- Chapitre 14 : Angoisse -
Laya préférait garder les yeux rivés sur le mur. Ainsi, elle pouvait se concentrer sur l'essentiel : il fallait qu'elle vérifie si tout se passait bien pour ses amis.
Elle essaya de diriger ses pensées vers eux. Il fallait qu'elle arrête d'entendre les accusations de Jay. Il fallait qu'elle arrête. Stop. Cela devait s'arrêter. Et la douleur dans son regard ? La haine ? Elle devait arrêter. Stop. Il avait dit la vérité. Surtout, ne plus y penser. Stop. Elle se cachait, elle était lâche. Elle décevait tout le monde. Stop, stop ! Il fallait qu'elle s'arrête. Sa respiration s'hachait. Elle n'y arrivait pas. Elle ne pouvait pas y arriver. Elle allait échouer. Stop, il fallait qu'elle arrête. Ce n'est rien de grave.
Respire. Un, deux. Elle n'y arrivait pas. Stop. Il a raison. Respire. C'était ça, il fallait qu'elle respire. Qu'elle n'oublie pas de respirer. Elle n'y arrivait pas. Stop. Elle ne vaut rien. Ce monde ne vaut rien. Respire. Trop de haine. Elle mérite cette haine. Elle décevait tout le monde. Stop. Un, deux. Elle allait mourir. Elle ne savait même pas respirer. Elle se cachait. Elle se cachait tout le temps. Respire. Des larmes. Encore des foutues larmes. Elle était faible. Stop. De l'air. Vite. De l'air. Ses jambes tremblent. Elle est debout ? Elle ne va pas tenir. Respire. Elle ne veut pas mourir. Il y a quoi après mourir ? Son père ? Rien ? Stop. Elle avait mal à la tête. Elle était malade ? Oui, c'était ça. Si elle fermait les yeux ? Non, elle mourrait. Quelle horreur. Elle ne voulait pas mourir. Respire. Elle n'y arrivait plus. Calme-toi, calme-toi. Elle ne pouvait pas. Elle devenait folle. Elle ne dormait plus. Trop d'obscurité. Le monde est obscur. Toutes ces guerres, ces morts. Stop. Un, deux. Il fallait qu'elle respire. Vite. De l'air. Elle n'y arrivait pas. Ses genoux touchèrent quelque chose. Le sol. Elle tombait. Elle mourrait. Elle mourrait de l'intérieur. Respire. Elle avait tué. Elle avait mal. Elle se cachait. Elle était lâche. De l'air. Vite. Plus vite. Ses pouvoirs ne servaient à rien. Elle ne servait à rien. Elle allait mourir. Calme-toi, calme-toi. Elle devait se calmer. Elle devait respirer. C'était ça. Respirer. Elle n'y arrivait pas. Le monde était flou. Mais l'avenir est flou. Tout est obscur. Tout est caché. Comme elle.
– Laya ? Tout va bien ?
Elle entendait une voix. Elle devenait folle. C'est ça. Elle était folle. Il fallait que ça s'arrête. Il fallait qu'elle s'arrête. Tout allait un jour s'arrêter. Stop. Un, deux. Elle devait respirer. Ses poumons se bloquaient. Elle n'y arrivait pas. Elle allait mourir. Quel horreur. Elle ne voulait pas souffrir. Pas encore. Respire. Un, deux. Son épaule. On lui touche l'épaule. On va l'envoyer chez les fous. Elle est folle.
– Laya, c'est moi. Calme-toi. Respire.
Elle voulait respirer. Elle n'y arrivait pas. Elle allait manquer d'air. Elle allait mourir. Elle ne voulait pas mourir. Calme-toi. Ses mains. Elle n'arrivait plus à bouger ses mains. Elle mourrait. Elle ne voulait pas mourir. Elle ne voulait pas être seule. Elle était lâche.
– Regarde moi, Laya. Regarde-moi. Calme-toi.
On lui prend le visage. Des yeux. Des yeux bleus. Ceux de la mort ? Elle ne voulait pas mourir. Stop. Il fallait que ça s'arrête. Elle n'y arrivait pas. On lui touche le visage. Elle est morte ? C'est ça. On découvre son cadavre. Elle est morte. Respire. Un, deux. Ses entrailles brûlent. Son âme. Son âme va mourir. Elle est trop blessée. Elle n'en peut plus. Elle a froid. Non. Elle a chaud. Elle meure. Quelqu'un sera triste ? Non. On la remplacera. Elle ne sert à rien. Les autres sont mieux qu'elle. Mille fois mieux. Calme-toi.
