Chapitre 6
Sur le sol froid, je ne veux pas accepter que c'est trop tard. Que c'est terminé. Que j'ai loupé la dernière occasion de regarder ma planète. Mes larmes tombent les unes après les autres sur le sol. J'ai tellement mal à la tête.
"La fusée va démarrer dans neuf minutes. Dépêchez vous de vous mettre en place." Annonce une voix synthétique.
— Relève toi Alizé. Tu crois que je n'avais pas vu ton jeu? Je suis celui qui te connaît le mieux. Jamais tu pourras me tromper. Jamais.
Je ne bouge pas. Je n'ose pas. Autant mourir projetée contre un mur quand la fusée démarrera. Mais mon père n'est pas de cet avis. Il m'attrape violemment l'épaule et prend les valises de son autre main. On commence à marcher dans le vaisseau. Il se tourne alors vers la droite, compose un code sur un boîtier coller au mur et celui s'ouvre. Deux pinces géantes saisissent les deux valises et les avalent, avant que le mur se referme dans un grincement sourd. On continue à marcher, des portes séparant différentes parties du couloir s'ouvrant à notre passage. Enfin, mon père tourne et rentre dans une pièce circulaire, avec des sièges positionnés en cercle. Une vingtaine de personnes sont déjà assises, attachées comme s' ils allaient faire une attraction. Comme si cette fusée n'était rien d'autre qu'un jeu, qu'un moyen de s'amuser. Mais ce n'est qu'un moyen de s'évader. Il ne reste que deux places libres. Mon père m'assoie de force sur l'une d'elle, et m'attache comme un enfant.Il s'approche de mon oreille pour me chuchoter " Ne me fais pas honte". Lui a peut-être honte de moi , mais moi, je n'ai pas honte, tellement je suis dévasté. Je dois être horrible à voir, mes cheveux se collant à mes larmes, du moins les plus longues mèches de mes cheveux courts, et mon mascara à dû couler. Quand mon père me clipse l'épaisse ceinture de fer, une voix annonce qu'il ne reste que cinq minutes avant le décollage. Cinq minutes sur cette Terre. Mon père s'assoit à côté de moi, au siège qui lui est adressé. Nous sommes tous face aux autres voyageurs - ou plutôt face aux lâches - comme une secte qui se prépare à une réunion. Nous sommes les méchants, les dégonflés qui fuyons, les pourris gâtés, les chanceux. Tout ce que je ne veux pas être. Pourtant, ces familles richissime n'ont pas l'air triste, non. Juste impatient. Impatient de recommencer leur nouvelle petite vie loin de tous les problèmes. Et je ne vais pas cacher mes larmes pour eux. Je veux que mon père aie honte de moi. Je veux que tout le monde voit ce que mon père me fait. M'inflige. Je veux que le monde entier voit mes larmes, mes pleurs pour qu'ils voient que non, je ne suis pas lâche. Je ne veux pas fuir. Je veux être comme les autres hommes et femmes, enfants et les anciens. Je veux faire face à la fin de mon monde, coûte que coûte.
Le décompte se déclenche enfin. Les secondes les plus rapides de ma vie. Comme si on voulait que je profite le moins de l'air de la Terre. Comme si on voulait m'arraché de mes racines.
10,
9,
8,
7,
6,
5,
4,
3,
2,
1
0.
Si je devais décrire cet instant, je le décrirais comme le plus horrible de ma vie. Mais aussi le plus vide, car je n'arrive pas à réfléchir. Pourtant, j'ai l'impression que les idées fusent dans ma tête. Tout se passe en sens contradictoire.
Il y a tellement de bruit que l'on ne doit pas entendre mes pleurs. Ni mes cris. Ni mes demandes à l'aide inutile. Je ferme mes yeux du plus fort possible. Pour ne pas voir les autres, pour m'empêcher de vomir. Je n'ai aucune idée du temps que prend cette immense secousse. 1 seconde? 10 minutes? J'ai l'impression d'être compressé sur moi-même. Mais c'est peut être seulement mon passé qui me compresse. C'est si flou. A un moment, toute la secousse s'arrête d'un coup et j'ai soudain l'impression de devenir plus légère. Comme si j'étais dans l'eau. Comme si je flottais.
" Vous êtes arrivés. Si vous avez des nausées, je vous prit de vous diriger vers les tubes sur vos droites".
Les ceintures se lèvent alors automatiquement, et je me retrouve à m'envoler, malgré moi. Mais la sensation... comme si il n'existait rien autour. Je ferme les yeux, m'imaginant quelques instants dans l'eau, à la mer. Je me laisse couler dans les eaux profondes. La sensation de l'eau froide glissant sur ma peau m'envahie presque. Je sens alors quelque chose me heurter. Le fond marin? Je rouvre les yeux et me retrouve face à un homme aux joues tombantes, aux cernes bleus mais à la moustache soigneusement taillée. Cela me ramène directement à la réalité.
— Mince, désolé ma demoiselle, s'excuse-t-il.
Mon envie de vomir est revenue. Je les déteste tous.
— Alizée, suit moi. Je vais te montrer notre nouvelle maison pour une année.
