Chapitre 58
Elle fixait la fenêtre cherchant un moyen de fuir. Marie-Louise ne devait surtout pas rester ici, où elle serait vendue comme esclave par William. Alexandre avait vu juste, sur tout. Ce noble n’était en aucun cas digne de confiance. Et maintenant elle en payait le prix. Cela faisait des heures et des heures qu’elle marchait dans sa chambre en cherchant une solution pour partir de cette demeure sans qu’il ne s’en rende compte.
La jeune femme avait d’abord pensé à partir par la fenêtre, mais comment allait-elle réussir à atterrir sans problème ? Elle n’avait rien pour s’accrocher et descendre les étages en longeant le mur extérieur. Si elle prenait cette solution, elle finirait probablement avec une jambe cassée sans plus aucune chance de partir. Non. Il lui fallait un plan sûr. Mais rien ne lui venait en tête. Fuir avec une robe énorme n’était pas facile, d’autant plus qu’elle n’avait rien pour se changer. Et personne n’était de son côté dans cette demeure. Depuis que William lui avait expliqué ce qu’il comptait faire, Sophie n’était pas revenue. Marie-Louise espérait au fond d’elle qu’il ne lui était rien arrivé. Mais venant d’un noble comme Gardner, il n’y avait pas non plus beaucoup d’espoir.
Assise au sol dans un coin de sa chambre, elle fixait son plafond. Seule sa respiration se faisait entendre. Malgré tout ce qu’elle avait vécu à bord du navire pirate, c’était la première fois qu’elle avait aussi peur. Marie-Louise ne savait guère ce qu’il se passait de l’autre côté de sa porte, enfermée par William. Elle n’avait d’ailleurs pas eu la chance d’avoir un repas. Se méfiait-il tellement d’elle qu’il ne lui laissait aucune chance de partir, de là à ne même plus ouvrir la porte ? Sa tête était appuyé contre le mur à son dos. Elle repensait au visage de son pirate écarlate. Il lui manquait. Marie-Louise détestait se l’avouer, mais elle avait vraiment besoin d’aide extérieur. Peu importe qui s’était. Elle voulait sortir d’ici au plus vite.
Quelques heures passèrent, William marchait dans les couloirs avec un papier dans les mains. Il tenait un contrat de mariage, un énième contrat. Depuis plusieurs années, cet homme ne faisait qu’enchaîner les alliances. Prenant une femme de famille riche, il faisait en sorte de passer pour le meilleur des hommes face à sa belle famille. Puis une fois le mariage terminé, il s’assurait de faire disparaître par tous les moyens sa bien aimé. Par chance, ou bien malchance, il trouvait toujours une excuse crédible pour l’expliquer à la famille l’étrange disparition de la femme. Ensuite, il recommençait à zéro, cherchant une autre victime à ses plans d’homme assoiffé d’argent. Il lui en fallait toujours plus. Il avait d’ailleurs utilisé une bonne partie du trésor pirate pour financer le mariage avec Marie-Louise. Un beau mariage comme il le qualifiait. Le reste du trésor allait surtout servir à ses propres désirs. Mais plus il en avait, plus il en voulait.
Alors qu’il marchait dans sa maison en lisant tranquillement sa feuille, il entendit très vite un vacarme s’approchant de chez lui. Il trouvait surtout cela étrange que des personnes puissent faire autant de bruit. Surtout qu’il savait son habitation éloignée de la ville. Il ne s’en préoccupa donc pas plus continuant sa route vers son bureau qui n’était plus très loin. Mais alors qu’il s’apprêtait à entrer dans la pièce, un fracas retentît dans toute la demeure.
William ne savait exactement ce qu’il se passait, pourtant, l’inquiétude s’empara de son sang. Il s’était arrêté net dans tout ce qu’il faisait, essayant de comprendre d’où venait le bruit. Et le destin s’en chargea à sa place lorsqu’il entendit des voix emplirent les lieux. Des hommes. Voix graves, certaines plus rauques que d’autres, des bruits de pas lourd martelant le sol. Le noble se tourna et tenta de s’approcher de la source de ce vacarme afin de le faire cesser. Mais ce fut guère utile lorsqu’il se retrouva face à un groupe de pirate tous aussi laids les uns que les autres.
L’un d’eux se démarquait, plus imposant, sûrement le capitaine ? En tout cas William ne se pencha pas plus sur la question et fit quelques pas vers l’arrière. Son regard croisa l’unique œil du pirate, l’autre recouvert d’un bandana plié. Le forban se forma un grand sourire en voyant le noble pétrifié. Alors, il se décala pour sortir de son équipage et s’avancer vers la mauviette de riche qui le fixait.
Le pirate boitait, laissant donc sa jambe de bois résonner dans le couloir, tandis qu’il s’approchait de plus en plus. Puis une fois face à lui, il baissa le regard pour le planter dans celui du noble.
