. Moi ? Globalement, je me fiche éperdument de son existence, mais bon, il faut bien faire bonne figure.
— Salut cousin, me lance-t-il.
— Bonjour être humanoïde payant pour père le frère de ma mère. Comment vas-tu ?
— Ça va, ça va, et toi ?
Olivier mesure une tête de plus que moi. C'est une grande perche, comme Stéphane. Léane lui court après, et vient me dire bonjour. Elle, par contre, c'est la naine. Elle atteint difficilement la taille d'un mètre quinze... Sur la pointe des pieds.
Léane va dire bonjour à ses autres cousins, les enfants de Marie. Marie ressemble beaucoup à Jeanne, sauf qu'elle a des lunettes, une mâchoire plus fine et des tâches de rousseurs sur le visage. Mais, comme Jeanne, elle est châtain et a les yeux bleus-verts.
Marie a deux fils, et une fille. Lucas, Hector et Ariane. Si Ariane est une copie carbone de Marie, Lucas et Hector, qui sont jumeaux, sont le portrait de leur père, Pierre, qui lui est absent mais ce n'est pas comme si on s'attendait vraiment à sa présence. Les nazis n'aiment pas Pierre parce qu'il est juif, et Pierre n'aime pas les nazis parce qu'ils sont nazis.
Lucas et Hector viennent d'avoir leur brevet, et Ariane a passé le bac. Chacun vient me serrer la main, et idem avec Olivier.
— Toi aussi tu as changé de sexe, Amandine ? me jette avec un relent de mépris le patriarche.
— Non, papi, moi c'est Mathis, répliqué-je. Amandine s'est suicidée il y a trois ans, je suis le fils épileptique adopté.
— Ah. J'avais oublié que Jeanne aimait ramasser des chiens galeux.
Super, merci l'ancêtre. J'adore être assimilé avec un chien galeux. Si je n'avais pas cette puce, je t'aurais fait avaler ta canne, je t'aurais tiré dessus avec la carabine de chasse, je t'aurais empoisonné en glissant de l'arsenic dans ton vin.
L'ancêtre femelle arrive à la rescousse. Maquillée, avec toujours du parfum à en faire mal à la tête.
— Ça fait plaisir de te voir, Mathis ! Je n'ai pas encore vu Jeanne et Arthur... Dis-moi, Célia est avec vous ?
— Non, dis-je en haussant les épaules. Désolé, mamie.
— C'est dommage...
Olivier m'a tiré de ce mauvais pas par le col.
Ce qui est bien avec la maison de Stéphane, c'est qu'elle est proche d'une forêt. Donc, nous pouvons nous enfuir loin des discussions politiques houleuses de cette brave famille. Nous avons une cachette dans le petit bois, entre deux pierres et deux arbres. Je l'avais découverte avec Olivier la première fois que je suis venu ici, soit il y a six ans, plus ou moins.
Tous les cousins, sauf la petite Léane et Célia l'absente (Florian ne pouvant être présent et ce pour des raisons évidentes), sont réunis en cercle, dans une sorte de pow-wow. Ariane fume, Lucas et Hector ont une conversation pleine de trous qu'eux seuls peuvent comprendre, et je prends place à côté de Olivier.
— Alors, les plébéiens, bien ou bien ? lancé-je en m'étirant. Pas trop emmerdés par les nazis ?
— Tu parles, répond Ariane en écrasant sa cigarette. Ils peuvent me chanter la messe que ça me ferait rien.
— Bof...
— On les a pas vu, complète Lucas.
— Léane les a distrait.
— Au fait, Olivier...
— Tu as dit compte leur dire ? finit Hector.
— Qu'est-ce donc, Olive, tu caches quelque chose à ton chien galeux préféré ?
Olivier sort son portable, le déverrouille, et me le tend.
— J'te cache rien, Mat', regarde les SMS.
— T'as pas les couilles de le dire en face, se moque Ariane.
