Chapitre 19
Mon cher Octave,
Il ne reste plus qu'une moitié de chemin qui nous sépare. La fin de ton voyage est donc proche, mais finalement ce ne sera que le début d'une nouvelle vie, pour nous deux, pour notre famille. Ce mot, « famille », hante mes pensées chaque jour, désormais. Je pense à celle que j'aurais pu avoir à Paris et je pense à celle que j'ai fondée avec Eliott.
Après notre voyage à Ushuaïa, nous sommes rentrés à New York. J'ai commencé à travailler dans un parc aquatique et Eliott a été embauché dans un musée pour expertiser les œuvres qui arrivaient. Nous avons emménagé ensemble dans un appartement donnant sur Central Park et l'été suivant, nous nous sommes mariés. Ce fut très simple, je n'avais invité que des amis de l'université et Eliott s'était entouré de sa famille proche uniquement.
Ce jour-là, avant de me rendre à la mairie, j'ai eu une pensée pour nos parents. Pour la première fois, je me suis sentie triste de ne pas les avoir à mes côtés pour un jour aussi important. Mais même à vingt-six ans, on peut encore se comporter comme une tête de mule et le souvenir de mon père et son ambition quant à mon avenir a vite repris le dessus sur mes regrets.
Pour notre voyage de noces, nous nous sommes rendus dans une toute petite ville, en Europe. Il s'agit de ta prochaine destination. J'espère que tu n'y es pas déjà allé, sinon je te souhaite de la découvrir d'un œil nouveau. Je ne pourrai pas contrôler le moment où tu iras là-bas, mais j'aimerais que tu partes au mois de février, si cela t'est possible. Tu as dû comprendre que j'ai tissé un lien particulier avec la magie et en ce lieu elle est particulièrement forte...
Trêve de bavardages, il faut que je te parle davantage de moi, bien que les péripéties commencent à se faire rares... A vrai dire, j'ai surtout hâte de faire ta connaissance. Si tu me voyais, je ne tiens plus en place ! Je me pose mille et une questions à ton sujet et souvent des plus insignifiantes. Enfin, je saurai tout le moment venu.
J'ai vécu seule avec Eliott pendant deux ans, ensuite Emma est entrée dans notre vie. Elle est née le 27 août 2006, exactement sept ans après ta naissance, si j'ai bien suivi ton récit sur la page Facebook à mon sujet. Un an après, nous déménagions dans la banlieue de Boston, pour nous installer dans une maison avec jardin. Nous avons adopté un chien, un border collie que nous avons appelé Doggy jusqu'à ce qu'Emma regarde trois fois d'affilée Arthur et les Minimoys et décide de rebaptiser notre brave compagnon Alfred. La même année, en 2012 donc, la famille s'est agrandie avec l'arrivée de Mark. A ce moment-là, Eliott a changé de musée mais a continué de travailler dans l'expertise d'œuvres, domaine qui le passionne encore, et je décidai de donner des cours en université, pour rester disponible un maximum pour mes enfants.
Il faut que tu saches que depuis leur naissance, j'ai commencé à me tourner de plus en plus vers mon passé, contrairement à la règle que je m'étais fixée en partant de la maison. J'ai voulu envoyer des faire-part de naissance, mais je redoutais la réaction de nos parents. Je savais que je les avais déçus et je m'en voulais, mais je croyais que remettre en question mon départ remettait obligatoirement en question la vie que je menais depuis.
Alors j'ai gardé le silence, mais maintenant mon cœur est atteint d'une blessure profonde. J'ai tellement peur que les parents ne me pardonnent jamais de leur avoir caché l'existence de leurs deux petits enfants... déjà, Emma et Mark ne savent rien de toi, de vous... Seul Eliott a été mis au courant. Dès la minute où j'ai lu les articles à mon sujet, mon comportement a changé, j'étais bouleversée, je pleurais sans raison. Il a vite compris que quelque chose n'allait pas et je n'ai pas hésité une seconde à tout lui révéler. Il est le seul à pouvoir m'écouter et me soutenir. Il n'a pas tenté de me juger, il a seulement accepté de m'aider à me reprendre.
En bref, l'objectif de ces prochains mois est de réussir à entrer en contact avec nos parents sans ton intermédiaire... Après dix-neuf ans de secrets et de douleur, je doute y parvenir mais je dois y réfléchir concrètement.
Je te souhaite de bien profiter de ton prochain voyage.
Je t'embrasse,
Avril Roy
PS :Une fois qu'on a trouvé sa boussole, plus aucun chemin n'est incertain...
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