Je crois que mes journées n'ont jamais été aussi longues et aussi répétitives. Papa ne sors plus dehors. Moi non plus. Et il ne veut pas me dire pourquoi. Il reste enfermé toute la journée dans son bureau, tandis que j'enchaine les livres qui se confondent dans ma tête. J'ai l'impression d'entendre en boucle la voix des journalistes qui parlent de la catastrophe naturelle qui est en train de se produire. Ils ont beau en parler depuis une semaine, ils n'ont jamais trouvé une solution. Et la planète Terre à déjà perdu 35 secondes. Et c'est tellement énorme. Il paraît qu'au début, au tout début de l'existence de notre planète, la rotation terrestre était de 22 heures. Et la rotation à accélérer. C'est dingue.
Assise dans mon lit, relisant une dizaine de fois la même phrase de mon livre sans m'en rendre compte, j'attend que le temps passe. J'attend que la Terre tourne. Je prends mon téléphone, décidée à appeler Loïs pour qu'il me rassure un peu.
- Allô?
- Allô Alizé? Ça ne va pas?
- Bof, j'ai pas trop le moral.
- Tu n'es pas au boulot?
- Non. Je suis rentré à la maison.
Ce n'est pas tout à fait un mensonge. Seulement, je suis rentré à la maison depuis trois jours de chez Loïs. Pas de mon boulot.
- Tu veux passer à la maison? Me propose il.
Si seulement je pouvais...
- Non, c'est trop loin de chez toi.
- Je peux venir chez toi. Tu n'as qu'à me dire où c'est. Tu ne me l'a jamais dit.
Je ne sais pas quoi répondre. Je m'imaginais juste qu'en l'appelant, il me rassurerait. Mais je suis encore plus contrarié. Mais je n'ai pas besoin de répondre, car un grand bruit répond à ma place, suivi d'un tremblement violent. Le téléphone tombe sur le sol, et j'ai juste le temps d'entendre " MAIS C'EST QUOI CA ?" avant que mon téléphone se mette à grésiller. Mon cerveau en retard comprend seulement qu'il y a un tremblement de terre. Jamais il y en à eu de si fort. Et si c'était la fin? Si la maison s'écroulait? Je roule sur le sol, suivant les conseils dans les films, et me glisse sous mon lit. Les pieds bougent, se soulevant et retombant sur le sol en tremblant. J'entends tous mes produits dans la salle de bain tomber les uns après les autres avec des bruits d'éclats de verre. Je tends ma main vers mon téléphone et arrive à le saisir. L'écran est gris saccadé de traits noir. Merde. Il est mort. Les larmes commencent à couler sur mes joues. Je ne sais pas depuis combien de temps le tremblement à commencer. Des secondes? Des minutes? Allonger son mon lit, le téléphone contre mon cœur, j'attends que ces secondes interminables se terminent. Si Loïs était blessé? Ou pire? Soudain, ma porte s'ouvre et j'aperçois les chaussures de Marie. Je sors avec difficulté de ma cachette et regarde Marie, s'agrippant à la poignée de ma porte.
- Dieu merci tu vas bien!
Elle n'a pas le temps de parler plus qu'une nouvelle vague de forte secousse fait tomber la femme sur le sol. Je la prend par le pogner et l'aide et venir avec moi sous le lit. C'est elle qui a vérifié si j'allais bien, à ses risques. Pas mon père.
Immobile, on attend le calme en écoutant les objets de l'immense maison se fracasser au sol. Le sol s'immobilise alors. Enfin. Je remarque que ma main est serrée sur le poignet de Marie, cherchant du réconfort. Je la lâche, m'en rendant compte
- C'est fini tu penses ? je chuchote, comme pour laisser la planète endormie.
- Je ne sais pas.
On sort de sous mon lit, sur la pointe des pieds. Ma chambre est retournée. Mes livres sont par terre, pliés. Je n'arrive pas à croire ce qui vient d'arriver. Il y a un mois, il y a déjà eu un tremblement, mais c'est à peine si je l'ai sentit. Aujourd'hui, c'est différent. C'est grave, mortelle. Je parcours rapidement les murs de ma chambre des yeux vérifier s' il n'y a pas de fissures.
- Où est papa?
- Il est allé dans la cave au début du tremblement...
