- Chapitre 1 : La Lettre -
Le vent sifflait, en ce mois d'avril. De l'air passait à travers la fenêtre. Nya frissonna et enfonça sa main dans la poche de sa veste. Ses doigts rencontrèrent bientôt la surface lisse du papier qui reposait là depuis une semaine. Elle n'avait toujours pas osé l'ouvrir.
Et si c'était quelqu'un d'autres ? Et si c'était une blague ?
Peut-être était-ce juste un psychopathe qui depuis des années... non. La jeune fille ne pouvait pas se permettre de penser ça.
– Nya ! Tu m'écoutes ?
La maîtresse de l'eau sursauta. Elle leva les yeux et rencontra le regard de son frère ainé.
– Pardon, Kai. Je... je me suis déconcentrée. Qu'est-ce que tu disais ?
– Ta chambre, reprit le jeune homme. Tu es sûre de ne rien prendre de plus ? Il y a à peine... trois cartons.
Nya secoua la tête.
– Non, ce n'est pas la peine.
– Même tes vêtements ? T'as presque rien pris et...
– J'ai dit non, Kai, coupa la jeune fille. Et au pire, on se fera une séance shopping avec Skylor et Laya.
– On parle de moi ? demanda une voix familière derrière Nya.
Cette dernière se retourna et se retrouva face à Laya. La maîtresse de l'esprit la fixait de ses yeux bleus avec un petit sourire.
– Qu'est-ce que tu fais là ? interrogea Kai, surpris.
Laya sourit de plus belle.
– On vient vous aider, bien sûr !
Kai et Nya se consultèrent du regard.
– Euh... on ? Qui est avec toi ? demanda Nya.
Laya passa la main dans ses cheveux châtains et lança un regard par-dessus son épaule. Un fracas suivit d'un rire se fit entendre.
– Ils sont là, annonça inutilement la maîtresse de l'esprit.
Un garçon apparu dans l'encadrement de la porte en haletant et souffla sur l'une des mèches noires qui lui tombait devant les yeux.
– Salut les gars... souffla-t-il. C'est fou il y a pas d'ascenseur dans votre foutu immeuble...
Laya leva les yeux au ciel.
– Ça se dit maître élémentaire et c'est même pas fichu de monter quatre étages par les escaliers... Cole Brookstone, que va-t-on faire de toi ?
Cole fit mine d'être vexé. Au même moment, un autre adolescent débarqua en courant dans le hall où ils se trouvaient tous, tout aussi essoufflé que Cole, les yeux pétillant et les mains en sang.
– Jay ! s'exclama Nya en constatant les blessures de son petit ami. Qu'est-ce que tu as fait !
Jay regarda ses mains, comme s'il ne s'était aperçu de rien et rigola bêtement.
– J'ai loupé une marche tout à l'heure, c'est Cole qui m'a poussé. D'ailleurs, t'as triché !
– On faisait la course du premier arrivé, expliqua Cole.
Laya adressa un regard à Nya, que l'on pouvait facilement traduire par : « Les garçons, j'te jure... »
– Qu'est-ce que vous faites tous là ?
– Pourquoi Kai ? Tu ne veux pas voir tes meilleurs amis de tout les temps qui t'aiment ? demanda Cole en ouvrant de grands yeux de biche innocente.
– Rho arrête ! Tu sais très bien ce que...
– Je te l'ai déjà dit : on vient vous aider à déménager tout ça, patate ! s'exclama Laya.
Nya jeta un œil aux cartons qui encombraient le couloir. Bientôt, leur appartement allait être vide et ils allaient emménager dans le Bounty, le bateau QG. Presque tous leurs amis maîtres élémentaires l'avaient fait : Jay, Laya, Cole et Zane. Lloyd vivait encore avec ses parents mais était entrer en internat cette année. Et Skylor, la maîtresse de l'ambre, vivait avec son père et passait le plus clair de son temps en cours ou au magasin de nouilles de son unique parent, pour l'aider.
