Zane avait un terrible pressentiment. Comme s'il sentait que quelque chose de terrible allait arriver. Et, le pire, c'était qu'il était sûr que ce quelque chose n'allait pas arriver à lui. Il avait étudié les Energeantes toute la journée, et il savait désormais qu'elles n'en n'avaient strictement rien n'à faire des sources d'énergies autres qu'humaines. En fait, elles n'avaient aucun de contrôle dessus.

     Ils s'approchaient lentement d'une masse rocheuse importante, comme une montagne. Chacun veillait à ne faire aucun bruit ; leurs pas étaient calculés, leur souffle contrôlé et leurs gestes prudents.

    – Tout semble si facile d'accès de l'extérieur... marmonna Maya.

    Zane ne savait quoi penser de cette femme. Elle paraissait forte et courageuse, mais quelque chose manquait. Le maître de la glace jeta un œil à Nya. Celle-ci s'efforçait de détourner le regard de sa mère, en vain. Voilà ce qu'il manquait ; elle avait perdu ses enfants il y a des années, mais ne semblait pas se rendre compte que, maintenant, ils étaient là. Elle n'en profitait pas. Certes, Nya lui en voulait. Mais Maya n'avait à aucun moment essayé de se faire pardonner. Elle n'était même pas venue lui parler.

    Soudain, un bruit étrange, comme un frottement, passa à côté d'eux.

    – Au sol ! chuchota Maya.

    Ils allaient se baisser quand quelque chose les percuta violement aux chevilles. Ils perdirent tous l'équilibre et tombèrent lourdement sur la terre encore un peu humide.

    Tous ? Non. Zane releva les yeux et vit que Maya se tenait encore debout, en position de combat. Elle avait sorti ce qui ressemblait à une dague. Zane se souvint avoir aperçu quelque chose à la ceinture de Maya. Il n'avait pas imaginé que c'était une arme.

    Elle restait immobile. Tout à coup, Zane sentit quelque chose passer vers ses jambes. C'était chaud, de toute évidence poilue, et pas plus gros qu'un chat fort bien nourrie. Il dû aussi passer vers Skylor car la jeune fille glapit en se levant précipitamment.

    – C'est quoi ce truc ! s'affola-t-elle.

    – Arrête de bouger, ça l'attire, dit Maya.

    Skylor se figea.

    – Mais c'est quoi ? demanda-t-elle.

    – Un Scarfiode. Une créature aveugle qui repère ses proies à leurs mouvements. Ils possèdent sur leur ventre un dard qui libère de fortes doses de poison, permettant de paralyser et de tuer lentement leur victime. Souvent, ce sont des animaux aussi gros qu'eux. Une fois la créature morte, ils la dévorent.

    Il faisait sombre, mais pas suffisamment pour que Zane ne remarque pas le visage de Cole pâlir.

    – Comment on les tue ? s'empressa-t-il de demander.

    – Il n'y a qu'un moyen : il faut qu'ils se piquent eux-mêmes. Si leur poison n'est pas dilué dans le sang de leur victime, il est nocif pour eux. Du moins, s'ils se piquent, expliqua Maya. Sous leur fourrure violette, ils ont une carapace impénétrable. Il faut les piquer aux pattes.

    Nya eut un sourire.

    – Leur fourrure est... aaaah !

    Zane se tourna vers la jeune fille. Elle aussi s'était levée, paniquée.

    – Il est passé juste là !

    Soudain, une forme sombre sauta sur Maya. Celle-ci attrapa la créature avec une vitesse qui dépassait l'entendement. Plus vive que l'éclair, elle fit quelques gestes experts et, sous les yeux à la fois impressionnés et effrayés des maîtres et maîtresses élémentaire, le Scarfiode retomba par terre, inerte.

    Comme les autres, Zane s'approcha, profitant de la clarté de la lune pour observer l'animal. La créature était vraiment immonde ; sur le dos, on pouvait tout de même apercevoir ses yeux aveugles, entièrement rouges, globuleux et sans vie. Sur son ventre se dressait un dard menaçant dont coulait encore un peu de poison argenté. Ses pattes étaient grossières et indélicates. L'une d'elle semblait être blessée, très certainement par le dard, et semblait très enflée.

    Maya repoussa lentement du pied la tête duveteuse du monstre.

