, 𝘢 𝘑𝘢𝘬𝘦𝘩𝘰𝘰𝘯 𝘴𝘵𝘰𝘳𝘺 - 𝘣𝘭𝘶𝘦𝄞 -ᡣ𐭩˚.⋆
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Jake aimait trop la mer. Il aimait trop la sensation du sel contre ses lèvres, de l'eau contre ses jambes et du vent dans ses cheveux.
Jake aimait trop la mer, Jake aimait trop les choses dangereuses, les choses libres, les choses sauvages.
Jake aimait trop la mer, mais il aimait aussi un peu trop Sunghoon.
Et Sunghoon n'était ni libre ni sauvage. Mais dangereux, ça oui.
Sauf que Jake n'en savait rien. Parce qu'il passait son temps à contempler le ressac depuis ses rochers, à chantonner pour les flots des berceuses qui se perdaient dans le vent.
Il avait les yeux en bleu, le bleu du ciel contre la mer, le bleu de l'horizon éphémère.
Jake aimait trop la mer, trop Sunghoon, mortelles attirances.
C'était un esprit marin, sans attaches, sans amarres, sans ancre.
Juste un fantôme à la marée montante. En bleu de tous les bleus, perdu dans l'azur et l'indigo.
Jake à la mer autant que la mer se noyait dans ses yeux.
Ils s'aimaient trop.
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C'était normal, pour Jake, d'avoir la gorge nouée en permanence, d'avoir le cerveau embrumé, d'avoir des cernes plus sombres que la nuit dont il partageait les cauchemars.
Il vivait comme une âme erre au bord du Styx, voyait le monde de loin, s'attardait sur la digue, se désolait de ne pouvoir y rester pour toujours.
Il avait les yeux d'un vieil esprit, ballotté par la tempête durant des années. Il ressemblait à Ulysse, à la différence que Jake aurait voulu se perdre en mer jusqu'à la fin des temps. Sa Pénélope était une chimère, un rêve, de la poussière de coquillage. Il y avait sa silhouette frêle qui se découpait sur le fond gris du ciel, séparée de la mer par un muret de pierre. Une plage de sable blanc, entourée de rochers où s'empalaient les vagues. Tout un tableau en bleu et noir, toute la vie de Jake en trois coups de pinceaux. La mer le retenait, l'enivrait, s'enfuyait pour mieux le rappeler. Elle avait Jake comme prisonnier. Il ne pouvait s'en détacher. La mer était son passé, son présent, son avenir. Avant Sunghoon.
Sunghoon était arrivé un jour de pluie, un jour de pluie, de ces jours dans lesquels il devient dur de séparer le jour et la nuit. Il était venu, avec des airs de prince, avait pris quelques cœurs, joué avec.
Sunghoon était bien plus qu'un être vivant, qu'un cœur battant. Sunghoon, en quelques centièmes de seconde, s'était emparé du regard de Jake. Alors ce dernier était devenu l'otage de deux forces de la nature.
Il appartenait à la mer, car on ne cesse jamais totalement d'y revenir.
Il appartenait à Sunghoon, car on oublie jamais ses yeux d'abysses.
Écartelé entre deux de ses mondes, à la fois sur terre et sur mer, perdu dans le bleu de tous leurs yeux.
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Jake oubliait doucement ce de quoi il était fait. Dans sa tête, c'était le vide. Et la marée montante. Jake s'oubliait, à travers la houle grondante.
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Il y eut ce jour, cet équilibre. Une unique fois, qu'ils ne pourraient effacer. Ils, comme Sunghoon, la mer, et lui.
Il y eut ce jour de grands vents, où l'eau du large se mélangeait à l'eau du ciel, où les rues devenaient rivières, où Jake se débattait avec la bourrasque.
Il revenait tout juste d'un long voyage dans les terres, de deux semaines immenses, loin de ses deux grands amours.
Il avait couru, à en perdre haleine, ses pieds dérapant sur le trottoir mouillé, jusqu'à atteindre la grande bleue.
