- Chapitre 9 : Larmes, cris et verre d'eau -
– Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Lia. Pourquoi vous vous regardez comme ça ?
– C'est... compliqué.
Elle regarda Cole sans comprendre.
– Comment ça, « c'est compliqué » ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Il lui est arrivé du mal ?
– Lia, dit sensei Wu. Ayden... a disparu le jour de ta... le même jour que toi.
Le visage de la femme devint livide.
– Comment ça, disparu ? Je... elles m'avaient dit que... c'est pas possible... vous ne l'avez pas cherché ?
– Ce que je veux dire par disparu, Lia, c'est qu'il... enfin...
Il n'eut pas besoin de continuer. Lia avait visiblement compris où le vieil homme voulait en venir. Son menton tremblait et ses yeux se fermèrent.
– Il est mort, c'est ça ? demanda-t-elle d'une voix brisée. Comment ?
– Il a fait... son cœur... il n'a pas tenu le coup... mentit Wu en baissant le regard.
C'était la version qu'avaient mis au point Laya et Jay, au cas où on leur demanderait la cause de la mort de leur père. Une crise cardiaque. Simple et efficace.
– C'était à cause de moi, c'est ça ? Quand... quand il a appris ma... ma mort ? Je... je dois prendre l'air. Excusez-moi.
Sur ces mots tremblants, elle se leva et sorti de la pièce sans bruit.
*****
Les joues ruisselantes de larmes, Lia se dirigea vers le pont supérieur. Elle y avait passé de longues heures, étant plus jeune. Cet endroit avait le don de l'apaiser.
Personne ne tenta de la rattraper. Tant mieux ; elle ne souhaitait qu'une chose, à savoir être seule.
Elle s'assit sur le sol, adossé à la paroi interne.
Ayden. L'amour de sa vie. Celui qui aurait dû être son futur mari.
Mort.
Mort.
Mort.
C'était comme si son cerveau n'arrivait pas à intégrer l'information. Pas correctement. Elle pleurait, mais avait l'impression que ce n'était qu'à cause d'un problème passager. Alors qu'il était Mort.
Le jour où elle l'avait elle-même été déclaré.
C'était de sa faute.
Peut-être l'avait-il cherché, en vain. Peut-être l'avait-il appelé. Deux fois, trois fois. Dix fois. Et que la seule réponse qu'il avait eu, des heures plus tard, était de l'hôpital ou des services funéraires.
Tous, sous l'emprise insoupçonnée des Énergeantes. Ces créatures avaient même donné un faux corps totalement défiguré.
Un cadavre que tout le monde a pensé être celui de Liamelyne Marianne Stonedeur.
Un frisson de dégoût parcourut le corps déjà tremblant de la femme.
C'était affreux. Immonde. Et si Ayden avait été enterré aux côtés de ce corps étranger ? Elle préféra ne pas y penser.
Lia tenta à plusieurs reprises d'essuyer ses larmes mais, à chaque fois, de nouvelles affluaient. Elle resta ainsi, à regarder le ciel étoilé, pendant ce qui lui sembla être des heures.
Elle voulait rester là. Elle aurait voulu rester là.
Mais elle ne pouvait pas. Il y avait Maya. Son amie avait besoin qu'elle soit là pour elle.
Aux yeux de Lia, c'était la personne la plus forte de ce monde. Elle s'était battue pour rester en vie ces quatorze dernières années. Et maintenant qu'elle était enfin sortie de ce cauchemar, elle était prête à y retourner pour sauver l'amour de sa vie. Maya s'était accrochée, retenue par l'espoir de revoir sa famille au complet.
Alors que, pendant ce temps, Lia s'imaginait des faits impossibles. Elle s'imaginait retrouver le garçon qui avait guérit son cœur.
Alors que le sien, elle l'avait fait s'arrêter.
Soudain, un hurlement déchira le silence du navire.
*****
– Laya ! Calme-toi, calme-toi... souffla Jay.
Elle avait le visage ruisselant de larmes et haletait comme si elle venait de courir un marathon.
– P... pardon, hoqueta-t-elle. Je... je... pardon... je...
Sur ce, elle sortit du lit et s'éloigna de son frère.
– C'est... je ne devrais pas... tu... tu ne devrais p... pas rester vers m... moi. Personne ne devrait... personne...
– Rester près de toi ? devina Jay. Pourquoi, tu...
Tremblant de tout ses membres, Laya s'éloigna encore.
– Mes... mes pouvoirs... c'est trop d...dangereux. Je... je vais faire comme avec... avec... tu sais qui. En ce mo... moment c'est trop f...fort. Je... je ne vais pas y arriver je... je ne me contrôle pas... je... il arrive quelque chose. Je ne sais pas quoi, mais ç...ça arrive. Et c'est trop... fort.