Je me retourne vers mon père, qui fait comme si ce qu'il c'était passé entre nous n'était rien du tout. Il se retourne et commence à se déplacer en tirant sur des bars de fer accrochée aux parois des couloirs. Mais c'est hors de question que je le suive. Tandis qu'il tourne à droite, je tourne à gauche en m'avançant dans un long couloir aux néons blanc. Je veux juste ne plus voir leurs têtes. Des portes closes décorent les murs blanc. Je n'ose même pas imaginer la taille de ce vaisseaux. Je tourne à droite, et m'enfonce dans une zone ou les lumières ne sont même plus allumées. Tout au bout du couloir, je rentre dans une pièce ou la porte est inexistante et ouverte à tous. Mon cœur fait alors un bond.
Je suis littéralement dans le vide. Je prends quelques secondes à me rendre compte que je ne flotte pas dans l'espace mais que les murs sont faits de verre. Parfaitement nettoyé, j'ai l'impression qu'il n'y à aucune limite entre moi et l'espace. Je ne suis plus qu' Alizée, face à ma Terre. Juste en face de moi, la planète ou j'ai grandis flotte au milieu du noir le plus profond. Vu comme ça, qu'est ce que la vie? Qu'est ce que ça change ces secondes de rotation perdues? Dire que je n'ai jamais écrasé d'insectes volontairement car j'avais mal pour elle, et que, même si par inadvertance il me venait à en tuer une, j'en pleurait des heures . Maintenant, j'ai envie de revenir sur Terre pour en écraser des centaines. Car qu'est ce que ça changerait? Flottant au milieu du vide, j'ai juste envie de rester ici à jamais. Au-dessus de tout le monde, au-dessus de l'existence. J'ai juste envie de mourir dans cette pièce ou la vie ne veut rien dire.
Je suis sûre que Marie aurait adoré cet endroit... Marie... J'aurais au moins respecté une promesse dans ma vie. La sienne. De m'envoler plus haut qu'elle. Mais la promesse de Loïs...que j'allais vivre ces derniers mois avec lui... Cette promesse-là, je ne l'ai pas respectée.
— MERDE, MAIS MERDE !!! QU'EST CE QUE C'EST QUE CETTE VIE ?!
Je m'époumone du mieux que je peux, juste pour relâcher la pression. Mais ça ne marche pas. J'ai juste encore plus mal à la tête, à la gorge. Je n'en peux plus. J'ai juste envie de me blottir sous les couvertures de mon lit. Même mon lit n'est plus là à présent. Le sommeil vient finalement à moi tout seule, et je m'endors pour la première fois dans l'espace, en flottant. Dans mon sommeil, Loïs vient me voir. "Tu avais promis qu'on vivrait ensemble Alizée. Tu m'avais promis! "
Je me réveille en sueur. Les gouttes d'eau sur ma nuque s'envolent dans la pièce, au lieu de dégouliner le long de mon corps.
Le visage de Loïs déformer par le cauchemar me hante encore. Sa voix tourne en boucle dans ma tête me fait culpabiliser. La planète Terre, quant à elle, est encore plus loin que la veille J'aurais voulu me réveiller et être de nouveau sur Terre, mais ça n'est pas le cas. La planète bleue est si petite d'ici. Loïc est à des kilomètres et des kilomètres d'ici.
Je baisse mon regard sur mon bras qui me pique la peau. La trace de la main de mon père me rappelle sa cruauté. Mon propre père.
J'ai un peu réfléchi aussi. Et si il y avait un moyen de repartir d'ici? Il doit bien y avoir une petite navette indépendante non? Je jette un dernier coup d'œil à la pièce en mémorisant sa localisation et tire sur les barres de faire pour sortir de ce cocon hors du temps. Je suis décidé à trouver quelque chose pour me faire sortir d'ici, coûte que coûte. Je retourne dans le couloir inquiétant, au allure d'hôpital psychiatrique. C'est en tout cas à ça que ça me fait penser. Un couloir à en devenir fou si on y restait trop longtemps. J'ouvre la première porte qui donne sur la gauche. Une grande pièce blanche est remplie de matériel de sport. Alors comme ça c'est ici qu'on est censé entretenir notre corps... Mais ce n'est pas par ici que je pourrais m'enfuir. J'ouvre toutes les portes les unes après les autres, trouvant des réserves de nourriture, des salles de contrôle vide ou même des salles de jeux. Mais la plupart des portes sont verrouillées par des codes.
J'ouvre une nouvelle porte qui donne sur une minuscule pièce. Dès que la porte que je viens d'ouvrir se referme derrière moi, je sens mon ventre se tordre. Une sensation étrange parcourt mon corps, de la tête au pied. " Fin de la pesanteur." Annonce une voix synthétique. Je remarque alors que je suis de nouveau sur le sol. Comme sur Terre. Une deuxième porte se rouvre sur un immense potager. Des colonnes entières zèbrent la pièces de millions de plantes, des centaines de variétés de tomates, pommes de terres, fruits, légumes. Je m'avance, marchant au milieu des plantations. Des dizaines de robots s'occupent des plantes, car c'est notre vie qui en dépend. Je marche encore et encore, savourant la sensation qui me rappelle ma planète.
Une main que je connais bien s'abat alors sur mon bras, au même endroit ou la veille, ses doigts ont enlacé ma peau. Violemment, il me tourne face à lui.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top