– Calme-toi.
On essuie ses joues. Elle pleurait. Elle était faible. Faible. Elle allait mourir. On repousse ses cheveux. Elle voyait un peu. Les yeux bleus. Cette voix. Stop. Un, deux. Il fallait qu'elle se calme. Elle n'y arrivait pas. Elle ne pouvait pas.
– Calme-toi. C'est moi. C'est Kai. Tu fais une crise d'angoisse. Ecoute ma voix. Concentre-toi sur elle. Calme-toi.
Kai. C'était Kai. C'était lui. Respire. Ce n'était pas la mort. Sa voix. Il fallait qu'elle se concentre dessus. Ses mains. Elle ne pouvait toujours pas bouger ses mains. Elle allait mourir.
– Essaie de souffler un grand coup, d'accord.
Elle essayait de souffler. Calme-toi, calme-toi. Un, deux. De l'air. Il ne comprenait rien. Elle avait juste besoin d'air. Le manque. Le manque opprimait sa poitrine. Elle avait mal. Elle avait trop mal. Elle avait chaud. Non, froid. Les frissons de la mort. Elle était là. Elle allait l'emmener.
– Encore.
Ses lèvres laissaient s'échapper un mince souffle. Elle allait mourir. Elle n'avait plus d'air. Stop, stop !
– Tu es vivante. Tu m'entends, tu es vivante. Tout va bien se passer, d'accord ?
Comment il pouvait savoir ? Il n'était pas médecin. L'avenir est sombre. Il se cache. Comme elle. Et il mourrait. Comme elle. Elle brûlait. Son corps. Son corps brûlait. Respire, respire ! Un, deux. Elle essayait de souffler. Il disait de souffler. Elle n'allait pas y arriver. Elle n'arrivait à rien.
– Super. Essaie de reprendre ton souffle. Respire avec le ventre.
Avec le ventre. C'était facile pour lui. Elle n'y arrivait pas. Calme-toi. De l'air. Elle trouva de l'air. Un fragment. Elle souffla. Nouveau fragment.
– C'est ça, super. Souffle encore. Plus longuement.
Sa voix. Elle était apaisante. Elle souffla encore. Un, deux. Elle inspira. Trois, quatre. Stop. Elle le sentait, ça se stoppait. Respire. De l'air. Elle y arrivait. Un, deux. Trois, quatre. Ses mains. Elles tremblaient. Elles bougeaient. Elle avait froid. Juste froid. Calme-toi. Sa respiration. Elle entendait sa respiration. Un, deux. Trois, quatre. Inspire, expire. Inspire, expire. Respire. Elle pouvait respirer. Elle n'était pas morte. Elle respirait. Elle sentait l'air. Elle n'était pas folle. Sa tête. Elle avait toujours mal à la tête. Elle n'avait pas assez dormi. C'était pour ça. Encore une bouffée d'air, une longue bouffée d'air. Elle allait bien, c'était juste une crise, elle en avait fait, plus jeune. Elle avait juste oublié, oublié comment ça faisait, oublié comment arrêter. C'était sa mère qui l'aidait, sa mère qu'elle aimait tant, sa mère toujours en vie. Oui, toujours en vie, toujours aimante, toujours souriante, toujours belle.
Elle le sentait, elle allait mieux. Cela se dissipait, partait aussi vite que c'était arrivé. Kai, il était là, devant elle.
– Est-ce que ça va mieux ? demanda-t-il.
Laya acquiesça. Oui, ça allait mieux. Elle s'aperçu qu'elle était à genoux sur le sol, elle était tombée du lit sur lequel elle s'était assise. Son cœur battait encore affreusement vite. Elle continuait de respirer profondément. Le monde n'était plus flou. La lumière de la chambre se diffusait tranquillement. Kai était accroupi vers elle. Il la scrutait de ses yeux bleus avec cette expression où se mêlait attention et inquiétude qui le caractérisait si bien.
– Je... merci, bafouilla la jeune fille d'une voix pâteuse.
Il l'aida à s'asseoir sur le lit.
