Chapitre 7
— J'ai presque cru un instant que tu t'étais enfui , m'avoue mon père.
Je reste muette un moment avant de réaliser que les propos de mon père confirmaient mon dernier espoir. Alors comme ça...on pouvait partir de l'enfer... Sans s'en rendre compte, mon père m'avait dit qu'il y avait bien un moyen de s'échapper d'ici.
Papa ne lâche pas mon bras, et me m'entraîne hors de l'immense potager. Nous retrouvons rapidement la pesanteur, dont j'avais déjà oublié la sensation. Il m'entraine dans un couloir que je n'avais encore jamais vu et s'arrête devant une porte verrouillée par un code. Mon père le compose en s'arrangeant pour que je ne le vois pas, et la porte s'ouvre dans un déclic. Dès que je pose un pas dans la pièce, je retombe au sol. Bien que je me sens encore légère, je peux marcher. Ici, la pesanteur n'existe pas. Je devine que c'est ici que mon père et moi sommes censés vivre pendant le temps du voyage. Un grand salon, fade et sans décoration ouvre l'appartement. Mon père me relâche après avoir refermé soigneusement la porte d'entrée.
— Alizée, je peux savoir pourquoi tu ne m'as pas suivi hier?
Je reste muette. Je n'ai aucune envie de parler à mon père. Mon père, je l'ai toujours aimé parce que c'était mon père, mais maintenant, je ne veux plus entendre parler de lui. C'est un manipulateur, un menteur. Il ne veut que la gloire et l'argent, et je n'ai même pas ouvert les yeux pour m'en rendre compte. Jusqu'à présent. Maintenant, c'est terminé.
Je lui tourne le dos, et me dirige vers les différentes pièces de la maison, espérant trouver ce qui est censé être ma chambre. Je veux juste être tranquille. Je trouve ma valise dans une pièce, seulement meublée d'un lit et d'une armoire. Et évidemment, d'un lasécran. Rien qu'à la vue de cette machine, la pure invention maudite de mon père me met en colère. Je prend un gros livre dans ma valise, et le frappe sur les billes de fer, empêchant les lasers de s'allumer. Je ne veux plus jamais entendre le petit bip sonore que fait cet écran quand il s'allume. Je m'acharne pendant plusieurs minutes dessus, juste pour être sûre qu'il ne marchera plus jamais. Il faut que je sorte de cet endroit. Je crois que je ne supporterais plus jamais la proximité avec mon père. Je sors de ma chambre, traverse le salon pour ouvrir la porte de sortie. Mais elle est fermée. Je me retourne en cherchant mon père des yeux. Il n'est pas là.
— Papa! Ouvre moi tout de suite.
— Pourquoi je le ferais? Je ne peux même plus te faire confiance, dit sa voix sortant d'une pièce voisine.
— Je, je veux aller dans la salle de sport. Je reviens dans une heure. Promis.
— C'est ça. Je ne suis pas bête Alizée, continue la voix de mon père sans pour autant apparaître.
Je ne reconnais plus mon père. Ce n'est pas le même homme qui quand j'était petite appelait " papa", en sautant dans ses bras. Ce n'est pas le petit ingénieur qui en rentrant du boulot le soir me prenait dans ses bras et embrassait sa femme. Ce n'est pas le père qui nous racontait avec un grand sourire que son projet d'écran à partir de micro laser pourrait fonctionner. Non, maintenant, c'est un homme impassible au monde qui l'entoure. Un menteur, violent, sans cœur. Ce n'est pas "papa". Ce n'est plus "papa".
— Tu me fais peur. Ouvre moi s'il te plait. Je t'en prie, tu as juste à me dire le code.
Un petit cadran composé de numéros bloque mon passage. Il me suffit juste de trouver six chiffres. Seulement six et je suis libre. Mon père ne répond pas à mes supplices, et il semble encore dans la pièce d'à côté. Je peux tenter. Je peux essayer tant que je peux. Je réfléchis. Mon père est ingénieur. Il n'aurait jamais mis un code facile à trouver. Pas sa date de naissance ou un code du genre "1,2,3,4,5,6". Ni sa date de naissance. Tout mon corps tremble quand mon index frôle le numéro quatre. Je vais tenter " 140921". Ma date de naissance. Je n'y crois pas trop, mais juste au cas où. Quand je finis de taper la dernière touche, une voix aiguë s'élève. "code incorrect. Voulez réessayer." Et merde.
— Alizée ! Qu'est ce que tu fais ?
J'entend mon père marcher vers moi. Je n'ai pas le temps de me retourner. C'est maintenant ou jamais. Mes doigts parcourent de nouveau les touches en plastique, et la porte s'ouvre dans un déclic. " 011130". La date de l'invention du lasécran... J'aurais dû m'en douter.