Le capitaine était grand, de quelques centimètres certes, mais il avait pourtant l’air de surplomber le noble comme un vautour face à sa proie. Il se mit à sourire laissant paraître ses dent sales et jaunâtres, certaines même étaient faites en argent et laissaient la lumière s’y refléter. Il donnait des frissons à William qui s’était presque arrêté de respirer, les yeux écarquillés face à l’horreur qui s’étendait devant lui.
- Bonjour, commença le pirate à l’intention du noble qui trembla de plus belle.
- Q-qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? Pourquoi venir ici ? brailla William en essayant d’émettre assez de son dans sa voix pour être audible.
- Je suis le Capitaine George Morton voyons ! N’as-tu donc jamais entendu parler de moi ?
Le capitaine attendait une réponse de l’homme, mais celui-ci était bien trop effrayé pour répondre quoi que ce soit. Alors, déçu de tant de faiblesse de la part de celui-ci, le pirate continua en tournant la tête désapprobateur.
- Capitaine du Hellish Fortune mon cher. Mon équipage et moi-même sommes venus ici. D’après la taille de la maison j’imagine que tu dois cacher pas mal de trésor, n’est-ce pas ? continua-t-il avec son sourire toujours aussi effrayant.
William acquiesça tout d’abord d’un mouvement de tête positif, puis il se renfrogna aussi rapidement. Il ne voulait guère qu’un forban dans ce genre lui vole tout ce précieux argent qu’il avait réussi à amasser. Mais il savait aussi que cet homme, ce dénommé Morton, n’allait pas accepter de repartir les mains vides. Il lui fallait trouver quelque chose qui valait la peine. Quelque chose que le pirate accepterait sans faire d’histoire. Un présent qui ne représentait plus rien pour Gardner. C’est alors qu’une idée jaillit dans sa tête. Avec cela, il se débarrasserait d’un poids et part la même occasion, il allait aussi empêcher les pirates de lui voler son or.
- Je… ajouta le noble. Je suis ruiné ! Mais, mais, j’ai bien un trésor dont je ne peux me séparer !
- Quel était-ce ? demanda Morton qui s’était redressé en attendant de donner les ordres à son équipage.
- Ma femme ! Je l’aime plus que tout ! C’est le seul trésor que je possède, finit-il en espérant sincèrement que ces forbans acceptent.
Le regard de George Morton changea, il paraissait plutôt intéressé par cette proposition. Il invita donc le noble à continuer.
Marie-Louise se leva en entendant les bruits venant de l’étage inférieur se rapprocher d’elle. Elle ne savait exactement ce qu’il s’était passé en bas, mais comptait bien sûr profiter du chahut pour disparaître. La femme n’attendait plus qu’une chose, que William ou quiconque ouvre la porte pour qu’elle puisse fuir au plus vite. Son cœur bondissait dans sa poitrine, tellement fort qu’elle le sentait comme si elle venait de courir pendant plusieurs minutes. Avait-elle peur ? Non, loin de là. Seulement, elle se préparait mentalement à courir le plus vite possible. Marie-Louise avait même déjà enlevé ses chaussures afin d’être plus rapide.
La jeune savait déjà ce qu’elle comptait faire une fois libre. Elle vendrait sa robe en échange de vêtements plus agréable. Puis elle prendrait possession d’un navire simple à manier et partirait vers l’océan à la recherche du beau bâtiment rouge. Il ne lui manquait plus que la première partie de ce plan. Marie-Louise patienta un moment debout dans sa chambre. Elle entendait les pas se rapprocher de plus en plus d’elle. Ce qui lui semblait étrange, fut le nombre de personne qu’elle arrivait à distinguer. Comment se faisait-il qu’ils soient autant à venir ? William avait-il déjà invité des marchands d’esclave ? Ou alors était-ce des connaissances ?
Elle n’avait plus le temps de réfléchir. La poignée de sa porte se mit à bouger, après le son de la serrure déverrouillée, l’entrée s’ouvrît face à Gardner accompagné. Plusieurs hommes pénétrèrent dans la chambre de la jeune noble. Malgré elle, elle fit quelques pas plus que surprise d’y voir un équipage pirate. Marie-Louise avait tout imaginé, sauf cela. Elle les fixait les uns après les autres, détaillant chaque personne qui se trouvait face à ses yeux. Des pirates aux visages déformés par le temps et les cicatrices, des habits sales et abîmés et une odeur de transpiration qui lui piquait désagréablement le nez. Ses yeux s’arrêtèrent ensuite sur le plus imposant de tous. Le capitaine, reconnaissable par le tricorne qui reposait sur sa tête.
