Chapitre 2

Ce soir, Marinette a vingt ans.

Elle les fête dans la collocation partagée par Kim et Max, un anniversaire plus ou moins surprise plus ou moins organisé par Alya.

Si la subtilité des amis de Marinette peut être discutée (sincèrement, qui insiste à quatre reprises pour inviter quelqu'un le jour de son anniversaire sous prétexte de lui faire admirer son nouveau papier peint ?), force est de reconnaître qu'ils se sont donnés du mal pour lui organiser une soirée digne de ses vingt ans. Il y a de la musique, autant d'invités que possible, une pile de cadeaux d'une taille plus que respectable, un immense gâteau confectionné par ses parents, deux autres gâteaux ramenés respectivement par Nino et Mylène suite à trois malentendus successifs, et même un peu d'alcool.

Marinette ne boit pas, d'habitude.

(Elle ne boit jamais, bonne conscience super-héroïque oblige.)

Mais aujourd'hui elle a vingt ans, et pour une fois, elle aimerait juste être une fille normale.

Juste ce soir, juste un peu, juste quelques heures.

Elle voudrait pouvoir oublier le Papillon et ses vilains de plus en plus en plus agressifs, cesser pour un instant de se tenir toujours sur le pied de guerre, et fêter son anniversaire sans se soucier de la responsabilité écrasante qui pèse sur ses jeunes épaules.

Et encore, s'il n'y avait que sa double vie pour la préoccuper... Mais non. Non seulement Marinette doit jongler perpétuellement entre ses devoirs de super-héroïne et des études de plus en plus prenantes, mais en plus, il y a ces deux garçons qui ne cessent de hanter ses pensées.

Adrien, qu'elle voit de moins en moins, et Chat Noir, auquel elle songe de plus en plus.

Tout autant de raisons de vouloir se changer les idées et d'essayer, un peu, d'arrêter de réfléchir.

Alors, suivant cette logique à la sagesse plus que douteuse, Marinette se serre un premier verre. Une douce chaleur se diffuse lentement dans ses veines, une brume cotonneuse envahit insidieusement son esprit, et elle se sert une seconde fois.

Quitte à avoir la tête qui tourne, autant que ce soit pour une autre raison qu'un garçon blond aux yeux verts.





La soirée suit tranquillement son cours et pour une fois, les deux jeunes hommes si chers au cœur de Marinette semblent avoir échangé leurs rôles.

Chat Noir, son fidèle compagnon d'arme, présence désormais quasi-omniprésente dans sa vie, brille - logiquement - par son absence.

Adrien, qu'elle peine de plus en plus à voir depuis qu'ils ont tous deux fini le lycée, est exceptionnellement présent. En dépit de son emploi du temps qui ne cesse de s'alourdir de jour en jour (à croire que Gabriel Agreste ignore que les journées ne font que 24 heures), il a trouvé le temps de venir lui souhaiter un joyeux anniversaire.

La présence de son ancien camarade de classe emplit Marinette d'une myriade d'émotions contradictoires.

Elle ressent de l'amour, bien sûr.

De la joie.

De l'admiration.

L'impression d'être spéciale. Privilégiée, même, à l'idée qu'une personne d'aussi admirable qu'Adrien prenne sur son précieux temps libre juste pour venir passer un moment avec elle.

Mais hélas, d'autres sentiments viennent parasiter la petite bulle de bonheur dans laquelle le jeune mannequin emprisonne systématiquement Marinette.

De la peine.

De la frustration.

Des regrets.

En dépit des années, jamais Marinette n'a osé avouer à Adrien ce qu'elle éprouvait pour lui.

Ce n'est pas l'envie qui lui manque, loin de là. Mais à chaque fois, ses nerfs prennent le pas sur ses bonnes intentions. Ses mots s'étranglent dans sa gorge, sa langue se bloque, et elle se tait, encore, toujours.

Leurs situations respectives ne font rien pour arranger les choses.