– D'accord, approuva Nya.
– Génial ! s'écria Jay avant de l'entraîner dans le couloir en la prenant par la main. Je veux trop voir ta chambre.
~~~
– Vas-y Laya, tu peux fermer le coffre ! indiqua Kai en posant le dernier carton sur le sol.
Debout devant ses affaires, Nya soupira :
– Maintenant il faut tout ranger.
– Tu feras ça plus tard, lui lança Jay avec enthousiasme. On est en vacances après tout ! Il n'y a pas le feu aux flaques !
Nya sourit avant de l'embrasser.
– T'as raison. Bon, je vais prendre une douche je transpire de partout. À tout de suite, conclut-elle en sortant, non sans gratifier Jay d'un petit clin d'œil.
C'est les mains fébriles que Nya sortit le papier de sa poche. Assise sur le rebord de la baignoire, elle n'arrivait pas à trouver le courage de le deplier. Elle passa plusieurs fois les doigts sur les trois lettres inscrites sur l'envers.
Nya
Elle releva la tête pour faire face à l'un des miroirs et fixa son reflet. Durant deux bonnes minutes, elle resta ainsi. Elle inspirait, puis expirait. Se répétant la même phrase dans sa tête :
Tu peux le faire.
N'était-ce pas elle qui incitait Laya à faire face à ses peurs ? A surmonter le passé ?
Alors qu'elle-même n'y parvenait pas, qui était-elle pour donner de tels conseils ?
Nya finit par fermer ses paupières. Toujours en respirant profondément.
Tu peux le faire.
À l'aveuglette, ses doigts trouvèrent le bord tranchant du papier. Puis, le plus lentement possible, elle déplia la feuille.
La maîtresse de l'eau n'ouvrit pas les yeux tout de suite. Elle attendit encore quelques secondes. Quand, enfin, ses paupières laissèrent à ses prunelles brunes voir le monde, Nya porta son regard sur l'écriture fine qui courait sur le papier.
Nya,
Ma fille. Ma toute petite fille.
J'ai tant de chose à dire. Aujourd'hui, tu as dix-sept ans. Dix-sept ans que je t'aime et que je pense à toi, chaque jour, chaque heure, chaque minute.
Chaque seconde.
Depuis le temps que je voulais te parler, te répondre enfin. J'ai reçu et gardé chacune de tes lettres. De la première, il y a de cela dix ans, à la dernière. Tu n'as jamais perdu espoir et m'en a redonné. Je suis tellement, tellement fière de toi, mon ange.
Ne pas vous voir, toi et Kai, durant ces quatorze dernières années a été la plus dure des épreuves. Mais savoir que tu étais heureuse m'aidais à la surmonter.
Chaque mois, j'invoquais mon pouvoir élémentaire pour récupérer tes écrits. Chaque mois, tu me comblais de joie.
Trouver de quoi t'écrire, du temps pour le faire et assez de discrétion pour t'ouvrir mon cœur m'a pris des années. Et ce n'est qu'aujourd'hui que j'y parviens enfin. Pourquoi aujourd'hui ! Pourquoi réussir quand tout doit s'arrêter ?
Oui, tu as bien lu. Je suis tellement désolée ma puce.
Mais tu ne dois plus m'écrire. Tu ne peux plus. Sinon beaucoup de personnes que j'aime seront en danger.
Tu serais en danger.
Mais tu dois continuer de vivre et de défendre tes valeurs. Être Maître Elémentaire, ce n'est jamais facile. Mais d'après ce que j'ai compris de tes lettres, tu es très bien entouré. Ne tourne jamais le dos à tes amis, ma belle. Ils te sont le bien le plus précieux dans ce monde.
Enfin, ne me cherche pas. Ne parle pas de tout cela à quelqu'un d'autres.
Je t'en supplie.
Ne nous cherche pas.
Je t'aime de tout mon cœur,
Maman.
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