Chapitre 10
Les pas et les voix se rapprochent.
- Mais qu'est-ce que tu fais encore ?! aboie le blond.
- Boucle la.
- Non, je veux savoir pourquoi quand je propose de laisser nos conflits de côté, tu nous coinces dans une cabine de moins de deux mètres carrés ?!
- Angel, boucle la.
Je n'ai jamais prononcé son nom, encore moins devant lui, et il le sait, donc il se tait, comprenant que je veux vraiment qu'il la ferme. Les voix et les pas retentissent dans la pièce. Ils se posent tous les deux près du lavabo et continuent de discuter. Le problème est que nous sommes tous les deux les pieds au sol, donc au moindre regard vers le bas, les mecs qui viennent d'entrer remarqueront qu'on est deux. Et là, les théories fumeuses y iront par dix. J'imagine qu'ils ne s'arrêteront pas de toquer tant qu'ils ne sauront pas qui c'est, et ce sera vraiment chiant là. Et je suis obligé de me mettre encore plus dans la merde pour empêcher ça.
Je saisis une de ses jambes. Il sursaute, me regarde avec incompréhension et s'apprête à protester mais je colle ma main sur sa bouche en secouant la tête. J'ai le droit à froncement de sourcil réprobateur et un regard du type "ça par contre, tu vas le payer" avant de me mordre fortement la main que je retire sur le coup. Il a de bonne dents et je suis forcé de retenir un cri de surprise. Je comprendrais tout à fait qu'il se venge, parce que lui se fiche complètement d'avoir une réputation de merde tant qu'on ne le fait pas chier, c'est uniquement pour la mienne que nous en sommes là. Je remarque que la façon dont je le tiens est assez ambiguë. Je frotte ma main endolorie sur ma veste et saisis son autre jambe pour que ses pieds ne touchent plus le sol. Il s'appuie contre le mur pour éviter de devoir s'accrocher à moi. Il croise ses pieds derrière mon dos et pour la première fois, sa tête est au dessus de la mienne.
Les deux gars sont occupés à parler de leur dernier plan cul et de qui ils aimeraient pécho ce soir, pendant que je porte la tête blonde énervée qui me déteste et vice versa de manière assez bizarre. Je HAIS ma situation. Il se tient au mur pour éviter tout contact non indispensable avec moi puis s'accroche au haut de la parois de la cabine. Il se porte presque tout seul, pour éviter de dépendre de moi au possible. Mais le fait est que la discussion des deux autres gueux s'éternise et que, moi ça va, je fais de la muscu, mais lui commence à fatiguer, ses appuis étant bien moins confortables que les miens. Il me jette un regard de haine auquel je réponds par une grimace qui peut se traduire par une petite excuse.
Ses bras sont contractés et l'effort se lit sur son visage. J'avance de sorte à le coincer entre mon corps et le mur pour qu'il puisse le lâcher sans tomber ou être forcé de s'accrocher à moi. Il détourne le regard et pose ses mains sur ses cuisses. La manière dont je le tiens doit être encore plus bizarre qu'avant, mais au moins, on est discret et l'autre ne risque pas de tomber. Il se penche et me murmure a l'oreille :
- Je te jure que tu vas morfler.
- Je sais.
- T'es un vrai connard.
- Je sais.
- J'espère que tu vas t'étouffer avec ton ego et ta réputation que t'auras réussi préserver.
- Je sais.
Sur ces mots, il met ses mains dans ses poches. J'entends l'un des mecs proposer à l'autre d'aller acheter une bière au supermarché d'à côté avant de revenir au bal. Il n'en ont sûrement plus pour bien longtemps. Le jeune homme devant moi doit avoir entendu aussi, il regarde la porte. Un bruit de pas s'éloignant retentit, signe qu'ils s'en vont finalement et je souffle un bon coup. J'ai cru qu'on allait se faire prendre. Remarque, c'est pas passé bien loin.
- Hum, HUM, me rappelle à l'ordre mon interlocuteur.
Ah oui, merde. Je lâche ses jambes et il se réceptionne tant bien que mal en s'aidant du mur. Je n'ai pas reculé, donc il est toujours collé à moi et me rappelle notre proximité de tout à l'heure. Il semble s'en rendre compte car il ne bouge pas un temps, puis lève les yeux vers moi avant de désigner la poignée à ma gauche. Je déverrouille rapidement la porte et sort en premier.
- Plus jamais, tu me fais ça, je te préviens. La prochaine fois, tu te démerdes, me dit-il en sortant à son tour.
Je ne réponds pas à sa remarque et vais à mon tour me laver le visage, que j'espère refroidir. Je fixe mon reflet sous le regard contrarié du blond.
- Apprends à te passer de ta réputation de mec inaccessible gna, gna, gna ! Regarde ce que ça te fait faire ! Pour une raison qui m'est inconnue, ça doit être pour ça aussi que t'es venu me chercher dans la cour, pas vrai ?
Je sais qu'il a raison. Mais j'ai trop besoin de me sentir aimé pour arrêter. Il me fixe dans l'attente d'une remarque de ma part. Je préfère l'ignorer et commence à me diriger vers la sortie.
- C'est ça ! Sois lâche et fuis ! Comme tu le fais à chaque fois, ça t'aidera vachement à avancer !
Ça c'était de trop. Je reviens sur mes pas et vais vers le jeune homme qui commence à reculer prenant conscience que je n'étais pas exactement d'humeur à me faire remonter les bretelles. Il finit par se heurter au mur mais je continue d'avancer. Il fait le malin, mais il a lui aussi été pris au dépourvu lorsque je l'ai traîné derrière l'escalier. J'arrive à son niveau et appuie mes mains contre le mur en l'encadrant de mes bras.
- Quelque chose qui ne soit pas dicté par l'avis des autres ? Tu veux que je fasse quelque chose par ma propre volonté ?
Il entrouvre la bouche pour répondre, mais je le coupe en y posant la mienne. Il ne s'y attendait pas et ne réagit pas. Il voulait quelque chose qui ne soit pas fait selon mon ego, et bien voilà. Cet acte est dicté par ma colère, mais surtout par mon être entier qui me pousse à faire ça depuis qu'il est à côté de moi alors que je ne l'ai expérimenté qu'une fois. Au bout de quelques secondes, à ma grande surprise, ses lèvres bougent aussi, mais absolument pas en signe de rejet. Il rejoint le mouvement. Il me rend mon baiser. Et je ne sais pas du tout quoi faire.
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