    – Soyez prudents. Un Scarfiode ne se promène jamais seul...

    Et, comme pour lui donner raison, une bonne demi-douzaine de créatures sortit des hautes herbes.

    – Ne paniquez pas, souffla Maya. Je prends les deux devant moi. Cole, occupe-toi de celui de gauche. Skylor, celui à côté, Nya, il y en a un derrière toi. Zane, pareil. Quand je vous donne le signal, attaquez, compris ?

    Les quatre maîtres élémentaire hochèrent la tête.

    – Je déteste ce genre de bestiole, lâcha Cole d'une voix tendue.

    Malgré tout, Maya fit un geste de la main et il se vit obligé d'attaquer.

*****

    Nya crut qu'elle n'allait jamais y arriver ; le Scarfiode ne la laissait pas s'approcher, n'attendant qu'à bondir. Elle entendait derrière elle des bruits de luttes, signe que les autres devaient déjà avoir réussi à attraper les créatures.

    Elle bondit sur la créature mais ne réussit qu'à s'étaler lourdement sur le sol. Le Scarfiode était rapide. Trop rapide ; il se faufilait entre ses chevilles, la chatouillant de sa fourrure. Il avait plusieurs fois tenté de la piquer, mais Nya l'avait esquivée à chaque fois.

    Elle se releva vivement. Cela faisait bien deux minutes que la chasse aux Scarfiodes avait commencé et elle était fatiguée ; ses bras étaient lourds, son cœur battait à toute rompre dans sa poitrine et elle s'essoufflait.

    La créature lui bondit dessus. Par reflexe, Nya se protégea de ses mains, les tendant devant elle, en fermant les yeux.

    Elle sentit sa peau rentrer en contact avec quelque chose de chaud, dur et légèrement humide. Elle rouvrit instantanément les yeux et se retrouva face-à-face avec la tête irrégulière du Scarfiode.

    Prise de surprise, elle manqua de la lâcher. La bête se débattait, donnait de violents coups de pattes et hérissait son dard. Ses pattes étaient sur l'extérieur protégé par la carapace de l'animal ; mais l'intérieur présentait un mélange peu ragoutant de chair et de poils qui semblaient palpiter. Nya se sentit prise de nausée.

    La créature donna un nouveau coup de patte, plus violent, et Nya attrapa cette dernière. Le toucher n'était pas moins agréable que la vue que celle-ci offrait. Les doigts de la jeune fille s'enfoncèrent dans la chair visqueuse. Une odeur écœurante, mélange d'œuf pourris, de graisse brulée et celle métallique du sang, s'en dégagea.

    La tête de Nya se mit à lui tourner. Soudainement, le dard du Scarfiode semblait plus long, plus menaçant. La créature feulait, crachait et poussait des petits cris grinçants. Ses yeux aveugles étaient exorbités. Il claquait de la mâchoire, révélant des rangées de dents terrifiantes. Un liquide pâteux coula sur la main de Nya. Une sorte de mélange de pu, de sang et de chair liquéfiée.

    La créature tenta une dernière fois de la transpercer de son dard. Mais à la place, le pique mortel termina sa course dans le haut de la patte de l'animal avec un bruit d'os brisés et un gargouillement immonde.

    Nya relâcha le Scarfiode qui retomba, mort. Ses mains étaient encore recouvertes de l'horrible liquide et elle sentait que de la chair de la créature s'était faufilée sous ses ongles.

    Elle se laissa tomber à genoux, essayant de ne pas oublier de respirer. Elle regarda le liquide noirâtre qui coulait sur ses mains. Hoquetant de dégoût, elle invoqua son élément et fit rapidement disparaître la substance. Aussi, elle s'ôta les résidus de chair qui logeaient sous ses ongles.

    Elle ne vit pas la créature qui s'approchait lentement, ventre contre sol.

    Cole, oui.

    Sans comprendre, Nya vit le maître de la terre se jeter sur elle et la repousser plus loin. La jeune fille, surprise, leva des yeux pleins de colère sur lui.

    Mais la peur prit vite la place de la haine ; alors que le Scarfiode s'écrasait sur le sol, raide mort, Cole tituba.

    De sa main droite, il pressait son biceps gauche, d'où s'écoulait un liquide argenté.