– Tu m'as fait une sacrée frayeur, tu sais ? Quand on était petit, on a été avec Nya dans de nombreux foyers d'accueil. L'un des gamins faisait des crises de panique. Souvent. C'était vraiment flippant. Je me suis rappelé comment les moniteurs faisaient pour le calmer. Finalement, ils n'étaient pas si débiles que ça.
Il réussit à faire sourire la maîtresse de l'esprit.
– Je... je voulais juste voir pour les autres et... c'est venu d'un coup... je ne sais même plus pourquoi, avoua-t-elle avec une curieuse envie de pleurer de nouveau.
– Dans tous les cas, c'est fini, ne t'inquiètes pas. Le pourquoi et le comment ne sont pas importants.
Après avoir hoché la tête, Laya se releva brusquement. Kai l'arrêta d'un geste.
– Attends, tu fais quoi là ?
Elle cligna des yeux.
– Je... je dois voir si les autres vont bien, balbutia-t-elle.
– Assieds-toi, s'il te plaît. Tu es encore toute tremblante, là.
Elle s'exécuta. Il n'avait pas tort ; ses jambes menaçaient de lâcher et ses mains tremblaient autant que le jour où elle était ressortie des montagnes russes pour la première fois. Kai, quant à lui, se leva.
– Je vais te chercher quelque chose à te mettre sous la dent. Je reviens, ne bouges pas et ne fait pas appel à tes capacités.
Il la connaissait mal : à peine avait-il passé le pas de la porte que Laya ferma les yeux.
Cole, Nya, Maya, Skylor et Zane, se répéta-t-elle en boucle.
Alors, elle se sentie comme projetée vers l'avant. Quand elle rouvrit les yeux, elle se trouvait dehors, les pieds dans l'herbe humide, face à un véritable paysage de montagne. Elle l'avait déjà vu. C'était celui de son cauchemar, ça ne faisait aucun doute.
Quelque chose bougea. Elle se retourna et aperçu des silhouettes qui se découpaient dans la nuit. En s'approchant, elle rencontra Maya, Zane et Skylor. Des formes intrigantes reposaient au sol. Le visage de Maya était particulièrement concentré et elle levait l'oreille, comme si elle écoutait quelque chose.
Un chuchotement attira l'attention de Zane et de Skylor ainsi que celle de Laya.
– Venez vite ! On a un problème.
Le cœur de Laya rata un battement quand elle aperçu Nya qui était près d'un garçon aux traits tirés par ce qui paraissait être la douleur. Il se tenait le biceps gauche et fermait parfois les yeux. De la sueur perlait sur son front, collant quelques mèches d'ébène.
Cole.
Immédiatement, elle se concentra sur lui. Quelques microsecondes plus tard, elle avait infiltré son esprit. Aussitôt, elle sentit une explosion de douleur dans on bras gauche, une douleur paralysante qui partait de l'épaule pour venir s'arrêter au bout de ses ongles.
– Ce n'est rien, je vais bien, murmura-t-il. Je me suis juste...
Avant même qu'il finisse sa phrase, on entendit un hurlement. Quelque chose de lourd vint s'abattre sur les épaules de Laya - ou plutôt celles de Cole. Elle tomba à genoux sous le choc. Mais elle ne toucha jamais le sol. En baissant le regard, elle s'aperçut que la terre ferme s'éloignait de plus en plus.
Quelque chose la sorti de sa transe. Kai.
– Qu'est-ce que tu fais ! s'exclama-t-il en posant de la nourriture sur le lit. Je t'avais pourtant dit de...
Laya lui fit signe de se taire.
– Ils sont en danger. Cole est blessé et un machin les a emportés. Un truc volant. Maya, elle écoutait... comme si... c'est ça ! Des ailes ! Les Energeantes ! Ils sont en danger de mort !
– Attends, moins vite. Tu veux dire que...
– Ils se sont fait capturer ! Ils vont mourir. Je... je...
Elle se sentit soudain terriblement faible. Quelque chose coula sur son menton. Elle porta sa main à son visage et s'aperçut qu'elle saignait du nez. Ses forces commençaient à la quitter peu à peu.
– Je... je dois juste... dormir... je vais b... bien...
Elle sentit Kai la rattraper au moment où elle sombrait dans l'inconscience.
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