Elle était sortie de son sommeil, comme si elle avait su qu'il reviendrait ce jour-là. Elle se déchaînait, à présent. Dressait ses jupes turquoise foncé bien au-dessus des chevilles, rageait, s'égosillait.
Sa mer hurlait, alors Jake se tut.
Il s'enfonça doucement dans le sable, les yeux rivés sur les arabesques aqueuses. Se perdit lentement dans les reflets qui allaient et venaient sous la surface. En arrêta presque de respirer, comme si la géante océanique pouvait en prendre ombrage.
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Il resta là, ses cheveux mordorés trempés, salés, qui lui collaient à la peau.
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Il resta là, et puis Sunghoon arriva.
En blanc, en noir, comme dans un film de l'ancien temps.
Sunghoon arriva, et avec lui le redoublement du tonnerre.
C'était la bataille des deux amants de Jake qui commençait là.
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C'était déjà irréel, et puis Sunghoon lui proposa une danse. Il n'y avait comme musique que la déchéance des pierres, faibles face à la force des eaux. Que les hurlements du vent, d'Est, d'Ouest, du Sud, du Nord, c'était impossible à définir. Il venait de partout, s'agrippant à leurs vêtements, tourbillonnant dans leurs oreilles, s'acharnant sur leurs ombres pour les faire ployer. Il y avait l'agonie des grains de sable emportés, la mélancolie des nuages déportés, le doux supplice de Jake, le langoureux désir qui s'installait au fond de son ventre.
Il se souvenait parfaitement du parfum de Sunghoon. Mélangé aux embruns, mélangé à la poudre des éclairs, de tout pour former un instant. Un instant de pur bonheur. L'instant qui le marquerait à tout jamais.
Il se souvenait du bleu. Du gris. Du noir. Du blanc. Mais aussi du violet. Du vert. Du beige. Il se souvenait des plis sur le long manteau de Sunghoon. Des plis sur l'eau, des rides sur leurs peaux.
Il se souvenait de la chaleur contre lui, et en lui. De la morsure glaciale du vent, qui venait de nulle part et de partout à la fois.
Les battements de leurs cœurs n'étaient pas coordonnés, il n'y avait pas de réel tempo, et de toute façon ils étaient faits de lignes sauvages.
C'était le portait de deux hommes en feu.
Dont l'un se noyait.
Dont l'autre s'éteignait.
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C'était le portait de deux hommes en feu.
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Doucement engloutis par les flots.
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Qui tournaient et tournaient et tournaient en espérant s'envoler. Gelés, leurs os. Crevées, leurs jambes. Mais ils poursuivaient leur performance, et si ce n'avait été une plage ç'aurait été une falaise. D'où ils se seraient jetés à la dernière note. Ces deux êtres de flammes.
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Ils dansèrent longtemps. Jusqu'au bout de la tempête. Jusqu'à ne plus pouvoir respirer. Jusqu'à ne plus pouvoir se lâcher. Jusqu'à en perdre le fil.
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Jake avait à choisir entre la mer et Sunghoon.
Car il ne pourrait jamais contrôler les deux.
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Et si ici, à l'ombre des immeubles, Jake s'était arrêté ?
Et s'il avait posé son cœur, entre les bras de Sunghoon ?
Et si, au contraire, il avait rejoint l'esplanade ?
Le discret ponton de bois qui s'enfonçait dans l'infinie surface cobalt ?
Et s'il n'avait jamais pu faire son choix ?
Trop écarté entre deux mondes, trop déchiré.
Et si Jake avait choisi autre chose ?
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Eh bien non. Il n'y avait rien d'autre. Il n'y avait que Sunghoon ou la mer.
Son paysage de fin des temps. Son rivage, son sans-limites-étang.
Jake devait choisir.
Ou sauter.
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Et ils eurent droit à leur fin heureuse.
Jake et la mer, je veux dire.
