𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 9

Deux heures. Il avait fallu deux heures au prince pour faire le tour entier du palais. Mais aucune trace de la comtesse, et aucune trace d'Eren. Alors qu'il aurait dû être désespéré, il n'était que plus énervé. Où pouvaient-ils se cacher ? Pourquoi Mademoiselle Ral était rentrée dans ses appartements alors qu'il était absent ? Et comment Eren avait-il pu disparaitre sans laisser de traces ? C'est en se posant toutes ces questions que le prince commença à fouiller les jardins, et qu'il aperçut enfin ce qu'il cherchait depuis plusieurs heures : la comtesse.

Celle-ci était assise sur un banc en compagnie de ses dames, une tasse de thé à la main. Elle avait une discussion animée avec ces dernières, et son visage reflétait la joie et la bonne humeur.

Le prince se situait à une petite centaine de mètres d'elle. Il avait les poings serrés de part la colère, et ensanglantés de part son altercation avec le duc Erwin Smith deux heures plus tôt.

Avant d'aller à la rencontre de Pétra, le prince inspira et expira longuement, ces gestes ayant pour but de le calmer. Après tout il n'était pas certain que la demoiselle était à l'origine de la disparition de son domestique, et ce, malgré les dires de Mike, qui comme le savait le prince, n'étaient pas parole d'évangile.

Il essuya également le sang présent sur ses mains afin de ne pas l'effrayer.

Une fois son rythme cardiaque stabilisé, il s'avança à sa rencontre.

Celle-ci, lorsqu'elle le vit, se leva et posa sa tasse sur sa soucoupe.

Elle arborait un large sourire.

— Oh, bonjour mon prince, dit-elle avec une légère révérence.

Il ne prit pas la peine de la saluer et demanda simplement :

— Pourriez-vous demander à vos dames de disposer, s'il vous plaît ? J'ai à vous parler, déclara-t-il d'un ton froid.

Non sans enlever ce sourire de son visage, elle fit un petit signe de tête à ses compagnes, et celles-ci disposèrent.

— Que se passe-t-il, mon prince ? Demanda-t-elle avec un regard qui se voulait innocent. Êtes-vous venu me voir pour vous excuser de votre absence de ce midi ?

Le prince arbora une mine surprise. Son rythme cardiaque commençait à nouveau à s'accélérer.

— Je vous demande pardon ?

— Eh bien, nous étions censé déjeuner ensemble ce midi. Or, ce ne fut pas le cas, et vous ne m'en avez informée. Je suppose donc que vous êtes venu vous excuser.

Du dédain avait maintenant pris place sur le visage de Levi. Lui, un prince, devrait s'excuser pour avoir manqué un déjeuner avec une simple comtesse ? Il avait largement préféré passer son temps avec son domestique.

Mais malgré le fait que le comportement de son interlocutrice l'irritait au plus haut point, il tenta de se contenir, de part son sexe.

— Non, ce n'est pas pour cela que je suis venu vous voir, répondit-il d'un ton glacial. Avoir raté un déjeuner en votre compagnie est bien le cadet de mes soucis. Pour l'heure, ce qui me tracasse c'est de savoir où se trouve mon domestique.

La jeune noble arrêta soudainement de sourire.

— Je suis navrée, mais je ne vois pas de quoi vous parlez, vous m'excuserez mais je dois disposer.

Elle tenta de rentrer à l'intérieur du palais mais Levi l'en empêcha en l'obligeant à se rasseoir sur le banc.

— Vous êtes certaine de ne pas savoir où se trouve mon domestique ? Parce que plusieurs personnes m'ont signalé vous avoir vue rôder près de mes appartements. Et même d'autres m'ont affirmé vous avoir vu y rentrer.

Le visage du prince était fort proche de celui de la noble, sa main droite était appuyée contre le dossier du banc, et sa main gauche tenait le bras de la jeune femme.

— Alors ils mentent, dit-elle simplement.

— Vraiment ? Alors pourquoi pleurez-vous ?

En effet, elle pleurait bel et bien. Ses yeux étaient rouges et remplis de larmes, ce qui conforta le prince dans son opinion. Mike disait vrai, elle était bien à l'origine de la disparition d'Eren. Ou tout du moins c'est elle qui l'avait vu en dernière.

— C-Ce n'est pas juste, déclara-t-elle en pleurs. J-Je suis d'un rang noble, et lui n'est qu'un paysan. Et pourtant vous avez quand même choisi de déjeuner en sa compagnie plutôt qu'avec la mienne !

Et elle pleura de plus belle, cachant son visage entre ses mains, montrant ainsi à Levi à quel point elle avait honte de ce qu'elle avait fait. Mais il n'était point dupe, il savait que si Pétra accordait tant d'importances à ce qu'il la voit si déplorée c'était parce qu'elle espérait l'attendrir. Elle devait probablement craindre une sanction de sa part. Car après tout, il restait le prince, et même s'il était bien trop inquiet pour Eren pour lui donner une quelconque punition, elle, l'ignorait.