Désormais étudiants, Adrien et Marinette prennent peu à peu des routes différentes. Écoles distinctes, nouveaux amis, formations aux antipodes l'une de l'autre... Leurs vies s'éloignent et leurs cursus chronophages ne les aident en rien à garder contact. Les occasions de se voir se raréfient, et avec elles les chances pour Marinette de confesser un jour ses sentiments à ce garçon qui s'est emparé de son cœur un jour de pluie.

Marinette aimerait croire que c'est pour elle l'occasion de tourner la page. De panser son cœur blessé et d'aller enfin de l'avant.

Mais malheureusement pour elle, il n'en est rien.

Le temps qui passe ne fait rien pour l'immuniser contre le charme magnétique d'Adrien. À croire qu'elle ignore comment ne pas l'aimer. Il suffit qu'elle l'aperçoive pour que son traître de cœur ne rate aussitôt un battement, lui rappelant encore et encore que toute la meilleure volonté du monde ne peut rien contre ses sentiments.

Ce soir ne fait naturellement pas exception.

La présence d'Adrien est à la fois un délice et une douce torture pour la pauvre Marinette. Impossible pour elle de rester impassible devant sa bienveillance désarmante, son éternelle gentillesse et ses sourires dévastateurs. Elle sent ses joues chauffer chaque fois qu'elle lui adresse la parole, son cœur battre un peu plus fort dès que son regard plonge dans le sien, ses bonnes résolutions s'envoler en peu plus loin à chaque instant qu'elle passe à ses côtés.

Les minutes filent à toute vitesse en sa compagnie, entre éclats de rire, joyeuses conversations et inimitables accélérations cardiaques.

Mais (trop) rapidement, le charme est rompu par une sonnerie de téléphone.

Celui d'Adrien.

Rappelé par son père, le jeune homme doit rentrer. À croire que même quelques heures de liberté ne sauraient convenir à l'exigeant Gabriel Agreste.

La déception de Marinette est immense, tout comme l'est celle de son ancien camarade de classe et de tous leurs amis communs. Mais faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les jeunes gens se séparent sur des vœux de bonne soirée et sur des promesses de se revoir au plus tôt.





Adrien parti, Marinette se sert un nouveau verre.

L'alcool la rend mélancolique, réalise-t-elle rapidement.

Il la met face à ses regrets, ses doutes, ses failles. Il lui rappelle que ses vingt ans ne l'empêchent guère de se sentir encore comme une enfant grandie trop vite, et que sa vie de jeune adulte la terrifie au moins autant qu'elle l'émerveille. Il la fait songer au temps qui passe, aux amitiés qui se délient, aux amours qui lui échappent et aux responsabilités qui s'accumulent.

Marinette boit une autre gorgée d'alcool, et avec elle une nouvelle goulée d'idées maussades.

Elle n'est pas la plus à plaindre, elle le sait.

Elle a des parents aimants, des amis fantastiques et le plus extraordinaire des coéquipiers. Ses études de stylisme la rapprochent encore un peu plus de son rêve de travailler un jour dans la mode et le petit appartement qu'elle loue depuis quelques mois lui offre ses premiers pas vers l'indépendance.

Sur le papier, elle a tout pour être heureuse.

Mais elle ne supporte plus le goût acide que ses mensonges lui laissent sur la langue. Elle ne digère plus de cette terreur qui lui noue le ventre à l'idée de faillir à sa mission ou de mettre en danger les siens. Elle ne veut plus de ces nuits blanches, quand son cerveau en ébullition la prive des quelques instants d'oubli que lui offrirait bienheureux sommeil.

Elle n'en peut plus de ces questions qui tournent, tournent, tournent sans cesse sous son crâne et qui l'empêchent lâcher prise ne serait-ce qu'une minute, ne serait-ce qu'une seconde.

Comment croire encore qu'elle pourra vaincre un jour le Papillon alors que ce dernier lui échappe encore après des années de lutte ?