Il était debout face à elle, arrivé dans sa chambre en boitant de sa jambe manquante et remplacée. Il était bien différent d’Alexandre. Elle ne voyait rien de rassurant dans ses yeux bruns. Ils étaient froids, durs, mais aussi malveillants. L’homme correspondait parfaitement au pirate dont parlaient les histoires. Un homme approchant la cinquantaine, de longs cheveux grisâtres formant une tresse accompagnée d’une barbe sale nouée de la même façon. Son visage était affreux, ne serait-ce que par les cratères présents sur sa peau, par cet œil recouvert d’un bandanna gris foncé ou bien même de ses affreuses dents en argents qui se distinguaient des autres.
L’inconnu croisa les bras, faisant bouger sa grande veste kaki venant cacher sa chemise marron. Sur son bras droit venait s’attacher nonchalamment un tissus rouge. Tout cela était accompagné d’un pantalon et d’une botte noir. Ses couleurs étaient ternes. Elle avait espéré que ce soit Alexandre. Malheureusement ce n’était pas son pirate écarlate, mais bien un autre, qui laissait entrevoir dans son regard qu’il n’allait pas la laisser tranquille.
- Eh bien, voyons voir, murmura-t-il en détaillant la jeune de son unique œil.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle la tête haute en cachant parfaitement son insécurité face à lui.
- Capitaine George Morton ma jolie, du Hellish Fortune, souria-t-il en faisant quelques pas afin de tourner autour d’elle comme s’il fixait une marchandise.
- Je suppose que vous n’êtes pas ici pour prendre le thé, argua Marie-Louise sans bouger gardant la tête bien droite.
Le capitaine pirate était derrière elle, son souffle désagréable vint frapper l’arrière du cou de la jeune. Et son haleine crasseuse la dérangeait tellement qu’elle en avait la nausée.
- Non effectivement, répondit-il en s’approchant d’elle afin d’humer son odeur.
Puis le pirate se redressa et fixa les hommes resté à l’extérieur de la chambre.
- Fouillez la maison de fond en comble, ordonna-t-il en posant une main sur l’épaule droite de Marie-Louise. Rassure moi ma jolie, tu n’as pas choisi ton mari ?
- Malheureusement je n’ai pas eu le choix.
- Il est bien trop peureux et lâche. Sache, qu’il t’a vendu pour sauver sa propre vie, continua-t-il en rapprochant ses lèvres vers l’oreille de la noble qui se força à rester droite et ne montrer aucune faiblesse. Ne t’inquiètes pas. Tu te sentiras comme chez toi sur mon navire, avait-il terminé suivit d’un rire affreux.
La gorge de la jeune femme s’était serrée. Alors qu’elle comptait fuir, la voilà maintenant prisonnière d’un équipage pirate. Et en regardant de plus près cet homme, elle avait bien comprit qu’il allait lui être difficile de fuir face à lui.
Alors, après un mouvement de main de la part du capitaine Morton qui quittait la chambre en boitant, deux pirates la prirent par les bras en lui obligeant donc à les suivre. Elle ne faisait plus attention à ces hommes qui les entouraient, préférant fusiller William du regard. Ce noble était entrain de plaider sa cause face au capitaine. Il n’avait donc pas compris qu’un pirate n’écoutait pas un piètre homme tel que lui ?
- Comment ça fouiller ? Je vous ai donner ce que j’avais de plus précieux ! Repartez et contentez-vous de cela, tenta-t-il pour la énième fois en suivant le capitaine qui descendait les marches d’escaliers.
George Morton en avait plus qu’assez de l’entendre jacasser dans ses oreilles inutilement. Alors le pirate s’arrêta d’un seul coup, se retournant face au noble.
- Tu crois sincèrement que je vais écouter ce que tu as à dire ? intervient-il. Vous en entendez cela mes pirates ? Ce noble croit que nous allons nous abaisser à son niveau. Sache une chose, je suis un pirate et les pirates ne négocient rien avec des gens comme toi, noble.
William n’en revenait pas. Pendant que l’équipage continuait tranquillement son chemin vers la sortie, celui-ci resta bouche bée et statique dans les escaliers. Il venait de perdre tout l’or qu’il avait. Alors qu’il se retrouva seul dans ces marches, il se laissa tomber au sol. Toute sa peur s’échappait petit à petit. Peu importait si son argent partait avec ses pirates, il n’était pas mort de leur main et c’est ce qui était le plus important à ses yeux. Même s’il alimentait dorénavant une haine incommensurable envers ces forbans qui se croyaient tout permis.
Marie balayait ses yeux de droite à gauche, fixant chaque personne de l’équipage. Vu le nombre d’homme qui possédait un coffre en main, elle avait vite compris qu’ils avaient récupéré l’entièreté de ce qu’il restait du trésor des abysses. Mais ce n’était pas vraiment ce qui la dérangeait le plus. Une boule au ventre se forma en elle lorsqu’elle commença à apercevoir le galion de Morton, le fameux Hellish Fortune. Un navire qui paraissait plus grand que le Red Edan. Un navire où il allait lui être difficile de partir.
Elle n’en avait pas finit de se battre.
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