— Qu'avez-vous fait ? Demanda-t-il d'une voix calme mais d'où on ressentait toute la colère.

— R-rien, je l'ai juste remis à sa place... mais je vous jure, votre altesse, que j'ignore où il est actuellement. Il est juste... parti en courant et a claqué la porte derrière lui.

Les yeux du prince se tintèrent d'une étincelle que la jeune femme n'avait alors jamais vu, une étincelle qui lui fit froid dans le dos. C'était de la rage. Une rage immense et bouillonnante. Elle avait osé faire du mal à Eren, à son Eren. Peut-être pas physiquement mais psychologiquement, et c'était déjà beaucoup.

Il la prit par le haut de sa robe et la tira dans sa direction, rapprochant encore plus leur visage qu'ils ne l'étaient déjà.

— Est-ce qu'il pleurait ?

C'était une question qui était primordiale pour le prince. Si son domestique s'était enfui de ses appartements, c'était parce qu'il devait être très mal. Mais si en plus il pleurait, alors c'est qu'il devait être dévasté.

Elle répondit aussi vite que son état le permettait.

— O-Oui.

Furieux, il se saisit de la tasse qui était précédemment en possession de la jeune noble, et la brisa d'un coup violent à côté d'elle.

— Écoute bien ce que je vais te dire. La seule raison pour laquelle je ne te casse pas la gueule comme à cet enfoiré d'Erwin c'est parce que t'es une femme, et que je refuse de frapper une femme. Mais je t'assure que si c'est des couilles que tu avais eu entre les jambes, actuellement tu serais déjà défigurée.

Le prince la lâcha, et elle tomba violemment sur le banc.

Des larmes continuaient de couler sur ses joues.

— Ah et aussi, continua-t-il, je pense que tu l'avais deviné, mais dans le doute je vais tout de même te le dire. À l'avenir évite de croiser mon chemin. Si cela ne tenait qu'à moi, je te renverrai sur le champ toi et ta famille en Angleterre. Or, ce n'est pas moi qui décide de ce genre de choses, ou tout du moins pour l'instant. Alors tout ce que je peux te dire, c'est de ne jamais me recroiser parce que la prochaine fois que je te verrais, je ne serais pas aussi conciliant. Et si tu touches une seule fois à Eren, je te tue.

Il laissa la jeune femme seule sur son banc, en pleurs, et absolument tétanisée par la peur qu'il lui avait inspiré. Le prince, quant à lui, repartit à la recherche de son domestique.

Ces deux dernières heures il avait fouillé partout, dans toutes les salles du palais, dans toutes les chambres, domestiques compris, et était même allé jusque dans le bureau du roi voir si Eren n'y était pas, bien que ce fut un emplacement improbable. Il n'avait écarté aucune piste.

Et c'est alors qu'il était désespéré, qu'il se souvint d'une chose. D'un endroit où il n'était pas allé voir. Son endroit. La petite pièce où il avait emmené son domestique quelque temps auparavant après qu'il se soit fait violenter par Erwin. Oui, cette pièce. Ce ne pouvait être que cette pièce. Jamais Eren n'aurait quitté le palais, ça, Levi en était sûr. Ce qui voulait dire qu'il ne pouvait se trouver dans les jardins, et encore moins à l'extérieur de la propriété.

C'est quand il comprit cela que le prince se précipita vers cette pièce. Il pénétra dans l'aile des domestiques, l'endroit se situant près de leurs chambres, et arriva devant la porte.

Il hésita tout d'abord à y rentrer. Et si Eren n'était pas là ? Et s'il s'était trompé sur tout la ligne ? La rage qu'il avait alors ressentie tout au long de ces dernières heures laissa place au doute, et à la peur. Oui, il avait peur. Peur de ne pas y voir celui qu'il cherchait dans cette pièce, mais également peur que s'il s'y trouva, qu'il soit dans un état lamentable. La comtesse Ral l'avait dit elle-même, il pleurait. Et qu'il le veuille ou non, le prince se sentait responsable de cette situation. En le laissant dans ses appartements, il avait pensé le protéger, et pourtant ce ne fut pas le cas puisque si ça l'avait été, il n'aurait pas à le chercher partout comme il le faisait actuellement.

Mais malgré tous ces doutes, et ces appréhensions, il ouvrit la porte. Parce qu'au delà de tous ces sentiments négatifs, se trouvait un sentiment plus humble, plus pur. C'était de l'amour. Mais ça, le prince n'en avait pas encore pris conscience. En fait, il en prit conscience seulement lorsqu'il vit Eren couvert de larmes, et recroquevillé sur lui-même.

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