Je referme la porte du plus fort que je puisse sur le nez de mon père et retrouve la lévitation. Je me hisse le plus vite possible le long du couloir et me dirige vers la pièce aux murs de verre que j'ai découverte la veille. J'entend derrière moi la porte de notre appartement qui s'ouvre. Mon père. Mais je suis plus rapide que lui et tourne dans les nombreux couloirs jusqu'à qu'il abandonne la course. Je me perds deux fois de suite et retourne sur mes pas. Ici, tout se ressemble. Au moins, sur Terre, chaque endroit avait sa signification et sa particularité. Ici, tout est fade et neutre.
Je retrouve enfin la pièce et m'avance, les yeux rivés sur les étoiles. C'est si beau que ça me calme directement.
— C'est beau, hein?
Mon cœur fait un bond. Je crois d'abord que mon père m'a retrouvé, et je me tourne pour voir d'où provient la voix. Un garçon, sûrement déjà majeur, flotte dans les aires, le regard rivé sur Terre, qui est déjà qu'une petite boule. Ses cheveux bruns tombent sur ses épaules. Je ne distingue que vaguement son visage qui se reflète sur la vitre donnant sur l'infini.
— Je suis vraiment désolé, je pensais qu'il n'y aurait personne. Je m'en vais, dis-je.
Je suis gêné, mais dégouté que quelqu'un d'autre ait découvert si tôt ce coin au bout de la vie.
— Non ne t'inquiète pas, tu connais cet endroit depuis plus longtemps que moi. Je t'ai vu repartir d'ici ce matin. Reste ici, je ne te dérangerais pas.
Je n'ai vraiment aucune envie de rester avec un fils pourris gâté, lâche d'abandonner notre planète. Pourtant, mes yeux restent fixés sur son visage, à présent face à moi. Une grande cicatrice le traverse de son front jusqu'à sous son œil gauche. Cet œil est complètement immobile et ne cligne pas. Comme s' il était...aveugle.
— C'est mon œil que tu regardes?
Je détourne immédiatement les yeux, encore plus gêné. Je ne me suis même pas rendu compte que je le fixait comme ça.
— Non, je...
— Pas besoin de mentir tu sais. J'ai l'habitude. C'est juste un accident bête. Et pour ta curiosité, en effet, je ne vois plus de cet œil-ci. Je m'appelle Malo. Et toi?
Je ne fait pas plus de remarque sur son œil, bien trop contente qu'il change de sujet. Même si je n'ai pas vraiment envie de parler, lui qui m'a promi qu'il me dérangerais pas, je répond quand même.
— Alizée.
Malo reporte son attention vers les étoiles, sans dire un mot de plus. Quel garçon étrange... Il lance la conversation et ne fait rien pour la garder. Je reste à flotter à quelques mètres de distance de lui, et plante mon regard sur ma planète natale. Terre. Cette planète si belle et si riche. Et dire que je n'y remettrais peut-être plus jamais les pieds... A moins que je trouve cette navette dont parlait mon père et qui me ramènerait là-bas. Je suis consciente que ça serais un suicide et que je n'aurais pas plus de sept mois à vivre. Mais c'est tout ce que je veux. Me réfugier dans les bras de Loïs une dernière fois et entendre la voix de Marie. Mourir en paix.
— Juste avant que la fusée décolle, je t'ai vu arriver avec ton père. Tu n'avais pas envie de venir c'est ça?
Je sursaute, habituée au silence des dernières secondes.
— Oui. C'est vrai. Et je n'ai pas l'intention de rester, j'avoue.
Je regrette aussitôt ce que je viens de dire. Ce Malo que je connais à peine pourrait très bien rapporter à mon père mes projets. Pourtant, la réponse de Malo me surprend.
— Moi aussi. Plutôt crever sur Terre que de rester ici. Mais comment veux-tu partir d'ici?
— Sérieux? Tu as été aussi forcé?
Il ne répond pas à ma question. Mais je n'ai pas besoin de sa réponse. J'ai très bien compris. Pourtant, j'ai du mal à donner ma confiance à cet inconnu. Et même s' il disait vrai...je préfère faire mes plans seule. A deux, il y a deux fois plus de chance de louper la mission. Mais peut-être aussi deux fois plus de chance de la réussir...
— Mon père ne m'a pas prévenu qu'on partirais de la Terre. Quand il nous a emmené ma mère et moi devant la fusée, j'ai vite compris. Mais c'était trop tard... répond-il enfin.
Peut être que je ne suis pas si seule au final...Peut être qu'il il à quelqu'un qui pourra me comprendre dans ce vaisseau.
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