𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 10

— Eren ? Demanda le prince d'une voix presque inaudible.

Le garçon était assis par terre, ses bras reposaient sur le lit, et il avait niché sa tête à l'intérieur.

En entendant la voix du prince, celui-ci releva la tête. Ses yeux étaient rouges, gonflés, et il semblait anéanti.

Voir son domestique ainsi brisa le cœur du prince. Il était si mal, et tout ça était de sa faute.

Il s'approcha lentement du garçon, et s'agenouilla à ses côtés. Il voulut le prendre dans ses bras afin de le réconforter, mais pour son plus grand désespoir son domestique recula, et ses larmes continuèrent de couler.

— Eren, commença-t-il. Je suis désolé pour ce qu'il s'est passé avec la comtesse Ral. Je lui ai rendu visite avant de te trouver et j'ai mis les choses au clair. Plus jamais elle ne te fera de mal. Le duc Smith non plus d'ailleurs, déclara-t-il d'une voix faible.

Le prince espérait que ces mots le réconforteraient, mais cela ne sembla pas avoir la moindre incidence sur le plus jeune. Il continuait de pleurer et ne lui prêtait pas vraiment attention. Ou tout du moins il ne lui accordait pas son regard.

Mais si le laideron refusait de le regarder ce n'était pas parce qu'il ne le voulait pas, mais parce qu'il se sentait incapable de soutenir le regard du noiraud. Il avait mal, était blessé, et surtout il doutait. Tout comme Levi quelques instants plus tôt, Eren doutait. Il savait que ce qu'avait dit la comtesse plus tôt dans l'après-midi n'avait eu pour but que de le blesser, et de le faire douter sur les intentions et les réels sentiments que le prince avait envers lui, mais elle y était arrivé, il doutait et maintenant il se sentait incapable de porter son regard au sien. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était écouter ce qu'il avait à lui dire.

— Je suis désolé de tout ce que tu as dû subir à cause de moi. Tout d'abord je t'ai acheté en tant qu'esclave, puis je t'ai trainé dans ce palais et je t'ai forcé à me servir. À cause de moi des gens t'ont humilié, frappé. Ils se sont moqué de toi. On te maltraitait, te nourrissait à peine, et malgré mes efforts pour te rendre la vie un peu moins dure je n'ai pas réussi à arranger les choses.

Il se mit à sangloter, chose qui n'était pratiquement jamais arrivé au cours de ses dix-neuf années passées sur Terre.

— Je sais que tu ne me tiens pas rigueur de toutes ces choses, mais moi je m'en veux, Eren. Parce que à cause de moi tu as vécu des choses horribles. Tu es traité comme un monstre alors que tu es quelqu'un d'exceptionnel.

Ces mots touchèrent profondément le laideron qui les écouta avec attention. Le prince pensait donc qu'il était quelqu'un d'exceptionnel ? Il s'en voulait parce qu'il pensait que ce que les gens lui faisaient subir était sa faute ? Et en plus, il pleurait ? Après cette déclaration Eren ne pouvait plus douter de lui. Il tenait à lui, c'était évident. C'est alors avec confiance qu'il lui accorda son regard. Le prince avait la tête baissée, et était toujours agenouillé au sol.

Cette fois-ci ce serait à lui de réconforter Levi. Il sécha ses propres larmes, porta sa main droite au menton du prince et le releva. Puis, toujours avec la même main, essuya les quelques larmes qui ruisselaient le long de ses joues.

— *Vous vous trompez, mon prince. Vous n'avez pas gâché ma vie comme vous le prétendez, bien au contraire. C'est vrai que je n'étais pas bien traité, que j'ai été plusieurs fois violenté, et insulté, mais en aucun cas ce n'est de votre faute. Vous n'êtes pas responsable des actions d'autrui. Si ces gens m'ont fait subir tout ça, c'est parce qu'ils le voulaient bien. Et malgré tout ces supplices j'avais une consolation, vous. Lorsque je passais une mauvaise journée je n'avais qu'à penser à vous pour que celle-ci soit un peu plus supportable. Si j'avais des problèmes, comme avec le duc Smith, je savais que je pouvais compter sur votre aide. Alors non, je ne dirais pas que vous avez gâché ma vie, mais plutôt que vous l'avez sublimée. Que vous l'avez rendue un plus vivable, un peu plus supportable. Vous ne savez pas à quel point j'ai souffert, et malgré tous les inconvénients de cette vie au palais, ça a sans aucun doute était la période la plus heureuse que j'ai vécu.*

Ils pleuraient cette fois-ci tous les deux. Eren parce qu'il se rendait compte d'à quel point il tenait au prince. Et le prince parce qu'il était heureux de savoir que le garçon ne lui en voulait pas, et ne le considérait pas comme étant à l'origine de ses malheurs.

De plus, savoir que les moments passés en sa compagnie étaient ceux les plus beaux de sa vie lui réchauffait le cœur. Il était maintenant sûr de ce qu'il éprouvait. Il avait maintenant la certitude qu'il était amoureux, amoureux de lui. En fait, il en avait pris conscience seulement quelques minutes auparavant, lorsqu'il était entré dans la pièce et qu'il l'avait vu pleurer à même le sol. Cette vision lui avait serré le cœur, et il avait soudain était envahi par une grande vague de tristesse.

Mais il s'était posé la question bien avant le moment de franchir cette porte. La première fois qu'il se l'était posée fut lorsqu'il avait retrouvé le garçon inconscient dans la salle de réception, le jour où Erwin l'avait frappé. Il avait eu tellement peur lorsqu'il était passé dans le couloir et qu'il l'avait vu au sol, inerte. Oui, ce jour fut la première fois où il se demanda quels étaient ses sentiments pour ce garçon.