— T'es vraiment une chieuse.
— Je sais, petit cousin, je sais.
— Et ce secret s'appelle Elias, dis-je. Hé bien, hé bien, un deuxième LGBT, les nazis vont décéder. Stéphane le sait ?
— Non.
— Et ta mère ?
— ... Déjà plus. Mathis, garde ta langue.
Je m'allonge, en posant loin de moi mes « médicaments ».
— Je suis une pierre tombale, promis-je. Au fait, Ariane...
— Oui j'ai baisé avec Evan. Oui c'était de la merde. Oui je me suis tapé Michaël, et oui c'était bien mieux. Non, j'ai toujours pas quitté Clément.
Elle sort cinq joints de son sac.
— Ils sont light, on aura l'air clean devant les darons ce soir.
Et ça ne choque personne qu'elle fasse fumer ses petits-frères ? Lucas n'y touche pas, et Olivier non plus. Il en faut bien deux sans rien dans le sang, après tout. Rien que pour Arthur.
J'en prends un, puis l'allume avec le briquet.
Dans l'après-midi est arrivée Célia, qui a pris du retard parce que « son travail lui prenait du temps ». Mais oui, mais oui. Célia ne voulait juste pas voir les nazis, et Jeanne avait dû faire des pieds et des mains pour que sa cousine ne la laisse pas tomber.
Elle nous a grillés dès qu'elle nous a vus.
— Ne dis rien à Arthur.
— Ne t'inquiète pas, Kévin, ne t'inquiète pas.
— Tu m'as collé le prénom Mathis, que je trouve bien plus agréable que celui de Kévin. Alors je te prie de l'utiliser.
— Tu sais que Mathis, c'était à la base le hamster, glisse-t-elle en souriant.
Saloperie.
Son attaché-case sous l'épaule, elle sert des mains telle une politicienne. J'aurais presque envie recompter mes phalanges si elle ne faisait que m'effleurer les doigts. Elle parle dans un jargon scientifique tarabiscoté pour faire comprendre qu'elle avait encore du travail, qu'elle en était bien désolée, et qu'elle risquait d'être occupée. Si Célia devait être un trope, elle serait celui du Mad Scientist, Scientifique fou pour les grenouilles ne bitant rien à la langue de Shakespeare. Avec son blabla et les expériences à l'éthique discutable auxquelles elle collabore, il n'y a qu'un pas entre elle et cet archétype. Elle prend l'état de ma puce avec son smartphone, et même si je tente la négociation, elle me rappelle que je suis condamné à mort et qu'elle n'est pas habilitée à me gracier.
Quand la nuit se met à tomber, je retrouve Olivier tiré à quatre épingles avec une chemisette manches courtes, idem pour la tripoté de cousins sa suite. Même Célia a fait un effort. Pour ne pas avoir de problème avec les nazis, je boutonne vite fait une chemise blanche. Quitte à mourir de chaud, et je sais ô combien les soirs d'été sont chauds ici. Stéphane a allumé le barbecue, et Jeanne fait bonne figure en servant l'apéritif.
Olivier pianote nerveusement sur le bout de la table.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Papi m'a confisqué mon portable, dit-il.
— Et ? Tu as un code, en quoi est-ce dramatique ?
— Il connaît le code. Si El' m'appelle ou m'envoie un SMS j'suis foutu.
— Bon pour Auschwitz, ironisé-je.
— C'est pas drôle, Mathis, rit-il.
— Ouais, mais tu ris.
Je m'enlève de cette table anxiogène, en attrapant Olivier par le col. Je marmonne une excuse à Arthur, qui ne pose pas de question. Lui non plus n'aime pas vraiment sa belle-famille.
Les étoiles sont belles ce soir.