Sa liberté était bien trop ailleurs.
Bien trop proche des vagues aux mille couleurs.
Jake se tourna vers son océan. C'était l'océan. Depuis le début. Jusqu'au milieu. Jusqu'à la fin.
Il contempla les étoiles.
C'était un esprit marin, sans navire, sans boussole, sans voiles.
Juste un esprit à la marée montante. En bleu de tous les bleus, perdu dans l'azur et l'indigo.
Jake à la mer autant que la mer se noyait dans ses yeux.
Ils s'aimaient trop.
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Ses yeux miroirs du plus profond des miroirs se posèrent une fois de plus, en plus de toutes les innombrables autres fois, sur la mer. Il s'assit tranquillement sur le rebord de pierre blanche, taillée lisse, en rectangle, qui se prolongeait sur la digue, aussi loin que portait son regard. Dans une autre vie, il serait passé là accompagné d'une paire d'enfants, à lutter contre un vent qui viendrait de l'Ouest, cherchant à regagner une Peugeot familiale garée à côté de toutes ses congénères sur le parking de la plage.
Dans une autre vie.
Une main prit la sienne.
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« Hey. Je me doutais que tu serais là. »
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Une forme pâle se laissa choir sur le muret, à sa droite.
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« Je suis toujours là, moi. »
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Un hochement de tête lui répondit. Ils ne se regardèrent pas, pas autant qu'avant, quand ils se dévoraient, quand ils s'asphyxiaient. C'était une époque révolue.
Jake se blottit contre son deuxième plus grand amour. Amour qui ne serait peut-être jamais né sans le premier.
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Car voilà, les deux allaient ensemble. Ces deux choses qui finiraient par le tuer.
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« Tu viendras avec moi, ce soir ? »
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Et le silence répondait souvent à la place de Jake. Lui qui ne voulait troubler la beauté du doux clapotis de l'eau contre les rochers bruns.
Mais il en avait assez de s'oublier.
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« Oui. »
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Les lèvres de Sunghoon s'échouèrent à la base de son cou, déplaçant l'écharpe rouge qu'il lui avait offert de quelques centimètres.
Ils étaient habitués aux vents, aux vents malins, aux vents marins, de tous les coins de la planète, qui s'assemblaient ici, qui formaient des tourbillons et des ouragans, pendant qu'il étaient simplement main dans la main.
Jake avait lancé un bon millier de bouteilles à la mer.
Sunghoon les avait toutes récupérées. Il avait ramassé Jake un soir d'orage, coupé de partout comme emmêlé avec un miroir brisé.
Il en avait pris soin, de ce petit bout de monde, rien qu'à lui, tant qu'il n'y avait plus la mer.
Puis s'était résigné à n'en avoir qu'une moitié.
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« Dis Jake, tu m'aimeras, ce soir ? »
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Ils connaissaient la pluie. Connaissaient le goût des larmes. Savaient différencier les deux. Ce jour-là c'était la pluie qui formait des ruisseaux sur leurs visages de grands enfants.
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« Je t'aimerai. »
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Mais c'était difficile de croire Jake, quand il ne faisait que contempler son morceau d'océan. Alors Sunghoon lui prit le menton et colla leurs front, le forçant à détacher son attention des flots beuglants.
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« Pour combien de temps ? »
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C'était immédiat, quand il n'y avait plus que Sunghoon, le roulis en bas s'apaisait, et il ne lui restait plus qu'un unique amour, selon les règles des hommes. Il n'avait pas le droit d'aimer la mer quand il se perdait dans le brasier des yeux de son prince.
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Il ne restait que la distance entre leurs visages pour occuper ses pensées.
Distance qu'ils comblaient.
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Après cela c'était une forme d'anarchie aux contours flous. Rien qu'un baiser, au goût de sel, sur fond de ciel, qui ne changeait jamais.
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Du gris sur lequel s'épousaient leurs ombres.
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« Pour l'éternité. »
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