Puis la deuxième fois fut le moment où il avait pour la première fois partagé son repas avec lui. Il s'était senti très mal lorsqu'il avait entendu son ventre gargouiller, et que celui-ci lui avait dit qu'il ne mangeait pas à sa faim. C'est d'ailleurs ce jour-là qu'Eren s'était endormi dans son lit et que le prince avait hésité à l'embrasser.

Puis enfin était venu le moment où il avait pris conscience de ses sentiments, le moment qui était en train de se dérouler actuellement.

En ce qui concernait le laideron, il avait commencé à ressentir des choses pour le prince au moment même où celui-ci lui témoigna du respect. À l'instant même où Levi lui avait demandé son prénom et avait voulu le connaître, une petite flamme avait prit forme dans son cœur. Et chaque petite attention que lui portait le prince, chaque moment passé ensemble servait de carburant et alimentait cette flamme qui grandissait de jour en jour.

Mais tout comme pour Levi, ce ne fut qu'à l'instant qu'il prit conscience de ce qu'il ressentait. Quand le prince lui fit cette déclaration en pleurant, c'est à ce moment-là qu'il comprit que jamais il n'aimerait quelqu'un comme il l'aimait lui.

Le prince laissa échapper un petit sourire, et prit son domestique dans ses bras, qui cette fois-ci se laissa faire.

Il nicha sa tête dans le cou du plus jeune et laissa échapper un petit :

— Je t'aime.

Puis, sans laisser le temps au garçon de réagir, il se défit de l'étreinte, fit glisser sa main droite dans ses cheveux, la plaça derrière son crâne, puis vint placer sa main gauche sur sa joue, la caressa brièvement, et l'embrassa sur les lèvres.

Eren se laissa faire sans broncher. C'était la première fois qu'on l'embrassait, et sentir les lèvres chaudes du prince sur les siennes le convainquit que c'était quelque chose de très agréable.

Une fois le baiser terminé, le prince retira ses lèvres de celles de son amant, et alors qu'il attendait une quelconque réaction de sa part, c'est tout autre chose qu'il obtint.

Il fut aveuglé par une immense lumière rouge. Celle-ci brillait de mille feux, et entourait le laideron le rendant totalement invisible aux yeux de quiconque se trouvait dans la pièce à ce moment-là.

Cette lumière ne mit que quelques secondes à disparaitre, et lorsqu'elle fut enfin parti, quelle ne fut pas la surprise du prince quand il vit le châtain.

Il ne possédait plus aucune imperfection. Ses oreilles, son menton, ses pieds, ses mains... tout était redevenu comme avant, comme avant que le sorcier ne lui jette ce sortilège.

Le prince resta béat face à cette transformation des plus radicale, et posa la question qu'il avait au bord des lèvres.

— Eren, c'est toi ? Demanda-t-il avec hésitation.

Le garçon porta un regard à son corps, puis porta ses mains à son visage. Ce qu'il sentit le combla de joie, était-il enfin délivré de cet affreux sort ?

— Oui, Levi, c'est bien moi.

Et le fait d'entendre sa propre voix répondit à sa question. Oui, il était enfin délivré de cette malédiction, il était enfin libre.

— T-Tu peux parler ? Tu peux parler ! Répéta le prince, ces mots étant en fait plus destiné à lui-même qu'à Eren.

— Oui, je peux parler. Je peux te parler, et je suis enfin libre. Il y a de cela quatre-vingt-six ans, un sorcier m'a jeté un sort me privant ainsi de ma voix et de ma beauté. J'ai tout perdu à cause de lui, ma réputation, ma famille, ma liberté. Mais tu viens de me délivrer, Levi. En m'embrassant, et en m'aimant comme tu l'as fait tu as brisé la malédiction, tu m'as rendu ma liberté !

Le prince s'était à présent levé, et c'était en digérant les derniers évènements qu'il accueillit Eren dans ses bras.

Voir le garçon ainsi, totalement transformé, totalement différent de comment il l'avait connu quelques semaines plus tôt, était très perturbant pour le prince mais il n'en fut pas pour autant malheureux. En fait, il était ravi. Ravi d'apprendre qu'il lui avait été utile et que contrairement à ce qu'il pensait cinq minutes auparavant, n'avait pas apporté que du malheur au garçon, mais l'avait aussi délivré d'une malédiction qu'il portait depuis presque quatre-vingt-dix ans.

Et l'entendre parler, entendre sa voix, fut un comble pour Levi. C'était la plus belle chose qu'il avait entendu de toute sa vie.

— Plus personne ne te fera de mal à présent, lui promit-il tout en l'enlaçant. Je prendrai soin de toi, je t'en fais la promesse, et je te promets qu'un jour tu gouverneras le royaume à mes côtés car je ne veux personne d'autre que toi.

Eren ferma les yeux de bien être, ces mots résonnant dans sa tête. Il n'en demandait pas tant. Être aux côtés du prince, certes, cela avait quelque chose de tentant. Mais gouverner à ses côté le royaume d'Allemagne alors qu'il descendait d'une famille de paysans, cela lui semblait peu probable. Et pourtant l'ancien laideron savait au plus profond de lui-même que le prince respecterait sa promesse.

C'est en réunissant tout son courage qu'Eren glissa sa main dans la nuque du prince et qu'il chuchota les mots qu'il avait tant de fois voulu lui dire.

— Moi aussi je vous aime.

1857 mots

Rendez-vous la semaine prochaine pour l'épilogue ♥

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