Comment oublier la peur, les doutes et cette petite voix dans sa tête qui lui susurre que sa mission est peut-être vouée à l'échec ?

Comment espérer nouer des relations basées sur l'honnêteté quand elle passe son temps mentir à ses proches ?

Comment garder la confiance de sa famille et ses amis alors qu'elle ne cesse de revenir sur ses promesses sous le couvert d'excuses plus lamentables les unes que les autres ?

Comment réussir à se concentrer sur ses études lorsque des bouffées d'angoisse viennent régulièrement paralyser son cerveau ?

Et ses études, parlons-en. À quoi bon être une élève, au dire de ses professeurs, « passionnée et brillante » si c'est pour voir son dossier entaché de remarques sur ses absences inexpliquées ? Et que dire de ses perspectives d'avenir professionnel ? Comment espérer trouver – et garder – un emploi quand la sécurité de Paris passe avant tout ?

Comment vivre, tout simplement ?

Ce soir, Marinette a vingt ans, et elle se sent prisonnière de sa (double) vie.

La jeune femme porte de nouveau son verre à ses lèvres pour tenter de délier le nœud qui s'installe dans sa gorge. Comme souvent lorsqu'elle se sent perdue, ses pensées la ramènent à Chat Noir.

Chat noir, perpétuellement logé dans un coin de sa tête et dans un creux de son cœur.

Si Adrien est le soleil qui éblouit Marinette, alors Chat Noir est la lune. Il est la douce lueur qui la réconforte lorsqu'elle s'égare dans les ombres, la présence immuable vers laquelle elle se tourne pour retrouver son chemin.

Il y a peu de temps encore, Marinette se serait irritée de la propension qu'a son esprit à se tourner vers son coéquipier dès qu'elle laisse ses pensées vagabonder. Mais l'alcool la rend aussi mélancolique que philosophe, et ce soir, elle accepte l'importance indéniable que Chat Noir a pris à ses yeux.

S'il était là, il ferait tout son possible pour qu'elle arrête de se morfondre.

Il l'écouterait se plaindre. Il lui glisserait des paroles réconfortantes. Il se fendrait de quelques-uns de ces jeux de mots ridicules qu'il aime tant et qui la font sourire malgré elle, plus parce qu'il en est fier que parce qu'elle les trouve drôle.

À cette simple idée, Marinette se sent soudainement plus légère.

Oui. Si Chat Noir était là, jamais il n'accepterait qu'elle reste ainsi à broyer du noir.

Alors, refusant de rester sur un coup de blues, Marinette chasse résolument ses pensées moroses de son esprit et se tourne vers ses amis, bien décidée à continuer de profiter de la fête avec eux.





La nuit couvre toujours Paris de son sombre manteau lorsque Marinette se décide à rentrer chez elle. Elle serait bien restée jusqu'à l'aube, mais entre ses cours et les combats contre les super-vilains, elle cumule déjà de bien trop nombreuses heures de sommeil en retard.

Autant éviter d'en ajouter encore.

Sa décision prise, Marinette se tourne vers ses amis pour leur dire au revoir. Une fois les effusions finies, elle s'empare de sa veste et se dirige vers la porte de l'appartement.

Elle passe devant son immense pile de cadeaux sans même esquisser un geste dans leur direction. Hors de question pour elle de traverser Paris à cette heure en étant chargée de ses encombrants présents. Ce soir, ils dormiront ici. Elle les récupérera demain.

Dans un élan de logique absurde, Kim insiste malgré tout pour qu'elle reparte avec une bouteille d'alcool à demi-pleine.

Dans le même élan de logique absurde, elle accepte.





Ignorant le regard désapprobateur de Tikki, qu'elle sent peser sur elle depuis l'ouverture du petit sac qui bat contre sa hanche, Marinette descend la rue en tenant en main sa bouteille fraîchement acquise. Les façades d'immeubles se succèdent à une lenteur désespérante et la jeune femme laisse échapper un soupir de frustration. La perspective de traverser la ville à pied ne l'enchante guère.