J'ai envie de pleurer. Je ne peux pas m'empêcher de penser que si papa tenait vraiment à moi, il serait venu me chercher, me protéger. Mais il faut croire que la première chose à laquelle il à penser, c'est de se protéger. Marie, elle, elle à fait comme une mère l'aurait fait. Elle me regarde avec un air désolé, comprenant que l'acte de mon père m'affecte.
On descend les marches rejoindre mon père. Il n'est pas encore remonté de la cave, car elle est fermée à clé de l'intérieur. Alors en plus, si on avait voulu aller dans la cave se protéger, on aurait même pas pu.
Marie toque trois fois à la porte.
- Monsieur? Tout va bien?
Pas de réponse. En ce moment même, mon père aurait pu mourir, ça ne me ferait rien. Non mais qu'est ce que je raconte?
- Oui, je suis là.
J'espère secrètement qu'il demande si on va bien, mais il ne fait rien de cela. Il ouvre enfin la porte, époussette son costume, et sans un regard, il se dirige vers son bureau. Marie me fait une caresse dans le dos, pour me dire qu'elle est désolée, et se dépêche d'aller ramasser ce qui est tombé. Les larmes me remontent aux yeux. Je me sens terriblement seule et inutile. Le lasécran s'allume tout seul, et annonce ce qu'il vient de se passer. Comme si je ne l'avais pas remarqué. " Faites attention que vos habitations ne soient pas endommagés, appelez les urgences s'il y a des blessés, faites attention à vous." Voilà les conseils qu'ils donnent. Je remonte dans ma chambre, le cœur battant encore de ce qui est arrivé. Même de mon lit, je peux entendre la voix de mon père hurler qu'il a failli mourir ( pas lui et sa fille, seulement lui) au téléphone. Et moi? Moi je suis quoi pour toi? Je ne suis bonne qu'à faire jolie dans la grande maison? A te faire sentir un peu moins seul?
Je me bouche les oreilles, ne voulant plus rien entendre. Je voudrais seulement que cette fichue planète accélère. Je m'endors au milieu de tous les objets sur le sol, casser, abîmer. Au milieu de mes larmes, de mes angoisses. Je m'imagine dans les bras de maman, me chuchotant à l'oreille que tout va bien. Qu'elle va revenir et que le cours de notre vie va reprendre normalement.
Je me réveille quand le soleil à déjà laissé sa place à son amie la lune. La nuit est totalement silencieuse, cette nuit, même les voitures sont muettes. J'allume la petite lampe sur ma table de nuit, ce qui donne une ambiance presque chaleureuse à la pièce. Je remarque sur ma table basse un plateau avec des sushis, et un petit mot.
Je t'ai laissé ton plat préféré pour quand tu te réveilleras. Tout s'arrangera, je te le promet.
Je reconnais l'écriture maladroite de Marie. J'ouvre la boîte de sushis, car c'est vrai que je meurs de faim. Cette femme est vraiment un cadeau. Je souris presque le la situation, assise au milieu du grand fatra, à une heure du matin, à manger mon plat préféré. Un petit peu de baume sur mon cœur. Mais ça ne dure pas longtemps, car la voix de mon père me ramène immédiatement à la réalité. Je l'entend parler, sans comprendre ce qu'il dit. Il doit être dans le salon, parler avec quelqu'un. Avec Marie? Je n'entends pourtant aucune voix en retour. Il ne parlerais pas tout seul quand même?
Le plus silencieusement possible, j'entrouvre la porte de ma chambre et tend l'oreille.
- ... Quand? Je ne peux plus rester ici.
Silence.
- Naturellement. Très bien.
Silence.
- Combien ?!!
Silence.
- Comment voulez-vous que... Bon, c'est bon pour moi, mais les autres? Comment voulez-vous qu'ils trouvent une somme pareille. Hors de question que j'en passe!
Silence.
- Bien. Merci à vous. L'argent sera prêt dans une semaine.
J'entends mon père qui raccroche, et les pas qui se dirigent vers l'emplacement de son bureau. Le cliquetis montre qu'il s'est enfermé à clé, et le silence retombe. Qu'est-ce que ça voulait dire? Je n'ai plus faim. Je referme la boîte de sushis l'appétit partit et me rallonge dans mon lit. Je ne sais pas ce que fait mon père, mais ça ne m'annonce rien de bon.
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