– Comment ça ? demanda Nya d'une voix inquiète.
Jay sursauta. Il avait complètement oublié que Nya dormait elle aussi dans la chambre, trop concentré sur sa petite sœur.
Pas petite, elle fait dix centimètres de plus que toi, se morigéna-t-il.
La voix encore tremblante de Laya suffit à chasser cette pensée.
– Des... des monstres horribles. Je... je sens le danger. Et... autre chose. Mais je n'arrive pas à s... savoir quoi. C'est comme... je ne sais pas. Une sensation nouvelle mais... familière, dans un certain sens. Ça me donne un terrible mal de crâne... je... je vais boire un coup je... je reviens.
Avant même que Jay ou Nya ne tentent quoi-que-ce-soit pour l'arrêter, elle sortit de la chambre.
*****
Lia avait aussitôt bondit. Elle s'était dirigée dans le couloir. Des bruits étouffés de voix lui étaient alors parvenus. Et, tout à coup, une porte s'était ouverte.
Prise de panique, Lia s'était alors réfugiée derrière une étagère, priant pour être invisible. Elle se collait contre le mur comme si elle voulait qu'il l'absorbe et retenait sa respiration un maximum.
Une lumière que Lia identifia comme celle de la cuisine s'alluma, projetant sur le sol lisse une ombre qui fit légèrement sursauter la maîtresse de la foudre.
Elle risqua un œil curieux et aperçu une jeune fille qui prenait délicatement un verre dans le placard du haut, veillant à ne faire aucun bruit qui pourrait perturber le sommeil de ses amis.
Lia comprit immédiatement que c'était Laya. Elle avait grandie, vieillie, certes, mais avait conservés ses manières d'enfant ; cette façon de se servir à boire, ces gestes encore maladroits...
Mais elle repartit tellement vite que Lia fut contrainte de se rabattre précipitamment derrière son étagère.
– Laya ? chuchota une voix. Tout va... bien ?
– Oui, oui, Cole. Je... je suis juste allée boire. Et toi ?
– Je... j'ai entendu un hurlement et...
– Et en tant que Prince Charmant, tu as volé au secours du dragon de la tour, c'est ça ?
Lia pouvait presque la voir sourire.
Cole laissa échapper un petit rire étouffé.
– C'est ça, sauf que le dragon a dégagé depuis bien longtemps laissant la place à la plus sublime et merveilleuse des princesses. Et cette princesse ne m'a toujours pas parlé de ce qui m'a fait venir.
– Juste un cauchemar débile.
– Quel genre ? Je tentais de prouver mes talents fous de cuisinier ? Kai avait arrêté de se vanter ? Tu n'étais plus ma merveilleuse petite copine ?
– Du genre je-ne-m'en-souviens-déjà-plus. Et sachez, Monsieur Cole Brookstone, que vous avez sûrement des talents de cuisinier, ils sont seulement très bien cachés, que Kai est un cas désespéré et que tu seras toujours mon merveilleux petit copain.
Lia ferma les yeux. Elle avait l'impression d'entendre une version plus jeune d'elle-même : la même façon de parler, ce côté positif qu'elle essayait de faire ressortir à chaque phrase... même cette manie d'appeler quelqu'un par son nom complet juste pour rire.
C'était à la fois drôle et effrayant.
Elle avait bien compris que ce Cole était le petit-ami de sa fille. Rien qu'à l'évocation de son nom tout à l'heure, ses yeux s'étaient mis à briller. Il n'avait pas l'air bien méchant.
Comme Ayden.
Oui, comme Ayden. Le garçon le plus gentil qu'elle n'ait jamais rencontré. Si drôle et attentionné...
Il avait réussi à chasser de son cœur tous ceux qui le lui avaient brisé. Il lui avait redonné le sourire.
Maintenant, il était mort.
Mort.
Mort.
Mort.
*****
Quand Lloyd reprit connaissance, il était allongé sur un sol dur qui lui écrasait les omoplates.
– Eh, ça va petit ? demanda une voix à sa gauche.
Lloyd se releva difficilement et vis l'homme qui lui avait posé la question ; il était assis contre un mur, l'air affaibli et épuisé. Il ne semblait pas très vieux – peut-être la quarantaine - mais quelques mèches grises se mêlaient à sa chevelure d'ébène et des lignes barraient son front.
– On... on est où ? bredouilla Lloyd en regardant autour de lui.
L'homme lâcha un petit soupir et jeta un coup d'œil inquiet vers la pénombre, comme s'il s'attendait à ce que quelque chose en sorte, avant de se pencher et de chuchoter :
– Tu as déjà entendu parler des... des Energeantes ?
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