Heureusement, elle connaît une alternative beaucoup plus rapide.

Suivant son idée, Marinette marche encore sur une dizaine de mètres puis s'éclipse discrètement vers une ruelle adjacente. Il ne lui fait ensuite que quelques mots et une poignée de secondes pour se transformer en Ladybug.

Ce n'est pas vraiment raisonnable, elle le sait.

Mais d'un autre côté, ce n'est pas non plus vraiment de l'inconscience.

Elle a certes un peu bu, mais elle reste malgré tout encore capable de faire preuve de contrôle de soi. Le peu d'alcool qu'elle a ingéré au cours de la soirée a largement eu le temps de se diffuser dans ses veines. Il ne reste de sa légère ivresse qu'une sensation de bourdonnement qui refuse de quitter son esprit, une douce chaleur logée au creux de sa poitrine, l'impression que ses pensées lui glissent entre les doigts chaque fois qu'elle tente de se concentrer un peu...

... ok, peut-être que se transformer maintenant n'était pas une si bonne idée.

Tant pis. Le mal est fait. Refusant de s'attarder plus longtemps sur le bienfondé de se trouver sous son apparence d'héroïne et d'être vaguement alcoolisée, Ladybug lance son yo-yo autour d'une cheminée et tire dessus d'un geste sec.

Le filin la tracte vers le sommet du bâtiment en un battement de cil.

Ladybug se pose souplement sur les tuiles d'ardoise puis, sa bouteille toujours serrée entre les doigts, se met aussitôt en route.

Le vent fouette son visage alors qu'elle bondit de toit en toit, lui apportant une sensation de fraîcheur bienvenue, tandis que la pénombre environnante la dissimule aux regards des rares badauds. Une merveilleuse sensation d'euphorie enfle rapidement au creux de la poitrine de la jeune femme. Son cœur se met à tambouriner d'allégresse et un large sourire illumine son visage.

Ladybug aime ces nuits, où la capitale lui semble s'offrir à elle.

Ces nuits là, elle oublie ses problèmes, ses peurs, ses doutes. Envolés, ses tracas du quotidien. Disparus, ses questionnements d'héroïne.

Ces nuits là, il n'y a plus qu'elle et cet océan de toits qui s'étend à ses pieds.

Rien ne lui résiste, rien ne l'arrête. Elle n'a qu'à se laisser guider par ses envies, et son corps à la puissance surhumaine lui obéit immédiatement. Franchir un espace de quatre mètres entre deux immeubles ? Aucun problème. Choisir n'importe quel bâtiment et se propulser sur son toit ? Un jeu d'enfant. Courir plus vite, bondir plus loin que le plus extraordinaire des athlètes ? Rien de plus simple.

Si elle le souhaite, Ladybug n'a même besoin que de quelques secondes pour se hisser jusqu'au sommet de la tour Eiffel. Haut, haut, si haut par-dessus la ville qu'il lui semble pouvoir caresser les cieux du bout des doigts.

Le sentiment de liberté est incomparable.

Portée par ce sentiment d'exaltation à nul autre pareil, Ladybug poursuit gaiement sa balade nocturne. Soudain, au détour d'un bâtiment, son regard se pose par hasard sur une silhouette familière.

Celle de Chat Noir, négligemment perché au sommet d'un toit.

Ladybug s'arrête net et, un instant, hésite.

C'est une mauvaise idée.

Une très, très mauvaise idée.

Elle a bu, elle est d'humeur sentimentale, elle est (peut-être) amoureuse de cet idiot de Chat qui a réussi à se glisser dans son cœur sans qu'elle ne comprenne trop ni quand ni comment.

C'est une mauvaise idée.

Si Ladybug écoutait sa tête, elle ferait demi-tour sur le champ, rentrerait chez elle pour dessaouler et ne retournerait dans un rayon de moins de trois mètres autour de Chat Noir que quand elle serait en état de réfléchir correctement - si tant est que ce soit encore possible.