Il y a bien quelque chose que j'aime dans la vie, c'est les étoiles. Elles sont peut-être déjà mortes, et ça nous donne un point commun. On les voit, sans savoir si elles vivent. C'est drôle, quand on y pense. Tout est voué à mourir, même les étoiles.
— Là, c'est la Grande Ours, dis-je.
— Et là, c'est Vénus, répond-t-il.
— Au pire, tu leur dis. Ta mère est au courant, et Stéphane est loin d'être comme eux.
— Euh, permets-moi de douter. J'ai tâté le terrain, il est homophobe mon père.
J'aime bien être couché dans l'herbe, à regarder les étoiles. Tout semble si loin, si simple.
— Donc ne dis rien, et reste invisible.
Je me lève en entendant Marie nous appeler. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le repas se déroule sans accroc.
Nous restons dormir. Marie et ses enfants aussi. Seule Célia s'en va. Les jumeaux viennent dormir avec nous, et Ariane est dans la chambre de Léane. Les adultes se débrouillent entre eux.
Et Olivier récupère son portable, rassuré.
8 juillet, je suis réveillé par Olivier qui crie après son père. Ah, je crois que le pot au rose a été découvert. À mon avis, il ne devait pas être très discret. C'est de sa faute si les choses tournent ainsi.
— Bonjour Olive. Bonjour tonton, lancé-je en sortant dans la pièce à vivre.
Stéphane est rouge de colère. Olivier a les yeux gonflés, mais visiblement n'a pas pleuré. Léane est assise à table, et ne sait visiblement pas quel parti prendre.
— Est-ce que mes parents sont passés par ici ?
— Euh... Je ne crois pas, Mathis, je n'ai pas encore vu Jeanne, ce matin...
Stéphane a bien une qualité : celle de ne jamais hausser le ton face à son fils lorsqu'il y a des invités dans la pièce.
Ariane descend. Les jumeaux doivent être dehors... Il fait beau, le soleil entre par la baie vitrée. Mon verre de jus d'orange est rapidement à moitié vide.
Je remonte dans la chambre, afin de m'habiller. Les cris reprennent ; Ariane et Léane doivent être remontées. Stéphane hurle des choses que même mon père, mon vrai père, n'aurait jamais osé dire.
La porte d'entrée claque.
Je descends.
— Tonton, si tu as fait ce que tu as fait, soupiré-je. Enfin, ce n'est pas mes affaires. Je vais tenter de retrouver mes parents. Au revoir, si je ne te revois pas, tonton.
Je n'ai même pas cherché à retrouver Olivier, car oui il n'est plus derrière la porte. Il doit être dans les bois, ou dans le village. Ou plus loin. Je monte directement à l'arrière de la voiture de Jeanne et Arthur.
Qu'est-ce que tu fiches ? Tu comptes rester dehors combien de temps ?
Le temps qu'il mettra à venir s'excuser
Tu peux attendre longtemps
Je crèche chez mon copain, c'est pas lui qui va me virer de chez lui
Indeed. Qui est au courant ?
À part mes cousins, ma mère... mais c'est Léane qui m'a balancé
Elle était au courant ?
Elle connaît bien Elias, elle est amie avec son petit frère
Pourquoi elle l'a fait ?
Sans doute elle parlait de son amoureux avec papa, et elle a dû dire que j'étais bizarre car j'avais pas une amoureuse mais un amoureux
Ah
Je déteste les enfants pour une très bonne raison : ce sont des délateurs hors pairs. Si l'autre imbécile de Cindy n'en avait pas autant dit, je serais loin, loin, loin d'ici, et surtout sans cette pute.
9 juillet, Jeanne était furieuse contre son frère, contre ses parents, contre Arthur et contre moi. Elle s'énerve pour rien, Jeanne.
J'ai cherché l'asile politique entre Enzo et Gabriel.
— Qu'est-ce que tu as, camarade ? lance le roux.
— C'est sa mère qui doit gueuler, conclut le brun.
... Ce garçon est un mentaliste.
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