Mais son corps en décide autrement.

Son cerveau embrumé par l'alcool n'a pas le temps de se rendre compte de ce qu'il se passe que ses pieds la font déjà bondir à deux mètres à peine de son coéquipier. Faisant preuve du même esprit d'indépendance, sa bouche s'ouvre aussitôt pour lancer une joyeuse salutation.

« Hello, chaton ! », s'exclame Ladybug malgré elle, à l'instant même où elle réalise qu'elle vient de jeter aux orties tous ses beaux principes de prudence.

Au temps pour le contrôle de soi.

Surpris, Chat Noir sursaute et se tourne brusquement dans sa direction. À peine ses yeux se posent-ils sur elle qu'un immense sourire illumine son visage.

Le cœur de Ladybug rate un battement.

Elle a beau dire, beau faire, impossible pour elle de rester impassible. Pas lorsque, sous la douce lueur de la lune, son coéquipier s'incarne en véritable rayon de soleil tant il est heureux de la revoir.

La joie de Chat Noir est aussi évidente que sincère. Que ce soient ses oreilles de félin gaiement redressées au sommet de son crâne, son regard pétillant d'allégresse ou cet impossible sourire qui continue d'éclairer ses traits, tout dans sa posture indique ô combien la présence de sa visiteuse lui fait plaisir.

Difficile de rester insensible devant pareil accueil.

Refusant de perdre contenance, Ladybug se racle légèrement la gorge et s'avance vers son partenaire. Alors qu'elle s'approche, Chat Noir hausse un sourcil circonspect à la vue de la bouteille qu'elle tient toujours à la main.

« Désolée », s'excuse-t-elle en se laissant tomber lourdement à ses côtés. « J'ai un peu bu. »

« Je n'ai rien à dire, j'ai un peu bu moi aussi », la rassure-t-il avec un haussement d'épaule évasif.

Prise de court, Ladybug écarquille les yeux.

« Oh », laisse-t-elle échapper faiblement.

« J'étais à une soirée organisée par une amie », poursuit son coéquipier, le regard perdu vers l'horizon. « Je ne bois pas, d'habitude. Mais là, on fêtait quelque chose de spécial, donc je me suis dit que je pouvais bien faire une exception », conclut-il en se passant machinalement la main dans les cheveux.

Ladybug ne peut s'empêcher de ressentir un petit pincement au cœur.

Chat noir a sa propre vie, des pans entiers de son existence dans lesquels elle n'a pas sa place.

Le nœud qui tord son estomac à cette idée n'a rien de rationnel. Elle ne devrait pas être en droit de se lamenter. C'est elle qui l'a voulu ainsi. C'est elle qui a toujours repoussé l'idée de toute relation personnelle entre son coéquipier et elle.

Ça lui a toujours paru être le plus juste à faire.

Ça lui a toujours paru être le plus juste à faire, et jamais ça ne lui a semblé aussi stupide qu'en cet instant présent.

Dépitée, Ladybug laisse échapper un léger soupir. La sensation d'euphorie qu'elle éprouvait lors de sa balade par-dessus les toits a disparu, laissant place à un triste sentiment de mélancolie.

Chat Noir remarque-t-il son brusque changement d'humeur ? Elle l'ignore. Mais toujours est-il que, comme pour mieux tenter de lui changer les idées, il se penche légèrement vers elle et relance la conversation.

« Alors, à quoi trinque-t-on ? », lui lance-t-il avec un sourire charmeur. « À la beauté de la plus extraordinaire héroïne de Paris ? »

Un regard appréciateur vient appuyer ces paroles, et avec lui la certitude pour Ladybug qu'elle n'est définitivement plus immunisée contre le charme de son coéquipier. Son cœur se met à bondir de plus belle dans sa poitrine, et une douce chaleur lui indique sans le moindre doute qu'elle est en train de s'empourprer.

Heureusement que son masque dissimule une partie de ses joues.

Ladybug laisse échapper une brève quinte de toux pour tenter de dissimuler son trouble.

« C'est mon anniversaire », explique-t-elle. « J'ai vingt ans aujourd'hui. Ou hier, peut-être ? », ajoute-t-elle en cherchant en vain une horloge du regard. « On est probablement déjà demain. »

Les pupilles de Chat Noir se dilatent légèrement de surprise.

« Vingt ans... ? », répète-t-il dans un souffle.

Peut-être Ladybug se trompe-t-elle, mais le regard que Chat Noir pose sur elle lui semble tout à coup curieusement acéré.

Il tend la main vers elle pour passer doucement ses doigts le long de sa joue. Lentement, précautionneusement, comme si elle était la plus précieuse et plus fragile des œuvres d'art. Il faut à Ladybug toute la volonté du monde pour réussir à ignorer le délicieux frisson qui descend le long de sa colonne vertébrale au contact de ses gants contre sa peau.

« Vingt ans », confirme-t-elle en lui tendant la bouteille d'un geste autoritaire.

Chat Noir l'attrape mécaniquement et, d'un geste tout aussi machinal, porte le goulot à sa bouche pour boire une gorgée.

Lorsqu'il la rend à Ladybug, ses yeux verts scrutent la jeune femme avec une telle intensité que cette dernière n'a que pour seul instinct que de boire à son tour.

Si elle noie son cœur dans l'alcool, peut-être que ce traître d'organe arrêtera de tressauter stupidement chaque fois que Chat Noir la regarde.

Ladybug laisse une goulée liquide sucré couler au fond de sa gorge, puis, dans le même élan de logique absurde que celui qui l'a poussé à accepter cette boisson de la part de Kim, passe de nouveau la bouteille à son partenaire. Après tout, ils sont une équipe, non ? Il n'y a pas de raisons pour qu'elle soit la seule à s'enivrer.

Visiblement en accord avec la (très discutable) façon de penser de sa Lady, Chat Noir accepte sans broncher et imite son geste.

La bouteille change ensuite encore plusieurs fois de mains, s'allégeant à chaque passage de quelques gorgées d'alcool. Il ne faut que peu de temps aux héros pour achever de la vider complètement, et moins de temps encore pour qu'ils commencent à ressentir les effets de leur petite beuverie improvisée.

Avachie contre son coéquipier, Ladybug éprouve un curieux sentiment de détachement.

Elle ignore comment fonctionnent désormais ses neurones (en admettant qu'ils fonctionnent encore), mais en tout cas, il est évident qu'ils ne marchent pas de façon normale. Son esprit lui semble flotter au milieu d'une nape de brouillard, comme si quelqu'un avait ouvert sa boîte crânienne à son insu pour emmitoufler son cerveau dans une épaisse couche de coton.

Penser lui demande des efforts immenses.

Le simple fait de réfléchir lui parait d'ailleurs complètement accessoire.

Son corps, complètement engourdi par l'alcool, ne vaut pas vraiment mieux. Seule consolation pour la jeune héroïne : Chat Noir, au vu de son regard vitreux, n'est guère en meilleur état.

Mais peu importe.

Ce genre de problèmes concerne la Ladybug responsable. Celle qui se tient à sa règle de ne jamais boire en soirée, celle qui reste prête à combattre à tout instant, celle qui refuse de suivre les stupides impulsions de Kim.

Pas celle de maintenant.

Confortablement lovée contre Chat Noir, Ladybug n'a, en cet instant précis, absolument aucune envie de se laisser aller à la moindre pensée raisonnable. La chaleur du corps de son coéquipier et l'odeur de sa peau l'enveloppent comme la plus douce des couvertures, et les doigts qu'il glisse machinalement dans ses cheveux lui arrachent des soupirs de contentement.

Elle se sent à l'aise.

Elle se sent aimée.

Elle se sent bien.

Tant pis pour le reste. 

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